cw. drogue (mention)

Une parfaite mangemorte qui arrêtait parfaitement bien les grands noms de la résistance se devait d'avoir un corps parfait. Ou un truc du style. Pour l'image parfaite (encore une fois, mais quand Siham se regardait dans le miroir, elle y voyait les fissures), pas pour s'abrutir d'une manière ou d'une autre afin de ne pas réfléchir et de sombrer dans le sommeil tous les soirs, à peine l'oreiller effleuré. Avant, elle sortait plus, ça marchait bien aussi pour s'anesthésier. Mais plus ça allait, plus elle se sentait fliquer et plus Joseph lui manquait (il y avait bien Angel mais elle tendait des guet-apens puis c'était Ramirez quoi). La salle de sport et les joggings aussi nombreux que si elle préparait un marathon (option pause cigarettes) était la bonne alternative. Au bout de six séries d'exercices de cardio, les muscles aussi enflammés que ses poumons, elle arrivait enfin à se couper de la réalité. Elle avait déconné (as usual) mais les conséquences n'étaient pas tout à fait les mêmes que la fois où elle avait drogué Nahel sans faire exprès. Là, déjà, elle avait gagné plus dix points de mangemoritude (Felix était très fier) et s'était faite un répertoire d'excuses assez conséquent à déballer quand elle croiserait Elena. Mais aucune nouvelle de cette dernière, peut-être justement parce qu'elle avait gagné trop de points de mangemoritude (d'un côté, Longbottom n'avait qu'à pas être aussi nul ?). Ce n'était même pas sa faute, elle avait été juste là au mauvais moment, au mauvais endroit (elle aurait pu refuser de rendre service aux Lestrange, soit). Dans le fond, Siham s'en voulait un peu (beaucoup ?) et se sentait de plus en plus sale lorsque ses nouveaux collègues mangemorts la félicitaient (mais moins qu'après une séance de sport). 

Cheveux relevés en queue de cheval qui commençait à être floue, Siham était accrochée à la barre, à faire sa énième série de tractions. Le sweat-shirt Wizadidas qu'elle avait fini par accepter de porter était roulé en boule dans un coin à côté d'une bouteille d'eau maintenue glacée par une rune dessinée sur son culot. Enfin, ce n'était pas LE sweat mais plutôt celui que Man-Soo lui avait filé en rechange quand elle avait annoncé plus ou moins piteusement qu'on avait volé le sien (elle connaissait l'identité de la voleuse qui, elle, ignorait qu'elle se baladait avec un سهام floqué sur le dos). Les dents serrés par l'effort, les yeux fixés dans le vide, elle se concentrait sur son compte. 25, 26, 27... "Sissiiiiiii la plus cool!" Elle lâcha la barre, atterrissant avec souplesse sur le tapis de gymnastique à ses pieds. "Man-soo..." grommela-t-elle parce qu'il l'avait quand même interrompu en plein effort puis parce qu'elle avait une image à tenir (spoiler : pas celle de la plus cool). "Il est pas là Dee?" Elle fit non de la tête. "De toute évidence." Le troisième larron aurait été là, elle aurait été dérangée avant, à croire qu'ils la prenaient pour leur baby-sitter (à croire qu'elle finissait par aimer le rôle).

"T'as une sale tête, t'as passé la soirée à courir les rues de Londres ou quoi?" Siham suspendit son geste (elle allait se saisir de sa bouteille d'eau) avant de se tourner vers Man-soo. Regard un peu noir à ce dernier avant de se passer nerveusement la main dans les cheveux (comme si ça allait effacer la mine sombre). "C'est à cause du taff? J'ai entendu que c'était la merde à cause des revenants là." Regard encore plus noir (plus foncièrement pour Man-soo cette fois) alors qu'un frisson lui remontait le long du dos. Les revenants étaient aussi une des causes de ses cernes. Depuis qu'ils avaient commencé à apparaître, Siham flippait. Pas tant pour l'aspect fantôme que pour l'aspect qui tient suffisamment du cafard pour réapparaître et lui empoisonner la vie. Un matin, elle trouverait son père sur le palier - ou alors sa mère le trouverait - et ce ne serait pas très rigolo (elle préfèrerait que ce soit son frère que l'on retrouve, pas mort de préférence, elle ne voulait pas trop y penser). "Un peu oui..." Sourire un rien tordu sur les lippes, Siham finit par soupirer. "Cela finira par passer." Son oncle était déjà sur le coup pour tous les torturer, qui voudrait continuer de revivre dans ces conditions ? "J'espère que ça va bien pour toi à ce sujet" finit-elle par ajouter, ne lui posant aucune question (parce qu'elle l'aimait bien et qu'elle ne voulait pas qu'il se dise qu'elle essayait de lui faire cafter que sa grand-mère (ou autre) était sortie de sa tombe).

Siham retourna sous sa barre, l'attrapa d'un saut et s'y laissa pendre pour détendre ses épaules endolories. "Tu travailles quoi aujourd'hui ?" demandé l'air de rien, pour ne pas trop avoir l'air de faire la conversation (mais en fait si, ça faisait bien de causer à d'autres gens que ceux du boulot, ceux des réunions de mangemorts ou - pire - ceux des réceptions qui devenaient quasiment obligatoires).

Siham hocha la tête mécaniquement avec le regard un rien vide. Non, elle ne croyait pas que les morts seraient une question rapidement réglée, elle l'espérait juste fortement. Cela lui ferait une préoccupation de moins pour commencer. "RàS par chez moi ! Les morts sont toujours six pieds sous terre ! - Cool !" Une seconde de réflexion, sourcils froncés. "Enfin, j'imagine. Je ne sais pas vraiment." Un sourire tirant un rien sur la grimace vint tendre ses lèvres. Elle n'avait pas été confrontée à des revenants aux traits familiers, elle ne savait pas comment elle le prendrait (elle n'avait pas hâte, elle avait fait à peu près tous les rituels qu'elle connaissait pour éloigner tout ectoplasme de sa baraque). De toute façon, elle n'avait pas tellement envie d'en parler et encore moins dans une salle de sport. Elle préférait encore se pendre à la barre de traction. Il lui manquait une bonne demi-douzaine de têtes pour que ses pieds touchent le sol alors même qu'elle avait les bras tendus et un instant elle hésita à tout lâcher pour atterrir dans le tas de matelas rangés quelques pas derrière elle. Il faudrait y mettre de l'élan, elle commença à se balancer sans trop y penser.

Si le cerveau de Siham était vidé par sa journée de boulot, celui de Man-soo semblait tourner à plein régime et aller dans dix mille directions en même temps (elle le connaissait suffisamment pour savoir que c'était tout à fait normal). Elle l'observa donc d'un œil morne sauter du cop à l'âne jusqu'à ramasser son sweat abandonné. "Omg ! Tu le mets encore ! - Bah oui, bien sûr" grommela la brune, toujours accrochée à sa barre, l'air étonné de ceux qui gardaient les cadeaux même les plus nuls peint sur la face (elle devait encore avoir de vieux dessins de Nahel rangés au fond d'un tiroir). "On m'a piqué l'autre par contre" ajouta-t-elle d'un ton agacé. Pas que l'autre soit beaucoup plus mettable d'ailleurs, Siham n'était pas persuadée par l'idée de se balader avec un sweat où son prénom était inscrit dans le dos (Man-soo en avait donné un à tout les gens de la salle de sport ou presque, lui compris). "On match bestie !" Et comme elle avait beaucoup trop fréquenté Rayane pour ne pas connaître la marche à suivre après une telle déclaration, elle détacha une de ses mains de la barre pour faire un high five à Man-soo (il fallait qu'elle arrête de traîner avec des gamins).

Elle reprit son balancement, presque gymnaste sur barres asymétriques (il fallait qu'elle apprenne à faire le salto arrière en guise de sortie ainsi que les soleils), réfléchissant à la suite de ce qu'elle avait prévu. Elle avait écrit son programme pourtant, après avoir filé sa paperasse à Beckett, dans un superbe carnet où était inscrit une phrase hautement philosophique en couverture (fume avant que la vie te fume We are not our best intentions. We are what we do. qui faisait d'elle une professionnelle de la capture de résistants, yeay), cadeau (naze et conservé..) de Rodolphus Lestrange qui l'adorait depuis qu'elle avait joué les chiens de garde dans un cimetière. Cela lui avait pris deux pages entières, remplies de son écriture habituelle : appliquée au début avec de belles anglaises pour finir en vagues pointues en électrocardiogramme énervé. Ce qui était bien, c'était que Man-soo savait autant qu'elle ce qu'il foutait là. "Euhhhhhhh j'comptais travailler le cardio aujourd'hui ..." Hochement de tête approbateur, Siham savait quand même une chose : elle ne faisait pas dans le pilates. "J'me suis fait courser par le clebs de Min-ji dans la baraque hier -" Comme le brun était tout près d'elle pour la mettre dans la confidence, Siham ne pouvait même pas faire semblant d'écouter, coup dur pour la joueuse britannique. "C'est un dogue allemand, tu vois à quoi ça ressemble ?? C'est genre gros comme ça -" La vérité était qu'elle ne voyait même pas qui était Min-ji (et qu'elle était une cat person) mais ok, le dogue allemand semblait être plus gros qu'une mouche. "T'aurais dû voir comment j'étais essoufflé après ... - La honte quoi." La brune ricana. Carrément la honte. "Tu t'es d'ja faite courser par un clebard ?" La honte allait éventuellement changer de camp.

Elle lâcha les mains et atterrit en souplesse sur le sol. Un petit mouvement de poignet fit venir sa gourde jusqu'à elle (mouvement qu'un coach sportif aurait qualifié de bon pour les feignasses, ça vient faire des abdos mais ça ne fait pas trois pas pour aller boire de l'eau {insérer ici une tirade sur la magie qui serait responsable de l'obésité dans le monde des sorciers}). Elle but quelques longues gorgées avant de daigner raconter son histoire. "Tu vois les clébards des grand-mères moldues ? Ceux qui ressemblent à des rats ? Une fois, j'étais en train de courir avec Ollie et il y en a un qui a déboulé de nulle part pour me sauter dessus. Il a mordu en plein dans la semelle de mes baskets - une paire de wizadidas neuve - et ne voulait plus lâcher. J'ai du secouer la jambe pour le détacher - elle mima l'action - puis sa propriétaire est arrivée... Elle s'est énervée, alors je me suis énervée, le clebs arrêtait pas d'aboyer, c'était..." Un désastre, elle avait failli cramer le chien sous le coup de la colère mais Ollie l'avait tiré par la peau du cou loin de la vieille rombière. "De toute façon, tous les gens qui courent se sont fait courser au moins une fois par des chiens. Vraiment des sales bêtes, en plus ils sentent mauvais." Alors que son chat à elle était parfait.

Elle retourna à sa barre de traction et reprit son balancement. "Tu sais faire des saltos ?" C'était dans ces moments là que Joseph lui manquait tout comme leurs petites compétitions de sauts périlleux en se jetant du sommet d'immeubles. Là, elle n'avait aucun soucis pour les saltos arrières, elle ne voyait juste pas comment les faire partir alors qu'elle était suspendue à la barre et qu'il ne fallait pas simplement se laisser basculer en arrière. Elle secoua la tête pour en effacer les traits de son ami (le traître) et repassa aux tractions. Moins dangereuses mais plus fatigantes donc idéales pour arrêter de ruminer.