cw. alcool

Elle avait voulu lui envoyer un patronus pour le prévenir, s'était retrouvée bête devant le vague nuage de fumée bleutée qui ne délivrerait plus aucun message. Alors elle avait serré les dents, serré les poings, tenté de tout refouler pour faire fuir les larmes. Cela avait marché. Un peu. Elle lui envoya un message à la place. Un sois là sans plus de précision et quand elle appuyait sur les touches du clavier, son regard ne pouvait que se poser sur l'alliance qui ornait de nouveau sa main après des mois d'absence. Au-dessus, il y avait pire. Siham ferma les yeux, quelques instants, espérant presque que tout disparaitrait quand elle les ouvrirait de nouveau. En vain. Elle enleva la bague, la balança loin - bruit métallique de bijou roulant sous un meuble - restait la marque qui elle ne partirait pas. Putain. Un verre de whisky fut rempli et vidé dans la foulée, cigarette glissée entre les lèvres à sa suite allumée au zippo pour ne pas risquer de cramer sa frange. Son humeur massacrante n'allait pas avec la magie sans baguette et son dosage. Deux minutes de passées à fixer la flamme du briquet avant de le refermer. Elle s'assit sur le canapé, se releva au bout de dix secondes, arpenta son salon, cherchant quoi faire, ne trouvant pas. Nouveau verre qui ne la calma absolument pas. Cela faisait quoi ? Vingt-quatre heures ? Et plus dans les rangs que jamais avec sa jolie marque - son avant-bras la démangeait, elle y pensait tout le temps - au côté de gens qu'elle finissait par apprécier pour certains, au point de douter. Mais c'était normal, non ? Stockholm, quelque chose du style, elle ne savait pas, plus, elle se resservit. Plusieurs fois.

L'atterrissage devant la caravane fut un peu vacillant mais elle semblait avoir repris du poil de la bête. Siham ouvrit la porte sans frapper, fila vers le propriétaire des lieux sans s'annoncer. "Jo !" Assis toi, faut que je te parle. Regard brillant, air grave. "Je peux plus faire de patronus" annonça-t-elle, main droite venant se poser là où était son tout nouveau tatouage, planqué sous sa manche. Cela voulait tout dire, du moins elle le pensait. Ce n'était pas comme si elle était du genre à gaspiller les mots. Elle détailla quelques secondes Joseph, se surprit à espérer qu'il ne la foutrait pas dehors. Haussement d'épaules, elle perdit l'air solennel pour continuer comme si de rien n'était, juste un contre-temps. "C'est bête, je l'aimais bien." Rire un rien nerveux, RIP le caracal. L'envie de pleurer la reprit une fraction de seconde, le temps de se souvenir qu'au fond, ça n'avait pas d'importance. Elle était vivante, son meilleur ami l'était aussi, ses tracas passaient avec le whisky, le reste était surfait. "Faut fêter ça !" Pas la disparition de son patronus, plus le fait qu'elle était encore vivante après entrevue avec Voldemort (et envoi d'avis de non-décès de ce dernier à l'Ordre). Elle se posa sur l'accoudoir du canapé, n'y resta qu'un instant. "Tu as déjà mangé ?" Elle non, elle n'avait pas vraiment faim mais faudrait y songer un jour.

Sois là.

Où ça, chez lui, chez elle ? Jo était avec un pote, ils faisaient une bataille assis devant la caravane. Il faisait un peu frais, le brun avait déjà fait deux allers-retours pour récupérer un sweat puis passer un jean plutôt que le short de sport qu’il avait porté jusque là. Il avait un peu la tête ailleurs et était en train de perdre la partie, c’est qu’il se demandait pourquoi Siham envoyait un message aussi pressant et si c’était grave. Il virerait son pote dès qu’elle arriverait ou qu’il recevrait une réponse à son Où ??? envoyé quelques minutes plus tôt.

Finalement, son ami dû partir et Jo rentra dans la caravane ; il alluma la télé pour faire un fond sonore, jeta un œil à son téléphone qui n’affichait toujours pas de message et le rangea au fond du tiroir où il le gardait. Soudain la porte s’ouvrit sans qu’on ne se soit annoncé, c'était un peu la coutume par ici. Jo se demanda si ce serait Bree ou Siham ou un serial killer.

- Jo !

Ah, c’était Siham.

- Habibti ! répondit-il sur le même ton, avec un grand sourire.

- Je peux plus faire de patronus. C'est bête, je l'aimais bien.

- Ah, elle n’avait plus de souvenirs agréables ? Pourquoi ? Froncement de sourcils, il la dévisagea un moment avant d’ouvrir de grands yeux. Oooh. Il n’était pas vraiment surpris finalement, depuis le temps qu’elle se trouvait des excuses pour repousser la date butoir. Ça serra quand même un peu l'estomac de Jo, un mélange d'inquiétude et d'inconfort ; maintenant Siham était vraiment enlisée jusqu’au cou et quoiqu’il arrive désormais, elle risquait gros. Fais voir, dit-il, tout curieux en s’approchant.

- Faut fêter ça !

- Bah vas y viens, qu’il l’invita avec une risette.

- Tu as déjà mangé ?

- Nan j’étais avec un pote là, tu veux manger quoi ?

Il attrapa sa baguette sur la kitchenette et alla s'affaler dans le canapé, doigts se posant machinalement sur son propre bras alors qu'il se demandait ce que ça faisait d'avoir un tatouage qui connectait au Lord.

- Ça fait comment, ça fait bizarre ? Tu te sens plus comme avant ? l'interrogea-t-il.

cw. alcool

Elle ne sourit même pas tant que ça au habibti, ne surenchérit pas non plus par une déclaration d'amour plus clichée encore que le surnom, ce n'était ni l'heure, ni l'ambiance. Elle l'annonça un peu comme on annonce un décès, du moins comment elle annonçait un décès soit avec un certain détachement qui trahissait juste qu'elle n'avait pas tout percuté. "Ah." Réaction nulle, elle changeait de meilleur ami. "Pourquoi ?" Elle n'était pas la seule à ne pas percuter en fait. Elle fit peser son regard sur les yeux de Joseph, comme si la télépathie pouvait répondre à sa place. "Oooh." La réponse était donc oui. "Fais voir." Elle hésita, main venant se crisper sur le bout de sa manche avant de la remonter un peu sèchement, à la manière des pansements que l'on arrache. Les yeux de Siham se posèrent un instant sur la marque d'un noir profond auréolé par la rougeur de la peau autour avant de regarder partout sauf son bras. "Ca gratte" fit-elle pour justifier les traces de griffures. Comme si c'était le pire de l'histoire.

Elle entra dans la caravane presque soulagée. Pas de claquage de porte au nez, cela lui semblait même bête de l'avoir envisagé. Petit sourire à Joseph, elle attaqua les choses sérieuses. Manger. Puis boire. Puis oublier. "Je sais pas... Pizza ? Et une bière." Pour la mise en bouche. Et les pizzas, c'était bien, on pouvait les manger en plusieurs fois. "Ça fait comment, ça fait bizarre ? Tu te sens plus comme avant ?" Elle haussa les épaules, revint vers le canapé pour s'y vautrer après avoir fait valser ses chaussures dans un coin. "Je sais pas trop..." Ricanement un peu coincé, elle était nulle dans l'analyse de ses sentiments de toute façon. C'était un truc de fragile de toute façon. "Hier, j'étais bien." Hier, après son entrevue avec le Lord, elle était immortelle même. Au point qu'elle n'avait même pas eu besoin de feindre l'euphorie d'avoir reçu un tel honneur. Combien étaient-ils de traîtres à avoir survécus à l'épreuve ? A quel point était-elle encore un traître ? Annoncer la non-mort de Voldemort compensait la prise de la marque ? Elle ne demanderait certainement pas à Alvarez. "Aujourd'hui, un peu morose." Pour ne pas dire qu'elle se détestait d'être allée jusque là. "J'aurai préféré que mon père soit toujours vivant je crois..." Elle en était sûre, il aurait été marqué à sa place, elle aurait pu continuer à le haïr et avec tout le reste des gens comme lui.

Siham se redressa pour ne pas prendre toute la place et surtout pour pouvoir boire sa bière sans en mettre partout. "N'empêche qu'entre Dumbledore et le Lord, sur le plan de l'esthétique, j'ai choisi le bon camp." Toujours revenir à la base, même si le vieux commençait à dater. "Toi, tu ne veux pas de tatouage supplémentaire ? Je peux te pistonner maintenant" ajouta-t-elle d'un ton nonchalant. Comme si il en serait un jour question.