TW / CW : sexual assault (non-explicit), dubious consent, prostitution, alcool (addiction), violence, verbal and physical abuse, self-harm, blood, bodily fluids (vomit), culte de l'apparence, descriptions graphiques

11/10/2007

Il y a des voix étouffées par la porte. Madame et Lily qui se font des messes basses de l'autre côté. Elle reconnaît aussi la petite voix de Kaori. Mais Angel n'écoute pas. Elle enfouit sa tête sous les draps moites de sa propre transpiration après avoir laissé rouler sur le sol le cadavre d'une énième bouteille d'alcool, qui s'arrête dans sa course après avoir buté contre un meuble dans un petit cling misérable.
Il y a trop de bruit. Trop de lumière. Trop de vie. Trop de tout. Angel s'enterre un peu plus sous des masses et des masses de couvertures, de vêtements qui trainent par terre ; elle les empile au-dessus d'elle comme un cercueil, dans une maigre tentative de créer toute une barricade autour d'elle. Tout pour oublier les voix. Les odeurs. Les sensations. I just want to sleep.
Il y a des bribes de souvenirs qui reviennent de la veille. Un sourire, une démarche un peu bancale que l'on met sur le compte de l'alcool. Une barbe mal taillée qui la pique, mais elle fait avec parce que c'est son travail. Une main qui se perd dans les cheveux, qui tire un peu trop fort même lorsqu'elle le rappelle à l'ordre, que ça ne se fait pas ici (du moins, pas avec elle). Une autre main qui se lève et qui la gifle, qui lui hurle qu'elle n'est nothing but a whore whose voice doesn't matter. Des cris, et des cris. Encore des cris. Des larmes.
Il y a la peur qui monte, comme un raz-de-marée. Le goût de la bile sur la langue. Le corps, l'esprit qui gèlent d'un coup, incapables de lui arracher une réaction. Elle est là, sur le lit. Il est là, dans le lit. Et il crie. Et elle ne répond pas. Elle ne crie plus. Elle a terriblement froid. Et quelqu'un enfonce la porte (Romeo? Madame? Lily? Esme? Kaori?). On le fait sortir en le tirant par le col. On lui jette une couverture sur les épaules parce qu'elle tremble, et on la fait sortir de la pièce. Elle ne parle pas. Elle ne pleure plus. Elle a terriblement froid. Elle a terriblement froid. Terriblement. Froid.

Angel veut dormir, mais le sommeil ne veut pas d'elle. No one ever wants her. Roulée en boule dans le lit, elle tourne le dos à l'entrée, fixe un point invisible. Elle est engourdie. Elle a chaud. Elle a froid. Elle a envie de hurler. Elle a envie de s'arracher la peau.
Un coup unique est frappé, délicat mais déterminé. "Can I come in?" C'est la voix de Lily. Angel ne répond pas, ignore - mais elle frappe une seconde fois. Fuck that. "Leave me alone." La réponse est lancée depuis le lit sans même prendre la peine de ses levée. Toujours enfouie sous ses draps et ses vêtements, Angel grogne. "You should come out, you've been in there since yesterday- - I'm not fucking leaving that room." Les crocs sont sortis et la harpie hérisse le poil. What I want is some peace and quiet. Is it too much to fucking ask for? Why can't these people live me alone? I'm fine! I'm not broken! I'm not hurting! I'm fine and I want to sleep but I CAN'T and it makes me fucking MAD.
"Angel, we're worried about you... I'm coming in." La porte est à peine entrouverte qu'Angel bondit pour se saisir de sa baguette déposée sous son oreiller pour la brandir vers la l'encadrement. "GET THE FUCK OUT BEFORE I RIP YOU APART, LILY!" Les mots sont hurlés et Lily, figée sur place, écarquille les yeux. D'un sortilège la porte est claquée et scellée, emportant la pauvre sang-mêlée dans la chute qui se retrouve une nouvelle fois dans le couloir.

Il y a quelques minutes de silence durant lesquelles Angel reste bloquée dans sa position, fulmine sur place, hoquète encore sous l'effet de la violence qui lui a retourné l'estomac. La poigne de ses doigts autour de la baguette est si forte que la peau tourne au blanc - la harpie tremble, halète fiévreusement. Les yeux noirs fusillent la porte, désormais close. Elle peine à retrouver son souffle.

Un éclair de lucidité perce dans son regard. Elle baisse sa baguette et retourne se cacher sous les draps. You're not mad at Lily. You know that. She's not the one you're angry at. Et pourtant, aussi simplement que bonjour, elle lui a explosé dessus. Parce qu'elle était là. Parce qu'elle est entrée. Parce qu'elle l'a vue. "Just let her be, sweetheart." C'est Madame, encore, qui souffle de l'autre côté du mur - Angel se bouche les oreilles. "But she's going to hurt herself-" Lily, inquiète, a sûrement le regard larmoyant comment souvent. Don't waste your tears, you idiot. I'M FINE. "She already did. Countless times." Le coeur d'Angel rate un battement. Les larmes montent, se bousculent au bord de ses yeux. Elle les ravale rageusement. "She'll come around, eventually." Like Hell I will.

12/10/2007

Lorsqu'Angel ouvre pour la première fois la porte de sa chambre depuis qu'elle s'y est réfugiée, les têtes de Kaori et Romeo se pointent sur elle. Elle les ignore, traverse la pièce commune avec ses affaires et va s'enfermer dans la salle de bain. A shower. I need to shower. I need to wipe it off. Wipe everything. The smell. The words. The marks. Everything needs to go. Elle claque la porte derrière elle, la verrouille, retire ses vêtements (les même qu'elle a sur le dos depuis ce soir-là) et les balance dans un coin de la pièce, s'enferme dans la cabine de douche sans même jeter un regard à son reflet là où elle aurait bien passé quinze minutes à s'étudier sous tous ses angles quelques jours plus tôt (I can't, I can't, and I won't).
L'eau est gelée, et il lui faut bien quelques minutes avant de se mettre à claquer des dents: tout son corps semble être lui-même à des années lumières. Alors elle inverse la température, et c'est la même chose: il lui faut quelques secondes avant de se rendre compte qu'elle est bien trop brûlante. Pourtant, pas un son ne lui échappe. Rien, si ce n'est un petit esclaffement sombre ; un petit rire nerveux qui fait claquer ses os et agite sa carcasse.
Un haut-le-coeur la prend, courbe brutalement son échine si bien que la tête manque de se cogner contre le mur. "Fuck me ..." Des gouttes de sueur perlent sur son front, le long de son dos, bien assez vite noyés par l'eau qui ruissèle le long de sa peau. La hyène festoie autour de ses propres restes, se roule dans la mélasse qui file entre ses lippes, plaies béantes vomissant une marée de bile qui gicle jusque dans la douche, entre ses pieds. Angel vomit, et vomit. Alcool, mauvais souvenirs et traumatismes. Tout y passe.

Lorsqu'elle a fini, Angel se met à frotter son corps à l'aide d'une fleur de douche. "Wipe, wipe, wipe [...]"  Elle frotte, encore et encore. Si fort que sa peau rougit à vue d'oeil, mais elle ne s'arrête pas pour autant. Elle essaye d'effacer les bleus sur les cuisses, sur le ventre, les marques sur les hanches ; parvient à peine à fixer son regard sur elles. L'eau continue de couler, chasse les restes de bile sur le dos de la douche - les effluves du gel douche  prennent le dessus sur le reste et elle ferme les yeux, oublie tout juste quelques secondes. Et elle frotte. Elle frotte.

Même lorsqu'il n'y a plus de gel douche dans le tube, elle continue.
Même lorsque sa peau s'irrite, elle continue.
Même lorsque ses doigts deviennent fripés, elle continue.
Même lorsqu'elle semble sur le point de saigner, elle continue.
C'est un mécanisme, comme elle l'a déjà fait plusieurs fois.
Elle essore la fleur de douche, et elle recommence sans s'arrêter.
Mais elle ne pleure pas.
They're not worth my tears anyway.

13/10/2007

La petite voix au fond de sa tête, celle qui essaye de rester lucide pour ne pas qu'elle perde complètement pieds, tente de rationaliser la situation. It already happened before and it will happen again. You knew that when you started working here. It's your job. You're okay. You're alive. You're fine. You can work again. This is nothing. The marks are gone. The smell is gone. You're not tired anymore. You can do this. Tout un tas de petites pensées qui s'amassent dans un coin de sa tête, qu'elle se répète en boucle alors qu'elle se prépare.
C'est vrai, c'est son travail. Elle n'a pas toujours envie, mais c'est son travail. Elle n'est pas toujours à l'aise, mais c'est son travail. Elle a envie de dire non, parfois, mais c'est son travail. Elle devrait s'y être habituée, depuis le temps, pas vrai? Alors pourquoi est-ce qu'elle a l'estomac qui se retourne à chaque fois qu'elle pense aux jours à venir? Pourquoi est-ce que l'idée même d'accueillir un nouveau client ce soir lui donne envie d'aller s'enfermer quelque part?

Le regard que lui renvoie son reflet dans le miroir de sa coiffeuse est creux, mais toujours aussi enflammé. Et le triangle sur sa joue, toujours aussi vert. I just need to be pretty again. Elle s'inspecte dans la glace, tourne sur elle-même, en quête de la moindre imperfection ou du moindre pli sur sa peau qui pourrait ne serait-ce que la rendre moins désirable. I have to be pretty again. Et, comme un automatisme, Angel se remet à travailler. Elle se maquille, se coiffe, enfile les même vêtements qu'elle a déjà porté une bonne vingtaine de fois - vêtements qu'elle ne gardera pas longtemps, qui sont faits pour être retirés. Vêtements qui sont passés entre les doigts d'innombrables clients - peut-être même pires que celui qu'elle a rencontré trois jours plus tôt. And yet.
Prisonnière de son propre corps, enfermée dans cette immonde cage de chair dont elle se débarrasserait bien, Angel rampe tant bien que mal vers le maigre filet de lumière qui lui apparaît. Une once de libération. N'importe quoi. Elle tend les bras vers le ciel en espérant y trouver du réconfort: les hurlements qu'elle a envie de pousser se meurent dans sa gorge. I hate it. I hate myself. I hate this place.
Angel se met en action sans plus y réfléchir. Elle n'a pas envie de réfléchir. Il y a Esme qui passe dans sa chambre pour voir si ça va, mais elle l'envoie bouler. Kaori passe aussi, et elle l'envoie balader aussi. Leur compassion lui donne envie de vomir (but it shouldn't, you're hurting Angel, you need help - no I DON'T). Elle doit travailler. Elle doit reprendre son quotidien. Elle ne peut pas rester enfermée, pas vrai? Elle ne peut pas se permettre d'être un poids mort. Elle n'a pas ce luxe.

I can't do this anymore. It makes me sick.
I want to throw up.

14/10/2007

Tout est rouge. Ses mains, la chambre, les vêtements, ses traits dans la glace. Red, and red, and red. Un grand fracas résonne dans la pièce, suivi de sanglots et de cris. Ses doigts, tremblants, serrent des morceaux de verre. Toute une mosaïque de reflets gît à ses pieds, couronne ensanglantée. À côté, un cadavre de bouteille à moitié vide. Angel pleure, elle crie, elle rit. Dans ce qu'il reste du meuble en face d'elle, un visage déformé lui renvoie un regard mort.
Et elle rit un peu plus. Hilare, ou peut-être qu'elle est désespérée. Elle ne sait pas - mais elle n'arrive pas à s'arrêter. Les sanglots de mêlent au rire, et les larmes au sang qui macule ses mains, ses poings qui se sont écrasés dans le miroir quelques secondes plutôt. I can't stand my own reflection anymore. Ces yeux noirs, mauvais et vides - et cet atroce triangle qui ne fait que la narguer un peu plus tous les jours. Elle n'y arrive plus.

Les doigts effleurent la glace fissurée, passent au-dessus de ses propres traits qu'elle ne reconnaît pas. Une soudaine envie de s'arracher la peau la prend, si violemment qu'elle en a un hoquet. I want to take it off. Everything. "Don't look at me..." siffle-t-elle à son reflet, l'oeil rendu fiévreux par l'alcool, et les larmes. La vision est floue, mais toujours aussi rouge. Un ouragan lui prend les organes, retourne sa cage thoracique: détruit tout sur son passage. "Don't! Look! At! Me!" Elle martèle le miroir une nouvelle fois, au rythme de ses mots - hurle, et hurle, et pleure, et rit.
Des gouttes de sang maculent la coiffeuse, ses vêtements, et son reflet lui renvoie une image d'elle sanglante. Il y a des bras qui l'entoure subitement, l'immobilisent, l'empêchent de se faire du mal. But I want to. I need to. C'est Romeo, qui lui souffle quelque chose - mais elle est trop loin pour comprendre, Angel. Il doit sûrement lui dire d'arrêter, qu'elle va se blesser, se faire du mal. But I'm already hurt a-t-elle envie de sangloter - au lieu de ça, elle crie, s'agite comme un diable pour tenter de se défaire de l'emprise du triton. "Let me go..!" parvient-elle à crier faiblement, entre deux hoquets, deux crises de larmes. Mais Romeo ne la lâche pas. Il y a Madame dans l'encadrement de la porte, sûrement avec cet air larmoyant dans les yeux qui donne la gerbe à Angel. "I want to sleep ..." Que reste-t-il de la fière harpie, si ce n'est que quelques maigres plumes arrachées au vent? "I just want to sleep." Et elle pleure, elle pleure. Romeo la berce et la force à relâcher les morceau de miroir, Lily et Kaori viennent ranger et nettoyer derrière Angel sans un mot pendant qu'elle continue de sangloter en silence. Madame, elle, reste dans l'encadrement.

La chambre redevient silencieuse.