Cette année-là, les fêtes de fin d'année ont un goût bien différent pour la plupart des résistants. Peut-être est-ce à cause de toutes les pertes essuyées par l'Ordre. Peut-être est-ce à cause de l'existence de Gracefield, ou à cause de l'hostilité d'Harry à leur égard depuis sa capture. Peut-être est-ce parce que l'Ordre a déçu plus d'un sorcier cette année. Toujours est-il qu'il flotte dans l'air un mélange d'amertume non dissimulée et d'engouement pour les fêtes anormalement exacerbé. Les uns accordent une importance folle à ce que chacun revête un pull de Noël tricoté par Molly ou volé dans un magasin moldu, tandis que les autres jugent ces fêtes complètement futiles au vu du contexte.

De son côté, Neville est comme à son habitude, quelque part au milieu de ces deux ressentis polarisés. Il comprend l'importance de ce genre de moments pour le moral. Il sait qu'ils sont hautement nécessaires pour la cohésion d'équipe, en particulier maintenant que Sofia a repris les rennes de la résistance et qu'elle met l'accent sur une gestion collective de leur radeau de fortune. Il n'empêche, tout ce team building n'a aucun intérêt si le cercle 6, ou la task force maintenant (encore du marketing), ne parvient pas à mettre la main sur un nouvel horcruxe. Neville a donc un besoin quasi viscéral de se rendre utile, de faire avancer leur quête et de mettre la main sur un nouvel artéfact qui sera, il l'espère, un pas de plus en direction de leur victoire.

Il a malgré tout revêtu son pull de Noël, celui que lui avait confectionné Molly cinq ans plus tôt. Et il affiche un sourire dès qu'il croise un autre résistant, pour protéger cette bonne ambiance qui ne tient qu'à un fil, cet instant de répit au milieu d'une très longue et très violente tempête.

Il pénètre dans le petit salon, celui où on a érigé un sapin de Noël décoré par Luna, Ginny et lui une semaine plus tôt. La salle est vide hormis le fauteuil près de la cheminée. Il y reconnait immédiatement la silhouette de son vieil ami Aberforth, et un sourire étire immédiatement ses lèvre. “ Good evening, old man. ” Aberforth est un sorcier que Neville apprécie énormément. Malgré ses contours rugueux, malgré ses remarques parfois acerbes, il est le genre d'hommes sur qui on peut toujours compter. Le genre d'homme qui leur a probablement sauvé la vie, à lui et à tous les membres de l'AD. Il le voit comme un oncle un peu râleur, un peu trop obsédé par ses chèvres, parfois même comme un modèle, mais pas sûr que le vieux Dumbledore apprécie ce genre de commentaire. “ Do you plan on spending Christmas Eve here by yourself? ” Il arrive à sa hauteur et pause une main sur le dossier du fauteuil, un sourire amusé plaqué aux lèvres.

Il ne se gêne pas pour être familier avec son aîné, dont l'âge, l'expérience et la famille l'ont longtemps impressionné. Mais il a rapidement réalisé qu'Aberforth était bien loin de son frère, moins énigmatique et sans doute plus accessible, à sa manière. Il faut croire aussi que quelques mois passés ensemble à faire tourner en bourrique une poignée de mangemorts, ça crée des liens. “ I'm glad you came. Christmas is not the same without the weird grandpa who lives with an army of goats. ”