Le vent mord la peau, fraicheur humide de début d’hiver qui s’essaye à s’insinuer sous l’épaisseur – toute relative – des vêtements. Habitué aux températures autrement plus basses d’Ecosse et surtout de Russie, Izar n’a pas froid. Les mains dans les poches, Zoya et Izar s’éloignent des faubourgs du centre de Brighton vers la plage pour finir leur escapade dans la lumière du soleil couchant. Une inspiration profonde empli ses poumons d'air vif et iodé. « Ca fait du bien, de quitter un peu le palais. Tu as eu raison de proposer qu’on vienne passer la journée ici, même si j’aurais pas dit non à quelques shots dans un bar - si c’était pas interdit, » il soupire en russe, à voix basse. Foutue prohibition. Foutu enfermement, aussi, même si pour ça, il ne peut blâmer que lui-même. Oops. N’empêche que ces derniers temps, l’envie ou l’impatience de retourner au palais après ses rares sorties s’en est retrouvée fortement diminuée – l’or ciselé du ‘chez lui’ fondu en barreaux abstraits.

Quelqu’un hèle une passante dans le calme vespéral qui enveloppe le remblai, un peu plus loin, la voix un peu immergée par le bruit des vagues. Machinalement, Izar s’oriente de façon à mieux voir un peu en avant sur sa gauche, de ces gestes qui ont tout du naturel sans rien en être, attention aiguisée mais habituée à faire garder l’œil sur l’environnement autour de Zoya. Ce n’est pas à elle que s’est adressé l’inconnu, et il aperçoit déjà une seconde sorcière se diriger vers la première. La tête se penche un peu sur le côté. « C’est pas Prewett - et Bagshot qui s’approchent ? » Il glisse à Zoya en se penchant légèrement vers elle. « On va voir ? » S’il ne les connaît pas spécialement bien ni l’une ni l’autre, ils ont tout de même passés 6 années ensemble à Poudlard, et il ne faut pas grand-chose, après l’exclamation sonore d’Imogen pour comprendre que quelque chose ne se passe pas comme prévu – à défaut d’être normal.

« Salut, » il lance doucement à l’intention des deux anciennes serpentards, comme si c’était normal, qu’il s’attendait à les trouver là. « Tout va bien ici ? » Son regard coule le long de l’inconnu, et l’explication s’impose d’elle-même. En Russie, même les sorciers connaissent les portables moldus, et son air confus semble évident : il ignore probablement tout du monde sorcier. L’attention se tend davantage face aux réseaux complexes des implications et des risques qui se révèlent. A nouveau il se penche vers Zoya pour murmurer en russe : « Quelque chose ne va pas. Il devrait pas pouvoir être là. » Fais attention, ça veut dire à demi-mots. Même s’il est là pour ça, pour elle.
Et de continuer en anglais, assez fort pour s’adresser au reste du groupe, pas assez pour attirer plus d’attention. « Qu’est-ce qu’on fait ? On peut pas le laisser seul comme ça ici. » Le regard, inégal par le laiteux de l'oeil aveugle, se pose à nouveau sur le moldu, le jauge un instant avant de s'adresser à lui d'un ton calme. « C’est quoi ton nom ? » Ce qu'il a pu entendre des paroles d'Olympe lorsqu'ils sont arrivés, de sa posture dans cette situation, lui semble une bonne idée. Ne pas le rendre hostile envers eux serait sans tout mieux, même s'ils pourraient se contenter de le stupefixier pour le livrer aux autorités compétentes - mais Izar n'a pas envie de perdre le peu de son temps libre dans les circonvolutions procédurières de l'administration. Et, s'il ne s'inquiète pas vraiment du sort du moldu, il veut savoir ce qui a causé sa présence du côté sorcier. Si quelque chose se passe, autant que les Golden Rings le sachent.

Dans le but de voir autre chose que le palais ou leurs appartements dont les murs semblent se refermer constamment sur eux avec les drames et les tensions qui règnent au sein du clan depuis plusieurs mois, Zoya a proposé à son ombre et meilleur ami d’aller prendre l’air pour découvrir les nouveaux villages sorciers. Elle aurait pu y aller seule, mais elle évite de faire des faux-pas et de s’éloigner trop d’Izar depuis sa fugue éphémère. Et puis, il en a besoin autant qu’elle. Peut-être même plus. Ils parlent très peu pendant leur marche sur la plage de Brighton. Ils n’en ont pas besoin et le silence n’a jamais été lourd entre eux. La présence de l’autre suffit amplement à se sentir bien. Ils sont là pour relaxer et prendre l’air. Elle sourit doucement en levant la tête vers lui lorsqu’il mentionne qu’il aurait préféré s’enfiler quelques shots dans un bar. C’est sûr que ce n’est pas du tout la même chose. Elle, elle préfère largement cette promenade douce n’ayant jamais été portée sur l’alcool, prohibition ou pas.

Concentrée sur les vagues et les mouettes qui volètent au-dessus de la mer, Zoya ne fait pas attention à ce qui se passe autour d’elle. C’est la voix d’Izar qui la sort de sa rêverie. Elle regarde vers l’endroit qu’il pointe. Elle reconnait rapidement Imogen et son amie Olympe. "Oui, ce sont elles!" Quel hasard! Il y a des lustres qu’elle n’a pas vu la Prewett, pas qu’elles sont vraiment copines, mais elles ont partagé quelques moments à Hogwarts. Quant à Olympe, elles se croisent régulièrement à la Morgana et sont devenues bonnes copines contre toute attente. Ça fait un moment toutefois qu’elles n’ont pas pris un thé ensemble pour discuter de tout et de rien. Machinalement, la brune se dirige vers elles en empoignant le bras d’Izar. "Salut les filles! Vous faites quoi par ici !?" qu’elle leur lance avec enthousiasme. Ce n’est qu’à la hauteur du duo que la Strugatsky remarque l’homme qui détone étrangement avec son portable à la main. Un moldu? Zoya ne peut cacher sa surprise, lorsqu’on sait à quel point le gouvernement se vante de ses sortilèges de sécurité et des repousse-moldus puissants qui font leur fierté. Elle secoue la tête, incrédule, aux affirmations d’Izar en russe. Non, il ne devrait pas être là, ça c’est sûr. Si Imogen s’exclame avec plus de vivacité et moins de tact, la blonde, elle, est plus posée et cherche plus à comprendre la raison de sa présence du côté magique. Izar poursuit dans cette optique en demandant son nom à l’étranger. Assaillit de questions de toute part, Zoya s’inquiète que l’homme prenne peur et qu’il fasse encore plus de vague. Elle sait qu’il vaut mieux que ça reste entre les quatre sorciers et la police magique lorsque ce sera nécessaire. Si les autres le considèrent comme un énergumène qui n’a rien à faire là, Zoya tente une autre approche. "Je peux voir votre téléphone? Il n’est pas rare que ça ne fonctionne pas dans ce coin de la ville." Elle n’y connait absolument rien en portable moldu. C’est peut-être la deuxième fois qu’elle en voie un et ce sera la première fois qu’elle en a un entre les mains s’il accepte qu’elle le regarde.

Si le petit rassemblement pourrait sembler tout à fait normal pour tout œil extérieur, repoussant toute curiosité par l’air de normalité d’une bande de jeunes sorciers d’un même âge, il n’en est rien. Certes, ils sont quatre à se connaître de Poudlard, et Izar sait que Zoya et Olympe ont même sympathisé à la Morgana, mais quant au reste… Ca ne va pas plus loin. Les retrouvailles ne sont pas volontaires. Le dernier larrons de la bande, un parfait inconnu, et même bien pire que ça. Un moldu qui n’aurait jamais dû pouvoir se trouver là.
Quelques mots glissés à Zoya à voix basse, en russe, autant par surprise que pour l’alerter de rester prudente au vu de ce qu’il se passe – elle secoue la tête, partageant manifestement la même incrédulité alerte que lui, qu’elles toutes ici. Entre les questions qu’ils lui posent tous, Zoya lui demande son téléphone, comme si elle pourrait l’aider à le faire fonctionner - si se trouver en possession d’un portable moldu pourrait être dangereux pour eux, et qu’Izar n’hésiterait pas à se laisser accuser à sa place en cas de nécessité, il doit bien reconnaître qu’entre eux-tous, elle est celle qui risque le moins. Qui pour faire offense à la pureté bleue de son sang comme de son visage angélique ? Qui pour oser accuser un Strugatsky de la sorte ? Personne d’un tant soit peu sensé.
Le tout est de savoir ce qu’elle espère en faire et, pour une fois, Izar n’est pas certain de ce qu’elle tente.

Manque de chance, le calme de votre 1ère approche n’est pas au goût de tout le groupe : Prewett s'offusque de votre attitude, comme si ne pas l'avoir dors et déjà stupéfixé et livré aux aurors était le faux pas du siècle. A parler de la sorte, la Prewett a selon lui plus de chance de faire fuir le moldu que de les convaincre de suivre ses idées bien arrêtées, et Izar ne sait pas s’il est plus blasé ou irrité par cette attitude. Olympe réagit avant qu’il ne le fasse, essaye de la calmer elle comme la situation. Il doute quand même qu’un "moldu en colère" soit difficile à maîtriser pour eux, un simple sort suffisant pour régler tout problème, aussi il glisse un regard perlexe à Zoya.
Pendant que Bagshot fait une référence qui lui est inconnue - moldue ? ou est-ce qu’elle a pu entendre ça ? il s’interroge mais n’en dit rien - Izar s'adresse à son tour à Imogen, plonge son oeil dans les siens pour être certain que le message passe. « L’idéal serait quand même qu’on essaye de voir comment il s'est perdu ici, tu crois pas ? Avant toute chose. » Le terme s'appuie sous le poids des implications et des conséquences. Ils peuvent pas nier que c'est pas normal, et même s'ils devront sans doute en référer aux autorités, à son grand désarroi à l'idée de perdre davantage de son temps, il préfèrerait savoir si c'est un incident isolé ou amené à se reproduire.
Le sourire a les bords vagues lorsqu'il se tourne ensuite vers le moldu. « Elle s’inquiète vite, c'est rien. »

Mains pas tout à fait enfoncées dans le couvert des poches de son manteau, les doigts effleurent pourtant le tilleul blanc, au cas où lui viendrait l'idée de fuir. Ou qu'il faudrait corriger une quelconque bévue.

Zoya n’a aucune idée de ce qu’elle compte faire de ce portable. Elle n’a pas réfléchie aux conséquences que d’être en possession de cet objet peut avoir, autant des autorités sorcières que de sa propre famille. L’envie de tenir un portable dans ses mains a sans doute pris le dessus. Ses yeux s’illuminent lorsque ses doigts se referment sur le boitier de plastique, un matériau qui n’est pas très répandu dans leur monde. Elle tourne et regarde l’objet de tous les côtés. L’ouvre et le referme en plusieurs « clap » sonores. Elle monte et redescend l’antenne frénétiquement. Elle est impressionnée par la technologie et le savoir-faire des moldus. Une si petite chose qui deviendra le bien le plus précieux des moldus dans plusieurs années. Elle pèse sur les touches et s’exclame de surprise en apercevant les chiffres apparaître sur la surface lisse. Elle colle son oreille et est déçue de ne pas entendre de son en sortir. Elle aurait aimé avoir un aperçu de sa fonction première.

Absorbée par sa contemplation du portable, Zoya écoute d’une oreille distraite ce qui se passe autour d’elle. Imogen s’impatiente rapidement et affirme avec virulence qu’on doit dénoncer l’étranger aux autorités le plus rapidement possible. Dans les faits, Zoya a envie de lui donner raison. Elle n’aime pas le ton employé par son ancienne camarade, elle ne croit pas que ça soit la bonne approche à utiliser, mais oui ça serait peut-être mieux pour tout le monde si on prenait le moldu égaré en charge. Le petit groupe est loin d’être en mesure de s’en occuper sans risquer de faire une erreur. Les trois sorciers qui l’accompagnent sont doués et ils n’auraient aucun mal à lancer un oubliette. D’un autre côté, elle ne veut pas qu’on lui fasse du mal ou le terrifier. Il ne sait pas ce qu’il fait là, ce n’est pas de sa faute. Ce sont les défenses sorcières qui ont lâchées et qui sont en cause. Ça ne sert à rien de lui crier dessus ou de le ridiculiser. Olympe la mieux compris. Elle tente d’apprivoiser l’étranger et de le détourner de la furie de la Prewett. Izar s’en mêle et Zoya serre les lèvres se doutant qu’Imogen ne va pas s’arrêter là. La Strugatsky doit avouer qu’elle est très curieuse de connaitre l’histoire du moldu et de comprendre comment il a pu traverser leur monde. " Ça ne sert à rien de lui faire peur!" ajoute-elle après la remarque de son ombre. Elle fronce les sourcils et se retient de rire lorsque son amie tente de faire une référence à un truc moldu. Olympe est aussi crédible qu’elle et ses connaissances sur les téléphones. D’ailleurs, dans un soupir déçu, elle remet l’objet à son propriétaire. "Il est sans doute brisé". Elle hausse les épaules, jouant encore le jeu alors que c’est probablement inutile puisque l’inconnu doit déjà se poser des questions sur leurs cas. "Vous faites quoi du coup par ici?" lui demande-t-elle innocemment. Son regard se dirige machinalement vers Imogen et guette sa réaction.