L’agitation règne dans les bureaux de la Values Brigade. Depuis la mise en quarantaine du N9, il n’était pas rare de se bousculer, d’entendre crier au scandale, du fait du débarquement de certains départements du niveau condamné, rendant l’open space de la brigade plus si open, ni même spacieux que ça. La brigade était très territoriale, aussi, beaucoup de handlers, Nils compris, étaient venu.e.s chouiner au bureau de Corban Yaxley. De fait, qu’il se mette à brailler devait signifier que quelqu’un d’autre demandait à changer de place.
Se sentant acculé sur son bureau désormais collé serré à celui de Siham, Nils ne lève pas les yeux de son travail, quand bien même un petit avion en papier (le quatrième depuis une dizaine de minutes) vient s’échouer sur son bureau, visiblement destiné à un autre étage. Presque automatiquement, il le renvoie d’un moulinet du bras; et, presque automatiquement, la voix de Corban crisse de nouveau dans l’air. "J’peux savoir qui vient d’envoyer une notice dans ma gueule!!!?"

Le cerveau vif du jeune homme fait rapidement le calcul et, au lieu de se dénoncer, le visage rouge de honte, il se replie encore un peu plus sur son rapport de mission en cours de rédaction. Corban venait d’entrer dans les bureaux, donc, accueilli par le projectile du jeune Fitzroy qui essaye de se faire tout petit derrière les montagnes de papier sur son bureau (et qui appartenaient vraisemblablement à quatre nouveaux voisin.e.s différent.e.s). "Et puis c’est quoi tous ces messages, par terre??!" Intrigué (et détourné de sa concentration à cause des cordes vocales increvables du chef du département), Nils se redresse et réalise que les quatre avions de papier qui avaient échoué sur son bureau n’étaient rien, comparés aux dizaines de centaines de pliages écrasés sur le sol de la Brigade. Si certain.e.s brigadiers se contentaient de les pousser nonchalamment du pied, d’autres commençaient déjà à se faire la malle, prétextant une mission impromptue, comprenant que d’ici peu, ça allait leur retomber sur le poil.

Et, si Nils est un garçon brillant, il n’a jamais été très roublard. Aussi, il sent très vite le regard furibond de Yaxley dans sa nuque. "Toi, là! Fitzroy!" Nils serre les dents; il n’aime pas qu’on l’appelle par son maudit nom de famille. "Monsieur?" Il relève la tête et doit se retenir de grimacer en découvrant que Corban avait un œil violacé à cause de l’avion projeté dans sa poire. "Toi et ton... vague mouvement de main un peu dégoûté en direction de Bairagi, vous allez me renvoyez tout ça avant la fin de la journée!" Nils cligne des yeux et n’a pas le temps d’ouvrir le bec que le Mangemort enchaîne, d’un ton un tant soit peu moins agressif: "Al-Massri, aide-les; vous irez plus vite..." Corban fait volte-face et, avant de s’enfermer dans son bureau, abat sa dernière consigne: "Et je veux pas vous voir utiliser vos baguettes; c’est déjà suffisamment le boxon!!" Et de claquer la porte, projetant une dizaine d’avions en papier.

Nils, bouche bée, se tourne lentement vers Siham et Bairagi, la pointe de sa plume encore enfoncée dans le parchemin qu’elle imbibe d’encre. "Je... je suppose qu’on doit s’y mettre maintenant?" Il jette un coup d’œil peu assuré autour de lui, ramassant du bout des doigts une note au hasard, destinée au recensement des nés-moldus. "On— on a qu’à faire des piles selon les destinataires et euh— il déplie précautionneusement la note, et écarquille les yeux en en découvrant le contenu. Et euh, là, c’est la pile pour les petits mots privés...!" bafouille-t-il en reposant la lettre soudainement, comme si elle lui avait brûlé le bout des doigts.

Une nuit comme une autre à la Brigade – ou presque. Aucune nuit n’était exactement comme les autres depuis que la notice du N9 avait fait son apparition sur le tableau d’affichage et les longues sessions de paperasse se trouvaient régulièrement interrompues par une nouvelle manifestation du chaos agitant les sous-sols du Ministère. « Toi, là! Fitzroy ! » L’attention de Bairagi passa de son parchemin au chef de service – tu es un peu le prolongement de ma baguette, en moins efficace, lui avait dit un jour Lewis. Ç’avait sûrement été l’une des seules remarques sensées que lui avait confié son Handler – les Hounds n’étaient que de simples outils greffés à leurs Handlers, et il était souvent de bon ton de se sentir concerné.e lorsqu’on alpaguait ces derniers. « Toi et ton... Bingo. Vous allez me renvoyez tout ça avant la fin de la journée ! » Bairagi déposa sa plume et baissa les yeux sur la multitude de notes échouées à leurs pieds, formant un tapis de parchemin de taille diverse et variées. Yaxley s’en prit à leur voisine et s’en fut en leur donnant un ordre absurde (encore un).

« Je... je suppose qu’on doit s’y mettre maintenant ? » Bairagi hocha positivement la tête et s’agenouilla au pied du bureau. « On— on a qu’à faire des piles selon les destinataires et euh— Et euh, là, c’est la pile pour les petits mots privés... ! » Bairagi suivit le parchemin coupable du regard, avant de revenir à celui qu’elle tenait dans les mains. Rendez-vous à l’endroit habituel, après les heures de bureau. Je porterai mon… Le papier fut replié sans plus d’ambages, puis lui aussi relégué à la pile des lettres privées. « Vous devriez vous dépêcher, Yaxley ne va pas être content. »

Bairagi releva les yeux en un rapide coup d’œil : Al-Massri confortablement assise à les regarder naviguer entre notes cordiales et rendez-vous secrets. Il n’était pas difficile de l’imaginer à l’œuvre, en tant que Handler – elle avait le même sourire narquois que Lewis, et quatre fois plus de prestance que ce dernier. C’était ce qui leur arrivait, lorsqu’ils se trouvaient tout en haut de l’échelle : et Al-Massri cochait toutes les cases depuis que la Marque lui avait été donnée. « Oh d'ailleurs Fitzroy, j'ai croisé ta mère l'autre fois. Elle m'avait l'air très préoccupée... » Bairagi déposa le parchemin destiné au service de séparation du monde moldu, effleurant ce faisant les doigts de Fitzroy, pour se défaire de ses gants en cuir et étendre le bras pour les déposer au pied du fauteuil d’Al-Massri sans lui adresser un regard. « Tenez. » Le papier coupait, avait-elle dit ; pour le reste de ses mensonges, Bairagi ne pouvait rien y faire et elle revint à l’océan de notes pliées, espérant seulement que Nils ne serait pas piqué par la remarque sur le sujet sensible que se trouvait être sa mère.

"Je préfère regarder, je ne sais pas lire, le papier ça coupe, j'ai beaucoup de travail." Nils soupire. Que Siham refuse de bosser, ça ne l’étonne pas vraiment; mais qu’elle désobéisse à un ordre de Yaxley, Nils trouve ça un tant soit peu plus risqué, jusqu’à ce qu’il se rappelle de la Marque fraîchement gravée à son avant-bras qu’elle venait de décrocher, pas comme lui. "C’est tout à ton honneur, maugrée-t-il sans insister. Il perdrait plus de temps à essayer de lui faire changer d’avis qu’autre chose.
Et puis, Bairagi, elle, est là pour lui donner un coup de main.
Littéralement.

Ils se touchent du bout des doigts et Nils a l’impression de voir flou; mais si ça se trouve c’est seulement à cause de la remarque sarcastique de Siham. "Oh d'ailleurs Fitzroy, j'ai croisé ta mère l'autre fois. Elle m'avait l'air très préoccupée..." Nils suit du regard les gants déposés près de Siham, le remonte jusqu’à sa sournoise camarade. Il n’a pas l’air bien vaillant, sa silhouette noire, longiligne et crispée, recroquevillée au-dessus du parterre de lettres, des avions en papier plein les mains. "Plaît-il?" Tellement de questions se bousculaient dans sa tête, s’écrasant juste derrière ses dents, incapable sur le coup de les formuler intelligemment. Fort heureusement pour son rythme cardiaque, après avoir jeté un coup d’œil circulaire, personne d’autres ne semble les avoir entendu (ou alors à tout casser, il s’agissait de Boris qui avait le don de rester incroyablement silencieux lorsqu’il partait à la pêche aux ragots), et Bairagi n’a pas l’air intéressée le moins du monde, à voir comment elle empilait sagement les petits mots du Ministère.

Tout en restant accroupi, ce qui lui donne une allure d’énorme araignée apeurée, Nils se rapproche de quelques centimètres du fauteuil de bureau de Siham. Ses joues habituellement blafardes sont un peu roses, et il se sent un peu à l’étroit dans son costume sévère. "Qu- qu’est-ce que tu veux dire par préoccupée??" Son regard va et vient entre ses deux comparses, comme si un simple eye contact pouvait lui apporter des réponses, ou mieux encore, complètement changer le sujet de conversation. "Et puis... pourquoi elle viendrait te voir, toi, si elle— si elle se sent comme ça?"
Son regard trébuche sur les piles de notes, et pendant une seconde, il est même tenté d’aller fouiller dans celle des mots privés, pour voir si sa mère avait fait part de son désarroi à qui que ce soit d’autre dans le Ministère de plus avisé.e que Siham Al-Massri.

Dans une tentative de s’éloigner de ce sujet embarrassant, Nils ramasse un autre avion en papier. "Oh, je crois que c’est pour toi, Curran... Quelqu'un au recensement semble avoir entendu parler de ta main verte..." Il lui tend le papier dans un geste un peu fébrile, prenant bien le temps de ne pas le lâcher tout de suite, au cas où leurs doigts se touchent encore, uuf.

Mais malgré tout, il ne peut pas rester sans réponse. Nils est un garçon malin, mais sa manière de réfléchir se basait exclusivement sur une logique implacable et aussi souple qu’un vieux balai. Aussi, il essaye de se raccrocher à toutes les branches possibles, bien que l’arbre dans lequel il soit emmêlé relève davantage d’un saule cogneur mesquin. "C’est... c’est parce que tu as la Marque, c’est ça? Vous... vous êtes rapprochées?" demande-t-il dans une grimace. Il faut dire que Siham avait le don de tisser des liens qui ennuyaient le plus Nils, en l’occurrence Felix.
Encore un peu, et elle finirait par venir bruncher avec son père!

"Qu- qu’est-ce que tu veux dire par préoccupée??" Bairagi tendit l’oreille, alertée face à la réaction immédiate de Fitzroy. La Hound avait rapidement saisi que la famille était un sujet sensible chez son Handler de remplacement ; chaque membre semblait provoquer chez le sorcier une émotion différente, des sentiments aussi divers que vifs qui crispaient ses traits sous le regard attentif de la vampire. Le silence d’Al-Massri fut tout aussi évocateur : elle savait comment tirer sur cette corde sensible, le fruit du hasard ou d’une relation remontant à plusieurs années ? "Je veux dire préoccupée préoccupée..." Bairagi coula un regard à Fitzroy du coin de l’œil, visiblement tout aussi préoccupé que sa mère – elle ravala sa propre gêne d’être exposée à cette discussion sensiblement personnelle, disparaissant derrière son propre rôle de ramasse-missive, se dissociant de cette situation sans néanmoins l’ignorer entièrement, constamment sur le qui-vive, enregistrant les informations que le comportement des deux Handlers lui donnait.

Ce n’était pas la première fois (et ce ne serait sûrement pas la dernière) que Bairagi assistait à ce genre de chamailleries – l’Acromantula avait été le théâtre d’accrocs de toute envergure et elle s’était régulièrement éclipsée aux changements de tensions dans l’air, désireuse d’échapper à ce que Gwen appelait drama dans un reniflement de mépris. L’attention de Bairagi fut rappelée à la conversation au changement de ton de Fitzroy – plus doux, moins nerveux, le signe qu’il s’adressait à elle, son regard coulant naturellement sur le bout de parchemin entre ses doigts tandis qu’il lui tendait. "Oh, je crois que c’est pour toi, Curran... Quelqu'un au recensement semble avoir entendu parler de ta main verte..." Elle prit soin de se saisir du parchemin en restant à distance des doigts de Fitzroy en un geste précautionneux, désireuse d’éviter le contact à même sa peau désormais nue où s’entrelaçait l’encre de ses runes. Ignorant la brûlure du regard sur elle, Bairagi déplia la note. J’ai quelques problèmes de géranium à l’étage. Si tu voulais bien y passer, je te montrerai ma truel… Le mot fut replié avec lenteur, une raideur légère dans la nuque de sa lectrice, puis glissé à l’arrière de son pantalon – elle ne pouvait pas le laisser à la vue des deux Handlers ou se comporter de manière suspecte.

Al-Massri finit par glisser au sol, écopant d’un bref regard du coin de l’œil de la vampire. Des effluves boisées, une ancienne odeur de cigarette – une bibliothèque olfactive que Bairagi récolta précieusement en continuant de trier les morceaux de parchemin, la pile des notes de service grimpant à la même vitesse que celle des mots personnels. "Vivement ton tour qu'on devienne super copains !" L’ironie mordante de sa voix criait qu’en effet, Al-Massri aurait pu faire l’usage d’un ami ou deux – mais Fitzroy, marqué ? Bairagi ignora une fois de plus l’énième attaque sur la génitrice de Fitzroy, lisant rapidement les notes tandis que son esprit tentait de dépeindre l’image du tatouage sur le bras pâle de son Handler temporaire. Il ne fallait pas être Merlin pour voir qu’il n’avait pas les épaules – et en cela, il avait au contraire parfaitement le profil pour le rôle : les plus influençables et les plus émotifs étaient des cibles de choix pour des décisions abruptes, extrêmes. Satisfaire la fierté paternelle, se rapprocher de sa mère, affirmer la séparation avec son jumeau disparu… Bairagi se secoua de ces jugements qui ne la regardaient en rien et déposa une nouvelle note sur l’imposante pile du N2. "Buck t'embête à la récréation, c'est ça ? Tu pourrais le défendre quand même Curran..."

Bairagi releva les yeux pour les planter dans ceux d’Al-Massri. Ils étaient noirs comme du charbon, brillant de l’insolence des plus forts – pureté de sang, marque, beauté, la Handler avait tout pour elle et le savait pertinemment. "M. Buchanan ne serait pas le premier sur la liste, légère pause, Bairagi baissa de nouveau les yeux sur son travail avant de la rendre plus suggestive, si cela était dans mes fonctions." Défendre son Handler ne s’appliquait qu’au terrain – pour le reste, elle se contentait, en attendant, d'être le témoin des moqueries plus ou moins voilées à son égard.

Nils épie non sans surprise Siham qui finit par glisser à leur hauteur, dans le grincement du cuir de ses chaussures et de son équipement. S’il n’était pas aussi préoccupé par cette histoire sur sa mère, Nils aurait rougi de se retrouver à proximité de deux filles en même temps!! "C'est ça, Nils, embarrassé, à cet espèce de balancement d’un pied à l’autre, alors qu’il est encore accroupi, la marque nous rapproche tous instantanément par les liens sacrés de l'amitié. Vivement ton tour qu'on devienne super copains !" Nils ronchonne, ses yeux roulant dans leurs orbites. S’il y avait bien un truc qui lui faisait peur, à la prise de la Marque, c’était bien la capacité à pouvoir se faire des amis de nouveau un jour! Parce que dans la pléthore de Mangemorts qu’il connaissait, la plupart était insupportable, sans qu’il parvienne à savoir si leur caractère pourri était une cause ou une conséquence de la prise de la Marque (sauf dans le cas de sa mère, bien sûr!!). Aussi, il réalise qu’au final, la Marque va bien au teint de Siham…

"N’importe quoi… marmonne-t-il. - Non je crois que ta mère parle de ses préoccupations à tout le monde... Sauf à toi. Je te laisse deviner pourquoi ? Même si Nils avait voulu articuler une réponse, il n’y serait pas parvenu, à voir comment il gobe l’air autour de lui sans produire aucun son intelligible. Elle a peur pour ton intégration dans la brigade. Buck t'embête à la récréation, c'est ça ? Puis, tandis que Nils se débat avec sa gêne, Siham s’adresse à Bairagi: Tu pourrais le défendre quand même Curran… - Mais non, mais… - M. Buchanan ne serait pas le premier sur la liste, si cela était dans mes fonctions."

Nils se rattrape aux branches et, vissant son regard confus dans celui de Siham, ouvre ses paumes en direction de Bairagi, lâchant au passage la poignée de lettres volantes qui retombent mollement au sol. "Tu vois? ça ne fait même pas partie de ses— attends quoi??" Il raccroche difficilement les wagons, tandis qu’il se tourne cette fois-ci vers Bairagi: "Comment ça le premier de la liste? Curran, il y a une liste de gens qui me veulent du mal??" Et Merlin seul sait que Nils considérait les listes comme un sujet très sérieux. Ne comptez pas sur lui pour faire la moindre tâche sans en dresser une liste au préalable; il s’était difficilement retenu d’en constituer une dans son carnet pour le tri du courrier, mais là-haut dans sa caboche, ça charbonnait dur, bien que toutes ses révélations ne l’aident pas à se concentrer. "Mais pourquoi moi?? Je suis leur médecin??" s’étouffe-t-il, la main portée à sa poitrine. "Je suis le seul qu’on n’a pas intérêt à "embêter à la récréation"!" Et c’était typiquement pour ce genre d’état de faits qu’on avait toujours embêté Nils à la récréation.

Ou peut-être que Nils était sidéré qu’une liste existe sans qu’il n’en soit l’auteur… C’est qu’il en avait dressé beaucoup, à propos de la Brigade, et des plus ou moins professionnelles. "Al-Massri, tu es au courant de quelque chose? soupçonne-t-il, les yeux plissés. Et puis, de toute façon, je ne vois vraiment pas qui il y aurait sur cette satanée liste!" prêche-t-il, dans l’espoir que soit la langue de vipère de Siham, soit la parcimonieuse mais cinglante franchise de Bairagi, lui apprenne la vérité.

Une menace. Bairagi ne répondit rien à l’interrogation suggestive d’Al-Massri – frôler les limites n’était pas dans ses fonctions, et les franchir lui aurait coûté son poste et sa peau, deux choses auxquelles elle tenait comme un vieux réflexe (le premier peut-être plus important que la seconde). "Tu vois? ça ne fait même pas partie de ses— attends quoi??" La note de surprise cueillit l’ouïe de Bairagi en plein vol ; son regard remonta sur Fitzroy pour raccrocher les deux yeux légèrement écarquillés braqués sur elle, l’ampleur du choc reçu ouvertement écrit sur ses traits aux yeux observateurs de la vampire. "Comment ça le premier de la liste? Curran, il y a une liste de gens qui me veulent du mal??" "Je l’ignore." C’était hypothétique, ravala-t-elle en baissant de nouveau le regard sur les lettres pêle-mêle à leurs pieds ; ce simili de liste existait possiblement au sein de la Brigade, une hypothèse vers laquelle elle préférait ne pas envoyer Fitzroy, prône aux vérifications scientifiques même (surtout) lorsqu’elles le concernaient lui. "Mais pourquoi moi?? Je suis leur médecin??" Je suis le seul qu’on n’a pas intérêt à "embêter à la récréation"!" Il était aisé de voir pourquoi Fitzroy, en dépit de ses capacités d’observation et son goût pour les déductions, n’avait pas encore saisi les motivations d’un tel comportement : lui fonctionnait selon une logique froide, loin du comportement primaire des sorcier.es en société. S’en prendre au plus faible et à ce qui était différent – deux principes basiques dont elle avait été le témoin, et parfois l’exécutrice, au cours de ses missions de l’Acromantula.

La voix de Fitzroy se détourna d’elle, et Bairagi feignit de se concentrer sur son travail en comprenant qu’il s’adressait à l’un de ses bourreaux : "Al-Massri, tu es au courant de quelque chose? Et puis, de toute façon, je ne vois vraiment pas qui il y aurait sur cette satanée liste!" "Vraiment ?" Al-Massri s’était bien évidemment saisie du bâton que lui avait tendu Fitzroy dans sa détresse. "Ne me dis pas que tu n'as pas pensé à faire une liste des personnes qui te seraient potentiellement hostiles dans ton petit cahier..." Le regard de Bairagi remonta jusqu’à Al-Massri alors qu’elle esquissait son geste en direction du carnet : elle put sentir son sang tiède se geler dans ses veines, ses muscles tendus prêts à un assaut qui ne viendrait pas. Toucher une Sang-Pure, quand bien même les secrets de Fitzroy étaient en jeu, était un affront qu’elle ne pouvait se permettre – et ce même si lesdits secrets se trouvaient désormais exposés, les sortilèges de Dissimulation ineffectifs durant leur creux magique. Page vingt-trois… Oh. "Attends, attends, t'as mis Wallace avec Bagshot ?? Puis Yaxley avec..." Les doigts de Bairagi se refermèrent autour de la lettre dont elle venait de se saisir, sachant pertinemment sur quelle ligne du carnet le regard d’Al-Massri s’était posé. "Non mais comment t'as fait pour rater ça ?" Le faisceau des yeux noirs d’Al-Massri revint se river sur elle. "Curran, dis-lui." Bairagi sonda un bref instant ses pupilles, à la recherche d’une motivation allant au-delà du simple plaisir de pousser autrui sous les roues du Magicobus. "Je ne vois pas de quoi vous parlez." Son regard revint aux lettres, dont elle se saisit sans plus porter d’attention aux affaires personnelles du Directeur de Département. Il fallait parfois mentir pour le bien de toustes – le sien et celui de Fitzroy, qui possédait un désavantage de taille avec son héritage de sang, à la fois contre Al-Massri, et contre Yaxley. "Je vais aller remettre ces lettres," fit-elle en rassemblant une pile conséquente de missives sans chambouler l’ordre établi par leur tri avant de se relever – Bairagi préférait encore jouer aux messagères qu’à l’aide d’Al-Massri pour agacer son propre Handler.

"Ne me dis pas que tu n'as pas pensé à faire une liste des personnes qui te seraient potentiellement hostiles dans ton petit cahier..." Nils était trop occupé à lester les piles de lettres avec ce qui lui tombait sous la main (certaines piles piquaient dangereusement du nez, italian style), pour réaliser qu’à l’instant où Siham avait fini de siffler avec ironie à son oreille, elle s’était jetée sur son petit cahier. Nils allait naïvement répliquer que ça n’avait rien d’un cahier, qu’il n’était pas un écolier, et que la marque qu’il utilisait pour ses carnets de notes était de très bonne qualité et méritait davantage le respect.

Lorsque, dans un coin de son champ de vision, le bras de Siham s’allonge vers son précieux carnet, il tourne la tête si rapidement qu’elle aurait pu se décrocher de son col roulé. "Al-Massri!!" siffle-t-il. Mais, tout comme Bairagi, il ne fait rien pour arrêter Siham et, s’il esquisse un mouvement vers elle, il ramasse bien vite fait son bras contre lui, les phalanges crispées, réalisant sans doute à quel point un tel échaudement était stupide (sûrement parce qu’au combat au corps à corps, Siham lui aurait mis une raclée).
De fait, impuissant (pour changer), Nils l’observe feuilleter le carnet en gémissant. Il a même cet insupportable mouvement du bras étendu entre Siham et Bairagi, comme pour empêcher cette dernière de tenter quoi que ce soit pour sauver sa vie privée (genre, Bai-chan allait risquer sa vie pour ça). D’ailleurs, à y regarder de plus près, la vampire semblait bien silencieuse (pour changer), as in, à ceci près qu’elle se tenait du mauvais côté, on aurait pu croire qu’elle lisait par-dessus l’épaule de Siham et, avant même que celle-ci choisisse une page à inspecter, Bairagi avait l’air de savoir de quoi il allait être question.
Nils ouvre des yeux ronds, confus.

"Attends, attends, t'as mis Wallace avec Bagshot ?? Puis Yaxley avec..." Le visage de Nils vire au rouge aussi pétant que la police d’écriture de Siham. "Al-Massri, donne-moi ça…" marmonne-t-il, tendant une main fébrile. "Tu peux pas comprendre, c’est— c’est un code…" (sachant que le véritable code avait été annulé par les troubles magiques sévissant au Ministère; la liste de noms se transformait alors en liste de courses, et vous seriez ravi.e.s d’apprendre que Siham y figurait en tant que navet, et Bairagi en tant que bouteille de vin non alcoolisé du meilleur cru). "Curran, dis-lui." Nils se fait violence pour ne pas automatiquement river ses yeux à Bairagi qui ne bronche pas, même si l’intuition du jeune homme lui susurre que la vampire est forcément au courant de whatever Siham is talking about. Mais, une fois n’est pas coutume, Nils doute aussi que son Hound crache le morceau une fois qu’ils ne seront plus que tous les deux; ils ont beau passé du quality time ensemble, elle n’avait jamais manifesté un attrait particulier pour les commérages (bien qu’il ait remarqué ci et là des haussements de sourcils désapprobateurs quand il mettait à plat une rumeur sur un.e collègue).

"Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je vais aller remettre ces lettres. - Non, attends! Ne me laisse pas tout seul avec cette vipère!" Par réflexe, Nils a retenu le geste de Bairagi en posant sa main sur son bras. Il le remarque aussitôt, bien entendu, en rougit, mais ne se défait pas de sa prise, fusillant sa collègue handler du regard. "Je n’ai rien raté du tout! Oh boy, le bluff de Nils est douteux, mais euh, l’important, c’est d’essayer: Si j’ai choisi de mettre Mr Yaxley avec von Baüme, c’est que j’ai mes raisons! Raisons qui figurent trois pages plus loin, d’ailleurs. Ce genre d’études repose sur autrement plus de données que de simples bruits de couloir, Al-Massri! ça relève de la chimie!"
Ce qui expliquerait pourquoi il garde le bras de Bairagi sous sa paume, comme si euh ses hormones du love pouvaient se transmettre au travers des quarante-cinq couches de cuir. Il ne rompt le contact que pour tendre de nouveau la main en direction de Siham: "Tu n’as qu’à faire ta propre liste, si tu es si observatrice! Rends-moi mon carnet maintenant, ou je…" Il a un regard en coin pour Bairagi: "Ou je vais être obligé d’employer les grands moyens!"