L’atmosphère glacée est un parfait reflet de la tempête qui sévit dans ta poitrine. Ton palpitant n’est plus qu’une cavité, douloureusement vide, où ne passent que les courants d’air et le souffle morose de la solitude. Mal aimée, mal comblée. Délaissée par un époux que tu as épousé par intérêt, ronger par les réminiscences d’un fils que tu ne reverras plus jamais, brisée par un amant qui t’a dit adieu pour l’éternité. Tu souris un peu trop souvent, tu ris trop fortement, mais la vérité, c’est que derrière le masque de poupée ne se cache que des fissures que tu ne parviens pas à recoller, qui te font saigner chaque fois que tu tentes de les effleurer. Alors, tu essaies de noyer ses oppressantes émotions dans un flot de festivités, de travail acharné, de mondanités démesurées et d’attaques que tu trouves toujours un moyen de justifier.

Comme celle que tu t’apprêtes à livrer. Un nouveau chapitre dans une guerre qui deviendra, un jour, ancestrale. Celle de deux branches rivales. Les Travers et les Deschamps. Unis par le sang, désunis par le ressentiment. Pourtant, tu y prends presque goût à ce jeu pernicieux qui s’est instauré entre Marlon et toi. Tu finis toujours par t’amuser lorsque tu vois la haine brûler avec ardeur l’onyx de ses iris et ça te permet d’oublier, l’espace d’un simple instant, ce néant qui en réalité te bouffe à en suffoquer.

Ton regarde retombe une dernière fois sur ton reflet. Le carmin de robe tranche parfaitement avec l’aspect opalin de ton derme. Sang, fureur, haine, feu, la parfaite couleur pour passer un peu de ces festivités avec ton cousin détesté préféré. Négligemment, tu replaces une mèche de ta crinière avant de transplaner devant la résidence du Travers. Un elfe ne tarde pas à se présenter devant toi pour t’accueillir, mais sans vraiment t’en préoccuper, ignorant superbement ces plaintes intempestives, tu te contentes de lui jeter ta cape et d’entrer. C’est là que tu le trouves, dans l’un des salons, à contempler le brasier brûlant le cœur de la cheminée. « Joyeux Noël ! » Après le jour consacré à ta personne, Noël arrivait certainement en seconde position de tes festivités préférées. Alors, tu ne doutais pas que tu arriverais à rendre cette journée mémorable aux yeux de ton cousin. « Je ne suis bien sûr pas venue les mains vides. » Tes prunelles azurées balaient la pièce d’un regard, en espérant trouver un endroit convenable pour poser ton présent. Austère, sinistre, tu n’étais guère étonnée de l’ambiance dégagée, bien que tu sois presque surprise de ne pas trouver un cercueil jonchant le sol et quelques crânes entassés ici et là pour maintenir en place quelques ouvrages de magie noire. « Je sais bien que ton admiration pour moi est loin d’être saine, mais bien que je sois née le jour d’Halloween, mon anniversaire est passé depuis plus d’un mois. » De ton sac, tu extirpes un sapin miniature auquel tu ne tardes pas à rendre sa forme originelle, le parant d’or et de rubis, le faisant briller de mille et une étincelles. C’est à ses pieds que tu places ton paquet. T’as plus qu’une hâte, qu’il le déballe pour découvrir le magnifique exemplaire Le mariage pour les nuls, que tu lui as acheté. Le sous-titre 10 leçons pour apprendre à ne pas tuer ou dénoncer son épouse, risquait de particulièrement l’intéresser. Tu ne savais pas s’il s’agissait d’un miracle christique, mais entre Marlon et Myrthild, tu devenais la personne la plus heureuse en ménage de la famille. Une situation presque inespérée, qui te faisait tout de même questionner le rapport au mariage de votre famille. « Je n’allais quand même pas te laisser passer les fêtes seul, quelle cousine indigne aurais-je fait. Du champagne ? » Tu redonnes forme aux bouteilles que tu as apportées dans ta grande bonté, il était simplement hors de question que tu t’abreuves de leur infâme jus de citrouille ou de leur horrible whisky pur feu. « Toi là, pars nous préparer quelque chose ! Si possible quelque chose qui ne soit pas anglais, donc rien qui ne soit insipide ou couvert d’une affreuse gelée. » Tu le savais, vous alliez passer d’inoubliables festivités.

Tu avais cru que le manoir serait vide à nouveau. Que dans l’immensité de cette demeure, l’absence de Freya te frapperait avec une brutalité inouïe. Et si c’était bien là ce qui s’était produit les deux premiers soirs succédant son arrestation, une étrange présence funeste avait commencé à se faire ressentir dans la nuit du vingt-et-un décembre. N’ayant pas succombé au sommeil depuis près de deux jours, tu avais d’abord supposé être en proie à une hallucination, voire même à une farce de très mauvais goût. Et pourtant, trois jours plus tard, en ce réveillon de noël, les signes témoignant d’une présence étrangement familière n’avaient pas cessé, bien au contraire. Tu avais la désagréable sensation d’être constamment épié par une ombre invisible, où que tu te trouves à travers le manoir. Parfois même, il te semblait être comme “traversé” par une forme de magie insaisissable.
Au début, seul un tableau remisé au grenier avait commencé à se mouvoir sans raison apparente, avant d’intensifier ses mouvements à en faire trembler le plafond de ta chambre à coucher. Ainsi, dès lors que tu tentais de fermer les yeux pour trouver un semblant de délivrance, le portrait de ta première épouse venait faire craquer le plancher, et entraînait dans sa course une multitude de souvenirs amers. Tu pensais pourtant avoir été clair avec tes elfes de maison le soir de ton second mariage, alors que tu leur avais ordonné de se débarrasser du cadeau de très mauvais goût, offert par ta cousine Madelaine. Aussi, quelle ne fut pas ta surprise lorsque tu grimpas au grenier et y découvris l’origine des tremblements qui secouaient le manoir. “It’s just a bloody picture. You’re not real.” Éreinté, bouleversé par les récents évènements, c’était alors d’une voix tremblante que tu t’étais adressé au visage impassible de Vivien. Bien qu’il te parut parfaitement normal de commencer à délirer en de telles circonstances, tu te promis de demeurer aussi rationnel que possible. Tu avais vu son cadavre, tu avais senti ta magie se libérer de la sienne, alors que son corps s’était brutalement effondré au sol. Et malgré tout, tu ne pouvais ignorer ses yeux d’acrylique qui, même dans l’obscurité de la nuit, paraissaient aussi vrais que nature.

Au fil des jours, d’autres objets avaient commencé à s’animer sans crier gare. Ces phénomènes, d’abord ponctuels, s’intensifiaient au fil du temps. Depuis que la rumeur, selon laquelle tu avais personnellement donné l’ordre d’arrêter ta seconde épouse, se propageait au Ministère, il t’était impossible d’y trouver refuge. Impossible aussi d’échapper à cette sorcellerie dont le manoir était victime. Plus Noël approchait, plus tu te demandais si Freya n’était pas parvenue à lancer une malédiction sur votre demeure, depuis les tréfonds de sa cellule. Une cellule à laquelle tu l’avais toi-même condamnée malgré tes belles promesses bafouées.

Alors que le crépuscule était déjà tombé sur le manoir en cette veille de Noël, un fracas assourdissant retentit à l’étage. Les nerfs à vif, tu dégainas ta baguette magique avant de grimper les escaliers quatre à quatre. Tu ouvris la porte de ta chambre à la volée, pour te rendre compte que le chandelier fixé au mur venait de dégringoler sur l’armoire à vêtements de Freya. Dans tes pupilles d’ordinaire si froides se reflétaient désormais les flammes dévorant la garderobe de ton épouse. Abreuvé par la colère, tu hélas au premier elfe de maison de venir s’occuper de ce grabuge, avant de te diriger vers le grenier. “Wingardium Leviosa!” Le portrait de Vivien s’éleva alors dans les airs et te suivit jusqu’au grand salon du rez-de-chaussée. “Get out of here now! Get the f*ck out of here, Vivien! Leave me alone!” C’est une haine viscérale qui ponctuait alors le ton de tes hurlements. Emporté par ton ire incandescente tu envoyas le tableau s’écraser dans l’âtre de la cheminée. Fruit de ton imagination, ou résultat du bois qui craquait au contact du brasier, tu eus l’impression que des plaintes lancinantes s’élevaient du portait, à mesure que les flammes le dévoraient. Avant de finalement te rendre compte qu’il s’agissait en réalité des glapissements de ta maudite cousine.

La mine triomphante, Madelaine fit irruption dans la plus rouge des robes qu’il t’eut été donné de voir. Le cauchemar ne faisait finalement que commencer, songeas-tu, le cœur battant encore au rythme de ta colère. “Ce n’est pas le moment, Madelaine.” Pour toi, ça ne le sera jamais, Madelaine. “Ton anniversaire ?” Déboussolé, tu te demandes ce que cela pouvait bien te faire d’apprendre que tu avais manqué de lui présenter tes meilleurs vœux. Loin de se laisser impressionner par la froideur de ton accueil, Madelaine entreprend soudain d’extirper un sapin de Noël ?? Et des présents ?? de l’intérieur de son sac à main. Par Merlin, aurait-elle complètement perdu la raison ? “Je ne suis pas seul. Tu ferais mieux de rentrer auprès de ton époux.” Poussé dans tes derniers retranchements, tu ne trouves rien d’autre à lui dire pour la chasser de chez toi. Alors qu’elle continue à prendre ses aises, et ordonne même à l’un de tes elfes de maison de lui servir à dîner sous ton regard outragé, tu retiens de justesse la petite créature par le col de son linge. “Ne va rien préparer du tout, Madame Malfoy est sur le point de s’en aller et d’emporter son… sapin avec elle.” Était-ce donc trop demandé que de te laisser faire le deuil de Freya Abbott ?