Cela fait plusieurs mois qu’Amabella observe sans rien dire, sans rien faire. De réceptions en réceptions, elle n’a eu de cesse de s’étonner à chaque fois de la présence de son jumeau, lui qui pourtant déteste toutes ces parades et n’y va souvent que quand Samira lui lance un ultimatum. À plusieurs reprises auparavant, sa belle-sœur avait pu se plaindre à elle de l’espèce d’ours mal léché qu’elle avait épousé et la née Carrow n’a pu que feindre la compassion. Feindre oui.
Nous n’entrerons pas dans les détails de ce qu’elle a souvent feint en présence de Samira Carrow, née Al-Massri : d’abord parce que cela prendrait des heures, et ensuite parce qu’il faudrait connaître parfaitement l’esprit et le cœur d’Amabella pour se douter un seul instant de la fausseté avec laquelle elle recueillait les complaintes de celle qu’une stupide alliance matrimoniale avait intégrée à sa famille.
Will you die already? avait probablement été pensé pas plus tard qu’hier, lors d’un dîner familial, dans le manoir Carrow, et dissimulé proprement derrière des murailles mentales que même sa mère ne pouvait percer, le tout alors que la dernière née de la fratrie souriait avec douceur et compréhension.

U g h.

Tout ça pour dire : Amabella appréciait déjà fort peu l’épouse de son jumeau au moment de leur mariage, et avait appris, avec le temps, à détester chaque geste, chaque parole et chaque pensée (oui parce qu’à ses heures perdues, la mère de famille nombreuse fouillait la psyché de sa belle-sœur, ne serait-ce que pour s’assurer qu’il n’y aurait nulle trahison venant de sa part). Autant dire qu’à voir l’infime pli qui se creusait sur son front alors que Samira observait de loin Abram en discussion avec un autre homme, la mangemorte avait compris qu’elle n’était pas la seule à avoir repéré le manège de son jumeau, quand bien même il soit d’une discrétion presque impeccable.

Cela avait mis donc plusieurs mois avant que la beauté diaphane ne se décide à agir, dans l’intérêt de son frangin qui ne lui avait évidemment rien demandé (mais puisqu’il continuait de lui proposer régulièrement de lui offrir la mort de Chadwick sur un plateau et qu’elle avait cru comprendre que l’impuissance de son époux depuis toutes ces années n’avait rien à voir avec elle, elle considérait être dans son bon droit à se mêler des affaires de son adelphe). Profitant d’un soir où elle était arrivée avant son frère, elle se débrouilla pour fausser compagnie à son cher mari rapidement, et partit en quête du sang-mêlé auquel Abram semblait s’être attaché. Le trouvant en grande discussion avec Antonin Dolohov, elle profita de cet angle d’attaque pour venir saluer son collègue mangemort avant de se présenter formellement au couple Haggen, car après tout, ils n’avaient jamais vraiment eu l’occasion de parler ensemble longuement. (Oh, mais on savait reconnaître les soutiens fidèles du régime, même quand ils n’étaient pas marqués) Alors qu’un air s’achevait et qu’un autre débutait en fond sonore, Amabella fit mine de chercher quelqu’un, provoquant une étincelle de curiosité chez Antonin, qui ne se souciait guère d’avoir du public pour l’interroger : « Qui cherches-tu donc comme cela ? Ton amant ? - Allons donc ! rit-elle doucement Bien au contraire : tu n’as pas vu Chadwick ? Il m’avait promis qu’on danserait ce soir, mais je redoute qu’il ait trouvé mieux à faire. - Ah les hommes…, soupira Antonin en jetant un coup d’œil à Eileen, comme pour obtenir son approbation. - Tu ne voudrais pas danser avec moi ? - Avec toi, si, mais pas sur une vulgaire valse ! J'ai tout de même des principes. - Tu es un bien piètre ami. Et vous ? hasarda-t-elle presque sans y croire à Haggen, avant d’aviser son épouse et de se corriger : Si ça ne vous dérange pas, bien sûr, Eileen que je vous dérobe votre époux le temps d’une danse. »
Comme si elle était loin de se douter qu’un autre Carrow le dérobait à d’autres moments.
Des années de parade dans les réceptions des sangs-purs à parfaire ses expressions pour avoir l’air aussi innocente qu’une agnelle.
On lui donnerait tout sans confession.

L’univers mondain de l’élite sorcière, Jim Haggen s’y est coulé avec une aisance remarquable, au fil des ans. Il n’est pas né dans ce beau monde et les privilèges dont il jouit ont été acquis par ses propres moyens (plus quelques coups de pouce bien placés), mais à le voir y évoluer, on pourrait y croire. Et surtout : au contraire d’autres dont nous tairons le nom, il apprécie tout ce monde. Ce n’est donc pas une surprise de le trouver dans la liste des invité·e·s de chaque événement d’importance, apportant avec lui un certain sceau de sympathie au-dessus des choses même les plus horribles.

La compagnie d’Amabella Shacklebolt est la surprise de la soirée et si Jim a une connaissance pour ainsi dire biblique de son jumeau, il a toujours manœuvré pour rester loin de la dame (tout Gryffondor soit-il, il faut croire qu’il a un zeste d’instinct de survie). Aisé, alors que leurs mondes ne se recoupent guère, mais il faut bien la figure rieuse d’Antonin pour joindre jusqu’aux partenaires les plus improbables. « Permettez-moi de me joindre au concert de ceux qui vous disent superbe, Amabella, au risque de me révéler fort peu original », n’a-t-il pas manqué de complimenter, assortissant la présentation et la salutation d’un baisemain exemplaire, avant de laisser Eileen engager la conversation (au grand malheur de celle qui, de plus en plus, subit ces moments).

Jim fait parfaitement ― enfin, ça, c’est ce qu’il se dit ― mine de rien alors qu’il jette des coups d’oeil discrets (ça aussi, c’est son impression à lui et lui seul) à l’entrée de la salle de réception à chaque fois que ses portes s’ouvrent sur des nouveaux invités. Aucun qui ne le ravisse, soyons honnêtes, malgré les sourires et salutations distantes qu’il lance ça à un collègue, là à une ancienne camarade d’école, l’impatience croissant au fil de la course de la trotteuse de sa montre à gousset. Il attend une personne et ce soir, celle-ci se fait désirer. Commentaire qu’il ne manquera pas de lui faire part, lorsqu’ils seront seuls. Enfin, pour ça, il faut déjà qu’il soit présent…
L’homme se fait donc distrait alors qu’une nouvelle valse s’entame et perd donc toute la prémisse du manège de la dame de la haute société, avant qu’il soit directement apostrophé par celle-ci : « Tu es un bien piètre ami. Et vous ? Surprise dans ses yeux pers, avant que la situation s’éclaircisse avec ses mots suivants : Si ça ne vous dérange pas, bien sûr, Eileen que je vous dérobe votre époux le temps d’une danse. »

Les deux époux se jaugent quelques secondes, communication silencieuse dont ils ont parfait l’art après trois décennies de mariage. Refus pratiquement impossible est le consensus des deux sang-mêlés ― il n’est pas là pour dénier à Amabella Shacklebolt, née Carrow, une danse. Un sourcil se hausse avec élégance dans le visage de sa compagne, puis elle dégage son bras du sien, sans sembler le moins du monde dérangée de cet emprunt fort poliment demandé. Ce qui pourrait être un indice pour le Gallois, s’il était un tant soit peu plus attentif : disons qu’elle est bien davantage crispée lorsqu’il lui fausse compagnie pour rejoindre un homme que nous ne nommerons pas… « Avec plaisir, Amabella. Jim est un excellent danseur, je m’en voudrais de garder ses talents pour moi seule. Toujours les mots pour me flatter, mo sidan, remercie l’ancien joueur de Quidditch, son sourire dessinant les pattes d’oie au coin de ses yeux. Un baiser est déposé tout juste sur la tempe d’Eileen, avant qu’elle ajoute, goguenarde : Antonin saura prendre soin de moi en ton absence. Un clin d’oeil complice est offert à l’ancien Serpentard, qui ne manque jamais d’abonder dans son sens, mielleux au possible (à croire que c’est Eileen, sa meilleure amie) : Comme toujours, tu me connais. Dévoué, attentif, à tous les besoins de la si charmante Eileen. Vous êtes terribles. Amabella, permettez-moi de vous éloigner de ces goujats », qu’il fait mine de s’offusquer avec un rire qui dément toute blessure, offrant bien galamment sa main à la sang pure.

Ils n’ont manqué que les premières mesures de la pièce savamment jouée par l’orchestre et leur entrée sur la piste de danse se fait avec fluidité. Eileen n’a pas menti : Jim est un très bon danseur. Un corollaire de toutes ces années à se plier à des chorégraphies aériennes complexes, peut-être. De cours, surtout, afin d’être certain de ne pas écraser les fins escarpins de ces dames, alors que les soirées alcoolisées dans les bars ont été remplacées par des bals élégants. Il persiste une aisance dans les gestes, une détente dans son port, alors qu’Amabella et James enchaînent les pas parfaits. « Antonin a ce don pour s’attirer l’amitié de tous et toutes », s’amuse le sang-mêlé, le regard plongé dans celui de la Carrow. D’un bleu hypnotisant, là où celui de Bram est d’un brun sombre.

Non seulement Eileen Haggen autorise cet emprunt, mais elle ne semble pas en être courroucée le moins du monde. Dans un sens, Amabella n’est pas habituée à ce qu’on lui dise non, ce qui joue probablement à l’instant présent. L’humeur est assez badine même et elle se laisse entraîner par l’ancien joueur de Quidditch en riant doucement à la mention des « goujats ». Suivant bientôt les mouvements de son partenaire, elle constate et confirme ce que disait Eileen, à savoir qu’effectivement, James Haggen danse merveilleusement bien. Une main dans la sienne, l’autre posée avec légèreté sur son épaule, elle se laisse guider et virevolte, bercée par une melodie à trois temps.
Il ne va pas falloir trop tarder à aborder le sujet qui fâche, mais pour l’heure, autant ne pas échauder immédiatement le talentueux danseur, qui a repris la parole après quelques pas : « Antonin a ce don pour s’attirer l’amitié de tous et toutes - C’est un galant homme, il a des facilités. » « Galant » n’est sans doute pas le terme que d’anciennes victimes d’Antonin pourraient trouver adéquat, cela va sans dire. Amabella l’emploie néanmoins, ça entre personnes qui n’ont aucun scrupules à torturer, blesser, tuer, et le font même avec le sourire, ma foi, ils se comprennent bien. En outre, il faut tout de même reconnaître que Dolohov, comme elle, ont le sens mondain des réceptions, et savent être charmants en toutes circonstances. « Mais vous-même, James -ou préférez-vous Jim ?- vous me semblez tout à fait dans votre élément ici. fait-elle exprès de ne pas non plus l’appeler par son surnom comme l’ensemble des convives ? Peut-être. Et Amabella d’ajouter, songeuse : Encore que je ne parviens pas bien à déterminer si c’est votre entraînement à éviter des cognards qui vous protège de tout faux-pas mondain ou un don semblable à celui d’Antonin. »

Il en est toutefois un contre lequel il vaudrait mieux qu’elle le mette en garde, si possible avant que son idiot de frère ne ramène sa sombre mine (quoiqu’elle s’illumine souvent en présence de Haggen, ce qui est justement le cœur du problème). « Savez-vous d’ailleurs, vous qui savez aussi bien vous entourer, si mon frère a prévu de nous honorer de sa présence ? » La question est rhétorique : elle a pu suffisamment suivre tout ceci de loin ces derniers mois pour savoir que si Haggen est présent à une réception, quand bien même celle-ci comprenne une partie dansante, Abram paraîtra, à un moment ou un autre. Pour l’heure, néanmoins, elle feint l’ignorance, le temps de voir quelle réaction son cavalier va réussir à conjurer.
C’est un peu déloyal, mais il en va de la sûreté d’Abram : autant dire qu’elle ne cherche pas à lésiner.

« C’est un galant homme, il a des facilités. » Il ne sait même pas s’il utiliserait le mot galant pour parler d’Antonin en général, mais l’animal sait bien assez donner le change pour donner cette impression, c’est sûr et certain. Des facilités, il en a, d’accrochées à son sourire éclatant et ce charisme qui aurait de quoi rendre jaloux (et qui, as a matter of fact, rend au moins une (1) personne jalouse, i.e. celle qu’attend Jim depuis avant même qu’il pose le moindre orteil ici).

« Mais vous-même, James -ou préférez-vous Jim ?- vous me semblez tout à fait dans votre élément ici. User de son prénom est tout sauf anodin. Encore moins dans la bouche de la Carrow, quand on sait que la seule personne a avoir le droit expressément accordé d’en user est aussi un Carrow, et pas le moindre du lot. Un tressaillement tort le visage du Haggen, l’espace d’une fraction de seconde, avant qu’il précise : Jim convient parfaitement. Encore que je ne parviens pas bien à déterminer si c’est votre entraînement à éviter des cognards qui vous protège de tout faux-pas mondain ou un don semblable à celui d’Antonin. Un peu des deux, j’ose espérer. » Le sourire laisse décemment deviner que oui, il a bien aussi de ces facilités qu’on prête au Dolohov et que comme lui, il a su les utiliser à bon escient, dans ce régime qui n’est pourtant pas là pour faciliter la vie des sang-mêlés.
Il suffit seulement d’être un bon sang-mêlé, voyez-vous, et ce n’est pas donné à tout le monde que d’accomplir cette tâche, ou de comprendre ce que ça peut signifier comme sacrifices.

« Savez-vous d’ailleurs, vous qui savez aussi bien vous entourer, si mon frère a prévu de nous honorer de sa présence ? » Bien sûr que c’est un piège. Un piège tellement évident que ça n’en est pas un : s’il y a guet-apens, à moins de jouer à l’imbécile lui-même, il ne peut pas ignorer sa mise en place. Le sourire ne vacille pas tout à fait, mais sous les mains de la sorcière, le corps de l’ancien joueur de Quidditch se fait plus raide. Ils ne manquent aucune mesure, aucun pas, malgré cela. Lui aussi sait très bien donner le change et il sait en effet toujours autant éviter les Cognards. Avoir su, il aurait toutefois vérifié si le petit trafic de Felix Felicis qui se mène dans le milieu pro du Quidditch n’aurait pas eu quelques fioles destinées à son nom… « C’est un animal rare à observer dans ces événements, que votre frère », que débute Jim, qui ne compte toutefois pas prendre Amabella pour une idiote. Pas par estime spéciale, mais bien parce que les conséquences pourraient être bien plus redoutables que d’affronter l’affaire avec un brin de courage. La question est trop directe, trop pointue, dénote le savoir que lui puisse avoir connaissance de la présence de Bram lors d’une soirée de ce genre, plus que sa propre jumelle à la relation qui frise le fusionnel. Il pourrait en être flatté si ça ne faisait pas naître quelques battements de cœur effrénés à l’idée que… La réponse se complète avec une fausse légèreté : « Bram a mentionné qu’il tenterait de nous faire grâce de sa présence, mais je ne peux rien assurer de plus. »

Tout ce qu’il y a de sûr, avec ce diable de savant, est qu’ils sauront se retrouver, peu importe où.

Amabella hoche gracieusement la tête lorsque Hazard Haggen l’enjoint à l’appeler par son diminutif. Un sourire charmant, qui semble attester qu’elle se pliera à sa préférence, quand bien même elle a entendu une dizaine de fois déjà (voire plus) son cher jumeau le désigner par son prénom complet. Mais ce que les Carrow se disent en privé ne concerne sans doute pas directement Jim, et il n’y a aucune raison qu’il soit conscient des mentions ponctuelles qui ont déjà pu faire occurrence. La conversation en tout cas est fort plaisante, et la valse rondement bien menée, alors qu’elle se laisse guider sans résister.

Mais puisqu’une danse ne dure qu’un temps, il ne faut pas non plus trop tarder à sonder l’ancien joueur de Quidditch, si bien qu’elle enchaîne sur l’illustre absent de cette soirée et s’enquiert de sa venue en ces lieux, révélant par là qu’elle a sans doute moins d’influence consciente sur Abram que Jim Haggen ici présent.
Un instant, elle se demande s’il ne va pas tenter de feindre l’innocence totale, or ce serait fâcheux (et décevant). Elle hésite d’ailleurs à sonder directement les pensées de l’homme, mais Haggen pourrait bien avoir plus de surprises qu’elle ne le soupçonne pour l’heure. À la place, elle se concentre quelques mesures sur leurs pas, les bruissements de conversation autour d’eux, puis sur le souffle de Jim qui reprend finalement : « C’est un animal rare à observer dans ces événements, que votre frère - Il est vrai que j’ai peut-être raflé toutes les qualités mondaines dans le ventre maternel... », concède-t-elle d’ailleurs avec un sourire entendu, qui ne va toutefois pas jusqu’aux yeux. Pas que Leto Carrow, née Lestrange, soit un modèle de sociabilité, cela dit.

« Bram a mentionné qu’il tenterait de nous faire grâce de sa présence, mais je ne peux rien assurer de plus. » Le regard qu’elle lui lance en dardant ses yeux bleu clair sur lui est univoque : il y a quelque chose de la mise en garde silencieuse, de la compréhension bien plus pointue qu’elle ne peut le laisser croire avec ses minauderies dans les réceptions, d’une réserve... prudente ? Quoiqu’il en soit, elle répond doucement, un sourire attendri sur les lèvres, qui n’annonce pas du tout l’attaque frontale qu’elle décide de mener : « Vous seriez bien avisé, vous comme lui, d’être moins expressifs... » la prise de sa main sur l’épaule du danseur s’est raffermie tandis qu’ils virevoltent encore. « J’ai cru comprendre que vos épouses respectives ne semblent pas apprécier follement votre amitié... Et, sans vouloir préjuger de l’intellect certainement affûté de votre épouse, j’ose supposer que si celle d’Abie a pu s’en rendre compte, c’est que d’autres pourraient finir par achever le puzzle. » Elle dit ça tout en souriant toujours avec douceur, mais d’un ton qui est plus fermé que conversationnel. Un tel appel à être prudents ne surgit pas de nulle part, mais mérite en tout cas d’être entériné : « Or, vous comprenez bien que... oh, vous n’avez sans doute pas besoin que je vous fasse un dessin. »

La franchise prudente dont Jim fait preuve semble lui attirer, pour le moment du moins, ce qui ressemble à… il ne saurait pas dire. Le contraire de l’animosité, de la part d’Amabella, sans que ce soit non plus une quelconque amitié. Il nage depuis trop longtemps dans le monde du sport professionnel pour être abusé par le moindre sourire, trop rodé aux manoeuvres des requins pour ne pas deviner ce qui se cache derrière les mimiques forcées des uns et des autres. Il n’est pas Legilimens, mais a su développer une fort utile perception afin de survivre.

« Vous seriez bien avisé, vous comme lui, d’être moins expressifs... (eux ? expressifs ? Abram Carrow ?) J’ai cru comprendre que vos épouses respectives ne semblent pas apprécier follement votre amitié... Et, sans vouloir préjuger de l’intellect certainement affûté de votre épouse, j’ose supposer que si celle d’Abie a pu s’en rendre compte, c’est que d’autres pourraient finir par achever le puzzle. » Grimace-t-il ? Un tantinet, alors que les épouses sont évoquées et avec elle, la perspicacité qui leur a fait deviner ce qui n’est pas bien difficile à voir pour qui sait vraiment regarder. Pour qui s’attarde aux détails, aux incohérences, aux redondances. Et qu’importe à quel point Jim joue à l’idiot devant Eileen, ils savent tous les deux qu’elle sait. « Or, vous comprenez bien que... oh, vous n’avez sans doute pas besoin que je vous fasse un dessin. Vous êtes en effet très claire. » Limpide, pour ainsi dire.

La mise en garde est… gracieuse. Gracieuse et inattendue ― excusez-le, mais d’après ses post-jugés, les Carrow ne sont pas ceux qui donnent le plus dans la dentelle et les gants blancs, si on peut le dire ainsi. Néanmoins, s’il devait parier sur la personne la plus à même de l’exercice, c’est bien Amabella qui emporterait la mise, armée de son regard perçant et de son sourire éclatant. Capable de susurrer des horreurs entre ses dents, il en est certain, autant que des compliments, perles et couleuvres alternées. Mise en garde gracieuse, inattendue, donc, et surtout pas dans la mesure où il s’attendait. Comprenez qu’il aurait peut-être davantage attendu quelques menaces de la part de la née Carrow, afin qu’il s’éloigne de son jumeau bien-aimé, mais… si Amabella voulait qu’il soit loin d’Abram, elle l’aurait d’ores et déjà fait.

Le Haggen roule un peu des épaules, sous la main d’Amabella. « Bram ― Abram est un ami cher et je détesterais qu’il soit dans l’embarras suite à une interprétation, disons, fallacieuse de notre relation. » Fallacieuse, dit-il, alors que tout ce qu’il y aurait de fallacieux serait de croire qu’ils ne sont qu’amants. De croire à une quelconque légèreté dans l’affaire, alors que la vérité est bien plus cruelle. Plus ironique, aussi, alors que rien ne les destinait à si bien s’entendre et plus si affinités. « Est-ce présomptueux de supposer que vous seriez vous-même que très peu ravie de ce genre de scénario ? »