Janvier 2008

Zoya n’est pas déçue que les fêtes soient enfin terminées, c’est la période de l’année la plus chargée. La plus amusante et gratifiante, mais aussi la plus éreintante. Maintenant que les folies hivernales sont passées, elle peut enfin souffler. On lui permet de le faire avant d’attaquer celles du printemps et des nouvelles collections. Un peu de répit avant de tout recommencer.

Aujourd’hui, avec Izar, ils sont allés patiner. Une activité qui n’a rien à voir avec leurs responsabilités ou les histoires familiales. Pour une rare fois, ils sont juste deux amis qui font une sortie pour le plaisir. Ils sont détendus et ne pensent à rien d’autre qu’à rester sur leurs patins. Zoya passe un beau moment. Probablement le meilleur depuis un long moment. La trahison de son Ombre est dure à avaler, mais la brunette se rend compte qu’elle a besoin de son ami dans sa vie, qu’elle ne peut pas le repousser. Il mérite une autre chance et elle souhaite qu’ils rebâtissent leur confiance l’un envers l’autre doucement. Sainement. Elle sourit pour elle-même en l’observant au loin. Il glisse sur la surface glacée avec aisance. Il a l’air triste et elle se doute que ça n’a rien à voir avec les événements passés. Il y a quelques mois à peine, elle l’aurait questionné sans attendre, mais leur situation a changé. Elle se garde une petite gêne et espère qu’il viendra se confier de lui-même. Lorsqu’il tourne la tête vers, son œil perçant la transperce. Elle lui envoie la main. "On y va?"

Elle a insisté pour marcher, pas pressée de rentrer. L’air est doux et il y a même quelques flocons qui tombent du ciel. En passant devant le marché, Zoya s’arrête. "Oh! J’y pense. Puka n’a plus de nourriture!" Izar soupir. "Ça peut pas attendre à demain?" "Tu veux que ce pauvre Puka meurt de faim? Elle fait mine d’être outrée, puis pose une main sur l’épaule de son Ombre." "Rentre. Je ne serai pas longue! On se fera un épisode d’Elementary avec une bonne tasse de thé!" Il hausse les épaules, beaucoup moins emballé qu’elle peut l’être. Elle serre les lèvres. Elle aimerait tant que les choses redeviennent comme avant. Qu’il ne la suive pas juste par obligation, mais par envie aussi. Elle soupire à son tour en entrant dans la boutique.

Elle ôte ses gants et s’empare d’un petit panier. Elle déambule dans les allées. En passant devant la boulangerie, elle prend un paquet de beignets. Dans l’allée des confiseries, elle ajoute des réglisses. Elle en prend une et mord dedans. Elle traine un peu, passant dans les sections pour s’assurer qu’il ne lui manque pas autre chose. Elle trouve ce pourquoi elle est venue et fait léviter le lourd paquet derrière elle. Zoya continue ses courses, chose qu’elle ne fait pas si souvent et qui l’a fait sentir normale. C’est son mot d’ordre dernièrement. Essayer de ne pas être juste une riche héritière, une image, une influenceuse, mais aussi une étudiante, être plus indépendante. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Son premier et seul essaie de montrer qu’elle pouvait prendre ses décisions s’est soldé par un retentissant échec et des disputes avec tous les membres de son entourage. Elle se fait plutôt discrète depuis. Elle tourne dans la dernière rangée lorsque le Destin lui fait une belle blague. Elle s’arrête de marcher et de mâcher. Il est là. De dos, mais elle le reconnait. Il a tant hanté ses rêves et ses désirs qu’elle peut reconnaitre son corps dès qu’elle le voit. Ça a été le cas la première fois, ça l’est tout autant maintenant. Mais lui, il l’a oublié. Lui, il ne la pas reconnu. Ne voulant pas être à nouveau humiliée, Zoya tourne les talons d’un mouvement gracieux. Sans faire de bruit. Tout se serait bien passé, mais son panier a décidé d’accrocher un étalage et de répandre son contenu sur le sol.

Passé Noël, l'hiver devient juste une période de froid intense et de crottin qui se transforme en boue avec la neige. Pas sa saison préférée, donc, mais Connie doit admettre que les batailles de boules de neige sont légendaires près des écuries, et qu'il est particulièrement doué pour faire des bonhommes de neige à l'effigie des Travellers (non). Mais en dehors de ça, il fait surtout froid, et pour un type qui passe sa vie en chemises à fleurs, c'est un problème. Un problème aussi lorsqu'on l'envoie faire des courses alors qu'il fait déjà nuit et que l'aïeul aurait pu se débrouiller tout seul. Mais bon, Connie est une bonne pâte, il a à peine râlé, et il est parti avec une liste de courses et un sac sous le bras.

Comme prévu, il fait trop froid dehors pour ne pas enfiler sweatshirt et veste mais le temps est surprenamment doux pour cette période de l'année. Il grommèle jusqu'à arriver au niveau de l'épicerie, où un gros chien de berger attend patiemment son maître. Il passe alors cinq bonnes minutes à le caresser (jusqu'à ce que ledit maître lui jette un regard de travers), après quoi il entre enfin dans le magasin. Connor n'est pas quelqu'un d'organisé. C'est même une catastrophe. Au point où faire les courses avec lui se transforme généralement en grande aventure et qu'il y passe une heure là où il aurait pu en passer 10 minutes. Cette fois-là ne fait pas exception puisqu'il se perd plusieurs fois dans les rayons (d'une épicerie qui n'est pourtant pas si grande), et s'arrête plusieurs fois dès que son attention est captée par un objet ou un snack qui lui plaît.

Il finit cependant par trouver du cirage à chaussure et de la farine, qu'il met dans son sac de courses, posé à ses pieds. “ Plus que quatre éléments pour valider votre quête, noble paladin. ” Son regard glisse le long de la liste et tombe sur quelques médicaments aux noms imprononçables. Soupirant, Connor se dirige vers la pharmacie, son sac glissant nonchalamment derrière lui. Il se trouve que le médicament demandé par le boss est un puissant laxatif. Connor lâche un rire. “ Son of a banshee. ” Son attention est cependant captée par un bruit un peu plus loin dans le rayon. Une jeune fille vient de renverser son panier et tente de ramasser ses produits. “ Oye, laisse-moi t'aider avec ça ! ” Tout sourire, il arrive à la hauteur de la sorcière et commence à ramasser un sachet de réglisses. Et puis ses yeux croisent ceux de la brune et il s'arrête net. “ Zoya ? ” Le rouge lui monde immédiatement aux oreilles. “ Je- euh... ” Il se relève, veut frotter ses mains à son jean, de nerf, mais se rend compte qu'il tient toujours la boîte de médicaments à la main, dont le contenu est expressément décrit en lettres rouges. “ Oh, euh... C'est pour les chevaux. Le foin, en hiver... ” Il ne poursuit pas et préfère reposer la boîte sur l'étagère, conscient qu'il aurait mieux fallu dire la vérité, dire que c'était pour Aodhàn, parce que maintenant il a l'air suspect. “ Tu vas bien, demande-t-il finalement, toujours en proie à une gêne intense. ” Il faut dire qu'il s'est comporté comme un troll avec la jeune fille, qu'il le sait, et qu'il s'en est encore jamais excusé. “ J'veux dire, outre le fait que t'aies tout fait tomber, hein. ” Il parle trop, il le sait. Après quelques secondes de silence supplémentaires, il finit par se passer une main dans les cheveux, fuyant son regard. “ J'suis désolé. Pour l'autre jour. Avec Fiona. ”