Majid n’était pas quelqu’un de nerveux, le stress n’était pas rationnel, il rendait inefficace et avait tendance à déconcentrer, le sorcier s’arrangeait donc toujours pour le mettre sous cloche et l’utiliser comme fuel pour les rares fois où il ressentait une quelconque nervosité. Au travail, il vivait pour la pression et les cas difficiles qui mettaient à mal ses certitudes de ne jamais échouer ; il n’avait de toute façon rien à perdre en s’occupant de cas désespérés : s’il réussissait, il devenait une légende, s’il ratait, personne ne lui en tiendrait rigueur.

S’il avait l’habitude du stress au travail, c’était pourtant différent à la maison : les derniers évènements qui l’avaient ébranlé étaient la désertion de ses cousin.e.s puis le décès des jumelles, depuis, il s’occupait au maximum en s’évertuant à apparaître le plus irréprochable possible pour rattraper les erreurs des autres branches de la famille. Il ne pouvait le nier, Siham et Nahel avaient contribué à rattraper les choses  eux aussi, et pourtant Dieu savait à quel point Majid ne voulait pas reconnaître que Siham était parfois bénéfique aux Al-Massri. Pour Nahel cependant, Majid était loin d’approuver son enrôlement dans les rangs du Lord, parce qu’il était trop jeune, trop fragile, que le destin de la famille ne devrait pas reposer sur les épaules d’un adolescent paumé.

Majid avait bien fait de s’inquiéter pour le benjamin de ses cousins, il regrettait pourtant désormais de ne pas avoir plus agit. Il aurait dû faire quelque chose au lieu de le confronter et de lui claquer la porte au nez avec une puérilité indigne de son âge et de son statut. Il aurait dû être là pour lui. Majid le serait maintenant, il comptait rattraper ses torts auprès de Nahel et faire amende honorable ; c’est qu’il était en danger maintenant et de toutes les manières possibles. Majid ne voulait pas voir disparaître un autre Al-Massri.

Le brun aurait pu avoir accès à du sang humain par lui-même mais le climat actuel de St Mungo's n’était pas propice aux petits larcins, il savait cependant qui n’aurait aucun scrupule à voler. Majid savait aussi que Siham et Nahel s’entendaient bien (une aberration) et par respect pour tout le monde, il avait déduit que sa cousine devait savoir ce qu’il se passait puisque personne ne semblait s'être dévoué pour l'en informer. La situation était donc assez grave pour que le médicomage accepte de tolérer la compagnie de Siham quand bien même il n’y avait pas de public devant qui maintenir l’illusion.

Il lui avait donné rendez-vous au manoir dans une lettre des plus concises et floues, lui demandant de se munir de poches de sang comme on en trouvait dans les réserves de la VB pour une raison qu’il ne pouvait lui expliquer sur papier. Désormais Majid attendait, comme d’habitude, il s’était occupé en récurant à coup de sorts ménagers les quatre coins du manoir jusqu’à ce que quelqu’un se manifeste à la porte.

Majid vint ouvrir, la maison étant vide à l’exception de sa personne et de Nahel confiné à l’étage, le brun avait donc transformé le rez-de-chaussée en forteresse insonorisée pour épargner les oreilles du nouveau vampire pendant que sa frénésie ménagère provoquait un raffut à réveiller les morts.

- As-salamu alaykum, salua-t-il.

Il ne souriait pas, il n’aurait pas non plus fallut laisser croire qu’il accueillait Siham pour autre chose qu’une affaire de la plus haute importance, puis il s’écarta pour la laisser entrer, désignant d’une main le jardin accessible par le salon.  

- Nous serons mieux dehors, la température est encore agréable, badina-t-il en ouvrant la voie, main s’agitant au passage pour faire suivre un plateau de thé, café et petits gâteaux.

Il s’installa à la table de jardin, proposa un rafraichissement à Siham avant de croiser les mains devant lui.

- Comme tu dois t’en douter, je ne t’aurais pas fait venir si la situation n’était pas critique, commença-t-il. As-tu eu des nouvelles de Nahel récemment ?

Il ne savait pas pour Siham mais lui n'avait pas envie de s'attarder à jacasser avec elle, les efforts qu'il pouvait faire pour une cousine qu'il n'appréciait pas vraiment s'arrêtaient à la plus pure des courtoisies. Plus vite il aurait exposé le problème, plus vite Siham et lui pourraient peut-être trouver un moyen de régler le problème.

Pour Majid, la famille était sacrée, mais par un processus mental très simple appelé communément déni, il avait fait en sorte de considérer Siham et son père comme extérieurs à celle-ci. Ce n’était pas très compliqué, chez lui, personne n’approuvait les actes du grand-oncle Farouk et le consensus s’était fait sur l’exclure autant que possible de toute affiliation avec le reste des Al-Massri. Siham suivait le même chemin, tout le monde s’en serait douté alors il était tout aussi évident qu’il fallait l’éviter comme la peste, même si elle contribuait à faire grandir l’estime des mangemorts pour les Al-Massri. C’est qu’elle reniait des principes qui auraient dû surpasser tout, et si Majid était prêt à beaucoup pour garder les siens loin des rumeurs nocives, il y avait une limite qu’il se refusait de franchir.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle ne savait vraiment pas. Et elle avait vraiment l'air inquiète. Majid était un peu triste pour elle, il n’aurait pas aimé être tenu à l’écart d’une affaire pareille.

- Il se trouve que Nahel n’est pas revenu indemne de sa soirée d’anniversaire, commença-t-il.

Mine légèrement réprobatrice sur la face, ce n’est pas qu’il accusait Siham d’être responsable, juste qu’elle aurait pu raccompagner son cousin au moins sur un morceau du chemin. Peut-être qu’elle aurait pu éviter ça, ou peut-être qu’elle aurait pu être mordue à sa place. Majid ne voulait pas se l’avouer mais il aurait définitivement préféré que Siham assume les conséquences d’une transformation en vampire. Elle en était probablement capable, Nahel cependant … Majid émettait quelques doutes.

- Il a été attaqué, reprit-il. Mordu, pour être plus précis, sans doute par un vampire de passage. Et il a besoin de se nourrir, ce que tu réussiras peut-être à le convaincre de faire, j’ai cru comprendre que vous étiez proches.

Même s’il ne lui avait pas dit. C'était sûrement une réaction normale, de se refermer sur soi-même après un traumatisme, probablement que le gamin n’aurait rien dit à personne s’il n’était pas rentré ensanglanté au manoir familial. Majid était quand même un peu jaloux, il aurait définitivement dû être le cousin préféré et pas Siham. Peut-être qu'il aurait aussi pu être réellement présent pour Nahel dans ses moments de crise, pas comme il l'avait fait pour de simples questions de fierté mal placée.  

cw. glottophobie

Majid était quand même très gentil de daigner entrer en contact avec la partie pourrie de l’arbre familial tout ça parce que Nahel avait décidé de faire ami-ami avec celle-ci. Il aurait définitivement fallut intervenir pour empêcher le gamin de traîner avec eux, ça lui aurait dans un premier temps évité de finir maudit, et Majid n’aurait pas été attablé avec sa cousine pour se faire porteur de mauvaises nouvelles. Ah s’il avait pu, il aurait seulement envoyé une lettre informative, mais bon, on ne savait jamais qui pouvait intercepter les missives, et puis il fallait bien renflouer les réserves de sang du manoir pour alimenter Nahel qui faisait le difficile.

- Un vampire ?

Elle était bête ou quoi, à répéter ce qu’il disait ? Majid se demanda un instant si c’était à cause de l’accent (il ne voulait pas critiquer, mais celui de Siham tout de même…) avant d’hocher la tête, mine vaguement irritée.

- Oui oui, un vampire.

Elle voulait un dessin ? Parce que jusqu’à preuve du contraire, c’était elle qui bossait avec les hybrides, pas lui. D’ailleurs, maintenant qu’il y pensait, peut-être qu’elle avait mis un de ses hounds en colère et cela s’était répercuté sur Nahel.

- Tu ne travaillerais pas avec l’un d’eux en ce moment ? demande-t-il.

Aucune accusation (si), il disait ça comme ça, juste pour s’assurer que l’attaque de son cousin ne pouvait pas être mise sur le dos de Siham pour une raison supplémentaire (il en avait déjà au moins deux).

- Et je ne suis au courant que maintenant ? Vous comptiez me le cacher combien de temps au juste ? Son anniversaire était il y a un mois !

Majid eut l’air surpris, se demanda contre qui elle haussait le ton comme ça – c’était bien contre lui, la malheureuse ; elle lui crachait des accusations à la figure dans sa propre maison alors qu’il avait fait la démarche de la contacter quand rien ne l’y obligeait.

- Te le cacher ?? Nahel n’a pas bougé, si tu tenais tant que ça à avoir de ses nouvelles tu n’avais qu’à lui en demander toi-même !

Majid resta assis, jugeant l’élan d’humeur de Siham (culotté de sa part, certes) depuis sa chaise. Il allait peut-être récupérer les poches de sang et la mettre à la porte, elle ne méritait que ça pour venir étaler son impolitesse chez lui.

- Comme tu ne l'as pas fait, j'imagine que maintenant que tout le monde sait quel bonne recruteuse de talents tu fais, tu n'as juste plus besoin de lui.

C'était intéressé c'était évident, Siham et son père n'avaient débarqué dans la vie de Nahel que lorsque son don avait été révélé au grand jour, un don partagé avec le seigneur des ténèbres, un don possédé par un gamin de sang-pur. Maintenant que Nahel avait intégré les jeunesses voldemorienne et augmenté la quote de popularité des d4rk Al-Massri, on renvoyait tout seul après sa soirée d'anniversaire et le laissait sans nouvelle pendant des jours. Classique.

- Où est-il ?

- Où veux-tu qu’il soit ? rétorqua-t-il.

Un regard méprisant plus tard, il obtempérait au message subliminal et se dirigeait vers l’escalier pour conduire Siham à l’étage vers la chambre de Nahel.

Majid était du genre à toujours bien réfléchir avant de prendre une décision, donc il ne les regrettait jamais après (ou du moins ne s’y autorisait pas). Là il regrettait. Il aurait du s’en douter que l’autre serait ingrate et désagréable, après tout, vu par qui elle avait été élevée … Majid avait presque pitié, peut-être qu’elle aurait plus sympathique si elle n’avait pas eu une famille comme la sienne. Ou pas, on ne saurait jamais donc elle pouvait être considérée à raison comme une invité à refouler rapidement si on ne voulait pas la chasser à coup de balais une fois sa patience épuisée.

- Recruteuse ? De quoi tu parles au juste ?

Majid haussa les sourcils ; la fausse innocence ne prenait pas avec lui, il connaissait les gens comme Siham.

- De la manière dont tu as sauté sur l’occasion de gagner des points auprès du Lord dès que Nahel a fait savoir qu’il était particulier, rétorqua tranquillement Majid.

Tout ça pour dire qu’il n’y croyait pas du tout au fait que les petites attentions aient été désintéressées, le timing n’était pas bon et puis si Siham et sa famille tenaient tant que ça à renouer les liens, ils n’auraient pas attendu les seize ans de Nahel.

- Jaloux peut-être, que l'on se soit intéressé à lui plutôt qu'à toi ? Bâtard.

Majid se leva enfin, pour ne pas dire qu’il sauta de sa chaise, prunelles lançant des éclairs. Il n’était pas prêt à se laisser insulter, encore moins par elle, encore moins dans sa propre maison. Avant qu’il n’ait le temps de considérer la meilleure marche à suivre, il fit un vif mouvement de main et on entendit un grand pof outrageusement satisfaisant. Le sac de Siham se mit à gouter rouge, une tache de sang s’épanouissait déjà sur les parois – ça ferait moins à manger à Nahel mais Majid se rattraperait en ramenant du sang de l’hôpital, il était sûr qu’il était meilleur que ce qu’on servait aux hounds.

- Répète ça encore une fois et je m’arrangerai pour que tu n’entendes plus jamais parler de Nahel, siffla-t-il entre ses dents serrées.

Le sorcier appuya ses paroles par un regard plus noir que noir, petite moue dédaigneuse sur les lèvres alors qu’il constatait qu’il y avait du sang qui coulait sur le carrelage. Ça le contraria alors qu’il n’aurait qu’à agiter la main pour le faire disparaître, mais pour le principe tout de même ...

Il ne voulait pas souffrir de la présence de Siham plus longtemps que nécessaire, alors il l’emmena jusqu’à Nahel en s’assurant de temps à autres que sa cousine ne se la jouait pas trop curieuse à regarder de trop près la décoration du manoir. Il n’aurait jamais dû l’inviter.

- Nahel, c'est Siham, tu peux m'ouvrir s'il-te-plaît ?

Il y eut un bruit que Majid interpréta comme un assentiment, de toute façon, il n’avait pas fait venir Siham pour rien alors Nahel avait intérêt à la recevoir. Le brun ouvrit la porte, entra à la suite de sa cousine et opta pour rester en retrait, à l'image d'un vigile, histoire de laisser un peu d’intimité mais pas trop, des fois que Siham voudrait le convaincre d’aller s’offrir comme hound ou d’abréger ses souffrances ou Dieu savait ce qu’elle pourrait bien vouloir faire de sa poule aux œufs d’or.