vanishing act

quelque part en irlande - décembre 2007

Une bruine légère accueille son apparition. On n’y voit pas au-delà de deux mètres malgré la lumière du jour, mais peu lui importe. La caravane est quasiment devant lui. Inchangée, comme un artefact historique survivant à tout et à tous. Ça lui fait toujours un petit pincement au cœur que de devoir l’approcher comme un invité et non pas un hôte, mais ça reste quand même moins cuisant que ce qu’il a ressenti les premières semaines suivant son retour. Il grimpe une marche, une autre, manque ne pas s’annoncer - plus par orgueil qu’omission involontaire - mais finit par toquer quelques coups contre la porte centenaire - de ce genre de détails qui lui sont presque humiliants. Mais il s’est promis de faire tous les efforts possibles et imaginales, cette fois, pour ne pas froisser les trois personnes qu’il est précisément venues voir. Aux voix qui lui répondent à l’intérieur, il se permet alors d’entrer.

"Ah, parfait", réagit-il d’emblée en posant le regard sur les silhouettes de ses cousins et celle de Carmichael, "vous êtes tous là." On notera dans son ton un quelque chose de prétentieux, comme s’il les avait conviés (pas faux) et qu’ils étaient ici chez lui (à débattre). "Merci de me recevoir", ne manque-t-il pas d’ajouter, manière de mettre de l’eau dans son vin. C’est qu’il n’est pas plus que ça d’humeur à se quereller - Merlin, et la triade ici présente, savent pourtant que c’est devenu une habitude, mais c’est bien la première fois qu’il s’adresse à eux avec cet air sérieux, dénué d'impudence. La première fois aussi qu’il leur demande de se réunir tous les quatre et cela loin des autres. L’affaire est à la fois urgente, et sensible ; il y a quelque jours à peine et alors qu’il revenait d’un village moldu voisin, une vielle connaissance en la personne de Sofia l’a approché, charriant avec elle des nouvelles du front et... une proposition. Glenn est loin de s’imaginer que son ancienne collègue du Ministère, et de toute évidence alliée, a depuis peu repris les rênes de l’Ordre, mais il sait qu’elle en est un membre éminent - comme le lui ont assuré les sept cercles couvrant son poignet -, et que ses intentions sont réfléchies.

En shelta cette fois - et pour toute la durée de leur conciliabule : "Je ne vais pas faire durer plus longtemps le suspens." Il voit déjà le regard de Mike noircir d’impatience. "Je suis venu vous parler de ça." Ça, ce sont les deux cercles couvrant son poignet, qu’il révèle d’un coup de baguette, et recouvre de suite après sous sa manche de blouson. Un secret de polichinelle entre eux, dont on se doute sans en parler - de nombreux travellers de leur génération sont après tout dans la même situation. Glenn avance jusqu’à l’un des vieux fauteuils présents dans la pièce et s’y assoit, les coudes sur les genoux, mains croisées. Il regarde alternativement Darragh, Grainne et Carmichael. "Vous n’êtes pas sans savoir que le régime en place depuis maintenant presque dix ans reste stable et plutôt bien portant", une œillade est plus particulièrement coulée à l’endroit de sa cousine, qui est la plus à même d’être au courant de ça, eu égard à sa position dans la société sorcière, "cela malgré les tentatives répétées de l’affaiblir. " L’attaque de Gracefield, en dernière date, est un évènement qu'il lui est inutile de citer. "Cette résilience", le terme pourrait être honorable, mais il est prononcé avec un sarcasme dont Glenn ne retient pas la moindre inflexion, "a coûté la vie à de nombreuses personnes", là non plus, il ne leur fera pas l’affront de leur rappeler leurs propres pertes, "et est venu à bout de l’Ordre. Du moins tel qu’on l’a toujours connu."

Son pouce frotte l’intérieur de sa paume, pensivement, sachant évidemment que la nouvelle, présentée comme ça, peut soulever certaines craintes. Il y a en effet de quoi s’inquiéter et il veut que le Triumvirat mesure la gravité de la situation avant de préciser son propos. "Je ne suis pas au fait de tous les détails, vous le savez aussi bien que moi, l’Ordre est opaque à bien des niveaux. Mais on m’a récemment rapporté qu’il restructurait ses rangs et qu’il cherchait des alliés."

Il relève les yeux de ses mains. La partie 'restructurait ses rangs' est pour l'instant mise de côté. "Je sais. Notre neutralité. Et au-delà de notre neutralité, notre sécurité. Mais nous ne sommes plus neutres depuis des années, quant à notre sécurité...", mouvement de tête, "ce régime a tué, chassé et marqué les nôtres", la honte de Maureen, son malaise en public, sa douleur, presque, ont fait grossir en lui sa colère qui ressort à travers syllabes. "Il est peut-être temps pour nous d’agir. De vraiment agir. De vraiment nous allier à Eux." Il en revient à Grainne, comme la prenant à témoin. "Je crains sinon que les comptes du gang soient bientôt le cadet de nos soucis."

Darragh aimerait prétendre qu’il est heureux d’entendre toquer à la porte de la caravane, et encore plus, heureux de voir son cousin, mais ce serait… mentir, peut-être pas tout à fait, mais pas non plus de la plus grande honnêteté.

Le vent du changement, le Lynch le sent souffler depuis un certain temps.

« Merci de me recevoir. Merci de te présenter », rétorque-t-il, sans pousser l’ironie jusqu’à la querelle comme il serait très facile de faire ce commentaire. Le sérieux de Glenn mérite un peu de considération, même si c’est pour encore potentiellement les tartiner de ses arguments comme quoi il devrait reprendre son poste, et eux ne veulent même pas faire partie du Triumvirat, et cousin cher cousin, blablablabla à ce stade il n’écoute même plus vraiment. « Je ne vais pas faire durer plus longtemps le suspens. (à deux doigts de le remercier de les épargner de ses sparages)(he is in a fighty mood, today, it seems) Je suis venu vous parler de ça. » Les yeux pâles effleurent tout juste le tatouage dévoilé par le rouquin.
Sa réponse, physique, est qu’il s’installe un peu plus confortablement dans son siège, tout à l’écoute.

L’inquiétude creuse la ride du lion entre ses sourcils, alors que Glenn d’une destruction de l’Ordre tel qu’ils ont pu le connaître ― le sentiment s’étend vite à Pendulum, dont il n’a pas eu de nouvelles depuis longtemps. À Liam, aussi aux abonnés absents. Les cercles à son propre poignet le démangent, ceux-ci soudain enflammés. Il n’y a que Liam, qui sache vraiment, mais Glenn est un homme intelligent (brillant, pourrait-il même dire, s’il avait un peu moins de mauvaise foi à l’égard du Ward). Intelligent, et qui le connaît trop, et les années d’absence n’y ont rien changé. Il devrait en être insulté, de ça comme des ressemblances qui ont toujours persisté entre les cousins et qui n’ont fait que se marquer avec l’âge, mais il ne réussit pas. Peut-être que c’est reposant, de penser qu’on puisse voir en lui, derrière le masque, les prétentions, sans avoir à se dévoiler.

La ride se marque encore plus, s’accompagne d’un regard qui capte celui de sa jumelle, puis celui de son meilleur ami, alors que les intentions de Glenn se font plus claires. Plus directes, portées par ce même vent froid de changement qui glace sa nuque. « Tu proposes donc qu’on affiche clairement notre allégeance auprès du Syndicat et que nous aidions officiellement l’Ordre du Phénix », que dit l’Irlandais très calmement, en espérant suivre le fil de la pensée du Ward. En ne sachant pas si c’est qu’il veut, si c’est ce qu’il attendait depuis tout ce temps, ou si c’est une idée particulièrement imbécile qui prouve les dommages irréversibles faits à l’esprit acéré de son cousin pendant toutes ces années sur l’île des horreurs. Darragh se replace encore un peu, boit une gorgée du verre d’eau à portée de sa main. « On va se faire expulser du Syndicat. » Et serait-ce un si grand mal ? L’An Lucht Siúil n’a pas toujours eu de place à la table du Syndicat et s’y accroche depuis des années, bon gré et surtout mal gré, pour conserver un tant soit peu de poids au sein du Royaume-Uni, mais en vérité… en vérité, ils n’ont jamais été ce genre de gang et c’est sur eux que ça pèse de plus en plus.
Ne plus être au Syndicat, c’est aussi ne plus avoir la protection du Syndicat, mais alors qu’ils ont été chassés, tués, marqués : l’ont-ils tout à fait vraiment eue ?

Elle n’aime pas ça. Le fait que Glenn leur donne rendez-vous dans la caravane pour causer de quelque chose de sérieux. Elle croit reconnaître le cousin roublard et calculateur qu’il était avant d’être arrêté et, dans un sens, même si elle n’est pas mécontente de voir ressurgir ce caractère qui était loin d’être présent au moment où les Ward étaient réapparus dans leur vie, elle aurait préféré qu’il le dirige vers quelque chose d’autre que de contester leur Triumvirat. Quelque chose de plus constructif, voyez...
Oui parce qu’elle est prête à mettre sa main à couper que Glenn a des reproches à leur faire, sur leur façon de gérer le gang, ses membres, voire peut-être carrément d’en assurer la sécurité.
Et Grainne n’aime guère être prise en défaut alors qu’elle se démène comme elle peut pour savoir dans quel sens le vent souffle du côté de la bonne et belle haute-société où elle gravite malgré son sang-mêlé.

Alors que Glenn entre et les remercie de le recevoir, elle se contente de hausser les épaules, n’étant pas vraiment confiante sur le bilan que l’ancien prisonnier va tirer de leurs années de règne à trois. Elle laisse à Darragh le plaisir d’être le plus poli du groupe, et s’installe un peu plus droit, histoire de ne pas être complètement déconnectée de ce conciliabule.

Et puis d’un coup, voila Glenn qui remonte sa manche et elle jette un coup d’œil presque horrifié en anticipant une toute autre révélation que les cercles qu’il fait brièvement apparaître sur son poignet avant de rabattre la manche. Elle doit être fatiguée, ou redouter d’être dans un cauchemar éveillé, à imaginer le pire du pire et surtout le plus improbable. Mais les cercles n’ont rien de la marque qu’elle voit noircir les avant-bras de certains de ses amants, et elle comprend aux expressions de Darragh et Mike que c’est bel et bien le signe distinctif qu’ont les proches de l’Ordre.
Il va falloir qu’elle continue les séances d’occlumancie avec Aodhan, là.

Elle ne dit rien, pour autant. Il n’y a rien qui la choque, à ce moment-là. Ce lien est logique et il faudra qu’elle le planque habilement si on vient à l’interroger. Elle s’enfonce dans son fauteuil, relève ses yeux bleus dans ceux de son cousin st l’observe, attendant qu’il déroule son argumentaire en lien avec la résistance. Le gros de ce qu’il dit est compréhensible, quand bien même certaines remarques lui restent en travers de la gorge. Mais elle s’efforce de ne pas prendre personnellement ce qu’il dit. Chacun a son rôle à jouer et le leur, leur loyauté même, va d’abord au gang, avant d’aller à l’une ou l’autre des factions. Ni Darragh, ni Mike ne doutent un seul instant de là où se trouve le cœur de Grainne (faction-wise, parce que pour le reste, il faudrait surtout que Mike se décide à poser la question...). Mais étant la plus médiatisée de leur trio et la plus intégrée dans la société, elle est aussi celle dont la position politique peut être douteuse pour certains.
Les yeux perçants de Glenn qui reviennent sur elle après son laïus argumenté ont l’air (mais elle s’imagine probablement des choses) de signifier cela, et voilà la blonde qui se renfrogne un peu, les sourcils légèrement plus froncés qu’au début de la soirée.

Elle ne dit toujours rien et c’est son jumeau qui reprend la parole, après un regard échangé à trois. La clé de voûte du problème : le Syndicat. Elle complète ce qu’avance le Cerveau Lynch, et précise : « Même si le Syndicat passe ça sous le tapis pour une raison ou une autre, une partie de ses membres ne laissera pas pisser. Certains proches de l’autre camp. » C’est la tête protectrice de ce Triumvirat qui parle, à l’instant. Celle qui anticipe les merdes et redoute constamment que les choses empirent. Apprendre que l’Ordre du Phénix tire de l’aile n’est d’ailleurs pas plus rassurant que cela. « La seule chose qu’on pourrait décider de fournir à l’Ordre, qui soit vraiment intéressant pour eux et qu’ils pourraient acheter, ce sont les productions de la branche métallurgique. Le rendement est pas dingue même si Keith fait tout ce qu’il peut. » Elle renifle et secoue la tête : « Mais si on part là-dedans, on va vraiment se foutre le Syndicat à dos. » Elle ne formule pas la suite de sa pensée, consciente que l’argument des arrestations plus nombreuses à quelqu’un qui sort à peine d’une captivité atroce ne sera peut-être pas le plus délicat.

"Tu proposes donc qu’on affiche clairement notre allégeance auprès du Syndicat et que nous aidions officiellement l’Ordre du Phénix." Glenn ne dit rien. Il attend que les idées se forment toutes seules dans les esprits qui l’entourent. "On va se faire expulser du Syndicat." Il a un mouvement de recul lent qui l’emmène jusqu’au dossier de son siège, contre lequel il prend appui. Ses mains ne se sont pas décroisées. "Même si le Syndicat passe ça sous le tapis pour une raison ou une autre, une partie de ses membres ne laissera pas pisser. Certains proches de l’autre camp." Perdu dans ses réflexions, l’aîné glisse un œil en direction de Mike, comme s’il s’attendait à ce qu’il renchérisse à son tour. C’est sa cousine qui poursuit cependant. "La seule chose qu’on pourrait décider de fournir à l’Ordre, qui soit vraiment intéressant pour eux et qu’ils pourraient acheter, ce sont les productions de la branche métallurgique. Le rendement est pas dingue même si Keith fait tout ce qu’il peut." Glenn l’écoute de bout en bout. "Mais si on part là-dedans, on va vraiment se foutre le Syndicat à dos."

Et c’est là tout le problème.

Pour que ce détail revienne par trois fois dans la discussion en seulement quelques minutes, c’est qu’ils savent, eux comme lui, combien le Syndicat tient à la neutralité. Et quand le Syndicat tient à quelque chose… disons qu’il vaut mieux marcher dans ses pas que sur ses pieds. "Oui cette alliance, si on l’affiche, nous coûtera cher. Probablement plus cher encore si on omet de la mentionner et que ça vient ensuite à se savoir." Glenn a assez traîné du côté de cette barrière-ci pour savoir que même entre chefs de gangs on plaisante toujours qu’à moitié quand on se moque du Big-ish Brother. De mémoire, certains procès se terminent parfois par l'extermination du gang inculpé. "Sans parler des délateurs, et en effet proches de l'autre camp, qui pourraient nous vendre au gouvernement..."

Son pouce revient frotter la peau de sa main, cette fois si près de l’ongle de l’autre pouce, et d’une manière si nerveuse, qu’il s’en fait saigner la cuticule. "Nos produits de la branche métallurgique pourraient en effet intéresser… (il adresse un signe de tête positif à Grainne) … un tiers-investisseur qui n’a officiellement aucun lien avec l’Ordre, par exemple, ou une société-écran pouvant brouiller les pistes. Quoiqu’il est peut-être trop optimiste de ma part de supposer que l’Ordre détient, ou détient encore, de quelconques instruments financiers du genre… de quelconques instruments financiers tout court, d'ailleurs." Il pousse un soupir. Pose cette fois ses coudes sur les accoudoirs, où ses mains entourent le cuir avec une certaine crispation - qui ne dégrade en rien sa stature calme, presque distante des préoccupations qui les absorbent (c’est un art que tout le monde ne maîtrise pas, aurait-il désagréablement fait remarquer à Mike en d’autres circonstances).

"Comme il est peut-être trop optimiste de ma part de voir en l’Ordre un égide sous lequel placer les nôtres." Un protecteur trop faible et trop gourmand ne les préserverait pas plus de l’agresseur ; mais ça n’a de toute manière jamais été la proposition de Sofia. Quand Glenn lui a dit laisse-moi en parler avec nos chefs ; d’une, croyez bien qu’articuler nos chefs lui a coûté, et de deux, il mentait. A moitié, disons. La condition de Sofia était qu’il quitte les Travellers et plutôt que d’annoncer ça de but en blanc au Triumvirat, Glenn s’est mis en tête de  les convaincre de rejoindre l’Ordre. Oui, on pourrait légitimement arguer que, derrière ses grands discours altruistes, flotte l’ombre d’un certain égoïsme. Glenn ne veut pas quitter les Travellers ; ils sont sa famille, son clan, ce pourquoi il s'est toujours battu. Et, bien que l'idée d'obtenir une position importante dans l'Ordre flatte son égo et son éternel arrivisme, il ne se voit pas fermer la porte à un demi-siècle de loyauté pour... dieu seul sait quoi l'attend dans les rangs de la résistance. "Je ne prétends pas qu'Ils sont la solution à notre survie. Mais en avons-nous une meilleure ?"

Son regard passe de sa cousine, pour se planter dans celui de son cousin. Allez savoir pourquoi - parce que Darragh et lui, ça a toujours été une histoire d'amour et de rancœur, de rires et de mots durs, de respect et d'offenses, une histoire vieille comme le monde ; une histoire de famille. "Si des négociations auraient pu être menées avec le Syndicat pour que sa protection soit bel et bien effective, elles n'ont de toute évidence pas été faites. Je me trompe ?" Le ton n'a pas grimpé d'une octave et pourtant. Il se fait accusateur.

Il n’y a rien de simple dans leur situation, qu’importe le choix fait. Sa loyauté va d’abord et avant tout aux Travellers et même si on le suppliait, le menaçait, il ne pourrait pas les quitter. C’est un clan, c’est sa famille, et le sang n’a rien à y voir. Et pourtant, lui aussi ressent le besoin d’en faire plus le démange, le dérange, s’attache à l’impression d’être un informateur vaguement inutile. Non, ils n’ont pas de meilleur solution, mais doivent-ils vraiment entièrement s’y rattacher ?

Darragh a toujours été capable de s’engager lui, mais engager pour ce gang qui est sous sa responsabilité… c’est une autre affaire. Toujours plus compliquée.

« Si des négociations auraient pu être menées avec le Syndicat pour que sa protection soit bel et bien effective, elles n'ont de toute évidence pas été faites. Je me trompe ? Cesse de jouer à l’idiot, Glenn, je déteste quand tu fais ça », somme Darragh avec un ton pas si différent de celui utilisé pour gronder sa fille. Celui qui n’a aucun plaisir à ce qu’on vienne leur secouer qu’ils n’ont pas fait pendant ces années, ce qu’ils auraient pu faire, dû faire parfois, ce qui leur est passé sous le nez, ce qui n’est peut-être pas trop tard. Celui qui préférerait que Glenn pose franchement ses griefs au lieu de vouloir les amener à eux-mêmes les reconnaître et ensuite pouvoir s’en distancier en disant qu’il n’a rien fait, ti was you all along.

Merlin qu’il le déteste, et qu’il l’aime, et qu’il lui a manqué, et qu’il est pire qu’une épine dans son pied.

Puisqu’ils sont là, cela dit, autant cesser de tourner autour de tout un ensemble de pots. C’est l’heure de les casser. « Non, nous n’avons pas renégocié la protection syndicale. Oui, ç’aurait dû être fait avant aujourd’hui. »

La nervosité de son cousin lui parvient comme une vague contagieuse. Darragh fouille dans ses poches et en tire sa pipe, commence tranquillement à la bourrer pour se donner un semblant de contenance et d’air décontracté. Un art qui ne peut pas être atteint par tous, dirait-il au Ward dans un autre temps, en jugeant le sang qui perle à ses cuticules. « Le Syndicat a changé, Glenn. Il était dur avant ta disparition, il l’est encore plus aujourd’hui. Plus dur et peut-être plus désespéré, à sa façon, commente Mike, avec un signe d’approbation de son meilleur ami. Les Polonais se sont fait écraser par la Bratva et le Syndicat n’a rien fait pour les aider. Crois-moi que nous avons trouvé sage, pendant un temps, de ne pas porter à leur attention que nous n’étions pas au meilleur de notre forme. » Choix stratégique qui s’est étiré, a débuté bien avant l’affaire des Polonais, et qu’il défendra encore aujourd’hui. Surtout devant Glenn, tiens.

La pipe est coincée entre ses lèvres et il suffit d’un coup de baguette pour qu’il l’allume, en tire quelques bouffées du tabac à l’odeur douce. « Nous sommes dans de meilleures conditions aujourd’hui, mais suffisamment encore sur la sellette pour que le Syndicat reconnaisse ce qui n’a pas été fait de leur côté. Un sortilège ouvre une fenêtre de la caravane et y ventile la fumée. Dans les lanternes, les cheveux de Darragh sont à leur plus enflammé. Ils ne voudront pas nous perdre. Pas alors que c’est déjà la débandade avec… les autres », commente-t-il sobrement et vraiment, sans aucune tristesse pour tout ce qui arrive à l’Alberich et les Warlocks (il n’a rien contre le Clan Wang, qui ne sont pas moins impliqués dans ladite débandade).