I still see your shadows

JANVIER 2008, Londres Moldu

Le ”Hey, I’m home!” suivi du bruit de clés qu’on jette négligement sur le meuble de l’entrée, lui font baisser le son de son podcast. Gahee lève le nez de ses articles éparpillés sur la table, sans pour autant manifester sa présence. Elle jette un bref coup d’œil à la pendule de la cuisine. Etonnant. Elle n’a pas souvenir que son frère ait parlé de passer. Peng ne tarde évidemment pas à manifester sa présence et Gaon à s’en prendre verbalement au pauvre oiseau, réveillant par la même occasion Ara qui sommeillait dans son coin. La petite chauve-souris cligne des yeux, ouvre grand sa gueule dans un bâillement et déplie finalement ses ailes pour aller rejoindre son compagnon ailé dans la pièce adjacente. Que le cirque commence. Il ne faut pas bien longtemps pour que les deux animaux reviennent voler au-dessus de sa tête. Peng vient même s’y poser quelques secondes pour la saluer avant de retourner piailler avec Ara. ”Gahee? You’re home?” Toujours pas de réponse de sa part. S’il était un peu plus observateur, il n’aurait pas eu poser la question. C’est évident qu’elle est là, non ? Le regard qu’elle lui jette quand il entre dans la cuisine suffit à lui faire comprendre qu’il n’est pas bien malin. Oui, elle est là. Elle habite ici, elle.

Sa main vient effleurer la surface de sa cristal, mettant fin à son émission, alors que Gaon fait son entrée. De toute évidence, il l’empêchera d’écouter le débat alors autant y mettre un terme tout de suite. C’est un de ses trucs, un de leurs trucs, à croire que si elle n’est pas la plus bavarde de la bande, elle est donc obligée de les écouter. Sa jambe, jusqu’à présent repliée devant elle et appuyée contre le bord de la table, se déplie. Gahee recule sa chaise, s’étire de tout son long comme un chat pourrait le faire avant de s’y renfoncer plus ou moins confortablement en tirant sur elle le plaid dont elle s’était entourée. Ça fait un moment qu’elle est là. Plus d’une heure, au moins. Elle a perdu le fil du temps, elle sait juste l’assise lui est devenue inconfortable et qu’elle a des fourmis dans la jambe.

Interrogée sur l’absence des autres Jung, elle commence par hausser les épaules. Comment est-elle supposée le savoir ? (elle sait). Elle ne tient pas de registre des allers et venus de chacun. (mais elle sait quand même où ils sont, en général). Une première hypothèse tombe. La seule, d’ailleurs. Elle ne cache pas son sourire, réaction qui pourrait expliquer pourquoi son frère n’en aligne pas d’autres. Evidemment, de toutes les raisons possibles et imaginables pouvant justifier l’absence des membres de leur famille, c’est celle-ci qu’il choisit. ”I knew you’d snap one day” ”Of course, you knew. ” Face à elle, Gaon s’installe avec son habituelle nonchalance, visiblement ennuyé de n’avoir rien trouvé pour le satisfaire dans le frigo. Dommage pour lui, s’il avait fouillé un peu mieux, il aurait vu les pâtisseries dans la boîte qu’elle avait ramené avec elle du restaurant. Celles pour lesquelles ils ont l’habitude de se battre tous les deux.  ”Why you’re here reading all by yourself, nerd?” La fumée qu’il lui envoie vient s’engouffrer dans ses narines. Asshole. Il sait qu’elle n’aime pas ça. “Doing some research on how to get away with murders.” Peut-être qu’elle ne devrait pas. Mais il est le premier à avoir poussé cette porte, et comme souvent, presque malgré elle, elle marche dans ses pas. “What are you doing here? Thought you had better things to do.” Ses mots à lui. C'est ce qu'il répond souvent, quand on lui demande s'il compte un jour venir déjeuner ou juste passer. Distraitement, elle attrape son crayon et entoure un point sur la carte plus ou moins dissimulée sous ses coupures de presse. L’article qu’elle vient de lire au sujet de revenant le mentionne. Encore un endroit à visiter. Ce serait le quatrième. Si le temps le permettait, que l’envie y était aussi, elle irait faire un tour dans la semaine. “Hm. – elle écoute distraitement, des liens se tissent dans son esprit. Elle se trompe sûrement, mais toujours est-il qu’elle trouve des parallèles au fil de ses lectures.  – I knew you missed me.” Voilà à quoi elle résume ce qu’il a pu lui dire. Nouveau coup de crayon sur un de ces carnets qu’elle traîne avec elle. Hmpf. Cette fois, c'est de la frustration. Il n’y plus aucun lien apparent avec le précédent nom qu’elle avait griffonné quand elle avait commencé à s’intéresser à ces histoires. Juste des sorciers qui reviennent de leur côté du voile.

“Fine. Halmeoni said she should be back by 6 -” C’est sûrement elle, qu’il vient voir. Des histoires avec leur commerce parallèle, probablement. Elle sait en tout cas que ça ne concerne pas les comptes, elle aurait été au courant. “which gives you a good two hours to do the dishes.” On lui a demandé à elle de le faire, mais elle aura eu la flemme de se salir les mains ou même de jeter un simple sort de nettoyage. Et puis d’eux deux, il est celui qui est le moins occupé.