Réveil sonnant éteint dans un grognement étouffé, Siham ne reconnut pas immédiatement le son. Ni ce sur quoi elle dormait. Légère envie de vomir, mal de tête qui faisait battre ses tempes, elle papillonna des paupières, nota qu'il faisait beaucoup trop jour. Putain. Levée d'un bond, trop vite, elle écopa du bonus vertige. Au moins ça y était, elle avait remis le doigt sur l'endroit où elle était : la caravane de Joseph, la seule et unique. Des bribes de la soirée lui revinrent, trop vagues pour qu'elle les mette dans un ordre quelconque. Elle en déduit que cela devait avoir été bien et qu'ils allaient être en retard au boulot. Elle se traîna à l'évier pour y remplir deux verres d'eau. Un pour elle, un pour Jo. Le sien fut vidé d'un trait avant qu'elle ne prenne le chemin de la salle de la salle de bain pour compter ses bleus. Regard vide au miroir, elle mit cinq bonnes secondes à capter ce qui n'allait pas. PUTAIN. "JOOOOO ?"

Le secret pour survivre à une teinture non-voulue et qui ne s'enlevait pas (pour l'instant, elle avait rendez-vous avec Felix et un type beaucoup plus effrayant dans quelques jours, il était hors de question de s'y pointer comme ça), c'était d'avoir l'air d'assumer à trois cent pourcent. Oui, elle avait toujours rêvé d'avoir les cheveux blonds, oui il ne fallait toujours pas lui parler le matin. Son café était mélangé à la potion anti-gueule de bois et si le mal de tête disparaissait peu à peu, les cernes restaient planquées sous le maquillage. Dernière soirée avant le jour fatidique, il avait fallu que ça dérape un petit peu trop. Evidemment. Une journée passait à regarder tout d'un peu de loin, elle comprise, bavassage de Rayane en fond sonore, brouillard en fond tout court. Pourquoi avait-elle dit à Majid il y avait trois jours de cela qu'elle passait et qu'elle voulait le voir ? Pour le masochisme, très certainement. A son hound, elle piqua des poches de sang pour une raison crédible que très rapidement. Heureusement qu'il était con.

Pile à l'heure ou presque au portail des Al-Massri. Brune encore en uniforme, elle leva les yeux jusqu'à une fenêtre à l'étage. Les rideaux semblaient y être éternellement tirés et cela lui colla un frisson dans le dos. Bon, elle finissait ça vite et elle irait s'échouer sur son canapé avec son chat. Elle en avait pour une heure, pas plus, vraisemblablement moins. Parce que Majid et elle dans la même pièce... Siham espérait juste que ça ne crierait pas cette fois, cela serait dommage pour sa migraine. Elle sonna, attendit sagement au portail et ne se donna pas la peine de sourire quand on vint lui ouvrir. Salut sommaire, elle suivit Majid à l'intérieur, prenant soin de ne pas regarder vers l'escalier pour ne pas que son air devienne trop anxieux. "Comment va-t-il ?" finit-elle par demander, connaissant déjà la réponse. Toujours en grève de la faim ?

Siham faisait un peu trop partie de sa vie ces derniers temps, c’était pénible, Majid ne la voyait pas tant que ça avant, voire il ne la croisait qu’une fois tous les six mois et ça lui convenait très bien. Maintenant il était forcé de la regarder traîner dans le manoir, tout ça parce qu’on n’empêchait pas une membre de la famille de visiter Nahel. Si ça ne tenait qu’à lui, la branche des moutons noirs serait restée exactement ça, des parias que l’on gardait à l’écart.

Il prenait son thé (sans sucre), avec des pâtisseries (une seule, pour contenter sa sweet tooth mais faire attention à sa ligne) et un essai de médecine publié par un de ses anciens formateurs en Égypte. La maison était calme, il avait donc investi le salon pour profiter des derniers rayons de soleil de l’année, en plus il était plus près de l’entrée et Siham allait bientôt arriver. Il jeta un œil à la pendule, ne put même pas râler parce qu’elle était en retard : elle ne l’était pas encore. La sonnerie retentit, Majid reprit une gorgée de thé, termina la phrase qu’il lisait et partit ouvrir.

Hochement de tête poli, salutation cordiale mais visage de marbre, il n’allait pas faire semblant, il n’avait rien à prouver à sa cousine. Il la conduisit à l’intérieur, se posta dans le salon.

- Comment va-t-il ?

Comme un ado émo que la transformation n’avait pas du tout aidée à sortir de sa crise existentielle. Majid haussa les épaules.

- Ça n’a pas changé. Il se demandait si ça pouvait changer ; et si c’était une dépression ? Majid aurait bien voulu que Nahel voit quelqu’un, mais ça non plus ce n’était pas possible. Il ne mange pas, peut-être qu’il espère tomber en léthargie. C’était ce qui arrivait d’après les livres, mais Majid n’avait jamais vérifié, il n’avait jamais fréquenté de vampire avant l’incident survenu cet été. Du thé ?

Ils n’étaient peut-être pas en bon terme mais on ne pouvait pas se passer d’hospitalité, Majid fit un signe en direction de la théière sur la table, pour illustrer le propos.

Au moins, ils ne perdaient pas de temps en small talk. Avec Majid, c'était un peu comme à l'OM : droit au but (Merlin, Rayane déteignait sur elle) et en plus elle n'avait même pas eu de remarques ou même de regards désobligeants sur ses cheveux. Noël avant l'heure, la vie était belle. Sauf pour Nahel qui entamait son deuxième mois de grève de la faim. Génial. "Il est conscient que les vampires n'hibernent pas ?" Il est conscient qu'il est un vampire ? Siham retint le soupir - elle avait déjà l'air contrarié mais c'était presque son expression naturelle - et hocha la tête à la proposition. Le thé était une valeur sûre et elle avait déjà pris plus que son quota de caféine (là, c'était de la théine, synonyme nuance !). Elle suivit Majid jusqu'à la table, réprimant l'envie de déjà l'envoyer valser avant de lui rappeler ce qu'il avait fait à son super sac en cuir de dragon (se souvenir qu'elle n'avait plus trois ans et demi), elle était là pour parler sérieusement. "Merci" du bout des lèvres quand elle reçut sa tasse, lorgna du côté des pâtisseries quelques secondes avant de se reconcentrer sur ce qui l'amenait. Nahel. "J'ai amené du sang." Elle avait même veillé que ce soit du sang de bonne qualité, pas du sang de nés-moldus ou d'hybrides. "Evite de faire exploser les pochettes cette fois." Sourire un rien carnassier, elle but une gorgée de thé l'air de rien avant de reposer sa tasse sur la table. "Les gens vont commencer à se poser des questions..." Après tout, il avait raté sa rentrée à Poudlard et il ne fréquentait plus les soirées  de gens comme il fallait où on le faisait jouer au singe savant fakir. "Je vais potentiellement pouvoir faire diversion et avoir plus facilement accès au sang" - il fallait bien que devenir mangemort ait des avantages - "mais cela ne fera que retarder le problème." Elle reprit une gorgée de thé, piqua une pâtisserie, essayant de conserver l'air le plus détaché possible alors qu'elle n'aimait vraiment pas son projet de tatouage. "Vous avez des contacts ?" demanda-t-elle sans détour. Parce que ça ne l'étonnerait pas tant que ça qu'ils continuent à parler à Aslan de temps en temps. Après tout,c 'était lui qu'ils avaient suivi jusqu'au Royaume-Uni et Siham aurait d'ailleurs préféré qu'ils s'abstiennent. Nahel lui convenait très bien comme seul cousin. Enfin, vrai qu'il était un petit peu hors-jeu en ce moment.

Heureusement que la courtoisie et le respect des aînés passaient avant les états d’âme, Majid aurait eut tôt fait de couper court à toute communication avec sa cousine sinon, de toute façon, Nahel n’avait vraiment pas besoin d’elle dans sa vie peu importait ce qu’il pouvait bien en dire – elle travaillait à la VB après tout, elle était la fille d’un presque mage-noir.

- Il est conscient que les vampires n'hibernent pas ?

Elle attendait une réponse ? Majid haussa les épaules.

- Je ne sais pas.

C’est qu’ils ne se parlaient pas beaucoup avec Nahel, la dispute avait un peu jeté un froid et puis Majid n’était pas la personne la plus désignée pour gérer les états d’âme d’un adolescent transformé en vampire. C’était Nadia qui faisait dans l’empathie, lui faisait dans le raisonnement et les adolescents (particulièrement son cousin, malheureusement) n’étaient pas rationnels.

- J'ai amené du sang.

- Bien, qu’il dit en refoulant complètement la mine dégoutée qu’il avait à chaque fois qu’il était mentionné que son cousin se nourrissait d'hémoglobine. Si ça ne c’était pas contre-nature…

- Evite de faire exploser les pochettes cette fois.

- Très drôle.

Pas drôle du tout, c’était elle qui avait commencé la dernière fois. Il prit une gorgée de thé, regard noir envoyé à Siham par-dessus sa tasse.

- Les gens vont commencer à se poser des questions...

- La rumeur court qu’il est souffrant, laissons les penser qu’on lui a diagnostiqué une maladie incapacitante et cela nous laissera le temps de gérer la situation.

Ce n’était de toute façon pas à eux de décider, Nahel avait des parents et s’il fallait, Majid et Nadia n’auraient qu’à falsifier un dossier pour justifier leur version des faits.

- Je vais potentiellement pouvoir faire diversion et avoir plus facilement accès au sang, mais cela ne fera que retarder le problème.

Majid la dévisagea un temps, reprit une gorgée de thé. Il ne savait pas trop où elle voulait en venir, notamment parce qu’elle n’avait pas à lui raconter sa vie : ils n’étaient pas proches, Majid ne fichait bien de comment elle se débrouillait pour ramener la nourriture de son cousin.

- Na’im et Louise savent ce qu’ils font, dit-il platement.

- Vous avez des contacts ?

Majid fit l’effort de garder un air impassible alors que la conversation partait dans une direction qu’il n’aimait pas trop. C’était bien connu que chez lui tout le monde finissait par prendre contact avec la résistance, ce n’était pas pour autant qu’il comptait laisser la rumeur se propager plus qu’elle ne l’était déjà.

- Oui. En cas de besoin. Comme maintenant en soi, parce que personne ne voulait que Nahel finisse à la VB et pourtant il serait un jour forcé de sortir et alors son secret serait dévoilé. Majid n’était pas sûr que les Al-Massri se relèvent indemnes d’une nouvelle désertion. Pourquoi, tu approuverais l’idée ? demanda-t-il, air un peu dubitatif qu’elle amène ça comme solution. Il n’aurait pas pensé ça d’elle.

La tension était palpable et Siham et son absence de sourire ne faisaient rien pour améliorer la situation. Elle préférait même que ça reste comme ça, Majid ne l'aimait pas, le montrait, elle savait donc à quoi s'en tenir. Quelque part, c'était lui qu'elle connaissait le plus et le sujet était délicat alors il valait mieux le choisir comme interlocuteur. Elle ne se priva cependant pas de lui rappeler que pour un sorcier qui se la jouait parfaitement condescendant, il avait un peu trop fait le gamin la dernière fois. Cela s'était soldé par une cicatrice sur l'avant-bras de la brune pour ne pas laisser le cousin crever la dalle. Prière donc de ne pas recommencer. "Très drôle." Elle ficha son regard sombre dans les yeux de Majid. "Ce n'était pas une plaisanterie." Qu'il lui refasse le coup et c'était lui qui implosait (il n'était qu'un autre style de poche de sang). Ou pas, mais elle se plaisait à l'imaginer. Elle prit une gorgée de thé, doigts un rien crispés autour de la tasse. "La rumeur court qu’il est souffrant, laissons les penser qu’on lui a diagnostiqué une maladie incapacitante et cela nous laissera le temps de gérer la situation." Elle hocha la tête, il n'y aurait qu'à aouter que la maladie l'avait tué le jour où il faudrait le faire disparaître et prier pour que personne ne vienne remettre en cause la petite histoire. "Na’im et Louise savent ce qu’ils font." Elle avait passé l'âge de faire remarquer à haute voix qu'on ne pouvait pas compter sur les parents, son regard n'en signifiait pas moins, surtout que l'on parlait de ceux qui avaient tiré une tronche de six pieds de long le jour où Nahel s'était mis à parler aux serpents.  Il était doublement haram maintenant et son statut de vampire était moins facile à cacher. "Evidemment, c'est pour cela que rien n'a bougé." Peut-être comptaient-ils l'emmurer pour le garder en vie loin des regards, jolie manière de contourner le problème. Un instant elle se demanda ce que son père aurait fait mais vampire était moins vendeur que fourchelang et une exécution en place publique pour rétablir honneur et pureté familiales lui aurait sans doute fait marqué quelques points auprès des autres mangemorts. Brrr. L'exfiltrer via l'Ordre semblait nettement mieux, de préférence discrètement. "Oui. En cas de besoin." "Bien" souffla-t-elle. Si besoin, elle pouvait donc compter sur eux pour organiser l'extradition. A voir à quel point elle risquait de se griller si elle agissait comme elle préférait soit en solo. "Pourquoi, tu approuverais l’idée ?" Un ange passa, elle prit une longue gorgée de thé avant de fixer Majid. A quel point pensait-il qu'elle était dénuée d'empathie ? "Parce que je tiens à lui et qu'il n'y a pas beaucoup d'autres solutions." A la brigade, il se ferait manger tout cru et elle ne pourrait pas être là pour le surveiller. Le garder ici n'était pas jouable sur le long terme et la probabilité que Voldemort chute bientôt et soit remplacé par un amateur d'hémovore et de famille de sang-pur qui avaient au moins en parti suivies le Lord était extrêmement faible. "Nous avons perdu suffisamment de membres de notre famille dernièrement, non ?" Traîtres ou pas, salauds ou pas, toujours était-il que les calculs n'étaient pas bons et que Siham n'était pas sûre de bien vivre un deuil supplémentaire.

Majid attendait avec impatience le moment où Siham ressortirait de sa vie ; elle n’aurait jamais dû y entrer en premier lieu, tout comme elle aurait dû se tenir à l’écart du reste de sa famille auprès de qui elle n’avait pas sa place. Elle était un poison qui s’était infiltré sournoisement et dont Nahel était la victime, entraînant dans son sillage tous les autres en conséquence. Ça n’aurait tenu qu’à Majid, l’accès à la maison et surtout au chevet de l'adolescent lui aurait été interdit : elle avait causé assez de tort comme cela, rien ne serait arrivé si elle et son père n’avaient pas convoité le don de Nahel pour leurs propres petits intérêts.

- Ce n'était pas une plaisanterie.

Elle l’enrageait, son expression passa de froide à glaciale.

- Ne me dis pas quoi faire dans ma propre maison, dit-il, le ton mesuré pour ne pas lui donner la satisfaction de s’énerver. C’était sûrement ce qu’elle cherchait, il n’attendait pas mieux d’elle.

Elle avait beau persister à être là pour Nahel, Majid n’oubliait pas que sans elle, il n’aurait jamais attiré l’attention du Lord, n’aurait jamais causé de tensions dans la famille et surtout, il ne serait pas dans un tel état.

- Evidemment, c'est pour cela que rien n'a bougé.

Majid ne supportait pas que l’on manque de respect à ses proches, que ce soit Siham qui le fasse après tout ce qu’elle avait fait, après tout ce qu’elle faisait encore et quand elle était cette personne dont le cercle proche se composait de mangemorts ne faisait que renforcer sa colère.

- C’est vrai que tu as fait tellement plus, répondit-il, voix mielleuse, rictus étirant à peine ses lèvres alors que ses yeux se faisaient assassins. Il estimait que les gens comme elles devaient garder leur place et faire profil bas, pas attaquer les gens qui faisaient de leur mieux pour arranger une situation qu’elle avait causée.

Elle avait beau envisager la résistance comme option pour sauver Nahel d’une vie de misère, cela ne changeait rien, le mal était fait et elle ne pouvait pas effacer son affiliation avec les forces obscures.

- Parce que je tiens à lui et qu'il n'y a pas beaucoup d'autres solutions. Allons bon, elle avait développé de l’affection pour sa marionnette. Cela faisait tout de même plus sens que Nahel qui s’était attaché à elle. Majid ne dit rien, prit une gorgée de thé. Nous avons perdu suffisamment de membres de notre famille dernièrement, non ?

Qu’est-ce que c’était que ça, de la manipulation ? Majid n’était pas particulièrement sensible mais si cela touchait à sa famille, alors la donne changeait. Effectivement, il serait très peiné par la disparition d’un autre de ses proches, il pensait surtout aux conséquences pour ceux qui restaient : si Nahel suivait le chemin d’Hestia, de Flora et d’Aslan, les répercussions risquaient de tomber franchement, c’était pourquoi si tout le monde avait pensé à confier Nahel à la résistance, ce n’était pas une décision que l’on voulait prendre à la légère.

- Hmm, fit-il pour toute réponse, très peu désireux de s’engager sur cette pente avec Siham. Il n’avait pas envie de lui parler, encore moins d’aller dans son sens. Donc tu souhaitais le voir ? Tu sais où est sa chambre.

Juste comme ça il décidait de la congédier, après tout, si elle était là pour insulter sa famille et pour s’attribuer des mérites qu'elle n'avait pas, alors il n’estimait pas qu’il avait plus de temps à lui accorder.  

Regard glacé empli de défi, l'hostilité filtrait même jusqu'à la manière qu'elle avait de boire son thé. Tendue, à deux doigts de balancer le liquide bouillant à la figure de son cousin pour lui faire disparaître son air de pédant tête à claque. "Ne me dis pas quoi faire dans ma propre maison." en voyons. Elle lui décocha son plus beau sourire hypocrite avant de répondre, ton mielleux. "Mais je n'oserai jamais t'indiquer quoi faire, il me semblait juste que tu avais des lacunes dans l'art de se comporter avec tes invités et je m'en voudrais de te laisser dans l'ignorance." Il était si bien élevé, si poli, ce serait dommage de ternir sa réputation de gendre idéal pour ce genre de maladresse. Siham, quant à elle, ne gardait l'air calme que difficilement (le thé dans sa tasse fumait de plus en plus, elle dut se concentrer pour ne pas le faire bouillir). Une goutte de plus et elle s'emporterait, trop. Il y avait Nahel dans l'équation et ce n'était que ce sale petit rat de Majid en face. Ce fut ce qu'elle se répéta pour ne pas se dire qu'au pire, ce ne serait pas la première demeure des Al-Massri qui partirait en fumée après qu'elle en soit partie en claquant la porte. "C’est vrai que tu as fait tellement plus." Les rideaux du salon étaient faits d'un tissu qui faisait de jolies flammes, ne pas trop y penser. Elle ne dit rien, gardant le sourire hypocrite et le regard assassin, n'en pensant pas moins. Elle s'était ouverte les veines pour son putain de vampire de cousin. Majid, lui, jouait juste le proche accusateur et faussement protecteur avec ses yeux emplis de jugements. "Hmm. Donc tu souhaitais le voir ? Tu sais où est sa chambre." "De toute évidence, ta compagnie ne mérite pas le déplacement" siffla-t-elle avant de se lever, abandonnant sa tasse de thé inachevée sur la table avant de tourner les talons en direction de l'antre de Nahel. Chapelet d'injures au bord des lèvres, elle avait les mains qui tremblaient un peu et l'envie de s'allumer une cigarette allait crescendo. Dire que non, elle n'était pas venue voir Nahel mais plutôt pour tenter d'arranger un peu les choses pour ne pas agir de son côté et envenimer la situation. Putain. Elle n'avait plus qu'à s'avouer que son père avait raison : les autres Al-Massri n'étaient que des infréquentables bons à mettre des bâtons dans les roues et qui auraient mieux fait de rester en Egypte vu que eux étaient beaucoup trop parfaits pour ne pas y être mal-vus.  

Majid regrettait que ses parents ne soient pas à la maison, il leur aurait laissé le soin de pourparlers avec l’intruse et se serait épargné sa détestable compagnie; tout aurait été plus agréable que de prendre le thé avec elle et pourtant la politesse l’obligeait à s’y plier. Elle par contre ne semblait pas particulièrement à cheval sur les principes et il lui en aurait presque voulu de ne pas avoir fait l’impasse sur celles-ci pour aller droit au but, soit au chevet de Nahel, puisque c’était sans aucun doute ce qu’elle venait chercher ici. Majid n'avait aucun doute sur la joie que pouvait procurer sa compagnie, mais il savait parfaitement bien que Siham le détestait autant qu'il la détestait.

Majid transpirait l’hostilité, ce qu’il se gardait bien de laisser transparaitre habituellement parce qu’il avait acquis qu’on ne pouvait pas dire frontalement leurs quatre vérités aux gens, non ça on le faisait plutôt derrière leur dos et on leur souriait en face, mais Siham n’était pas n’importe qui. Son attitude justifiait l’antipathie qu’elle recevait, Majid ne ressentait pas la moindre culpabilité à la regarder avec tout le mépris qu’elle lui inspirait.

- Mais je n'oserai jamais t'indiquer quoi faire, il me semblait juste que tu avais des lacunes dans l'art de se comporter avec tes invités et je m'en voudrais de te laisser dans l'ignorance.

L’insulte était intolérable, notamment parce qu’elle provenait d’une fille qui avait été élevée par des traîtres et des collaborateurs. L’envie d’envoyer Siham à travers la vitre et de ne plus jamais la laisser mettre les pieds dans le manoir atteignit des sommets, Majid rassembla tout le calme qu’il n’avait pas mais savait si bien feindre pour garder la même expression faciale.

- Je te remercie pour ta considération, mais peut-être devrais-tu balayer devant ta porte avant de venir frapper à la mienne, rétorqué sur le même ton glacial, iris cinglants rivés sur Siham.

Majid détestait le sourire hypocrite qu’elle arborait et mourrait d’envie de le lui faire ravaler, peut-être qu’elle perdrait son rictus si on lui coupait tout contact avec Nahel, puisqu’elle semblait si attachée au môme. C’était très probablement de la culpabilité, elle-même savait parfaitement bien que sans elle, rien de tout cela ne serait arrivé.

- De toute évidence, ta compagnie ne mérite pas le déplacement.

- Mais je ne t’ai jamais demandé de le faire, réctifia-t-il avec un rictus. Et crois-moi que je m’en serais bien passé.

Qu’elle aille en enfer là on reposait son père, en ce qui concernait Majid, Siham pouvait bien tenter de réparer la vie gâchée de Nahel ou prendre la marque, tant qu’elle restait hors de son chemin et évitait à tout prix de lui adresser la parole, il saurait s’en satisfaire. Il darda des pupilles méprisantes sur le dos de sa cousine lorsqu’elle quitta la pièce, termina de siroter son thé en tentant de retrouver son sang-froid; lorsqu’il arriva à la fin de sa tasse, il était résolu à réclamer à ses parents et à son oncle et tante de ne plus jamais laisser entrer Siham dans la maison à grand renfort d’explications sur le pourquoi du comment elle était la pire fréquentation que Nahel aurait pu avoir, peu importe l’affection qu’il pouvait bien éprouver pour elle. Après tout, il était trop jeune pour savoir ce qui était bon pour lui et Siham en profitait, c’était du devoir des adultes de le sortir de son emprise.