La robe était de longueur réglementaire, rien à voir avec les mini-robes que Laurel revêtait pour les évènements où elle se rendait. Évidemment qu’elle savait que Frida savait qu’elle ne portait pas cela tous les jours, mais il fallait faire plaisir à mamie et avoir l’air le plus sage possible pour ne pas choquer ses chastes yeux de personne d’un autre temps. La robe lui arrivait donc à mi-cuisse et était superposée sur une blouse blanche, pour un peu Laurel se serait trouvé un air de gamine élevée chez les bonnes sœurs, mais elle était quand même jolie et élégante en plus de ça, la grand-mère ne pouvait qu’approuver.

Laurel appela sa marmaille qui fit grise mine, Lilly ne voulait pas aller chez mamie, on s’y ennuyait, ce à quoi Laurel répondit qu’il y avait assez de place pour jouer à cache-cache et que même l’elfe jouerait avec elles. La diversion fit mouche, les gamines adoraient l’elfe (ou du moins adoraient jouer avec ses oreilles) ; Laurel confia la poudre de cheminette à Lilly et la regarda disparaître dans les flammes, puis elle prit Elle dans un bras et Maya dans l’autre et annonça à son tour sa destination.

Elle arriva dans une cheminée commune, s’étant dit que débarquer dans le salon de Frida ne serait pas bien vu par la vieille qui virait rapidement acariâtre. Laurel posa ses fillettes et leur dit d’aller toquer chez mamie, elles obéirent, la blonde les rattrapa sur le pas de la porte où l’elfe venait d’apparaître en déclenchant des petits gloussements de la part des gamines.

- Coucou Molkky ! Mamie est là ?

La créature opina, Laurel se dit que l'elfe pourrait au moins faire semblant d’être content de les voir. Sachant bien qu’elle n’allait pas se faire refouler, Laurel fit signe à ses filles de rentrer et les suivit dans le hall, là où l’elfe réapparut pour signaler que Frida était dans la bibliothèque.

- Donnez votre veste à Molkky – Elle, tes chaussures, tu vas salir le tapis ! Allez dire bonjour à mémé avant d’aller jouer.

Les filles obéirent et filèrent dans la bibliothèque pour saluer l’ancêtre pendant que Laurel se débarrassait de ses cuissardes. Elle se dirigeait à son tour vers la bibliothèque quand ses gamines revinrent pour attraper la jambe de l’elfe et lui demander de jouer à cache-cache. Laurel esquissa un sourire un rien narquois.

- Tu peux pas leur refuser ça Molkky, mamie serait fâchée que les filles s’ennuient, dit-elle à la créature avant de laisser les enfants en arrière.

Elle trouva Frida, esquissa un grand sourire qui montait jusqu’aux yeux accompagné d’un "mamie trop contente de te voir !" et vint poser une bise sur la joue de sa grand-mère avant d’aller s’installer dans un fauteuil.

- Et bien Laurel, je ne t'attendais pas.

Laurel croisa les jambes, mains sur son genou le plus élevé alors qu’elle attendait que Frida vienne aussi s’asseoir.

- C’est une visite surprise ! expliqua-t-elle d’un ton enjoué. Les filles étaient trop contentes de venir, et moi aussi ça fait un moment non ? Je voulais t’inviter à dîner pour l’anniversaire d’Elle d’ailleurs, on fait ça dimanche prochain chez moi, y’aura papa, maman, Neil, Bree et Rain de sûr et je vais inviter Imani aussi.

Laurel suivit des yeux Lilly qui venait d’entrer dans la pièce sur la pointe des pieds pour aller se cacher derrière un rideau, quelques instants plus tard, Maya suivait en courant et se cachait dans le rideau opposé, faisant râler sa sœur.

Elle avait l’air su-per contente de la voir sa mamie, Laurel était encore plus heureuse d’être là du coup, en plus ses filles étaient aux anges de pouvoir jouer dans le manoir et avec l’elfe; elle était tout sourire en suivant Frida, se demandant brièvement pourquoi sa grand-mère ne comprenait pas le principe de la visite surprise.

- Je sais très bien que c'est une visite surprise.

Laurel gloussa, absolument pas échaudée par l’air blasé de l’ancêtre, ne saisissant même pas l’implication qu’il y avait derrière – celle qui insinuait qu’elle n’était pas spécialement la bienvenue sans invitation. Ça n’effleura même pas Lolly, bien sûr que tout le monde avait tout le temps envie de la voir, même les filles qui pouvaient vous assassiner du regard (Izzie) a-do-raient sa compagnie.

- Les filles, taisez-vous, on ne s'entend pas parler ! Molkky, emmène les donc en cuisine puis donne leur des gâteaux. Pas trop sucrés.

Hé ben, elle était crispée la mamie. Laurel jeta un coup d’œil du côté de ses filles, pas franchement inquiète ni dérangée par les discussions sur voix suraigüe et trop élevée, suivit du regard sa progéniture qui se dirigeait vers la cuisine avant de reposer les prunelles sur Frida.

- Ça va toi mamie ? T’as l’air un peu tendue, je peux te faire un collier en quartz rose si tu veux, ça a des su-per propriétés anti-stress, en plus la couleur est super jolie tu verrais ! Sinon je peux te faire un bracelet, c’est plus discret parce que t’es pas très rose toi non ?

Plutôt jogging (Laurel en profita pour détailler la tenue de l’ancêtre, mine légèrement dépitée en voyant le potentiel gâché (une femme si grande, si élégante, en jogging !!)), pas très raccord avec les bijoux roses pâle. Laurel avait d’autres solutions cela dit, une pierre glissée dans la poche ou en porte-clés, ça ferait aussi bien l’affaire, elle était prête à contre-attaquer si sa mamie refusait l’offre.

- Un anniversaire ? Mais Elle va s'en souvenir ?

- Mais oui ! Enfin, on prendra des photos, expliqua-t-elle, un grand sourire sur les lèvres.

- Je serai là. Bien entendu.

- Oooh super ! roucoula-t-elle avec enthousiasme. Le thème ce sera sous l'océan, ce serait parfait si tu portais du bleu !

- Je te sers un thé ?

- Au citron, sans sucre s'il te plaît, commanda-t-elle, souriant toujours. Dis, ma petite mamie, tu penses quoi de ma robe ? Elle se leva, lissa sa jupe et tourna sur elle-même pour que sa grand-mère puisse donner l’avis le plus objectif possible. J’ai un rendez-vous ce soir, j’hésite à garder celle-là parce qu’elle est drôlement jolie tu trouves pas ?

La nourrice venait chez elle garder les filles pendants que Lolly rejoignait son date à Londres, ça la changerait bien de porter quelque chose de si long dans un tel contexte mais son rencard était médicomage, elle ne voulait pas avoir l’air de sortir de véritaserum.

Qu’est-ce que c’était joli chez mamie, et qu’est-ce que mamie était jolie – wait, Laurel n’avait pas pensé à le lui dire, grave atteinte à sa philosophie de vie qui consistait à noyer les gens sous une orage de compliments ; elle dit entre deux regards un peu insistants qui tentaient de percer les secrets de l’air tendu de la grand-mère "ça te va à ravir d’ailleurs cette couleur mamie" pour esquiver avec élégance le fait que les joggings de Frida hantaient les cauchemars de Laurel.

Bref, elle ne dit pas que d’après elle, c’était probablement parce que la vieille se négligeait et ne se voyait jamais sous un jour rayonnant (soit dans des vêtements plus seyants que des tenues de sport) qu’elle lui paraissait un peu crispée (c’était bien connu que l’aesthetic était le remède à tous les maux), se contenta de prendre un air très intéressé lorsqu’elle se mit à babiller.

- Oui, tout va bien et toi ?

- Très très bien ! déclara-t-elle avec un sourire radieux. Mais ça ira encore mieux quand je te saurais bien protégée par un collier en quartz, ajouta-t-elle avec un regard entendu.

- Oh, j'ai eu un collier comme ça, pour ma première communion je crois. D'ailleurs, ton arrière-grand-mère l'avait acheté sur le chemin de traverse, à la boutique qui faisait l'angle mais elle a fermé. Oui, il était en quartz aussi. Je l'ai toujours trouvé très laid. Tu devrais garder ça comme idée pour la fête des mères.

Pauvre mamie qui sombrait dans la nostalgie, ça serra le cœur de Lolly qui eut un air peiné et tendit le bras pour tapoter la main de sa grand-mère.

- Et tu l’as perdu ? C’était vraiment tragique, Laurel détestait perdre ses affaires alors un cadeau… Pour un peu elle aurait versé une larme à la mémoire du bijou. Celui que je t’apporterai, tu le trouveras pas laid promis, affirma-t-elle finalement, toute déterminée qu’elle était à remonter le moral de l’aïeule.

Et en parlant de cadeau, elle avait déjà presque tout ce qu’elle voulait offrir à son bébé : un mobile composé de pierres aux propriétés apaisantes, une peluche enchantée qui jouait du Mozart et une ribambelle de tenues toutes plus mignonnes les unes que les autres. Elle avait vraiment hâte de concrétiser son goûter d’anniversaire et de recevoir ses invités.

- Je dois avoir un jagging wizardidas de cette couleur...

- Un jagging, mamie ? souffla-t-elle, les yeux écarquillés. Et une robe ? Tu sais que tu serais super en robe ? Je veux dire, grande comme t’es, avec tes belles jambes… L’anniversaire d’Elle c’est l’occasion de se mettre sur son trente-et-un ! conclut-elle avec un grand sourire et des yeux innocents de ceux qui lui faisaient obtenir tout ce qu’elle voulait depuis ses deux ans.

Laurel ne comprenait vraiment pas comment sa mamie pouvait se laisser aller comme ça, à ce rythme là, elle était même persuadée que l’ancêtre avait des actions chez Wizadidas ; elle se demandait tout de même par quel miracle Bree et elle étaient sorties du cercle de mauvais goût pour devenir les fashion icons qu’elles étaient. Mamie devrait prendre exemple sur la nouvelle génération.

Lolly tourna finalement sur elle-même pour bien montrer sa robe, clairement une des plus décentes qu’elle possédait, en compétition avec ses tailleurs de businesswoman et ses pantalons à pinces. Frida avait l’air contente alors Laurel sourit de toutes ses dents, attendant le verdict en se rasseyant.

- Rendez-vous avec qui ?

- Mamiiie, c’est pas le sujet ! gronda-t-elle avec un rire.

- Pour que je puisse te donner mon avis en fonction, bien entendu.

Bon dans ce cas, Lolly voulait bien passer aux aveux… Seulement parce qu’elle mourrait d’envie de raconter à tout le monde que son date était beau et génial, comme tous les précédents qu’elle n’avait plus jamais revus après. Elle prit le temps de croiser les jambes et de lisser sa jupe, sourire énigmatique sur les lèvres avant de relever les yeux vers Frida.

- Il s’appelle Steven, tu vas l'adorer, il a une très bonne situation, il est médicomage, précisa-t-elle, et il m’a offert des fleurs pour le premier rendez-vous ! Sa voix monta dans les aigues sur la fin et son sourire s’étira, dévoilant ses dents parfaitement alignées et plus blanches que blanches. Elle était presque sûre que Steven était l’homme de sa vie, comme Richard avant lui, et Pete, et Stephan, et Oliver…. Si ça se passe bien ce soir, elle n'avait aucun doute sur ça, je l'invite à l'anniversaire d'Elle aussi comme ça tu pourras le rencontrer !