Christmas nightmare (#marelle-1)

Oh darlin' what have I done?

"Papa
Why did you turn your back
Why didn't you stay on track
Why did you leave and make her cry" @Azaël Nielsen

De colère et de désespoir, ton corps tremble encore. Là, face à ta fille, face à tes regrets et à tes démons, tu te sens plus seul que tu ne l’as jamais été. Le sort s’acharne, la situation est sans espoir, et pourtant tu demeures encore debout, prêt à te battre contre la chair de ta chair pour parvenir à tes sombres desseins. “No, it couldn’t have been you.” Tu balaies ses reproches d’un revers de la main. Si tu avais voulu la toucher elle, il y a bien longtemps que tu l’aurais fait. Tu te targues de savoir viser juste, alors que dans le fond, tu sais pertinemment qu’il aurait suffit d’un tremblement de trop pour que ton sortilège atteigne une autre cible.

Las des reproches et des accusations, tu sombres un instant sous les paroles d’Azaël. Dans ton esprit rongé par la culpabilité et les traumatismes, la voix de ta fille se mêle peu à peu à celle du haut-juge qui prononça jadis ta sentence, pour finir par ne faire plus qu’une avec elle. Autrefois, tu avais assumé ce prétendu meurtre sans rechigner, à ta sortie d’Azkaban tu l’avais même brandi comme l’étendard de ta loyauté sans faille aux idéaux du Seigneur des Ténèbres. Mais aujourd’hui, alors que tu avais mené ta seconde épouse au trépas, tu te sentais écrasé sous le poids des regrets. Tu ne parvenais plus à assumer, tu n’aspirais plus qu’à révéler la vérité au monde entier. Non, tu n’avais pas tué ton épouse de sang-mêlé, non tu n’avais pas non plus éliminé celle qui servait l’ennemi, alors que tu connaissais son noir secret. “If you were a better legilimens, I could let you read through my mind. So that you eventually see the truth by yourself. But I don’t trust a little girl’s skills.” Comme à chaque fois que tu perds pied, que tu sens tes émotions échapper à ton contrôle, tu te retrouves contraint d’attaquer en retour. Le venin est perfide, il s’immisce dans les plaies les plus profondes.

Néanmoins, Azaël tient le coup, elle reste debout et elle réplique. Oui, bien sûr que ton esprit est malade, Marlon, tu en as parfaitement conscience. Et Freya le savait aussi. C’est pour elle que tu avais accepté de laisser Jarod t’aider. Mais maintenant qu’elle n’était plus là, rien n’était plus comme avant. Une fois encore, Azaël avait raison. Tu ne te souvenais pas avoir déjà véritablement rendu service à qui que ce soit. Ce n’était pas dans ton éducation, pas dans ta nature. “She needs help to go back where she belongs. And it’s not here, not with us. She is dead, deal with it, for Merlin’s sake!” Si tu n’étais pas rebuté à l’idée d’établir une proximité physique avec Azaël, tu l’aurais volontiers prise par les épaules, comme pour la secouer énergétiquement. Mais au lieu de cela, tu lui beugles ta colère à distance. “But if I go now, she’ll come with me anyway. And I’m pretty sure that you’re not interested in visiting me at my house.” Ton manoir, si vaste et surtout si vide. Qui voudrait bien y faire un tour, en dehors de l’esprit vengeur de Vivien ? Même Rodolphus ne s’aventurait plus à sonner à ta porte depuis l’arrestation de Freya. Poussant un énième soupir devant la détermination de ta fille, tu concèdes finalement à tolérer sa présence en ces lieux. Puisqu’aucun de vous deux ne semblait déterminé à déguerpir, alors il ne restait plus que deux solutions. “As you don’t seem to have anything else to do, you can help me to bring her back safely.” Ou alors, il faudrait en venir à un duel patricide.

smoke and mirrors

Christmas nightmare

Noël 2007, Londres | @Marlon Travers

Il ne faudrait pas grand-chose pour que l’un ou l’autre craque à nouveau. Ils se renvoient la parole comme des batteurs renverraient des cognards sur leurs adversaires. Tout est bon à dire pour garder l’ascendant sur l’autre, pour montrer qui a le plus de contrôle sur la situation, quand finalement la réponse reste incertaine. A better legilimens … il continue de rabaisser ses compétences, alors qu’elle se débrouille très bien dans ce domaine, bien mieux qu’en occlumencie. Elle serre un peu plus fort les dents, les points aussi, elle n’est qu’une boule de nerfs et de frustration. Il parle sans savoir, ne se basant que sur une rencontre et lors de laquelle il n’avait pas pu juger de ses compétences. Marlon Travers ne sait rien d’elle, ses connaissances se limitent tout juste à quelques notes griffonnées sur un dossier, ce qui ne peut lui permettre d’estimer ce dont elle est capable ou non. Quant à sa non-offre de la laisser explorer sa mémoire, elle ne croit pas une seule seconde qu’il l’aurait laissée faire. Pourquoi l’aurait-il fait, si ce n’est pour tenter de la manipuler davantage ? “And I don’t trust you.” qu’elle ajoute pour avoir le dernier mot. Qui sait ce qu’il la laisserait voir. Rien ne lui prouverait non plus que les souvenirs auxquels il la laisserait accéder n’auront pas été modifiés par ses soins. Quoi qu’il dise, elle ne se laissera pas faire.

De tout ce qu’il lui dit, elle ne retient que le fait que sa mère ait besoin d’aide. C’est la seule chose qui compte pour elle. Mais Marlon, comme l’aurait probablement fait Jarod, tente de lui faire entendre raison en lui rappelant la situation. "She is dead, deal with it, for Merlin’s sake!” Elle peut presque entendre son coeur battre dans ses oreilles, alors qu’elle se renfrogne à chaque fois qu’il enfonce le clou. Il ne comprend pas, ne peut pas comprendre ou ne le veut pas. S’il semble évident que son père s’est habitué à l’absence de Vivien dans sa vie, Azaël, elle, a toujours vécu avec ce vide qu’ils ont laissé par leur absence. Quand elle se vantait parfois de l’avantage de n’avoir qu’un oncle comme tuteur, elle ressassait aussi le fait de n’avoir aucun parent, de ne pas connaître cette complicité et ces désaccords que tous les autres semblaient traverser comme des étapes nécessaires de la vie. “But she’s here, now!” Elle s’agace, tape du pied pour continuer de marquer son désaccord. C’est lui qui lui a dit ! Et si elle ne pouvait pas retourner là où elle était avant ? Et si elle avait besoin d’être auprès d’eux ? de lui ? ew .. l’idée la dérange. Pourquoi Vivien s’était-elle manifestée auprès de son ancien mari ? Pourquoi pas plutôt ses enfants ? Eux auraient été bien meilleurs, bien plus aptes à résoudre la situation, elle en est persuadée. Azaël n’a jamais eu besoin de son père et il faudrait qu’il reste, ici, avec elle ?

Elle aurait pu partir, elle peut encore le faire, seulement maintenant qu’elle se sait plus proche de sa mère qu’elle ne l’a jamais été au cours des dernières années, l’idée la rebute. Elle n’a aucune idée de ce qu’il se produira une fois qu’elle aura quitté le domaine, aucune certitude quant à ce qu’il adviendra de sa mère, non plus. Elle ne connaît pas l’étendue des savoirs magiques de son père, qui sait ce qu’il a pu faire de sa vie ? Sur ses gardes, elle fait voler les deux alliances jusqu’à elle. Les bijoux ont l’air d’avoir une certaine importance dans cette histoire, elle se raccroche à l’espoir qu’en les conservant, elle reprend le dessus. “How can I be sure she won’t be hurt? ” Il lui faut des garanties, si elle accepte son plan. Peut-être Vivien souffre-t-elle déjà de son état ? Ils ne peuvent pas se permettre d’aggraver son état. “Have you done it before?” Elle ne le laissera pas faire de Vivien le cobaye d’une nouvelle expérience hasardeuse du ministère.

Azaël s’agite sur place, elle n’aime pas ça. Pourquoi laisserait-elle finalement Marlon décider de la marche à suivre ? Alors, au dernier moment, elle se ravise. “We need to talk to her first, see what’s wrong.” Plus étrange que leur présence respective à cet endroit, ce soir-là. Peu importe le projet de Marlon, si Vivien est là ce soir, c’est qu’il y a une raison, elle devait être là, il n’y a pas de hasard. Ils ne peuvent donc pas la renvoyer, si cela est seulement possible, sans avoir eu de réponse. Elle ne peut pas laisser sa mère partir, non plus, pas maintenant qu’elle sait qu’il y a une petite chance que cette dernière puisse l’entendre. Dans sa main, elle sent les alliances s’animer et peine à garder le point fermé. La sensation est particulière, doit-elle s’inquiéter ? se sentir rassurée par ce signe ? est-ce que sa mère cherche à signifier qu’elle a raison ? ou au contraire qu’elle devrait se fier à son père ? Le message est confus. “I-I don’t understand.” La confidence est faite à mi-voix, plus lancée à l’adresse de sa mère que de son père. Elle aimerait comprendre, pouvoir interpréter tout ça par elle-même.

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"Papa
Why did you turn your back
Why didn't you stay on track
Why did you leave and make her cry" @Azaël Nielsen

La nuit est sombre et pleine de terreur. Les ombres menaçantes de vos silhouettes, baguette brandies à la main, se dessinent sur la pierre tombale de Vivien. C’est un jeu dangereux qui se livre là, sous la lumière incandescente des étoiles, qui vous observent depuis un ciel clair et dégagé. A mesure que l’entrevue se poursuit, l’ampleur de ta solitude se fait de plus en plus pesante. Rien ni personne ne t’attend là-bas, dans ton immense manoir. Étrangement, c’est avec les fantômes de ton passé que tu te retrouves prisonnier en ce soir de Noël. “Have you done it before?” La voix d’Azaël te ramène subitement au moment présent. Tu ne réponds pas tout de suite. Tu te rapproches de la pierre tombale tout en te remémorant certaines de ces expériences que tu avais menées en compagnie d’Otto Fitzroy et de son père. Et si vous aviez abordé certains aspects de la magie de l’esprit, aucune manipulation n’avait été similaire à celle que tu avais l’intention d’entreprendre ce soir. Mais il n’était pas question de laisser Azaël entrevoir ne serait-ce que l’ombre d’un doute. “I worked at the Department of mysteries. And I am a death eater.” Comme toujours lorsque tu fais l’énumération de tes glorieux titres, le ton de ta voix se pare d’une arrogance certaine. Tu considères ton expérience en tant que mage noir comme une justification suffisante de tes capacités à renvoyer Vivien dans l'au-delà.

Alors que le silence vous étreint une nouvelle fois, ton regard se pose sur le sol, juste en dessous de l’épitaphe. C’était par là qu’il convenait de commencer. Il fallait déterrer le corps. Et tu étais à peu près certain que cela ne plairait pas à Azaël. Comme si elle venait de lire dans tes pensées, la jeune femme évoqua la necessité de s’adresser à sa mère. Son énième interruption te tendit encore un peu plus. Et alors qu’un nouvel élan de colère parcourait ta carcasse, tu en vins soudain à craindre qu’elle soit véritablement capable de s’immiscer dans ta cervelle pour en extirper tes plus profonds secrets. La main crispée autour de ta baguette magique, tu fais volte-face et fixes Azaël d’un regard si noir, qu’on aurait pu croire qu’il allait la consummer en un battement de cil. Mais il n’en fut rien. “You want to talk to her? Fine, do it! Ask her why she’s here!” C’est un étrange mélange de colère et de souffrance qui ponctue les paroles que tu jettes au visage d’Azaël. Pourquoi avait-il fallu qu’elle se rende sur la tombe de Vivien en cet instant précis ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle vienne contrecarrer tes plans ? Votre confrontation était bien plus qu’une simple altercation avec une personne que tu méprisais. Elle te renvoyait aux devants d’un passé que tu n’avais jamais accepté, que tu continuais de porter à bouts de bras, malgré les traumatismes que cela impliquait. Azaël et Vivien te remémoraient tes crimes les plus impardonnables. Leurs reproches te vidaient de toute énergie, ils t’enfermaient dans une spirale infernale de culpabilité et de regrets. Alors que tu sembles une nouvelle fois sur le point de perdre le contrôle de tes émotions, Azaël reprend les alliances en sa possession. Tu l’observes d’un regard vide, absent. Tes pensées se font de plus en plus confuses. Dans tes souvenirs, le visage d’Azaël vient se confondre à celui de sa mère. Leurs expressions ne font plus qu’unes. L’espace d’un instant, tu te demandes qui des de Vivien ou d’Azaël se trouve en face de toi. Les alliances se mettent alors à vibrer dans les mains de ta fille, et tu sens la magie qui te relie à Vivien s’agiter dans tes propres veines. Ton échine est alors secouée de brefs mais vifs tremblements. Elle ne devrait pas être là, et toi non plus. Ta place était aux côtés de ton épouse. L’ombre de Vivien disparaît brusquement de tes pensées et le visage accusateur de Freya se multiplie devant tes yeux impuissants. Tu sens la magie de Vivien bouillir, comme pour reporter ton attention sur elle. Tu es sur le point de céder. Il faut que tout cela s’arrête… “What do you want from me, Vivien? Why are you following me, day and night? Do you want to hear that I’m sorry? Because, yes I am! I hate you for what you did to me, but I never wanted you to die! I was sent to hell because of you and I spent more than a decade between those scary walls. I paid the penalty, but now it’s enough.” Tes jambes flanchent sous l’afflux de colère et d’émotions. Tes genoux viennent s’abattre contre l’herbe fraîche qui recouvrait la dernière demeure de Vivien. Le sol est dur et gelé. Tout comme à Azkaban… “Please, leave me now. Go with your children or wherever you want to. But leave me alone.” Si le ton de ta voix se fait désormais suppliant, il n’en demeure pas moins amer, colérique. Tu hais Vivien, tu lui en veux de te contraindre à désirer son départ, te condamnant à ta plus grande peur. La solitude.

Durant quelques instants, le silence s’installe à nouveau. Seule ta respiration, lourde et effrénée, retentit à tes oreilles rougies par l’expression de ton ire. Il était désormais impensable de pratiquer le moindre rituel de magie noire. Ton état émotionnel n’était plus suffisamment stable. Tu ne pouvais courir le risque d’enfermer ton propre esprit dans le corps de Vivien. Mais il y avait peut-être un ultime espoir de te libérer de sa présence. Tu ne te retournes pas, mais tu sais qu’Azaël est encore là. “Take the bloody ring with you. It’s your burden now.”

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Christmas nightmare

Noël 2007, Londres | @Marlon Travers

Marlon lui étale son CV sous les yeux, comme si cela suffisait à répondre à sa question. Elle n’a aucune idée de ce qu’ils peuvent bien faire dans son département, le nom ne laisse place qu’à des hypothèses que peu de gens aimeraient voir confirmées. Elle a de vagues notions de ce que son statut de death eater implique, sans savoir jusqu’où il baigne dans la magie noire. A aucun moment toutefois, elle ne voit "aptitude à aider les morts/les renvoyer de l’autre côté du voile’’ apparaître dans ses compétences. Il est question de sa mère, pas de n’importe quel esprit errant. Azaël n’en garde que peu de souvenirs, mais ce n’est pas comme s’ils ne la connaissaient pas. Alors elle insiste, juste pour être sûre. S’il est incapable de faire quoi que ce soit pour l’aider, il ne fera rien. Elle ne prendra pas de risques.

“You want to talk to her? Fine, do it! Ask her why she’s here!” Azaël hésite. Habituellement, elle n’a aucun mal à s’adresser à sa mère, les mots lui viennent plutôt facilement. Mais ce soir, elle n’est pas seule. S’adresser à sa mère de cette façon semble soudainement bien ridicule, alors qu’elle semble bien là. Elle cherche un point où poser ses yeux. La tombe ? les bagues dans sa main ? Le ciel ? Autour d’elle ? à côté de lui ? Tout ça lui semble bien compliqué. “Don’t tell me what to do! ” C’est déjà suffisamment déstabilisant comme situation, inutile de la diriger comme il pourrait le faire avec ses employés.

Les alliances continuent de s’agiter dans sa main, sans que cela ne fasse sens pour elle. La communication s’annonçait compliquée … Elle n’a pas l’occasion de poser sa question, Marlon reprend bien vite la parole, s’adressant sans aucun problème à Vivien. L’émotion perceptible dans sa voix aurait pu en convaincre beaucoup. Elle-même essaye de ne pas se laisser atteindre par les confessions du mangemort. Des mensonges, ce sont des mensonges, il est responsable de la mort de Vivien, c’est entièrement sa faute si Jarod et elles n’ont pas pu passer plus de temps avec elle, si leur famille n’a jamais rien eu d’ordinaire. La folie l’aura poussé à croire à ses propres histoires. C’est la seule explication possible. Elle pourrait presque être peinée pour lui.

Et quand elle pensait avoir tout entendu, tout vu, il la surprend encore. Elle le voit flancher, lui, le monstre de ses cauchemars, tomber genoux à terre. Elle n’y est pour rien. C’est la deuxième fois ce soir, qu’elle le voit en position de faiblesse. Lui, qu’on lui a dépeint cent fois comme une statue de marbre, que même la plus terrible des tempêtes n’aurait su faire chuter, lui dont même la mort n’a pas voulu, lui, qui avait tué sa mère sans aucun remort. Lui, son père, se trouvait pourtant à genoux, à supplier un esprit de le laisser en paix.

“Take the bloody ring with you. It’s your burden now.” Elle ouvre la bouche et la referme aussitôt, Ce n’était pas non plus ce qu’elle en avait envisagé. “What do you mean it’s my burden? You said we were going to help her, that you knew how to do it.” Pourquoi ce changement d’avis ? Elle n’a aucune idée de la façon dont communiquer avec Vivien, ne sait pas non plus comment l’aider. Elle est aussi prête à parier que personne à l’Ordre ne sait faire ça. Marlon représentait sa seule option. “You can’t let me down. ” Des mots qu’elle ne s’attendait pas à prononcer un jour, encore moins à l’adresse de Marlon. C'était bien la première fois qu'elle se surprenait à dire qu'elle avait besoin de lui.

Si les alliances sont redevenues calmes dans le creux de sa paume, elle est loin de l’être. La perspective de devoir gérer par elle-même cette situation semble la dépasser. Sera-t-elle à la hauteur ? Peut-elle aider sa mère ? Doit-elle en parler à Jarod ou bien gérer cela seule ? Mais si elle le fait seule, comment va-t-elle s’y prendre ? Par où commencer ? Elle ne s’y connaît pas en esprits et encore moins en revenant. “What am I supposed to do?” Les contradictions s’enchaînent, ne faisant que renforcer la frustration du dragon. Elle voulait qu’il parte, mais n’en est plus si certaine maintenant qu’il le lui demande. Ne voulait pas de son aide, et maintenant serait prête à supplier pour qu’il le fasse. N’a jamais été sensible à ses mots, et pourtant, ce soir, elle aurait presque pu y croire. Rien ne va. Elle a l’impression d’être une girouette battue par le vent, ne sachant plus quelle direction prendre, revenant sans cesse sur la précédente avant de se raviser. “This – elle tend le poing dans lequel elle retient les bijoux – it’s is all your fault, - comme chaque fois qu'elle le peut, elle rejette la source de ses problèmes sur lui - you have to help me.” Mais le fera-t-il ? Il pourrait tout aussi bien la planter là, transplaner chez lui et la laisser en plan avec cette situation sur les bras.

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"Papa
Why did you turn your back
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Why did you leave and make her cry" @Azaël Nielsen

La pierre sous tes genoux est dure et gelée. Mais la colère te consume à tel point que tu n’as pas conscience du froid qui s’immisce à travers tes vêtements. Seuls les cris et les reproches d’Azaël parviennent à te ramener à la réalité. L’espace d’un instant, tu lui avais offert l’occasion d’apercevoir ta vulnérabilité. Et ce, bien malgré toi. Mais les émotions s’étaient montrées trop puissantes pour être contrôlées. La magie de Vivien tremblant dans tes veines t’avait contraint à lâcher prise. Cette représentation d’un Marlon Travers vulnérable ne faisait certainement pas écho au portrait que Sören avait dû dresser de toi aux jumeaux. Et tu en venais presque à espérer qu’Azaël croirait que tu jouais la comédie.

Reprenant lentement ton souffle, tu finis par te relever et tourner à nouveau vers le visage accusateur de ta fille. “Don’t you expect me to leave anymore? I thought you didn’t want to have me around.” Le ton se veut amer, sarcastique. Si tu n’avais toi-même pas été au bord du précipice, tu aurais pu te réjouir de sa détresse. Tu ne pouvais même pas imaginer ce que cela devait lui coûter de supplier ton aide. “You can’t let me down.” En d’autres circonstances, tu te serais certainement ri de ce revirement de situation. Le géniteur tant haï se retrouvait désormais dans le rôle du dernier espoir. Cela aurait tout aussi bien pu être le scénario d’une tragédie grecque. Mais ici et maintenant, il ne s’agissait que de ta propre existence. “I already did.” Difficile de savoir s’il y avait une once de culpabilité dans ces paroles, ou s’il s’agissait simplement d’une réponse logique et rationnelle. Oui, tu avais laissé tomber tes propres enfants, il y a de cela déjà plus d’une décennie. Mais cela avait alors été contre ton gré. Vivien les avait éloignés de toi, et Azkaban avait achevé d’enterrer toute possibilité de les voir grandir. Mais lorsque le destin avait choisi de les remettre sur ton chemin, tu avais pris la décision de leur venir en aide. Ce jour-là tu ne les avais pas laissé tomber. Mais comme toujours, tu préférais occulter ce qu’il pouvait encore y avoir de bon en toi.

Azaël n’abandonne pas aisément, elle continue de se battre. Contrairement à toi, elle semble prête à tout pour sa famille, y compris à solliciter l’aide d’un mangemort en rejetant la faute sur lui. “She would have been proud of you. Proud to see how annoying and stubborn you can be.” Et l’ironie du sort voulait que c’était certainement de toi qu’elle avait hérité de ces deux caractéristiques. Mais tu ne te donnerais pas la peine de l’avouer. Azaël n’était pas la première et ne serait sûrement pas la dernière personne à te dire que tout était de ta faute. Parfois, dans tes cauchemars, il t’arrivait de t’imaginer sur ton propre lit de mort et d’entendre Adèle t’accuser de tous les malheurs ayant frappé la lignée des Travers. “I can’t help you, Azaël. Because I seek to kill and you seek to protect.” Tu ne connaissais qu’un seul moyen de te débarrasser de l’esprit de Vivien. Et cela consistait à faire usage de magie noire pour le détruire. Et non pour le reconduire en lieu sûr, comme l’aurait espéré votre fille. Néanmoins, tu n’étais même pas certain de parvenir à tes fins sans y laisser toi-même la vie. Laisser Azaël s’en aller avec les alliances te paraissait finalement être l’option la plus sûre pour éloigner l’esprit de Vivien. Tu espérais qu’une fois votre fille partie, l’esprit de sa mère s’accrocherait à elle, tant que les alliances demeureraient en sa possession. “I guess the only thing I can do for you tonight is answer your questions about your mother’s life.” Une maigre consolation, que tu ne lui aurais pas même proposée en temps normal. Mais ce soir, devant la tombe de Vivien, ta carapace semblait s’être quelque peu fissurée.

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Christmas nightmare

Noël 2007, Londres | @Marlon Travers

On lui a toujours dit qu’elle avait du mal à lâcher l’affaire, quand il le faudrait. On lui a répété plus d’une fois aussi, qu’elle était un peu trop bornée. Et ce soir, elle pourrait presque entendre toutes ces voix lui dire à nouveau. Elle paraît oublier en compagnie de qui elle se trouve. Ou peut-être pas. “She would have been proud of you. – à nouveau, il la prend de court. C’est la première fois qu’il lui fait un compliment, la première fois aussi qu’elle l’entend le comparer à sa mère. La première fois qu’il a une attitude que l’on pourrait attendre d’un père. – Proud to see how annoying and stubborn you can be.” Evidemment, ça aurait été de trop beau, la précision apportée lui fait balayer les précédentes pensées. Marlon Travers n’est pas capable d’être une figure paternelle, ou en tout cas ne l’est plus, il détruit tout sur son passage. Comment pourrait-il alors être une figure que l'on admire, respecte ou aime ? “I can’t help you, Azaël. Because I seek to kill and you seek to protect.” Il le confirme lui-même. Leurs objectifs diffèrent, même si elle aussi cherche – cherchait ? – à le tuer.

“I guess the only thing I can do for you tonight is answer your questions about your mother’s life.” Azaël ne voit pas où il veut en venir. Il y avait eu le sort, les alliances, ses genoux qui s’écrasent sur le sol, le demi-compliment et maintenant, ça ? “Why would you do that?” Elle ne comprend pas cet homme dont l’esprit est trop abimé par la magie noire, bien trop pollué par des idées d’un autre temps. Qu’a-t-il à y gagner ? Elle y voit son intérêt à elle, mais pas le sien. Marlon serait-il capable de commettre un acte désintéressé ? La réponse reste incertaine, il semble balancer entre deux facettes. Tantôt monstre de ses cauchemars, tantôt mortel qui souffre de sa solitude. Chercherait-il alors simplement à avoir un peu de conversation avec quelqu’un ? “What’s in it for you?” Il doit y avoir un piège. Un revers à la proposition qu’elle n’a pas envisagé.

Le dragon finit tout de même par poser sa question. Les mots sortent vite, très vite (trop vite ?), comme s’il fallait qu’elle s’en débarrasse dans l’instant ou qu’il saisisse l’opportunité présente. Effaçant presque la question précédente. “What was she like?” La question lui paraît un peu bête, elle l’est sûrement, mais elle n’a connu que sa mère qu’à travers les histoires de Sören et de ceux qui ont pu la connaître. Des histoires qu’il a arrêté de leur partager il y a des années. Elle était belle, intelligente, un peu sournoise aussi, il paraît. Mais le portrait est toujours positif, on lui attribue toutes les qualités possibles. Jamais un seul défaut, ou alors quelque chose de mineur. “I mean, what was she really like?” Est-ce qu’elle était aussi intelligente qu’on le disait ? Aussi douce ? Avait-elle eu le portrait entier et honnête, ou bien simplement une version très édulcorée ? Il a partagé avec elle plusieurs années de sa vie, plus qu’elle. Il doit forcément avoir une autre vision de Vivien, la mère qui s’était sacrifiée pour que ses enfants vivent.

“Did you like – did you like her?” Un Did you like us? Lui brûle les lèvres, l’hésitation fut brève, mais elle s’est ravisée, se disant que cette conversation resterait plus facile s’ils ne parlaient que de sa mère. S’il a pu apprécier Vivien, l’aimer même un tout petit peu, a-t-il seulement déjà ressenti de l’affection à l’égard de ses enfants ? Elle sait qu’elle s’engage sur un terrain difficile, cette conversation la perturbe suffisamment, et elle ne sait pas bien ce qu’elle espère en posant ses questions. Veut-elle qu’il brise l’image de la mère parfaite ? ou bien au contraire, qu’il la conforte dans l’idée que Vivien était une femme extraordinaire ? “I know it wasn’t love at first sight. I'm not stupid.” Ce n’est pas comme ça que ses grands-parents avaient envisagé les choses. Ça, Sören le leur avait bien dit. Sur ce point, Vivien n’avait pas eu sa chance à elle. “I think she liked you. – confession faite à mi-voix, comme si elle craignait que sa mère ne puisse soudainement s’exprimer pour la contredire. – They didn’t say it, but it felt like it sometimes.” Avec ça aussi, elle avait eu du mal. Comment sa mère avait-elle pu aimer celui qui l’avait condamné dès lors qu’elle avait été honnête avec lui ?

Dans sa poche, le téléphone offert par Dwight émet un son bref. Un message. Il doit s’inquiéter de pas la voir arriver. Elle ne touche pas au gadget moldu, Dwight peut attendre encore un peu. ““Did Jarod forgive you for what you did to her? ” L’inquiétude, l’angoisse, que cette possibilité puisse devenir réalité la ronge doucement. Son frère est-il passé à autre chose ? A-t-il pardonné à Marlon son geste ? A-t-il oublié leur plan ? La raison même de leur présence sur le territoire britannique ? Est-elle en train de le perdre ? Va-t-il rejoindre Marlon et la laisser, elle ?

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"Papa
Why did you turn your back
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Why did you leave and make her cry" @Azaël Nielsen

Vous n’aviez partagé que très (trop) peu de moments ensemble. Et pourtant, elle semblait te connaître bien plus que tu ne la connaissais elle. Oh bien sûr, tu n’étais pas dupe, tu savais pertinemment que les Nielsen n’avaient jamais dû te dépeindre comme le gendre idéal. Ils n'avaient pas dû manquer l’opportunité de souligner que Marlon Travers ne faisait jamais rien sans rien. Que la charité ne faisait pas partie de tes principes, que tu ne donnais absolument rien sans contrepartie. C’est d’ailleurs bien là ce qui semblait la laisser aussi perplexe. Azaël ne comprend pas pourquoi tu proposes de répondre à ses questions sans rien demander en retour. Il est vrai que cela ne te ressemble point. Toi-même, tu ne sais pas véritablement d’où sort cette once d’altruisme aussi soudainement. Ou plutôt, tu refuses de voir la vérité en face et d’avouer que la présence de l’esprit de Vivien te rend plus vulnérable que tu ne le voudrais. “I guess I have nothing else to do tonight.” C’était vrai, à ton plus grand désespoir. Et tu préférais t’en tirer ainsi plutôt que d’avouer à ta fille que pour une fois, tu voulais simplement faire un geste en sa direction.

Tu es quelque peu surpris devant sa première question. Elle avait déjà dû la poser à son oncle ou ses grands-parents. Et ils lui avaient certainement dépeint Vivien de la plus honorable des façons. Alors pourquoi vouloir ton avis, à toi, ce père absent et cruel, qu’elle haïssait tant ? Tu ne parviens pas à déchiffrer ses intentions, mais tu l’avais invitée à te poser n’importe quelle question, alors tu réfléchis un instant avant de lui répondre. “At first, I was amazed by her aura. She was probably the most beautiful woman I had ever seen. And then it became clear that she also was one of the cleverest I knew. She was always joyful, but also determined. She knew exactly what she wanted. She was… the light trying to break through the darkness of my world.” Tu n’avais jamais parlé de Vivien en des termes si élogieux. A vrai dire, depuis le drame, tu n’avais plus véritablement parlé d’elle. Et force t’était de constater à quel point il était aisé de la complimenter. Parce qu’un jour, il y avait bien eu un moment, où tu t’étais persuadé qu’elle serait ta seule et unique épouse.

Mais alors qu’Azaël enchaîne sur une nouvelle interrogation, tu ressens ton assurance s’estomper lentement mais sûrement. Signe éternel de ta gêne, tu te passes une main dans les cheveux, alors qu’elle poursuit et que les questions deviennent plus intimes. Freya t’avait elle aussi demandé si tu avais jadis aimé Vivien. Et tu n’avais pas répondu. Parce que tu n’étais jamais parvenu à mettre le moindre mot sur tes sentiments à son égard. A cause d’elle, tu avais connu l’enfer pendant plus d’une décennie. Et tu la haïssais certainement pour cela. Mais votre relation était en vérité bien plus complexe. “At that time I wasn’t very familiar with those sorts of feelings. You know, I’ve been raised by a father, who wanted to make a beast out of me.” Une bête, un monstre, qu’importe le terme utilisé. Torquil Travers avait voulu te déshumaniser, parce que selon son esprit machiavélique c’était à toi que revenait la lourde tâche de faire régner la peur sur le patronyme familial. Tu tournes la tête, tu cherches à éviter le regard de ta fille. Parce que tu n’es pas certain de ce que tu risquerais de lire au fond de ses pupilles. “Anyway. I’d say I liked her as much as I could. But I was not able to show her and it was definitely not enough, compared to the sacrifices she made.” Vivien avait été marchandée par ses propres parents et elle avait accepté de devenir ton épouse pour servir les intérêts de sa famille. Elle avait fermé les yeux sur les crimes que tu commettais à longueur de journée.

“I think she liked you." Ton cœur se resserre au fin fond de ta poitrine. Voilà un fait auquel tu ne t’étais jamais autorisé à songer. Vivien n’avait absolument aucune raison de t’apprécier de quelque façon que ce soit. Et pourtant, il y avait quelque chose de vrai et sincère dans les paroles de votre fille. Quelque chose que tu préfères rapidement balayer d’un revers de la main avant que cela ne t’atteigne trop. “Vivien liked everyone. Even Adèle.” Comme toujours, c’est par son prénom que tu nommes celle qui t’a mis au monde. Aujourd’hui encore, tu te refuses à évoquer la relation qui vous lie.

Conformément à ce que tu t’étais imaginé, Azaël revient à la charge en ce qui concerne son frère. Vraisemblablement, tes paroles ne l’avaient pas laissé indifférente. “I don’t know him well enough to pretend that he did or did not forgive me. I can only assume that he didn’t. But you should ask him directly.”

smoke and mirrors

Christmas nightmare

Noël 2007, Londres | @Marlon Travers

Elle a du mal à accepter l’idée qu’il s’agisse-là d’un acte désintéressé de la part du mangemort. Ce geste ne colle pas avec l’image qu’on en fait habituellement, cette pièce ne va pas avec le reste du puzzle, ça ne concorde pas avec le portrait de Marlon Travers avec lequel elle a grandi. La gentillesse n’est pas un trait qu’elle parvient à associer à son père. Pas avec son passé, pas après tout ce qu’ils ont vécu. Cela lui paraît irréel. Trop normal pour être vrai, trop ordinaire pour que cela s’applique à leur relation non existante de père et fille. Marlon a pourtant déjà fait preuve de bonté envers elle, l’été où il les avait sauvés, Jarod et elle, d’un sort funeste au ministère. Un autre épisode qu’elle ne comprend pas. Il y a dans toute cette histoire, un détail qui lui échappe, un élément sur lequel elle ne parvient pas à mettre la main. Pourquoi. Pourquoi cette gentillesse soudaine ? Quel motif se cache derrière ?

Avec attention, elle l’écoute, peut-être le fait-elle mieux que lorsqu’elle était en formation. La description correspond bien à sa mère ou en tout cas à celle qu’on lui en a fait. Malgré la noirceur qui règne dans son âme, Marlon a un jour été capable de voir la bonté chez un autre être humain. Il a été humain, avant d’être mangemort. Stop. Il faut qu’elle arrête de raisonner de cette façon, à chercher la part de bon en lui quand il n'y en a pas. “At that time I wasn’t very familiar with those sorts of feelings. – elle doute qu’il le soit aussi aujourd’hui – You know, I’ve been raised by a father, who wanted to make a beast out of me.” Tel père, tel fils, il paraît. Là-dessus, elle n’est pas surprise. Torquil n’a jamais été dépeint comme un personnage auprès duquel on recherche la sympathie. Une chance que Jarod y ait échappé, elle aussi. Et enfin, il le reconnaît. Vivien avait été trop bien pour lui. Pour cette nouvelle vie, elle avait fait des sacrifices, oui. Et quels sacrifices ! Elle avait tout abandonné pour venir dans ce pays, pour être sa femme. Elle y avait laissé jusqu’à sa vie. Le prix avait été cher payé pour la reconnaissance qu’elle avait reçu.

“Vivien liked everyone. Even Adèle.” C'est ce qu'elle disait, elle avait été trop douce. Adèle, sa grand-mère qu’elle n’avait pas vu depuis des années. Une femme dont elle ne garde aucun autre souvenir que les informations glanées ici et là. Si ce n’est le sang, rien ne les lie l’une à l’autre et c’est tant mieux. “That’s surprising. I heard she’s as nice as a mountain troll.” Certains s’osent même à dire qu’elle doit être immortelle, ou qu’elle planque une pierre philosophale chez elle, mais elle n’y croit pas. Si elle se promène avec une canne, c’est bien qu’il y a une raison. Comme son fils, la mort ne semble pas encore en vouloir. Est-ce que c’est un trait de famille, du côté paternel ? Elle ose se demander s’ils en ont hérité, mais n’est pas assez téméraire pour tenter l’expérience.

Les pensées parasitées par le téléphone dans sa poche, elle cherche quoi répondre à ses derniers mots. Il ne le connaît pas assez, pas plus qu’elle, mais à qui revient la faute ? Qui est à blâmer pour cette barrière entre eux ? Lui. Lui et lui seul. “ What do you want from us ? from him ? from me ?” Il faut qu’elle comprenne, qu’elle dissipe le brouillard autour de cette conversation. Il voit Jarod, ne l’a de toute évidence pas tué, ni blessé, elle l’aurait su. Devrait le savoir. Mais Qu'attend-il d’elle ? De tous les scenarios possibles, de tous ceux qu’elle avait imaginé, jamais elle n’avait envisagé une discussion avec lui, après un échange de sorts. “You know we can’t be a family, right?” Pas après toutes ces années, pas après Vivien, pas après qu’il ait dit vouloir faire disparaître l’esprit de sa mère. Est-ce que c’est ce que Jarod cherche à faire sans lui dire ? Recréer une famille ? Si c'est le cas, il faut qu'elle lui ouvre les yeux, la paternité ne lui permet pas d'y voir clair. “It’s too late for that. There’s nothing you can do.” Ils ne sont pas les morceaux d’un vase, qu’un Reparo suffirait à remettre en état. Ils sont humains, au moins quelques-uns, ont un cœur, là aussi, le point est discutable. Il y a des choses pour lesquelles la magie n’a pas de solution.

Oh darlin' what have I done?

"Papa
Why did you turn your back
Why didn't you stay on track
Why did you leave and make her cry" @Azaël Nielsen

En franchissant le portail de la villa abandonnée ce soir, tu ne t’étais pas imaginé un seul instant finir par te livrer à de telles confidences. Surtout pas auprès d’Azaël. Et pourtant, te voilà à te remémorer les instants les plus fragiles d’un passé condamné à l’oubli. Et alors que tu en viens à évoquer la marâtre qui t’as mis au monde, la réponse de ta fille ne se fait pas attendre. Son trait d’humour t’arrache même un sourire, que tu n’aurais jamais pensé adresser à Azaël. “Well, I haven’t encountered many mountain trolls but I think they are quite inoffensive compared to Adèle. Except for the smell.” Cela remontait à plus de trente ans et pourtant tu te souvenais encore de l’horreur que t’avait procuré l’odeur qui émanait des trolls capturés par Göran Falk. Et parce que la soirée que tu avais passé en compagnie de sa tribu t’évoquait encore et toujours un dégoût certain, tu préféras en rester là et laisser Azaël poursuivre.

Néanmoins, sa nouvelle question te met mal à l’aise, elle te désarçonne et te pousse une nouvelle fois jusque dans tes retranchements. Quiconque pouvait véritablement se targuer de connaître Marlon Travers savait que la famille était un sujet complexe, voire presque tabou. Tu haïssais les Deschamps et méprisais au moins la moitié des Travers. Tu avais sacrifié bien trop de choses pour t’attirer les louanges d’un père, qui ne t’avait jamais témoigné sa fierté; quant à l’amour de ta mère, tu en avais été dépourvu depuis l’instant où tu avais vu le jour. La famille que tu avais par la suite fondé avec Vivien avait alors reposé sur un vil mensonge, qui l’avait finalement condamnée au trépas. Quant à celle que la grossesse inachevée de Freya t’avait laissée entrevoir, tu n’avais jamais véritablement voulu la fonder. Tu étais intimement convaincu qu’aucun Travers n’était capable d’être une figure parentale digne de ce nom. En fin de compte, la seule famille dans laquelle tu avais ta place était celle que le Seigneur des Ténèbres avait rassemblée sous son étendard. Du moins était-ce là ce dont tu tentais de te persuader alors qu’au fond de toi, une voix faiblarde semblait te murmurer qu’Azaël n’avait peut-être pas entièrement tort. “Do you want me to say the opposite? To tell you that you’re wrong and that we could be a family again?” Comme toujours lorsque tes sentiments t’effraient, tu trouves refuge dans une forme de répartie cinglante. “I mean, I haven’t invited you here tonight. You just came on your own despite the fact that the Values Brigade always looks for people like you.” Il te suffirait d’un seul mouvement de baguette pour appeler les sbires de Corban, mais tu t’abstiendras. Et Azaël s’en doute certainement. Si tu les avais sauvés, elle et son frère, des griffes du Ministère l’année dernière, c’était justement pour éviter que l’information ne se répande et que le lien qui t’unissait à eux ne soit alors connu du grand public. Tu n’avais pas laissé la femme que tu aimais salir ton noble patronyme, alors ce ne serait pas non plus les jumeaux qui s’en chargeraient. “And regarding Jarod… I contacted him because of a medical matter. But it’s over now. I don’t need him anymore.” Le ton était catégorique, il ne semblait pas y avoir d’autre issue possible.

smoke and mirrors

Christmas nightmare

Noël 2007, Londres | @Marlon Travers

Ce n’était pas ce à quoi elle s’était attendue comme réponse de sa part : une question qui la forcerait à verbaliser un vieux souhait. A reconnaître devant lui que oui, elle aurait parfois aimé avoir une famille au sens plus traditionnel que celui qu’elle avait connu. A devoir lui confier l’un de ses rêves d’enfant qu’elle traîne encore dans un coin de sa tête. Et elle ne peut pas faire ça. Si elle le faisait, cela reviendrait à lui laisser entendre qu’il a réussi à la cerner, au moins un peu. ”Is that what you want? To prove me wrong? To tell me that one day, I’ll call you dad and we’ll have a Sunday brunch at your place?” Elle se défend comme elle peut, lui renvoie la balle pour le faire céder avant elle. Mais Marlon ne rend pas les armes aussi facilement. La faute à son experience, sans doute. “I mean, I haven’t invited you here tonight. You just came on your own despite the fact that the Values Brigade always looks for people like you.” Une fois encore, il souligne une évidence, une autre qu’elle cherche à faire oublier aussi rapidement qu’il a pu l’identifier. “It doesn’t prove anything.” Au contraire, même. “The VB wouldn’t come here.”complète-t-elle, presque certaine de ce qu’elle avance. Il leur faudrait une bonne raison, et l’autorisation du propriétaire. Ne rentre pas dans les demeures des sang-purs qui veut. “And if they did and caught me, I’m pretty sure you’d come for me.” Pas parce qu’elle compte pour lui, non. Ça c’est impossible : Marlon Travers est un monstre sans cœur. Mais parce que cela impliquerait que d’autres soient au courant de son existence, quand il semblait tout avoir fait pour que leurs noms, à Jarod et elle, soient oubliés. “Again.” Elle pousse l’audace un peu plus loin, en rappelant à leur mémoire leur passage au ministère et la façon dont ils en étaient sortis.

Les doigts engourdis par le froid, elle enfonce la main qui retient les alliances de ses parents dans sa poche. Ses yeux repassent sur la pierre tombale de sa mère. Ils n’ont jamais été aussi proche tous les trois qu’à cet instant. “And regarding Jarod… – qui ne perd rien pour attendre – I contacted him because of a medical matter.” Elle fronce immédiatement les sourcils. Pourquoi aller solliciter Jarod quand il pouvait s’offrir, sans problèmes, les services du plus talentueux des médicomages du pays ? et même ceux d’ailleurs ! “A medical matter?” “But it’s over now. I don’t need him anymore.” Azaël cogite, avance une idée pour la repousser presque aussitôt par une autre plus probable. Sauf que ce soir, rien ne fait sens pour elle. Rien dans cette rencontre n’est pourvu de logique. Il n’a jamais eu besoin d’eux avant aujourd’hui. Comment a-t-il su par – elle soupire, leur dossier. Evidemment. Il aura certainement lu ça dans le dossier que le ministère avait fait d’eux. Malgré tout, il lui faut découvrir la raison derrière ce service. Jay avait-il eu quelque chose en échange ? Avait-il seulement pensé à négocier ? L’avait-il bien fait ? Elle en doute. Ses réflexes auront peut-être été endormi par ses bonnes manières.

“Does it have something to do with what happened to you, on the island?” Est-ce que son frère a pu faire quelque chose pour son cas ou celui dont il a dû s’occuper ? L’a-t-il réellement remis sur pieds s’il était celui qui avait besoin d’aide ? pourquoi ne lui a-t-on rien dit ?! Mais s’il n’a plus besoin des compétences de son jumeau qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce quelqu’un est mort? “Don’t you have some other medics at your service?” Il doit pouvoir s’en trouver sans problèmes pourtant. Mangemort, haut gradé au ministère, personne ne doit rien lui refuser. A moins qu’il ne leur fasse pas suffisamment confiance ? Ou alors qu’il cherche à récupérer Jarod ? Ce qui serait probablement la pire chose qui puisse lui arriver. Et finalement son regard s’éclaire, comme si elle avait résolu un mystère vieux de plusieurs siècles. “You don’t trust them, do you ? That must be hard for you to rely on us.” D’abord Jarod pour cette histoire dont elle compte bien connaître tous les détails, et maintenant sur elle, pour se défaire de l’esprit de Vivien.

Ils ne sont peut-être finalement pas si loin de l'image de la famille qu'elle a en tête. De celle où l'on trouve des gens qui comptent les uns sur les autres, dans des situations parfois complexes qui ne regardent qu'eux.

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