Par principe, Lena a toujours détesté être enfermée. Petite, si l’hyperactivité de son aîné n'accaparait pas toute la maisonnée, on aurait pu se rendre compte qu’elle-même….. rien du tout, si ce n’est qu’elle était une gamine avec beaucoup d’énergie.
Elena a également toujours eu un souci avec l’autorité, ce qui avait d’ailleurs occasionné quelques quiproquos plus ou moins sévères au cours de sa brève mais intense formation d’Auror. Cette tendance naturelle ne s’était pas arrangée avec sa capacité, aiguisée au fil des années, à obtenir toutes sortes de passe-droits ; il y a trois jours encore, c’étaient donc avec des yeux de merlan frit (une Pikachu face, really) qu’elle avait accueilli le refus de Sofia, alors qu’elle demandait simplement à sortir elle, pour quelques heures à peine, sans que personne n’ait à le savoir.

Inutile de préciser que Lena vit atrocement mal le confinement -- même si elle prétend tout le contraire, et qu’elle a même fait mine de refiler (avec toute la bonne grâce du monde) la chambre que lui avait pourtant dégoté Kingsley. Elle prétend ne pas avoir la mâchoire et les poings crispés en permanence, quand on lui adresse la parole ; accompagne bien volontiers Michael dans tous ses exercices, même si la rééducation qu’elle vient (enfin) d’entamer la bride sérieusement, et qu’elle s’est montrée exagérément frustrée de ne plus pouvoir faire les mêmes circuits que trois mois auparavant (même pour les bras ! Tout ça parce qu’elle ne s’est pas entraînée pendant un trimestre ?! Bullshit.)
Elle prend quinze minutes pour (tenter de) marcher tous les matins dans le parc sans attelle, s’efforce de faire trois repas par jour, rejoint parfois les autres dans le salon.
Mais vraiment, vraiment, alors même qu’elle est enfermée avec des gens qu’elle apprécie (en tous cas en majorité), Elena déteste cette situation. La vomit, l’abhorre, lui crache dessus. Elle est malade de ne pas savoir où est Benny, ni comment il va ; souffreteuse en songeant à qui peut bien garder Little Italy ; fiévreuse quand elle pense aux électrons libres comme Lucjan qui pourraient être Dieu-sait-où. Lena a la vague impression d’être un animal acculé et aveuglé, sans perspective d’avenir ou même d’échappatoire -- et elle hait se sentir aussi vulnérable, et à découvert, et incapable.
(Et puis, s’ils les trouvent ? Qu’ils débarquent ici par dizaines ? Est-ce qu’elle fera seulement mieux qu’à Little Italy ? Est-ce que Dae-won a vraiment entièrement récupéré ?)
(Et s’ils trouvent une autre planque ?)
(S’ils trouvent Benny, Javi, Nacho, Rubén, Sinead, Lucjan, Alexis, Seamus, Kingsley, Nate…?)

Elle pourrait y penser des heures en tournant en rond ou en regardant le plafond, si ce n’était pas pour Dae.

Alors ce matin-là, en se réveillant à côté de lui comme depuis trois jours (ce qui n’est pas arrivé depuis un moment, genre, un mois), Elena n’a pas trop grogné, l’a traîné jusqu’à la cuisine (ils ont fait petit-déjeuner au lit la veille, donc pas tous les jours non plus oh), est partie faire ses exercices habituels dans le parc sans ronchonner outre mesure (et pourtant sa jambe tirait sacrément la gueule, cette fois). Elle s’y est même attardée, parce que le ciel gris de novembre avait brièvement laissé place à un semblant de rayon de soleil ; s’est laissée tomber sur un banc, nuque en arrière avec toute l’appréciation qui se devait pour cet instant de 1. chaleur 2. solitude.
Et elle ne sait pas exactement combien de temps elle est restée ainsi, quand quelqu’un finit par la rejoindre et la pousser à ouvrir les yeux. Son expression vaut pour soulagement, quand elle tend presque par réflexe un sourire à Kashmira -- quelqu’un qu’elle apprécie, incontestablement, et dont elle ne refuse pas (au contraire) la compagnie.

Hey there partner: what are you doing here all alone? Lena jette un oeil à son calepin avec la force de l’habitude ; fait d’abord un (trop) grand geste pour désigner l’horizon ensoleillé (elle pourrait parler du calme, et de la difficulté, même pour elle, à rester aussi entassée sur d’autres gens), puis tire sa baguette pour faire apparaître à son tour un simulacre de carnet.
C’est devenu une habitude, avec Mira : Elena ne s’est jamais trop vue parler alors que son amie ne le pouvait pas, et a toujours largement préféré se mettre sur un pied d’égalité avec elle (et surtout, sur un même rythme) en écrivant elle aussi. Tant pis pour les pattes de mouche et son écriture d’enfant toujours plus accidentée parce qu’elle n’écrit pas assez. You? Elle demande d’un geste du menton et de ces fameuses lettres un peu laides.

Mira s’installe mieux, et elle n’a pas vraiment le temps de lui demander comment elle va que cette dernière a déjà recommencé à griffonner à même le papier. I wish they would have left us with at least one phone for the whole squad, you know? Lena hoche la tête, scrute davantage les traits de sa camarade. Détruire les téléphones était stupide, elle a déjà dit haut et fort ce qu’elle en pensait, ces gens n’ont clairement pas été élevés avec des moldus, puis… But we probably would’ve fight for it, tho… Son expression se fend d’un sourire, cette fois. Elena a mille choses à dire sur le sujet, mais elle se contente finalement de six mots : And I would have won, ofc. Elle pousse un peu Mira, a un minuscule rire. I would have lent it to you, no worries.

Comme si c’était si simple.
Lena veut poursuivre, lui demander comment elle s’occupe, si elle ne s’inquiète pas trop pour sa famille, si elle a une idée d’où Lou pourrait se trouver, mais elle voit bien que quelque chose travaille Mira, et prend donc plutôt son mal en patience. Alors quand elle la voit tracer Sooooooooo… You and--, son expression vire à l’indignation, tandis que ses joues se colorent d’un net rose que ses cheveux retenus essentiellement en arrière seraient bien en peine de cacher.
Comment Mira peut-elle savoir pour Nate et elle ? Est-ce que Faye a craché le morceau ? Est-ce que Mira la déteste ? Est-ce que Tommy va lui tomber dessus et lui dire d’arrêter de faire la conne avec le corazón de son petit frère ?! Ou alors est-ce que tout le monde s’en fout, Nate y compris, et--
Vent de panique côté Alvarez, mais finalement…

--You and Knight, uh? Mira lui flanque le carnet sous les yeux et ceux-ci n’en deviennent que plus exorbités sous le coup de la surprise (est-ce que c’est pire, est-ce que c’est mieux, dans tous les cas ses pommettes ne daignent pas décolorer). Elle et… Dae ?! “What are you going on about ?” La phrase lui échappe à voix haute et Elena aurait presque l’air sincèrement surprise si… la question ne se posait pas. Ils sont plusieurs, à St James, à savoir ce qui s’est passé après l’attaque de Little Italy, puis… puis peut-être qu’ils ont commencé à se comporter un peu trop rapidement comme un vieux couple, depuis le début de ce foutu confinement, sans toutefois la partie où ils s’embrassent devant les autres (parce que d’ailleurs ils ne s’embrassent pas, pas vraiment, c’est pas comme ça entre eux, c’est juste--)
Mais il y a quelque chose à s’endormir avec quelqu’un, se réveiller avec ce quelqu’un, et s’engueuler avec parce que les chaussettes traînent, manger avec, passer l’essentiel de la journée avec, s’engueuler parce qu’il n’y avait pas assez de protéines au repas du soir, ou que l’un a fait une sieste en bavant sur le pull propre de l’autre, puis s’enfermer dans la chambre pour… laisser tomber un peu précipitamment les vêtements baveux et traîner les chaussettes, et recommencer le lendemain ; quelque chose à quoi Lena s’habitue sûrement un peu trop bien et clairement beaucoup trop vite. “Nonsense,” elle soupire en agitant négativement la tête.

Elle se penche ensuite sur le carnet de Mira, cette fois, pour venir raturer copieusement le nom de code de Dae-won et le remplacer par un AND BOOM?!?! bien senti (et surtout bien souligné). Un sourire entendu vient remplacer son semblant de gêne, et elle poursuit, maintenant sur son propre cahier. When have u guys started kissing and stuff? Son sourire s’élargit. “I mean, I kind of told him to do it like three months ago…” … so Id have appreciated the update, elle poursuit à l’écrit, sensiblement comme lorsqu’elle switche entre anglais et espagnol (donc, chaotiquement). Can forgive if I get to sit 2nd row at the wedding. Fière de sa connerie (et de son point très appuyé), Elena ricane cette fois-ci plus franchement ; et c’est à son tour de venir pousser son amie de l’épaule, avec l’air réjoui de quelqu’un pas contrarié (ni rancunier, d’ailleurs) pour un sou.

Le sourire d’Elena grandit à mesure que l’horreur gagne du terrain sur le visage de Kashmira (oui, on parlait de quoi déjà ? qu’elle pourrait presque demander avec un air un peu trop triomphant). Sa camarade y va du “wow wow wow” silencieux, avant de se ressaisir de son carnet pour y écrire en majuscules et (surtout) s’y dissimuler. A l’évocation du tiger, Lena a un grand rire (silencieux lui aussi) et se prend à imiter un rugissement (muet, mais surtout évidemment appuyé du geste de la main-patte approprié) : la voilà divertie pour la journée (il n’en faut pas beaucoup, en même temps, quand on est bloqué.e.s dans un même Manoir depuis plus de soixante-douze heures déjà).

Le visage rougi de Mira lui réapparaît alors que Lena tente tant bien que mal de se calmer ; elle se penche par-dessus son épaule, vient y lire un A wedding? In this economy?? You have lost your mind, girl. C’est donc ça, sa ligne de défense ? Elena hausse un sourcil, sa moue rieuse pas disparue pour un sou. Everybody marry at war, chica, elle réplique aussitôt de son écriture empressée. Et c’est vrai : il suffit pour s’en rendre compte d’énumérer le nombre de ses camarades marié.e.s anormalement jeunes, ou de mesurer les litres de larmes qu’elle a pu verser au cours de pareilles cérémonies ces dernières années (elle aime bien les mariages, mind you). Se dandinant de plus belle, Lena vient donc à nouveau heurter doucement son amie, continue à ricaner silencieusement. Nobody said anything about us kissing, btw. Et plus franchement, encore, quand Mira poursuit ; cette fois-ci, on peut indéniablement l’entendre à travers le calme du jardin.

Elena se racle la gorge, se redresse pour tenter de reprendre une contenance. Yeah, right, my bad!!! (Elle glousse toujours). (Se retient tout juste d’ajouter un so…… more than kissing??? hiHIHIHI) C’est que l’espace d’un instant, leur situation lui paraît infiniment moins dramatique : peut-être bien que des Mangemorts peuvent leur tomber dessus à tout moment, ou qu’une autre planque peut être attaquée alors même qu’elles caquètent (non, ça ça la tend toujours en vérité), mais elle a la confirmation que Tommy et Mira sont a thing et ça vaut bien tout l’enthousiasme du monde. Preuve en est, Lena doit franchement se retenir pour ne pas applaudir frénétiquement à la manière d’une otarie de spectacle -- d’autant plus que Mira, en renversant la nuque en arrière comme si elle se trouvait au bord d’un précipice, n’arrange pas vraiment les choses. La première bondit donc en toute logique sur la seconde dès que celle-ci daigne reprendre son stylo ; et quand elle lit les nouvelles lignes, Elena ne peut pas s’empêcher de laisser échapper un très net (et sonore) “hihihihi”. (Sorry, elle ajoute presque instantanément à l’écrit pour ne pas annuler un si beau deal prématurément).

A partir de là, son propre Bic semble hésiter ; Elena affiche son meilleur air de conspiratrice, sa plus belle mine tourmentée (malheureusement elle a surtout été biberonnée aux télénovelas préférées de Benito alors… son acting… soit.) YOU (souligné trois fois) 2, ofc???, elle semble d’abord concéder (mais elle ne concède rien du tout, en vérité, puisque tout le monde sait ça). Elle hésite encore, porte une main à sa menton, fait “tt-tt”, fixe l’horizon. It’s all Nate, elle écrit finalement en secouant dramatiquement la tête (c’est un peu un mensonge, parce que c’est eux tous, mais en même temps…) Put loads of £££ on u since he got back… Don’t even know where he get all that from… Elena s’interrompt, jette un œil à la dérobée à Mira. Leo also, elle ajoute dans un soupir, comme si elle confessait une trahison de premier rang. En signe de sollicitude, elle vient d’ailleurs poser une main sur l’épaule de sa camarade et la serrer légèrement, avec tout l’air de signifier un “I know, I know” navré. (La vérité étant qu’elle ne l’est pas du tout, désolée, et qu’elle-même a quelques pièces en jeu…. Soit.)

Elle recule, le temps d’écrire un I promise I wont say anything!!!! ; lève aussitôt les mains comme gage d’innocence et de bonne foi. “I can even spit, dude!!” (pour dire jusqu’où elle est prête à aller… à quel point elle est prête à respecter son engagement… *insérer ici des bruits de gorge incertains*) (non mais avoir la primauté de l’information sur le premier baiser Tommy/Mira, rendez vous compte) (elle va finir par ne rien dire par fierté mal placée, oui…)
… En attendant, elle risque surtout de trépasser d’impatience. Elena bondit presque sur leur banc, se retrouve finalement à battre des mains avec un entrain débordant. (Ça fait combien de temps qu’ils se tournent autour, même ? Lena a presque l’impression de marier ses parents ; elle va pouvoir commencer à penser à sa robe, et peut-être même faire des suggestions de prénoms de bébé (Elena, par exemple) (ou Lenny, pour un garçon), et--) Where? WHEN? WHO? Good? AMAZING? Weird? Meh? Better now? (Elle met tant de cœur à l’ouvrage que le papier se déchire légèrement après son dernier point d’interrogation.) It was u!!!! Im sure it was u!!!! Bien sûr, ce ne serait quand même pas Tommy ; mais Elena attend tout de même la confirmation de la principale concernée avec des yeux vaguement exorbités.

Puis est-ce qu’elle l’attend vraiment, finalement…. Debatable, puisque Lena a refermé ses deux bras autour du profil de Mira alors que celle-ci vient à peine de se pencher pour écrire, et qu’elle l’agite maintenant comme un prunier, grand sourire aux lèvres. Elle décoince une main pour glisser un SO HAPPY FOR U GUYS!!!! sur le propre carnet de la Martillo, a finalement un moment de self-realisation qui lui vaut un “sorry” et un geste du menton pour l’encourager à poursuivre (commencer, plutôt) (et dans les détails, s’il vous plaît). ”Hihihihi”

Les réprimandes de Kashmira font bien effet dix secondes chacune, alors qu’Elena, comme une mioche fautive, baisse la tête et tente de réprimer son gloussement. Son you’re a child silencieux lui vaut d’ailleurs un semblant de moue contrite, quoiqu’à nouveau pendant une poignée de secondes à peine — parce que Mira écrit si lentement, et qu’elle sait qu’elle le fait exprès, et-- So we were, you know, on the muggle side (…) Les yeux de Lena s’arrondissent avant qu’elle ait le temps d’émettre une plainte tout juste surjouée, et elle s’empresse de venir poser le menton sur l’épaule de son amie, comme si elle s’installait au premier rang du dernier Broadway. Et peut-être est-elle un peu trop investie dans cette histoire, mais Mira est son amie, et Tommy presque un énième grand-frère à ce stade, et Elena a simplement des yeux — alors évidemment, qu’elle trépigne, et se sent euphorique à un point où elle l’a rarement été ces derniers mois. (A part quand Sinead lui a dit qu’elle gardait le petit, ou le premier soir du camping, ivre et affalée sur Dae, ou quand Nacho est arrivé sur du Daddy Yankee à Halloween.)

(...) back in late august and such (...) Ses yeux s’arrondissent encore, alors que Lena laisse échapper un hoquet étranglé. Late August, ça fait….. trois mois….. “The fudge, oi--”, elle intervient presque, sous le choc, se retenant à la dernière minute pour mieux plisser les yeux sur les lignes tracées par Mira (comme si celles-ci étaient tracées dans une langue ancienne et particulièrement complexe, et pas avec l’écriture d’une enseignante de primaire ou d’une autrice de romans à l’eau de rose). We went to a muggle night club. “Shit!” We went there on a motorcycle: I drove us, obviously. “Shiiiiiit” (Elle est le meilleur auditoire.) “That’s hot,” elle approuve même sentencieusement, pour être non seulement le meilleur public mais aussi la meilleure pote du quartier.

Lena a encore pleins de choses à dire, et elle est friande de détails, et elle frissonne même presque en découvrant sous la plume de Mira la présence d’un troisième larron — mais quand même, elle commence à avoir un peu de mal à comprendre où elle va, cette histoire, et sa jambe se met à sautiller avec impatience, et-- Blood rushing to my cheeks and all, with a great sense of serenity, I walked back to Tommy and kissed the shit out of him. Enchaînement de bruits confus et suraigus, alors qu’elle quitte l’épaule de son amie pour se balancer d’avant en arrière, battre des mains une ou deux fois, et finalement revenir la serrer (trop fort) dans ses bras. YOU DID IT! elle hurle, mais en silence, se rappelant au passage de l’existence de son propre carnet, tombé à ses pieds dans l’effusion d’enthousiasme. Elena se penche pour le rattraper, tatillonne un peu pour retrouver le stylo qui va avec, repart à écrire avec le même élan. WHAT . A  . WOMAN . I C O N I C behavior. a role model. Et à nouveau, elle aimerait enchaîner, et s’extasier encore un peu, et, quelque part, se prélasser dans cet entrain enfantin qui lui rappelle la vie d’avant Gracefield — mais elle fait l’erreur de jeter un œil vers le carnet voisin, et… What about you and Knight? “No no no, wait.” Son sourire presque béat s’affaisse d’un coup, et l’hilarité, aussi silencieuse soit-elle, retombe dans le même soufflé ; Lena lève tout juste un doigt, pour protester. What happened after? Are u guys together? Are-- Elle s’interrompt finalement, avisant les yeux de Kashmira et son air d’aînée pas prête à se lâcher l’affaire (et Dieu sait qu’elle les connaît, ces yeux-là). Elle a un long soupir (à peine dramatique), détourne le regard pour plutôt se concentrer sur les pelouses de St-James, se laisse retomber contre le dossier du banc en étendant les jambes devant elle.

“It’s nothing like that,” Elena souffle finalement, tournant la tête vers l’autre brune avec un bien plus petit sourire qu’auparavant. “Hey don’t come at me, I swear--” Nouveau soupir, alors qu’elle se ressaisit du carnet abandonné sur ses cuisses et le lève devant elle pour venir y tracer un maladroit It’s. Elle le barre, a une énième oeillade pour Mira, considère un peu la situation.
Un : il est évident que la Martillo sait qu’il y a anguille sous roche (n’importe qui d’un tantinet observateur pourrait probablement, de toute manière, en venir aux mêmes conclusions). Deux : Seamus, Dean, Ethan, Nate, Sinead, Alexis sont au courant (dans de moindres mesures). Trois : elle n’a jamais été du genre à crier sur tous les toits le nom de ceux qui partagent son lit (plutôt le contraire), mais a rarement retenu activement pareille information. Quatre — surtout si c’est quelqu’un comme Dae, franchement, qu’est-ce qu’il y a d’étonnant…
Sauf qu’il y a Lee. Que tout le monde ou presque savait, et qu’elle s’en foutait bien, jusqu’à ce que les gens extrapolent ; qu’elle ne peut pas laisser la même chose arriver avec Dae, franchement ; qu’à cause de ça elle est mal à l’aise à l’idée que les gens la sachent avec quelqu’un (si rapidement ou si tardivement, c’est selon).
Et plus encore avec Mira, il y a Nate — et Lena ne sait pas ce qu’elle sait, sait encore moins ce qu’elle en pense, et est donc réduite à marcher sur des œufs de dragon.

It’s just sex, alright?, elle griffonne finalement d’un coup, le carnet toujours en l’air et l’écriture brouillonne. Lena considère les mots qu’elle vient de tracer (parce que c’est ce que c’est, n’est-ce pas ?), a une œillade en biais pour Mira ; serre les dents et semble faire une concession en intercalant le mot great d’une flèche commodément placée entre just et sex. Elle se mord la lèvre, face à un aveu qui n’est pas énorme mais qui pourrait quand même lui valoir sa bonne dose de jugement (elle entend les aigus de Benny et les soupirs entendus de Leonora jusqu’ici) ; tourne enfin la tête vers Kashmira en retrouvant un petit sourire presque contrit. “Sorry……” (Sous-entendu, pour le potentiel faux-espoir.)
Et Lena pourrait continuer (après la confession de Mira, ce ne serait que juste) — elle pourrait lui raconter comme elle l’a embrassé, alors que sa planque venait de tomber, ou comme lui l’a embrassée, alors qu’ils avaient trois grammes dans chaque bras et étaient on a nervous breakdown holiday ; elle pourrait chercher à minimiser le tout en expliquant qu’il voit d’autres gens, et elle aussi, et que la situation actuelle n’est qu’un concours de circonstances, et qu’il reste son meilleur ami de toute manière…. Mais pour toutes les raisons évoquées précédemment, Elena fait (pour une fois) le choix de se taire avant d’en dire trop, marchandant tout juste d’un Alright, you get 1 more question (tout lui semble dit, mais de l’art de la négociation….) & then you tell me everything.

….Sauf qu’elle ne tient pas longtemps, évidemment, avant de recommencer à s’enthousiasmer au sujet de LA vraie information du jour. "Like, is Boom your boyfriend....???? (Elle le chuchote comme si elle parlait d’un tabou terrible.) Is Boomira real?!?! Does anybody know??? You guys--" Repartie en territoire plus confortable, Lena s’est inconsciemment redressée, venant serrer le genou de son aînée avec une fierté presque parentale ; le réalisant, elle se laisse retomber contre le dossier, un nouveau “shiiiiiiit” échappant de ses lèvres. “I mean, who's next, like Leo and Nate?!" (Son rire vire un peu jaune, mais c’est rien c’est la rue, puis rien de vraiment méchant vraiment, puis d’abord--)