tw: sang (mention), anxiété
Susan n'a pas réfléchi et paiera certainement les conséquences de ses actes plus tard. Cela fait presque deux mois depuis la mission des Battues. Pourtant cette soirée est encore gravée dans sa mémoire. Impossible de dormir sans se réveiller en sueur. Sacré champ de bataille sur cette île. Il y a les morts, les disparus, ceux qu'elle n'a pas pu aider ou sauver, et puis tout ce sang. Elle a perdu la trace de Cormac, n'a pas osé le voir après. La culpabilité pèse fort sur ses épaules. Et il y a Hannah. Ses missives ne lui sont jamais arrivées. Impossible de contacter les membres au sein de la société. Trop dangereux qu'on lui a dit. Pas tout de suite. Plus tard. Mais quand ? Il y a d'abord eu la convalescence, mais cela fait plusieurs semaines qu'elle est opérationnelle. Les médicomages de l'Ordre l'ont bien soignés. Susan est sur pied et prête à trouver Hannah coûte que coûte. Si elle peut affronter son regard accusateur, alors elle pourra aussi surmonter celui de Cormac. Il est le prochain sur sa liste.

Sur le coup d'une pulsion irraisonnable, Susan a décidé d'aller à St Mungo's. Le risque est énorme, mais elle s'en fout. Elle a emprunté un polynectar auprès de Jude, avant d'attraper le cheveu d'une personne de passage. Après avoir bu ce truc immonde et avoir enfilé la tenue de la femme désormais inconsciente, Susan inspire et expire. Elle essaye de calmer son rythme cardiaque puis rentre à St Mungo's. Naviguer au sein de la société magique lui fait bizarre. Cela ne lui est jamais arrivée. Elle a quitté Hogwarts pour rejoindre l'Ordre directement. Cette vie-là, elle lui a été arrachée. Obligée de fuir pour survivre. Combattre les forces du mal, parce qu'il n'y a jamais eu d'autres issues possibles. Susan ferme ses yeux et fait le vide dans son esprit. Il ne faudrait pas qu'un Legilimens passe dans le coin. Elle salue le personnel d'accueuil d'un sourire, avant de se diriger vers la cafétéria. Elle ne devrait pas, mais comment résister ? La nourriture au manoir n'est pas aussi bonne. ─ Pumpkin juice and apple cake please. Elle fouille dans ses poches et est heureuse de trouver quelques gallions. Susan prend un air le plus normal possible. Maintenant le plus est à venir. Trouver Hannah. Elle n'a pas vraiment réfléchi à cette partie. Et si elle ne travaille pas aujourd'hui ? Un sentiment anxieux germe en elle et ne cesse de grandir Elle mord dans son gâteau et cela a un effet apaisant, pour quelques secondes seulement. ─ Are you lost Miss? Susan affiche un sourire radieux. ─ No, I'm just looking for a friend. Thank you very much. L'homme lui adresse un signe de tête et continue sa route. Susan cherche sur les panneaux le bon service. C'est lequel déjà ? Le stress lui fait oublier l'essentiel. Elle épie toutes les chevelures blondes, dans l'espoir vain de trouver Hannah. Finalement, c'est lorsqu'elle ne s'y attend pas, que Susan l'aperçoit. D'un pas vif, elle se dirige vers elle. Sa main se pose sur son épaule et elle la fait sursauter. ─ I'm sorry, Miss... Abbott. Your laces are untied. Heureusement son nom est indiqué sur son badge. ─ You have a nice complexion. You have probably been to the sea. What better place to eat ice cream, right? Susan espère qu'elle comprend son sous-entendu. ─ Well, there's an excellent ice cream shop not far from here which isn't bad either. Maybe you should go there sometime. Oh, I'm Scarlet by the way. Nouveau sourire. ─ I won't bother you any longer. Have a nice day. Susan s'éloigne et cela lui fait physiquement mal. Elle jette son gobelet vide au passage et sort de l'hôpital en un seul morceau. Susan retourne en direction de la sorcière qu'elle avait assomée, après avoir attendu plusieurs minutes au cas où. Elle échange de nouveau leurs vêtements et la laisse là. Susan prend la direction du glacier nommé, attendant Hannah. Si elle n'est pas là dans l'heure, sa couverture s'effacera et elle sera obligée de partir. Susan préfèrerait transplaner avec elle plutôt que seule.

Sans nouvelle de Susan pendant un long mois, le mois de juillet s'était écoulé avec une lenteur proche de l'agonie. L'univers était bien cruel de lever le voile sur ses sentiments pour lui enlever ensuite le sujet de son affection. Hannah avait attendu un message qui n'arriva jamais avec une anxiété croissante. Au travail, elle souriait mais son cœur n'y était pas. Durant les séances avec Ernie, elle se concentrait mais son esprit divaguait. Les deux sorcières ne s'étaient rien promis de plus que de se retrouver et pour détendre son inquiétude grandissante, la médicomage épluchait chaque journal publié par le gouvernement et se connectait sur sa boule crystal afin de ne rien rater d'un potentiel coup d'éclat de l'Ordre ou ... Elle ne préférait pas y songer. Rien n'atteignit ses oreilles ou ses yeux et Hannah conclut que c'était bon signe, on ne cachait pas une victoire, seulement les défaites. Cela ne voulait toutefois pas signifier que Susan s'en était tirée (de cette mission dont elle ne connaissait aucun détail) ; est-ce que quelqu'un penserait à la prévenir en cas du décès de son amie, de son seul contact avec l'Ordre, ou oublierait-on de tenir au courant la petite informatrice qu'elle était ?

Alors, chaque jour en se levant Hannah se répète des phrases ; que tout va bien, qu'ils sont simplement occupés, que Susan va lui revenir parce qu'elle le lui a promis et qu'elles ont tant de choses à se dire, tout un futur à construire. La guerre leur a trop pris mais qu'elle ne leur prendra pas cela aussi. Plus le temps passe et plus ses pensées laissent un écho vide dans leur sillage.

Ses ongles sont dans un état lamentable, réceptacles tout trouvés de son stress et des poches réapparaissent gentiment sous ses yeux, plus discrètes qu'en mai certes mais elles s'attardent cependant sur son visage alors que la sorcière entame son deuxième service de la journée. Il n'y a pas grand monde aujourd'hui, pas plus que d'habitude, et l'aile des empoisonnements se plonge dans un silence paresseux. Hannah doit se rendre dans la chambre de Madam Flu puis pourra ensuite se diriger vers la salle des potions qui occupe une grande partie de leur temps quand rien n'est à déclarer.

C'est au détour d'un couloir qu'une personne l'interpelle avec une tape sur l'épaule, et si Hannah ne reconnaît pas l'inconnue, les paroles que celles-ci lui adressent ont tôt fait de la surprendre. U mélange d'espoir et de soulagement la prend de plein fouet. Le puzzle ne parle qu'à elle, des petits mots glissés intelligemment entre deux banalités et un sourire éclot à peine sur ses lèvres que la femme s'en est allée. Susan. Cela ne peut être qu'elle, si la plage n'était pas indice suffisant, le surnom de son amie finit de la convaincre. Ni une ni deux, la médicomage allonge ses pas, se déplace jusqu'à l'un de ses collègues - elle est plutôt appréciée dans son service - qui acceptera sans ciller et sans poser de question sa demande. "Can you cover my shift for me? There's an emergency at home I have to take care of. I'm a call away if needed be?" Son collègue opine du chef avant de plonger son nez dans la paperasse administrative de l'hôpital. Il lui faut ensuite plusieurs minutes pour se changer, troquer sa blouse pour ses vêtements personnels, et encore d'autres pour descendre les étages et quitter St Mungo's. L'affaire doit prendre une vingtaine de minutes durant lesquelles Hannah sent son palpitant tambouriner furieusement contre sa poitrine, ses joues chauffées par l'impatience ; elle en aurait presque le tournis. Et parce qu'il s'agit de Susan et d'elle seulement, elle ne pense pas un seul instant qu'elle pourrait tomber la tête la première dans un piège. Il faudrait du reste être bien renseigné sur sa vie pour réussir une telle entourloupe.

Ses pas s'accélèrent dès qu'elle se retrouve dans la rue, pressés de l'amener jusqu'à Susan. She's been waiting for what feels like a decade. Ses mains remettent à plusieurs reprises le mélange de boucles brunes et blondes derrière ses oreilles tandis qu'elle court presque - mais quand même pas - et quand elle arrive jusqu'au petit glacier susnommé, Hannah a le souffle court. D'avoir couru, d'avoir attendu, de savoir qu'elle va la revoir là tout de suite maintenant. Elle sait à l'avance que son cœur va rater un battement, et quand elle pose son regard sur la sorcière dont elle a pris l'apparence, il ne la déçoit pas alors qu'un grand sourire s'étend sur ses lèvres. She's safe, Susan is here, Susan is alive. Et c'est comme si elle pouvait sentir physiquement toute la tension quitter ses épaules et tout son corps. "Hey, I'm here," commence-t-elle, sans oser la prendre dans ses bras mais ne souhaitant rien d'autre que de la sentir contre elle. Mais pas ici, c'est trop dangereux. "And you're here too," conclut-elle un peu stupidement.

tw: anxiété
Susan sait qu'elle est en train d'enfreindre au moins des dizaines de règles de l'Ordre. Elle sait aussi qu'elle passerait un sale quart d'heure si on savait ce qu'elle était en train de faire. Heureusement que ses contacts sont discrets et que son emprunt de polynectar ne se verra pas. Il faut absolument qu'elle remercie Jude quand tout ça sera fini. Après l'excitation d'avoir enfin vu Hannah, Susan est désormais en proie au stress de la voir arriver au coin de la rue. Son idée est inconsciente certes, mais elle n'est pas suicidaire au point de rester là des heures et de voir sa couverture diminuer aux yeux de tous. Sa jambe s'agite nerveusement et son pied tape le sol dans un rythme régulier. Les gens autour vont commencer à se poser des questions. Pourquoi reste-t-elle seule au milieu de la rue, une expression grave sur le visage ? Alors, Susan se force à sourire et à prendre un air plus décontracté. Plus facile à dire qu'à faire.

Le temps passe et Hannah ne se démarque pas parmi les passants. Le stress monte d'un cran. Susan passe une mèche de cheveux derrière son oreille et fait mine de regarder la carte des parfums du glacier. Mille scénarios se bousculent dans sa tête. Et si quelqu'un la surprend ? Et si quelqu'un la suit ? Et si elle préfère ne pas venir ? Après tout, Hannah est restée un long mois sans nouvelles. Même si leur dernier échange avait été différent, rien n'indiquait que son amie souhaitait poursuivre sur cette voie. Susan s'est peut-être imaginé toute seule des histoires.
Les minutes défilent, mais elle ignore depuis combien de temps elle attend. Peut-être que cela ne fait qu'un quart d'heure ou peut-être qu'elle est plantée là depuis presque une heure. Susan aurait dû prendre une montre. Le soleil est encore à son apogée, ce qui laisse présager qu'elle peut encore attendre un peu, rien qu'un peu. Hannah ne peut certainement pas quitter son travail aussi facilement, surtout si elle ne veut pas éveiller le moindre soupçon. La société actuelle est assez totalitaire. Susan n'a pas l'habitude d'être autant sur le qui-vive, sauf lors de missions. Un luxe quand on y pense.

Au moment où elle se détache de la carte des parfums, Susan aperçoit Hannah. C'est comme si son instinct avait su. Son visage reste impassible, mais un sourire déforme ses lèvres malgré tout. À mesure qu'elle se rapproche, son rythme cardiaque s'emporte. ─ Hey, I'm here, lui dit-elle pour confirmer que tout ça est bien réel. ─ I'm glad to see you. L'échange reste courtois. Pas de risque inutile. ─ Shall we? Susan lui indique, d'un regard, la porte du glacier. Autant marcher avec une sucrerie rafraichissante. Elle n'attend pas plus longtemps et rentre dans la boutique. Après quelques minutes d'attente, Susan passe sa commande et laisse Hannah choisir la sienne. Elle règle l'addition pour elles deux avec l'argent qui se trouvait dans la veste de celle qu'elle usurpe.

Une fois sortie du glacier, Susan commence à marcher dans une direction éloignée du centre-ville et de la foule. Elle mange sa glace, en essayant de ne pas s'en mettre partout. ─ The weather is nice. Les banalités, au moins le temps où elles sont entourés d'inconnus. ─ Do you know a place where we can be alone? murmure-t-elle. Peut-être pourront-elles transplaner chez Hannah ? Pour pouvoir discuter tranquillement sans risquer d'être surpris par une oreille curieuse.

Malgré la réassurance discrète de Susan, Hannah a bien du mal à croire que sa présence est belle et bien réelle. La glace qu'elles achètent - goût caramel pour sa part - et qu'elles dégustent côte à côte en marchant dans les rues de Londres n'aident pas.

Hannah n'aurait pas songé que ce jour puisse arriver après le départ de Susan.

Les rêves d'adolescentes qu'elles avaient fomenté à Poudlard We'll be roomates. ... You'll always be my best friend. Forever. avaient explosé en une pluie de poussière rance en emportant leur innocence.

C'est loin d'être parfait, Susan et Hannah ne sont pas colocataires et elles ne sont pas restées ensemble pour toujours. Elles ne peuvent pas se prendre dans les bras, Susan devra repartir ; mais rien que le fait de pouvoir partager ce minuscule moment, leurs épaules qui se frôlent et la banalité de leurs échanges — Yeah, it is. suffit à lui donner le sourire. Pendant quelques douces minutes, elles ne sont plus Scarlett et Goldylocks. Pendant quelques secondes, la guerre paraît bien lointaine.

Cela ne peut durer. Elles ont des choses à se dire.

Le temps leur est compté aussi, comme à chaque fois, et Hannah n'est pas étonnée que son amie pose une question qu'elle-même ne savait comment aborder. ─ Do you know a place where we can be alone? — Yes! M-y place... Elles se déplacent dans un coin où elles ne seront pas dérangées et Hannah lui attrape la main doucement avant de penser à son petit studio en fermant les yeux.

Et le tableau qui l'attend en les rouvrant lui coupe un peu le souffle. Susan au milieu de son salon. Bien réelle comme l'atteste la main qu'elle n'a pas lâchée. Hannah a envie de la prendre dans ses bras, elle voudrait l'embrasser aussi (n'a fait qu'y penser entre deux pensées inquiètes) mais ne sait pas si elle le peut. Mais le visage qu'elle a emprunté la retient et d'autres choses aussi. — So ... that's my place. The living-room is here, and then the kitchenette right over there. Behind the door there's my bedroom and the bathroom. And that's it. Hannah lui lâche la main en se déplaçant dans la pièce, . Puis passe une main dans ses cheveux, pousse un petit soupir qui pourrait aussi être le début d'un rire. — I'd really like to see you ... Is that polynectar?