Elle devrait savoir qu’il est impératif de se méfier de Chérie, lorsque cette dernière lui affirme qu’elle a quelque chose à lui dire, ou quelqu’un à lui faire rencontrer. C’est que son ancienne camarade de Poufsouffle a un peu de Serpentard dans ses veines, et avance un peu trop souvent à visage masqué ces derniers temps (et encore, Attia ignore tout du coup fumant que sa meilleure amie a pu jouer à son frangin, en lui faisant retrouver Nate, vivant, sans l’y préparer psychologiquement). Une fois n’est pas coutume, Chérie n’a pas du tout songé à préparer mentalement les deux personnes dont elle a conçu les retrouvailles, se disant tout simplement que tous deux allaient être transporté.e.s de joie de retrouver l’autre, et sans même supposer que  l’une croit l’autre mort depuis longtemps, si bien qu’Attia se rend au lieu de rendez-vous proposé par la grande blonde sans a priori, sans méfiance, mais tout de même avec prudence (il ne manquerait plus qu’elle précipite son amie fugitive dans les griffes d’une des brigades ministérielles).
Oui parce qu’en plus, elle croit retrouver Chérie et suppose que cette dernière l’emmènera dans une planque.

Pour l’heure, donc, les barrières mentales sont baissées : c’est que ça lui fout de ces migraines, à force d’être constamment dressées, et elle préfère un peu écouter ce qu’ont à jacasser les morts invisibles çà et là, des fois que ça lui donne des informations utiles de temps en temps. Si bien qu’elle avance dans un coin moldu d’une ville en banlieue sud-ouest de Londres, vers les jardins botaniques de Kew, à écouter distraitement ce que murmurent les esprits qu’elle ne voit pas, et reste néanmoins alerte en arrivant au niveau des grilles de l’entrée. Il fait déjà nuit, en ce début septembre, et elle commence son quart de travail d’ici trois heures. Elle l’a dit, à Chérie, qu’elle n’avait pas beaucoup de temps en soirée, qu’elle était repassée sur des horaires de nuit, vu que de toute façon elle ne dormait pas beaucoup en ce moment. Mais rien à faire, la personne mystérieuse n’était pas disponible en journée, et pendant deux minutes, Atropos avait presque failli vérifier avec la cuisinière qu’elle ne lui faisait pas rencontrer un vampire, mais elle avait eu peur de paraître parano...

Traversant les grilles comme si elles n’étaient qu’une illusion, après un coup d’œil alentour pour être sure que personne ne la guettait, elle avance jusqu’à la serre principale, ses pas crissant sur les gravillons, grappillant parfois des bribes de conversations entre morts sans forme spectrale. Consciente qu’il valait mieux être attentive à d’autres bruits suspects, c’est le moment où Mrs Sacramoni estime bon de lever des barrières mentales, atténuant progressivement les murmures d’outre-tombe.

S’installant sur un banc, elle attend patiemment depuis quelques minutes que Chérie se pointe lorsqu’une forme s’approche de son secteur (un vol d’oiseau dont la nuit l’empêchait de distinguer avec précision l’espèce) et laisse bientôt place à une silhouette humaine. Un peu plus prudente, conscience que sa vieille amie ne s’était pas d’un coup lancée dans l’apprentissage de l’animagie, Attia récupère sa baguette dans le revers de sa cape, de façon pas totalement ostentatoire, et attend que l’inconnu s’approche pour peut-être vérifier qu’elle le connaissait. Un Lumos informulé cueille l’intrus et Attia reste ébahie, loupe même un battement de cœur, en dévisageant quelqu’un qu’elle croyait mort : « Jo ? »
Elle qui s’était levée lentement à l’approche de la silhouette se rassoit brutalement sur le banc dont elle ne s’était nullement éloignée, la stupeur fauchant ses jambes. Sa baguette à l’extrémité allumée pointe désormais le sol, et elle cille plusieurs instants avant de revenir vers l’ami retrouvé, incrédule, éclairant moins directement sa face, maintenant qu’elle sait que c’est lui et qu’elle conçoit que ça pourrait être sympa de ne pas l’éblouir.

Et de souffler, consternée, un : « Rappelle-moi de tuer Chérie la prochaine fois que je la vois. » que de nombreuses personnes ont déjà dû dire à un moment ou un autre, avant d’ajouter, cette fois-ci plus interrogative (et plus hésitante) : « Comment —? Je... Je te croyais mort depuis si longtemps. » Constat agacé alors qu’elle se pousse un peu pour lui laisser de la place sur le banc et éteint le bout de sa baguette pour finalement poser une question assez rhétorique : « T’étais où ? Avec l’Ordre ? »

Elle a un peu de mal à y croire. Pendant deux secondes, elle songe à une cruelle plaisanterie de la part de Chérie, sans se douter un seul instant que son frangin a vécu (ou expérimenté serait peut-être un terme plus adéquat) la même stupeur qu’elle face à quelqu’un qu’ils pensaient avoir perdu pour toujours.
Tu aurais pu t’en douter, glisse une voix à son oreille, et elle grogne un « Shut up, Sean. » peu aimable en faisant l’effort de hisser de nouveau ses barrières mentales qui s’étaient abaissées sous le coup de la surprise. Elle relève ensuite la tête vers Jo, essaye de remettre de l’ordre dans ses pensées secouées, pose une question débile, et le voilà qui raille « Non, je plante des coquelicots et élève des moutons à l’autre bout du pays. » (comme avant) (le constat de le retrouver inchangé lui met du baume au cœur, et fait aussi monter en elle une émotion qu’elle avait probablement étouffée tant et si bien qu’elle avait cru ne plus la ressentir depuis le moment où elle avait appris que Johannes avait disparu). Le fait qu’il reste encore debout et ne la rejoigne pas sur le banc est étrange, mais elle ne s’en formalise pas pour l’heure.

Plus doucement, il enchaîne : « J’aurais pensé que Chérie t’aurait épargné le deuil inutile - Ben non, t’es fou ? Tu la connais : elle dit quasi jamais rien, et joue l’étonnée quand tu l’engueules ! » Un soupir dépité s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’elle s’appuie contre le dossier du banc et passe la main dans ses cheveux, attrape une de ses mèches, et vient s’en caresser le bout du menton avec, un peu comme elle faisait plus jeune, lorsqu’ils étaient encore à Poudlard et avaient bien d’autres problèmes que la guerre et la résistance. Il reprend finalement, alors qu’elle se concentre : les esprits autour d’elle, invisibles à l’œil nu, doivent sentir qu’elle est bouleversée, parce qu’elle a l’impression de les entendre de façon très diffuse, très floue, comme si elle était sous l’eau. Elle cille, inspire, revient à lui alors qu’il reprend la parole, et espère qu’elle n’a pas les yeux trop brillants (elle ne se doute pas que les sens de Johannes sont décuplés). « Ça me fait plaisir de te voir, tu n’as pas trop mauvaise mine, but, comment vas-tu, vraiment ? - Gnagna, pas trop mauvaise mine., le singe-t-elle en haussant les épaules et se tournant un peu plus vers lui, On croirait entendre Chourave après un de mes évanouissements… » Et ils avaient été assez nombreux durant leur adolescence.

Ils sont proches, assis côte à côte, et dans la pénombre nocturne, elle aurait bien du mal à dire si c’est elle, ou s’il a l’air un peu plus pâlot qu’avant. En même temps, à se planquer, elle leur trouve tous un peu un teint plus clair que s’ils pouvaient décemment prendre le soleil. Elle voudrait lui prendre la main, pouvoir confirmer par le toucher que ce n’est pas une foutu hallucination, qu’il est vraiment palpable, vivant. Son cerveau n’intègre toujours pas l’information. Quelle mauvaise amie tu fais., réussit à s’imposer un murmure d’outre-tombe, auquel elle rétorque, sans vraiment se soucier de ce que ça pourra avoir comme apparence aux yeux de Jo : « Oui, ben ça va, fermez-la, oh ! Et d’enchaîner, à l’adresse de Johannes, sur l’avant-bras duquel elle a posé sa main, comme pour le rassurer que son agacement soudain ne lui était pas adressé. Désolée : comme tu constates, j’entends toujours les morts. Sourire forcé, pas vraiment enjoué. D’habitude, ça va, mais ce soir, ils sont bien bien chiants. Enfin… Ils sont de plus en plus chiants, mais il paraît que c'est normal. Dans tous les cas, va pas croire que tu ferais mieux de te barrer : t’es là, tu restes un peu. J’suis toujours sur le cul, mais je vais m’y faire. » En guise de menace, elle raffermit un peu sa poigne sur l’avant-bras du Runcorn, et demande : « Et toi ? C’est comment de pas être mort ? » mi-riante, mi-gênée d’avoir cru si longtemps que son meilleur ami pouvait être passé de l’autre côté du voile, et ne pas être venu lui parler durant toutes ces années.