Corban est ailleurs.
Corban ne veut être nulle part ailleurs qu'ici. Perdu au milieu des landes galloises, sur les traces d'un licheur un peu trop vorace qui sévissait dans les fermes voisines. Perdu au milieu de nulle part, le poids familier et réconfortant de James pesant sur lui comme une couverture. La tente sous laquelle ils s'abritent pour la nuit est magiquement agrandie et isolée, mais on sent que le fond de l'air est humide. Il fait bon sous la tente, il fait tiède, moite, tandis que les deux hommes reprennent leur souffle, reprennent leurs esprits.
Les doigts de Corban plantés dans les muscles du dos de Buck glissent un peu à cause de la fine couche de sueur. Il laisse James rouler sur le côté, sûrement pour s'allumer une clope et empester tout l'intérieur de la tente.
Mais Corban rétorque rien parce que Corban est ailleurs.

Ça fait trois jours qu'ils sont partis à la poursuite de ce licheur. Ils ont toujours tendance à faire traîner ce genre d'escapades, pour s'éloigner de tout, pour se retrouver. Sous prétexte de passer la région au peigne fin, pour prévenir la prolifération des licheurs, sous prétexte de faire du travail propre, sous plein de prétextes rodés que Corban n'a plus aucun scrupule à dégainer comme excuse.
Ça fait dix ans que James travaille pour son père, mais surtout pour lui. A son retour d'Azkaban, Euan n'a pas vraiment posé de questions, écoutant l'argumentaire un peu trop prêt de son fils sur les raisons qu'il avait de garder et surtout d'embarquer partout avec lui le Buchanan. Euan a haussé un sourcil, considérant sans doute Buck comme un genre de therapy animal pour son fils. Il l'a donc laissé faire, coupant dans son salaire pour signer la feuille de paye de l'ami de son premier-né.
Corban s'en fout, il fait pas ça pour l'argent.
A vrai dire, s'il n'y avait pas ces escapades dans la nature, il saurait pas pourquoi il fait ça.

"Perhaps I should check on— on the dog, marmonne-t-il, mi-pensif, mi-désintéressé, en essuyant son ventre avec une serviette les traces de leurs ébats encore tièdes. Giovedi, c'est le nom du chien en question (Yaxley senior a nommé ses six greyhounds d'après les jours de la semaine en italien, le septième, Venerdi, ayant été tué lors d'une chasse). Buck le sait sans doute mieux que Corban. Les chiens préfèrent Buck à lui. Bah, il peut que comprendre ; lui non plus, il s'aime pas trop...

Il roule sur le côté, récupère ses clopes à lui (hors de question de fumer celles de Buck), traîne son regard sur sa montre à gousset tombée par terre. "Ugh shit, I guess we missed our slot..." grommelle-t-il en glissant une clope dans sa bouche.
Les fermiers avaient tous affirmé que le licheur avait tendance à se montrer presque toujours aux mêmes heures de la nuit, entre trois heures et demi et quatre heures du matin. Raison de plus pour laquelle ça aurait dû être un jeu d'enfants de l'attraper ; mais les deux hommes avaient apparemment préféré jouer à autre chose pour tuer le temps.

"What should we do now?" qu'il demande, ramenant sa fraise sur le lit, tendant le menton vers Buck pour qu'il lui allume sa clope.
Il a bien une idée, mais elle ne lui plaisait pas et ne risquait pas de plaire non plus à son acolyte. En effet, son père l'avait menacé d'avertir lui-même (et à sa manière) Buchanan que l'entreprise allait être dissoute, s'il ne s'en chargeait pas avant leur retour. Et là encore, Corban déployait tous les moyens possibles pour faire traîner la deadline...

tw: infidélité, mention & langage explicites, alcool

Une fois qu'il s'est retiré et a roulé sur le côté, Buck, comme souvent, pense à sa femme.
Anne l'a laissé partir en expédition sans hésitation, contente d'apprendre que le travail se passait toujours aussi bien avec Yaxley jr et sr. Elle lui a même proposé d'inviter Corban à dîner, à leur retour du Pays de Galles, parce que ça fait longtemps, et parce qu'Anne l'aime bien - elle trouve qu'elle améliore son Buck, le rend plus heureux et qu'indirectement, Corban l'aide à réparer son mariage qui bat de l'aile.

Ça fait trois ans que Maggie est née, et Stevie va quant à elle commencer ses études à Hogwarts dans deux mois. La carrière d'Anne n'est plus à refaire en tant que barrister, et celle de Buck est plus ou moins stable, et il adore ce qu'il fait. Ses petites aventures avec Corban aux quatre coins du Royaume-Uni, passées à régler les problèmes de nuisibles dont même le Ministère ne veut pas s'occuper, lui laissent aussi suffisamment de temps pour se consacrer à sa passion pour la magie: tous les samedi soirs, il assiste à un petit spectacle dans un bar sorcier de Manchester, où il performe parfois. Il n'y a jamais invité Anne, parce que c'est là-bas qu'il rencontre les femmes et les hommes qu'il utilise pour maintenir sa vie maritale prétendument parfaite à flot.
En revanche, il y va souvent avec Corban. Mais il y a peu de choses qu'il ne fait pas avec Corban. À Hogwarts, on se moquait d'eux en leur demandait si ils savaient pisser l'un sans l'autre. Ils en étaient parfaitement capables, mais n'en avaient juste pas envie. C'est un peu pareil aujourd'hui.

Avec un grognement de satisfaction, Buck s'allume une clope, contenté et heureux, en réfléchissant à ce fameux dîner. Il n'en a pas encore parlé à son pote, pèse le pour et le contre. Maggie sera ravi de voir son parrain, et Anne sera contente aussi que Buck le ramène bouffer parce qu'elle aime Buck encore plus quand il est avec Corban. Avec lui, il est plus facilement badin, affectueux, détendu. Il joue au mari attentif, à l'ami équilibré, au père joueur et présent. You love him a lot. I like that about you, Buck: you love people a lot, or not at all.

"Perhaps I should check on— on the dog." Ramené à ses pensées, Buck coule un regard en coin vers Corban, dont une mèche de cheveux noirs retombe sur son front, mi-suante mi-gominée, impossible à savoir à ce stade. "Thursday? Woulda barked if he needed help." Il n'a pas envie qu'il quitte la tente, rompe ce moment tranquille et appréciable.  "Ugh shit, I guess we missed our slot..." Buck regarde sa montre, posée sur la petite table à côté du lit spartiate. La tente est étroite mais familière, ils utilisent toujours la même pour leurs excursions, y gardant les mêmes meubles. Ils y ont construit une vie branlante, celle de leurs semaines d'aventures. Entre les armes, artefacts et vieux livres de chasses se sont glissés des restes de leur relation: une vieille photo d'Hogwarts, un paquet d'alumettes raflé dans un bar écossais, une vieille horloge qu'un fermier sorcier leur a donné en signe de gratitude après qu'ils l'aient débarrassé de gnomes meurtriers, deux costumes pendus l'un à côté de l'autre (his & his style) pour les grandes occasions.

"Tragic," commente Buck sans se forcer à paraître triste à cette perspective. Une nuit de plus, une nuit de moins... c'est pas comme si il était pressé de rentrer à la maison. "What should we do now?" Buck lui allume sa cigarette, et lui adresse un sourire en coin. "I have an idea but I need another half-hour or so to make it happen." Son sourire autour de sa cigarette est sincère, tout comme l'affection qu'il ressent pour Corban depuis des années. Dix ans maintenant qu'ils bossent ensemble et c'est comme à Hogwarts: exaspérant, satisfaisant, éreintant, passionnel. La tournure qu'avait pris leur relation ces derniers mois était nouvelle et satisfaisante. "Maybe we could do a sweep. It's only half past, little piggy might still be hanging around somewhere." Mais il ne bouge pas du lit, hausse une épaule épaisse et fatiguée, tend plutôt la main pour chercher à l'aveugle une petite flasque d'alcool - son autre pêché mignon après le sexe. "'S'only a nogtail, Corban, they'll be fine dealing with that blight for another day." Il s'offre une rasade de whisky, et lui propose la flasque en la lui posant sur le torse. Sa main caresse sa peau rapidement, puis revient à lui. "Something's on your mind." Pas besoin d'en dire plus, même si il le regarde d'entre ses longs cils d'un air interrogateur, sans pour autant ressentir la moindre inquiétude: il connait Corban par coeur, et il lui aurait dit si il y avait quelque chose de grave.

Comme d'habitude, Buck rate pas une occasion de lui suggérer de remettre le couvert. Comme d'habitude, Corban a ce regard en coin, dans lequel se chamaille une lueur de défi, lui promettant en silence qu'il aurait besoin de moitié moins de temps pour lui donner envie de se remettre en selle. Puis Buck lui allume sa cigarette, comme d'hab, et Corban adore ça parce qu'à Poudlard, il lui demandait déjà la même chose, ça lui donnait l'impression de l'embrasser.
Il s'allonge sur le côté, pinçant pensivement et sans douleur les affreux tatouages de Buck, tandis que ce dernier dresse une liste peu motivée des potentiels plans d'actions qui s'offrent à eux. Son tatouage à lui est encore plus ou moins recouvert d'un onguent pour le dissimuler, bien que depuis trois jours qu'ils sont là, il commence à se découvrir de nouveau, à l'instar des mâchoires de Buck qui se recouvrent d'une fine couche de barbe. Corban y passe le dos de ses doigts, gardant un temps son index suspendu à la bouche de Buck qui en est à relativiser, comme quoi, un jour de plus ou de moins, le nifleur finira par revenir.
C'est pas tous les jours qu'on peut observer Corban aussi immobile, aussi lascif, mais c'est l'un des effets que Buck semblait avoir sur lui : la capacité de le canaliser, en plus de faire ressortir le pire comme parfois le meilleur en lui.
Aussi, aucun des deux ne se résout à bouger ; comme d'habitude.

"Something's on your mind." You. You're on my mind. Corban aurait aimé n'avoir que Buck en tête, comme d'habitude, comme à chaque fois qu'ils partent que tous les deux et qu'il pense plus à rien d'autre que le moment où ils vont hisser la tente et s'y fourrer pendant trop de nuits. N'avoir en tête que son souffle erratique quand ils poursuivent des bêtes sauvages, n'avoir en tête que la courbe de son dos quand il retire ses fringues, n'avoir en tête que la force de sa poigne quand il le plaque sur le lit, son souffle erratique, encore une fois, quand il le prend.
Plus que jamais, c'est Buck qu'il a en tête, depuis des années, depuis Poudlard, écrasant le sentiment omniprésent de peur qu'il avait toujours ressenti avec ses blagues nulles, avec ses gestes doux, avec sa force.
Et voilà que la terreur refait surface, insidieuse, voilant son regard un peu sombre, rendant ses caresses plus lourdes.

Corban ne répond pas tout de suite parce qu'il sait que la prochaine fois qu'il ouvrira la bouche, tout se cassera la gueule. Il fume un peu en silence, essuie des traces invisibles sur le torse de Buck, à qui il a rendu la flasque sans vraiment y toucher (juste pour en embrasser le goulot). Il imprime pour la dernière fois avant longtemps l'image de Buck, bienheureux, le souvenir de Buck qui le couve avec son regard tendre, avec sa bouche satisfaite, tranquille.
Corban prend une inspiration.

"You're not going to like it."
Il écrase sa cigarette. Il se hisse à califourchon sur lui. Ses mains descendent le long de ses bras forts et, subitement, agrippent ses poignets comme des menottes, qu'il rabat sur l'oreiller de chaque côté de son visage. "Promise me you won't get mad." La pose est joueuse mais son visage est fermé, presque triste. Corban veut garder un semblant de contrôle de la situation, alors que c'était évident qu'il contrôlait plus rien depuis un bon bout de temps, depuis qu'il arrivait à n'avoir que Buck en tête. "For real, James, things are going to get ugly, and I need you to stay calm."

tw: sexy stuff-ish??

Un petit silence. Buck récupère la flasque, en prend une nouvelle gorgée même si il n'en a pas envie juste parce que les lèvres de Corban viennent d'en toucher le goulot (et cette sensation lui est même plus agréable que celle de l'alcool fort lui brûlant la gorge), le darde toujours de son regard clair. Sa peau s'éveille sous ses caresses distraites et tendres. Buck sait à quel point Corban déteste ses tatouages et pourtant il se retrouve toujours à les effleurer, comme pour les cacher à la face du monde, ou juste pour avoir un prétexte afin de recouvrir sa peau de la sienne avec quelque chose ressemblant de loin à de l'amour.

"You're not going to like it." Buck arque un sourcil en entendant la réponse tant attendue, et sourit comme un bienheureux quand Corban lui grimpe dessus d'un mouvement fluide. Il écrase sa cigarette à son tour pour poser ses mains sur les hanches de son pote. "No? Seems like I would, eh," s'amuse-t-il en faisant un peu rouler ses hanches sous celles de Corban, refusant de lire son expression sérieuse. Il rit même quand Corban attrape ses poignets, se penche au-dessus de lui et les plaque sur l'oreiller, ses yeux bleus brillants d'amusement et d'excitation, déjà. "Promise me you won't get mad." Buck ricane, tend le cou, essaye de voler un baiser pour percer le mystère de son visage fermé - il sent un mauvais pressentiment l'éteindre, une vague de panique s'abattre sur son coeur. Il n'a jamais aimé les discussions sérieuses. "For real, James, things are going to get ugly, and I need you to stay calm. - But I want things to be ugly and dirty here with you, Corby." La remarque un peu salace lui vient naturellement, ses yeux assombris par le désir brillant dans la pénombre, son corps profitant allègrement de celui de Corban.

Ses biceps gonflent brusquement comme des ballons de baudruche alors qu'il fait mine de se débattre, sans force ni détermination, grognant finalement en se laissant retomber contre le matelas du petit lit quand il comprend que son ami ne bougera pas. "Feisty tonight, are we, Yaxley?" Il laisse ses yeux l'étudier paresseusement, détailler son corps qu'il connait par coeur, maigrichon, nerveux mais puissant, comme la corde d'un arc toujours prête à partir. Quand ils étaient ados, Buck faisait mine de ne pas voir les cicatrices sur son dos; maintenant qu'ils sont adultes, il fait mine de ne pas voir l'affreux tatouage sur son bras. Buck est un illusionniste, il adore faire l'autruche. "Fine, I promise," soupire-t-il quand il comprend que Corban ne va pas le lâcher et qu'il veut vraiment parler. "What is it?"

Tandis que Buck se débat un peu, Corban songe à lui céder, à desserrer ses entraves, desserrer ses jambes et juste le laisser faire de lui ce dont il a envie, et de passer à autre chose.
Mais ses bras tendus et crispés refusent de bouger, son dos cambré, son regard planté dans celui, taquin, de Buck, même s'il rougit quand même un peu parce que Buck l'a appelé Corby.  

Il l'observe se calmer de son regard sec et noir, puis refaire une blague, se recalmer, récupérer un peu de sérieux. Buck a toujours été ridiculement beau, même déjà à Poudlard. Avec son visage trop ciselé pour être celui d'un butor, avec ses lèvres trop pleines pour être celles d'un garçon. Buck ne sait pas qu'il est beau et ça le rend encore plus beau. Quand il essaye de contrôler grossièrement la force de ses bras, le gonflement de sa poitrine, là où Corban est inlassablement malingre et chétif. Corban sait qu'il pourrait ne pas être beau alors il fait tout pour qu'on oublie.
Mais contempler Buck, là maintenant, c'est comme admirer une plage d'où la mer s'est retirée, se préparant à l'ouragan.

Corban caresse pensivement du pouce la peau à l'intérieur de ses poignets mais garde ses bras en tension, si bien qu'ils se mettent à trembler un peu. Ça a toujours été une histoire de tension, entre eux. La tension des esprits adolescents, au début, qui se percutent, se défient et finalement font front commun contre le reste du monde. La tension dans les épaules de Corban quand il pleurait, dans les poings de Buck quand il piquait des colères. La tension des idéologies, quand Buck a essayé de tirer Corban des griffes de son père et de la Marque. C'est l'histoire d'une tension qu'ils bâtissent à quatre mains, à deux neurones, à mille plans foireux. Il y a quelques mois, c'est la tension physique qui a fini par lâcher, et leurs corps de se percuter.

Cette fois-ci, dans une absence totale de tension, Corban se penche en avant et sent ses cheveux une dernière fois, il lui embrasse le coin de l'œil une dernière fois, ses longs cils balayant sa joue, il se frotte à lui un peu aussi, une dernière fois. Il va pour embrasser ses lèvres chéries une dernière fois, mais il ouvre la bouche et délivre finalement sa mauvaise nouvelle: "My father is going to dissolve his hunting business..." Corban ferme les yeux, tout en se redressant avec cérémonie. "I'm sorry James but we're not going to work together anymore... You'll be dismissed at the end of the month—"
La mer s'est retirée, mais Corban sent l'ombre de la vague, immense, prête à déferler sur lui, malgré ses mains toujours agrippées à celles de Buck, le projeter loin de tout ça, loin de lui.

tw: violence

Corban a toujours été trop sérieux - en apparence. À l'école, tout le monde pensait qu'il était le coincé et Buck le pote qui essayait désespérément de l'encanailler. Une mauvaise influence, disaient les profs parfois avec dédain, et souvent avec inquiétude: à la fin de chaque trimestre, immanquablement, l'un d'eux prenait Corban à part après les cours, posait une main paternaliste sur son épaule, et lui demandait à mi-voix si Buck l'embêtait, le harcelait ou le menaçait.
Qu'est-ce qu'ils en riaient, putain. Ils avaient très vite trouvé leurs marques dans les moules qu'on leur avait assignés dès le début de leur scolarité, échafaudant des embrouilles pas possibles à deux en se basant sur la force antipathique de Buck, et le génie froid et cruel de Corban. Combien de clopes avaient-ils rackettés, de devoirs taxés, d'examens trichés ensemble?

Combien de nuit avaient-ils passé à parler, pleurer, leurs mains se frôlant sans se toucher, la tendresse laissant toujours place à la brusquerie et au sarcasme, et l'affection à la violence? C'était plus simple de tenir à Corban à bout de bras parfois, de prétendre qu'il n'avait été qu'un pote qu'il avait beaucoup aimé, rien de plus. Qu'il n'était qu'un exutoire, une lubie, une porte de sortie au milieu du champ de mines qu'était son mariage avec Anne.

C'était plus simple, avant, de penser tout ça. Maintenant, alors que Corban caresse sa peau avec une douceur qui lui hérisse le poil, et se penche pour pour embrasser son visage, Buck sent une tendresse peu commune exploser dans sa poitrine, un apaisement trop rare s'insuffler dans ses muscles et ses synapses. Il fait confiance à Corban comme il n'a jamais fait confiance à personne, pas même à Anne. Et il sourit, sous les attentions de son pote, sourit en le sentant se frotter contre lui, en sentant ses lèvres et son odeur et sa peau et ses cils sur son corps, et pendant quelques instants, ce moment s'étire à l'infini, tranquillité inédite devenue pérenne et éternelle.

"My father is going to dissolve his hunting business..." Corban ferme les yeux et Buck rouvre les siens, sans comprendre, expulsé de cette bulle absurde de tendresse comme par un transplanage forcé. "I'm sorry James but we're not going to work together anymore... You'll be dismissed at the end of the month— - What?" Au début, sa voix est ténue, étouffée. Les coins de ses lèvres se tordent, dans un sourire amusé par sa farce, mais retombent bien vite quand il voit le visage hanté de Corban. Ses yeux sont toujours fermés et ça donne à Buck l'envie d'y enfoncer ses doigts, de les lui arracher. "What do you mean he's going to dissolve-- Dismissed? AT THE END OF THE MONTH?!" Il peut déjà imaginer Anne et sa déception, sa moue pincée n'osant rien dire, le mépris et la pitié qu'elle va ressentir pour lui en l'entendant. Elle a toujours pensé qu'il pouvait faire mieux, qu'il pourrait gagner plus de fric, offrir plus de choses à sa femme et à ses filles (quelle hypocrite; ils pourraient vivre avec son salaire à elle seule...). Il sent déjà que les tensions vont monter, que les disputes vont se multiplier, et puis-- "Let me go, Corban. LET ME GO!" Il gigote et il se débat, le souffle court, furieux, comme un taureau dans une corrida.

Mais le jeu est truqué, le matador a tous les outils en main, et Buck ne peut rien faire pour échapper à la prise de Corban sur ses poignets. "Fucking asshole! Let me go! Fuck!" Il se débat toujours, écumant, confus, furieux. "But why? I spent the last ten bloody years of my life working for you, you can't just- you can't just do that to me! Corban, fuck, you don't get it, I can't just- what the FUCK am I supposed to do? And--"
Sa mâchoire claque soudainement alors que la pensée interdite le laisse coi. Quelques secondes de battement, coeur qui bat trop fort dans sa poitrine, battements qui recouvrent à peine le rugissement du sang dans ses veines. "Why?" demande-t-il encore, cette fois plus doucement. "You... is this about..." Il blêmit.
Il y a un mois, il y avait une attaque au Ministère de la Magie. Buck a l'oreille fine, il a entendu dire que certains pensaient que le Lord et ses sbires étaient de retour.

Blême, il laisse ses yeux clairs glisser le long du bras de Corban, sur la Marque à peine cachée, qui ne lui a jamais semblé aussi hideuse. "No," décrète-t-il d'une voix blanche. "You're not-- Corban, no. Not again, not ever. I won't let you follow him again, I won't let him take you away from me again, I woN'T, YOU HEAR?!"

Parfois, quand Corban partait chasser avec son père, il se retrouvait à devoir exterminer des portées entières de nuisibles. Les méthodes étaient diverses, et toujours aussi discutables. Corban se souvient de la fois où, surprenant le terrier en bordure de rivière, il avait entrepris de noyer les bestiaux restants. La créature s'était débattue, mais n'avait pas fait le poids face à la force de poigne de Corban qui l'avait retenue la tête sous l'eau jusqu'à ce que le reste de son corps ne s'affaisse, sans vie. Il se rappelle exactement la tension qui avait agité le corps, les soubresauts instinctifs d'un système qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Le cuir de la peau qui se tend sous les poils agrippés par sa main.
Et l'attente.

"What do you mean he's going to dissolve— Dismissed? AT THE END OF THE MONTH?!" L'incompréhension lui fait répéter ce qu'il vient d'entendre. Corban hoche la tête, le menton droit, les yeux fermés, anticipant la force de son compagnon.
Le premier sursaut pour se libérer manque de faire lâcher prise à Corban. Buck essaye de ruer sous lui mais Corban contracte son abdomen, ferme ses pensées à la sensation similaire de tels coups de rein, quelques heures auparavant.

Buck hurle plaintivement, épluchant les bons et loyaux services qu'il avait prodigués pendant tout ce temps, et même sur bien plus de plans que Corban aurait pu espérer. Buck n'avait pas seulement travaillé pour lui pendant dix ans. Buck l'avait soutenu, diverti, soigné, aimé. Pendant plus de dix ans ; presque toute sa vie.

Corban ne sait même pas pourquoi il lui résiste ainsi. L'empêcher de se mouvoir ne fait qu'aggraver sa rage et sa frustration. En le clouant ainsi, c'est lui-même qu'il immobilise par la même occasion, les condamnant tous deux à la déferlante.  
Pourtant, Buck a un temps d'arrêt. Surpris, Corban rouvre enfin les yeux, mais c'est encore pire, puisqu'il croise son regard hagard, désespéré. Corban a envie de le lâcher, de le prendre dans ses bras. "You... is this about..." Corban secoue fébrilement la tête de droite à gauche. Il a compris.

"No. You're not— Corban, no." En sentant son regard assassiner la Marque à son bras, Corban libère le poignet de Buck pour plaquer sa main sur le tatouage maudit. "Not again, not ever. I won't let you follow him again, I won't let him take you away from me again, I woN'T, YOU HEAR?!" Terrorisé, Corban perd le contrôle et se jette aux pieds du lit, l'échine courbée, tout son corps tremblant de l'effort et de la peine. "I don't— I don't have a choice, James, gémit-il en se remettant debout, soudain bien à l'étroit dans cette tente qui leur était pourtant si familière. Il se surprend à chercher sa baguette du coin de l'œil et il se hait pour ça. I'll help you to find a new job! I— I know people!" Il se sent pitoyable à se rafistoler une conscience, quand il entendait de là le cœur de Buck tomber en miettes auprès des siennes. "You promise me you'll stay calm, James! It'll be fine!"
Corban sait qu'il a tort, mais ça ne l'a jamais empêché de faire du mal.

tw: violence

Les yeux de Corban sont écarquillés et son visage prend une expression qu'il n'a jamais vu encore, réalise-t-il avec un pincement au coeur: il a l'air terrifié.

En le voyant ainsi, Buck se demande si il est là, le Corban que Yaxley sr connait par coeur. Celui qui devait se couper les cheveux avant de rentrer à la maison, celui qui lui a dit avec un entrain (feint) qu'il allait prendre la Marque après l'école, celui qui revenait à la rentrée avec un visage blême et un regard fuyant. Ce n'est pas son Corban à lui. Quand a-t-il cessé d'être son Corban? Quand l'a-t-il laissé lui échapper?

"I don't— I don't have a choice, James." Buck sent son coeur exploser dans sa poitrine, sautant sur ses pieds pour le rejoindre, avec l'envie de le ruer de coups jusqu'à ce qu'il cesse de dire des conneries. "Don't you fucking try that with me, Corban, fucking don't," siffle-t-il alors qu'il a envie de hurler, de rugir, de détruire quelque chose. "I'll help you to find a new job! I— I know people!" Buck rit sans joie en s'approchant de lui en tremblant. "You promise me you'll stay calm, James! It'll be fine! - Corban, you're lying and we both know it. Fuck!" Il lui attrape le bras sans douceur, le secoue comme si ça allait lui remettre les idées en place. "Do you hear yourself?" Il est énervé et il veut ruer de nouveau, embarquer le matador avec lui dans la mort, enfoncer ses cornes dans son abdomen, voir son sang si pur et si parfait gicler au sol; mais cette peur qu'il a aperçue dans les yeux de Corban lui a fait comme une douche froide, glaçiale même.

Sa main est fermement serrée autour de son biceps, y laissera sûrement des traces, quelque chose que Corban pourra garder de lui après... après. "I can't let you do this. I did once before and it didn't turn out so well, remember?" Il essaye de se faire raisonnable, voix tendue et yeux suppliants, lui rappelle qu'ils se sont détournés l'un de l'autre après Hogwarts pour mieux se retrouver quelques années plus tard, profondément changés. Ces années confuses ont été horribles pour Buck, alors en train de suivre une formation d'Auror, redoutant chaque jour de se retrouver confronté à Corban ou à d'autres anciens potes. "He's going to hurt you." Non pas le Lord, qui pourrait tout aussi bien être un mythe pour Buck, mais son père. Ils ne se sont rencontrés qu'une ou deux fois mais Buck se souviendra toute sa vie de son envie écrasante de lui envoyer un pain dans la gueule et de le trucider sur place. "You can... we can run. Right? Let's just run, Corban, let's just go. You can't just go back to him, I won't let you, okay? I have family in Ireland, we can go there, and then somewhere else. You can't- I won't let you," répète-t-il d'une voix plus forte, parce qu'il sait que ça ne va pas fonctionner mais qu'il a envie de se convaincre du contraire. "Please."

Si le père de Corban était la figure de l'homme monstrueux, Buck était le monstre humain auprès duquel Corban s'est toujours senti en sécurité. Il s'était senti presque puissant, à être capable de rediriger la brusquerie, la force et la violence de Buck en direction d'autrui, jamais contre lui, jamais vraiment.
Comme lorsqu'un prof l'avait convoqué pour lui faire part des inquiétudes du corps professoral à le voir fréquenter un tel gaillard, et lui avait demandé s'il le faisait sous le poids de la menace. Corban qui était d'humeur encore plus mesquine que d'habitude, avait pris une mine désolée et avait récité les sévices sexuelles que Buck lui faisait soi-disant subir, et qui n'étaient rien d'autres que des passages entiers du roman sorcier pour adultes qu'il était en train de lire à cette période.
Les deux garçons avaient fini en retenue; Corban pour avoir raconter des salades, Buck, par mesure de précaution.

A cet instant, Corban ne sait pas si Buck va se jeter sur lui, s'il va le détruire et le déchirer avec une facilité déconcertante, n'en témoignent la largeur de ses épaules, les veines et les muscles tellement tendus sous sa peau qu'il a l'impression qu'elle va craquer. Buck semble immense, décuplé dans sa colère. Le bras de Corban commence déjà à s'engourdir. (Peut-être qu'il pourrait le lui arracher, comme ça, on ne pourrait plus traquer sa Marque.)
"I can't let you do this. I did once before and it didn't turn out so well, remember?"

Ces années confuses ont été horribles pour Corban qui a juste senti son âme se déliter, morceau par morceau, alors que le Lord, alors que son père, l'entraînait dans des carnages dont il aurait préféré rien savoir.
A la prise de la Marque, un bout de Corban avait disparu à l'instar de son patronus ; c'est peut-être là que Buck a perdu son Corban. Le bout de lui qu'il a perdu, c'est l'espoir de pouvoir un jour se sentir autant en sécurité qu'il avait pu le ressentir auprès de lui. Corban l'avait regardé s'envoler et disparaître avant de perdre à moitié connaissance, de chagrin et de douleur.

"He's going to hurt you. - I know."
Alors, Corban agit comme il le fait d'habitude, quand il sait que ça va faire mal; il n'arrache pas un coup sec. Au lieu de ça, il tire très lentement pour être sûr d'embrasser la douleur, la laisser gagner toute son échine, son cœur, jusqu'à ce qu'il ait l'impression qu'elle a toujours été là (que Buck a jamais été là).
"Yeah, I mean, you're right. We already have everything here, we could just pack and go!" Il ouvre son bras libre pour désigner le fourbi de la tente. "I'm sure your family won't mind putting their asses on the line for a runaway death eater!" La cruauté rend sa voix crissante, un peu hystérique, son regard amer. "And your wife! She'd be delighted to know you put your daughters' life in danger by running away with your lov—, with "uncle Corban"! I mean, she owes me one! I bring your ass back for dinner, not always on time, though, but always full, that's for sure!"

Le discours de Corban est aussi cruel que l'espoir de Buck est stupide ; si stupide que Corban a envie de l'embrasser. Si cruel qu'il a envie que Buck le frappe de toutes ses forces, to let him go.  
"Don't be foolish, James; there's no way this could work!" Sentant la prise de Buck se raffermir toujours plus sur son bras, il essaye de se dégager en vain, va jusqu'à agripper ses doigts vissés à sa peau. "I'm trapped! I've been trapped since the beginning! And you! you— you were but an enjoyable and brief escape." Le mensonge est si dur qu'il rend sa voix dissonnante. "So yeah, go ahead! Knock me off and take me with you!" Please do that, même si à ce stade, si Buck lui en colle une, pas sûr qu'il ait encore envie de s'enfuir avec lui...

tw: mentions de violence parentale, violence

I know.
Tout comme ils le savaient, tous les juins, que Corban rentrait chez lui pour mieux se faire violenter, manipuler, et pire - et tous les juins Buck ne pouvait que lui couper les cheveux, lui dire qu'il le verrait en septembre, lui faire promettre de tenir bon, et retenir ses larmes à la pensée de la douleur de son pote en le quittant sur le quai de la gare.

Pas cette fois. Il ne le laissera pas faire, pas cette fois. Buck est désolé de ne pas avoir pu le protéger avant, de n'avoir pas pu le retenir de retourner chez lui, de ne pas avoir été là même quand la guerre a éclaté. Mais maintenant il est là, ils sont ensemble et ils peuvent... ils peuvent... "Yeah, I mean, you're right. We already have everything here, we could just pack and go! - Yeah!" Sauf que Corban n'est pas sérieux, désigne leurs maigres possessions de contracteur d'un mouvement ample du bras qui accentue la petitesse de l'endroit. "I'm sure your family won't mind putting their asses on the line for a runaway death eater!" La voix de Corban tire dans les aïgus, comme à chaque fois qu'il est énervé ou blessé, et Buck rougit de rage. "And your wife! She'd be delighted to know you put your daughters' life in danger by running away with your lov—, with "uncle Corban"! I mean, she owes me one! I bring your ass back for dinner, not always on time, though, but always full, that's for sure! - Hey, don't talk about my fucking wife," bredouille Buck, rouge de honte cette fois.

Anne ne lui a même pas traversé l'esprit.

Stevie et Maggie non plus.

Il blâme les yeux sombres de Corban. Dedans, il y a un océan de vagues noires qui lui donnent envie de se noyer, de lui attraper la main et de l'emmener avec lui sous la surface, jusqu'au fond, comme des parpaigns au pied d'un cadavre. "Don't be foolish, James; there's no way this could work! I'm trapped! I've been trapped since the beginning! And you! you— you were but an enjoyable and brief escape. - The fuck you're talking about?! - So yeah, go ahead! Knock me off and take me with you! - You sonofabitch!" Le coup part tout seul; le poing de Buck recule à peine et s'écrase de toutes ses forces sur la mâchoire de Corban.

Ils se sont déjà battus plein de fois, quand leurs disputes tournaient au vinaigre et que Buck perdait son sang-froid. Mais généralement, Corban trouvait toujours les mots pour le désamorcer - c'est comme ça qu'il sait que ce n'est pas ce qu'il essaye de faire à cet instant précis. Il a envie qu'il le frappe et Buck est ravi de l'exaucer.
Le coup est tellement violent qu'il sent quelque chose craquer sous ses doigts. Bite à l'air, il suit sa chute pour lui attraper le cou, l'immobiliser au sol, se battre avec lui pour le frapper encore. "You're a fucking liar, Corban. An escape, really? You fucking pussy." Autre coup de poing, qui manque de peu; jambes qui s'entremêlent, corps qui se contorsionnent, doigts qui s'aggrippent et se griffent. "Don't fucking talk about my wife or my daughter again you piece of shit, I'll fucking ki--" Un coup de coude de Corban lui chope la tempe, et Buck voit flou.

Quand sa vision se stabilise, il voit qu'il s'est écarté de Corban d'un bond en arrière. Sonné, il recule encore, à tâtons, en direction de la table de nuit - clopes ou baguette, il ne sait pas trop ce qu'il y cherche. "We could- it's just-" Il a du mal à respirer, et il voit toujours aussi flou, mais ça c'est peut-être à cause des larmes qui lui montent aux yeux. "Fuck, let's just do it. Let's- let's just go, you asshole, we can figure it out on the way- we can- you can't go back. You're going to get yourself killed and for what?! Your dad is never going to love you, Corban." Not like I do. "Nor will the Dark Lord, nor will this Mark. Come with me." I'll love you.

Buck sait qu'il ment. Il sait que le lendemain, au réveil, il aura des regrets; reviendra sur ses mots, ses promesses et ses envies; qu'il transplanera sans réveiller Corban pour retrouver femme et filles à la maison, discuter avec Anne de la démarche à prendre, maintenant qu'il va être licencié.
Mais sur l'instant, il ne voit que Corban, ne pense qu'à Corban, et il n'est définitivement pas prêt à le laisser partir.