Purity stadium - octobre 2007 Viktor a reçu le go hier. Cela fait déjà plusieurs semaines qu'il s'y attend, s'y prépare, se répétant soigneusement chaque partie du plan pour s'assurer que tout est en ordre, que rien ne se passera de travers. L'Ordre a besoin d'une victoire et celle-ci... Celle-ci est peut-être l'une des plus importantes. Et elle repose, pour l'instant, sur les épaules de Viktor. Et sur les deux petites fioles que Hermione lui a glissées la dernière fois qu'ils se sont vu.

Pendant l'entraînement, Viktor essaye de se concentrer sur ce qu'il fait et non sur ce qu'il va faire, mais cela se prouve être difficile quand Harry est juste là, à ses côtés, tout le temps. Il ne peut pas s'empêcher de l'observer, étudier ses faits et gestes plus qu'à l'ordinaire comme pour essayer de prédire comment il va réagir. Parce que c'est bien ça la grande inconnue. Harry est si normal avec lui que parfois, Viktor en oublierait presque qu'il doit rester prudent avec lui, que ce Harry n'est peut être pas le Harry qu'il a (brièvement) connu. Tout ceci serait vraiment beaucoup plus simple s'il était évident que Harry est prisonnier, malheureux, et manipulé. Malheureusement, Viktor n'a rien observé de tel, devant simplement se baser sur les théories de l'Ordre (théories qui ressemble de plus en plus à de simples espoirs s'il doit être honnête). Après tout ce temps passé auprès du Lord (la majorité sans que personne ne soit au courant, qui plus est), il est difficile de savoir ce qui a pu arriver à Harry, pourquoi ce changement d'allégeance. Et c'est pour cette raison que Viktor se montre peut être moins optimiste que d'autres. Il n'a aucune idée de comment Harry réagira mais il doute que cela se passera sans esclandre. Et au fond, Viktor n'a pas envie de lui faire du mal. Il peut voir à quel point il a l'air bien avec les Kings. Et bien sûr le laisser auprès du Lord n'est pas vraiment une option mais l'arracher comme ça à sa vie ?

La seconde où Viktor repose les pieds au sol, il passe à l'action. Cet entraînement n'était clairement pas le meilleur de sa carrière mais il est tout de même parvenu à sauver les meubles, assez pour que personne ne se pose de questions. Il a donc le droit à quelques coups d'épaules et quelques remarques mais rien de bien extraordinaire. Il laisse l'équipe passer devant, l'air de rien, puis se dirige vers les toilettes avant de se rendre aux vestiaires.

Seul face au miroir, Viktor sort les deux fameuses fioles, l'une enfermant un liquide incolore, l'autre un liquide doré. "Te trompe pas," avait plaisanté Hermione à travers leur nervosité de "holy shit we're really doing this". Se tromper entre les deux semble difficile mais Viktor s'applique tout de même lorsqu'il débouche la fiole de Felix Felicis. Il souffle un coup et puis avale une gorgée, pas plus, avant de reboucher la petite fiole et de la remettre dans sa poche.

L'effet est instantané. C'est bien la première fois que Viktor prend du Felix Felicis et même si on lui a déjà parlé des effets, il en s'attendait pas vraiment à ça. Il se sent bien, détendu, insouciant, des émotions qu'il n'a que trop rarement ressenti au cours de sa vie. Plus rien ne semble avoir trop d'importance, pas même sa mission. Il est en paix, chanceux.

Son instinct lui dit d'attendre alors il attend. Un moment. Il ne sait pas vraiment combien de temps s'écoule mais il s'en fiche, ne ressent même pas l'ennui ou la frustration de rester là à rien faire dans un si petit espace. Et puis enfin, il se redresse, lisse les plis de sa tenue d'entraînement, et puis rejoint enfin les vestiaires. Ceux-ci sont quasi vide lorsqu'il entre, Harry étant la seule personne encore là.

"Oh hey, tout le monde est déjà parti ?" il lance nonchalamment. Lui et Harry n'ont jamais été des grands causeux - l'une des nombreuses raisons pour lesquelles ils s'entendent si facilement - mais sur le moment, ça semble être la chose à dire alors il le dit. "Pff, ça m'a tué aujourd'hui, je suis épuisé. Et j'ai si soif." Les mots sortent presque tout seul de sa bouche et Viktor laisse faire, heureux de ne pas avoir à réfléchir pour une fois. "Je crois bien que je vais dormir pendant deux jours après ça," il continue de papoter. Il fouille en même temps dans son sac pour prendre sa gourde, une gourde estampillée Kensington Kings, bien sûr, la même que toute l'équipe. Les mains dans son sac, il vide rapidement la deuxième fiole - celle incolore - dans sa gourde avant de faire semblant de boire. Il la pose ensuite sur le banc, entre Harry et lui, à côté de celle de son coéquipier.

"T'as été super aujourd'hui," Viktor poursuit en se déshabillant, toujours sur le ton de la conversation, comme si c'était normal. "Je crois que Coach Sun aimerait te faire jouer le prochain match." Il se rhabille ensuite, enfile ses vêtements de ville et attrape alors la gourde d"Harry, l'air de rien.

tw: empoisonnement, perte de repères

Harry a le coeur léger et le sourire facile à la fin de l'entraînement, entrechoquant ses avant-bras et ses coudes avec les autres membres de l'équipe, riant un peu quand quelques tapes se perdent dans son dos et sur son épaule. La camaraderie qui, malgré tout, existe au sein des Kings est... appréciable. Parfois un peu gênante, mais aussi chaleureuse et familière - ça lui rappelle...
Ces pensées sont interdites et, de toutes façons, entraînent comme toujours des maux de tête soudains et brûlants comme des coups de fouet. Alors Harry s'en sépare en secouant la tête et en riant un peu plus fort.

Comme à chaque entraînement, il s'excuse et explique qu'il se douchera après tout le monde. Il n'a rien à cacher pourtant. Parfois, il aimerait que son corps montre les sévices qu'il a suivi: qu'il soit creusé des mêmes profondes cicatrices qui ravinent son esprit depuis des années. Il aimerait que la perversion et que la corruption qui l'habitent puissent se voir. Non pas pour qu'on le prenne en pitié. Plutôt pour qu'on sache qu'il ne vaut mieux pas l'approcher.
Ce que tu seras est ce que tu es et ce que tu es est ce que tu seras et tu ne mérites pas quoique ce soit--

"Oh hey, tout le monde est déjà parti ?" Harry cligne des yeux et, presque par mécanisme, ses lèvres se tordent dans un sourire accueillant à l'adresse de Viktor. Il remet lentement son corps en marche, se redresse là où il est assis sur la banquette du vestiaire, se lève. "Oui. Je viens de finir ma douche." (Il se rend compte en le disant qu'il ne se souvient pas avoir pris sa douche: ses cheveux sont lourds d'eau pourtant, sa peau chaude et collante sous ses vêtements). "Je crois que Maddox a proposé d'aller au bar." Harry ne se joint jamais à eux. Par mesure de sécurité d'abord, et aussi parce qu'il n'aime ni les endroits bondés, ni les endroits bruyants, ni toutes les soirées qui ne se sont pas passées en compagnie de Draco.

"Pff, ça m'a tué aujourd'hui, je suis épuisé. Et j'ai si soif." Harry s'esclaffe, complice, en finissant de ranger ses affaires. Il est habitué au small talk. Pas de la part de Viktor, certes, mais ça fait désormais partie de lui: être avenant et bavard, sympathique et charmant. "Je crois bien que je vais dormir pendant deux jours après ça. - Oui, moi aussi." Harry ouvre le sac à ses pieds pour y enfoncer son uniforme roulé en boule et plein de sueur, ainsi que ses gants et autres protections. "T'as été super aujourd'hui." Il adresse un sourire (sincère celui-ci, le premier aujourd'hui) en jetant un coup d'oeil à Viktor. "Je crois que Coach Sun aimerait te faire jouer le prochain match. - Tu crois vraiment?" Même lui a du mal à réprimer la note d'espoir et d'enthousiasme dans sa voix. "Ce serait..." Il ne finit pas sa phrase, estomaqué à cette perspective. "Ce serait génial," parvient-il à souffle d'un air rêveur, les yeux verts étincelants.

Harry se lève en mettant son sac à dos sur son épaule. Il regarde l'heure à son poignet: Draco devrait l'attendre à la sortie du stade, il lui a promis qu'ils iraient récupérer un pot de glace de chez Fortescue en rentrant... La diététicienne du club a essayé de lui faire adopter un régime fort de cinq fruits et légumes par jour en vain - Harry se nourrit seulement quand ça lui chante, comme ça lui chante. Il commence enfin à reprendre du poids et du muscle, à remplir un peu plus ses vêtements. Draco lui dit qu'il a l'air healthy et son air rassuré est suffisant pour qu'Harry ait envie de continuer d'essayer.
Il attrape sa gourde après avoir lâché sa montre du regard. "Bon, à lundi alors?" lance-t-il à Viktor. "Ne fais pas trop de folies ce soir. Pour moi le programme: soupe de doubeurre, blanc de poulet et panais sautés..." récite-t-il de la même voix que la diététicienne de l'équipe. "Et beaucoup d'eau!" Il lève sa gourde comme dans un salut à l'adresse de Viktor, avant de se sentir ne mauvaise conscience et de la déboucher pour une boire une gorgée. Puis deux, puis trois, parce que lui aussi meurt de froid.

Il finit la bouteille d'une rasade assoiffée et grogne en la refermant. Il passe son sac sous son épaule et la met dedans. Il fait un pas vers la porte du vestiaire.
Il tombe. Il se rattrape au banc. Il n'a pas de force dans les bras. Il essaye de se releve. Il n'y arrive pas. Il essaye de dire quelque chose. Il n'y arrive pas.

Le coeur de Harry fait une embardée violente dans sa poitrine. Ses yeux roulent dans leurs orbites et il sent ses bras trembler, à la recherche d'un appui, d'un soutien - quoique ce soit, mais ses doigts se referment sur du vide, et la tête lui tourne, et il se rend seulement compte qu'il a la joue collée sur le sol quand le carrelage glacial de celui-ci commence à lui engourdir la peau. "Vik...tor," gémit-il, même alors que ses pensées bouillonnent à l'idée que Draco qui l'attend soit lui aussi en danger. "À...l'aide..."

Viktor pensait qu'il serait plus tendu par la situation mais il faut croire que le Felix Felicis est aussi efficace que sa réputation l'indique. Il accompli chaque geste avec une assurance qu'il lui est rare en dehors des terrains de Quidditch, ne prend même pas la peine de s'assurer que l'échange s'est bien passé ou qu'Harry n'a rien remarqué. Il se prépare tranquillement, se montre prêt à partir sans jamais rien laisser transparaître et tout se passe sans aucun problème.

Harry ne semble nullement perturbé par la situation. Il répond avec Viktor facilement, et Viktor s'en veut de lui faire miroiter quelque chose qui n'arrivera jamais pour lui. Qu'ils s'en sortent ou pas aujourd'hui, c'est la fin de leur collaboration chez les Kings. Demain, au moins l'un d'eux sera derrière des barreaux et l'autre... Si Viktor échoue, Harry sera sûrement écarté de la vie publique. Si Viktor réussi, il n'a aucune idée de ce qu'il se passera mais les Kings seront sûrement pris dans la tempête.

"Bon, à lundi alors? Ne fais pas trop de folies ce soir. Pour moi le programme: soupe de doubeurre, blanc de poulet et panais sautés... Et beaucoup d'eau!" Viktor sourit à nouveau et regarde Harry boire  à grandes gorgées le contenu de sa gourde. Il ne bouge pas pendant que Harry range la gourde dans son sac, et ne bouge toujours pas quand il fait mine de quitter la pièce. Ce n'est qu'une fois qu'il est assuré que la potion a fait effet, qu'il voit Harry vaciller, se raccrocher au banc puis tomber, qu'il bondit.

Il est aux côtés de Harry en un éclair et l'attrape, le soutien, alors qu'il le sent s'affaiblir sous ses doigts. "Vik...tor... À...l'aide..."

"Je suis désolé, Harry," Viktor lui murmure sincèrement avant de prendre sa baguette et de la pointer vers lui. "Confundo." Il soulève ensuite Harry sans grand mal, s'assure d'avoir toutes leurs affaires avec lui, puis s'élance dans le couloir qui s'épare les vestiaires de la zone de transplanage.

Un rapide coup d'œil à sa montre lui indique qu'il a déjà pris du retard sur la mission mais ce n'est pas grave. Le Felix Felicis fait encore effet et atténue totalement le stress qu'il pourrait ressentir. Brièvement, il se demande pourquoi il n'en a jamais pris avant.

Viktor souffle en arrivant au niveau de la zone de transplanage - un énorme hall accueillant une longue rangée de cheminée, l'un des points d'entrée du Purity Stadium - rassuré d'être presque arrivé. Il réajuste Harry puis manque de le faire tomber quand il voit qu'ils ne sont malheureusement pas seuls.

La silhouette qui se dessine dans la pénombre n'est cependant pas celle d'un des membres du staff ou de l'équipe, ni même un employé du stade, mais... "Malfoy ?" Viktor devrait transplaner, partir vite et loin, abandonner sa couverture au profit de la mission, mais, encore une fois, c'est le Felix Felicis qui guide ses décisions, et la potion le pousse à rester, et à parler, encore. "Qu'est ce que tu fais ici ?" Il demande sur un ton tout à fait nonchalant, comme si sa position, avec un Harry complétement dans les choux sous son bras n'avait rien d'incriminant.