L’héritage est tel qu’aucun des deux ne pouvait y déroger.
L’alchimie est l’essence même de ce qu’ils sont, de ce qu’il est, Armand ne cesse de le penser et ne cesse de le prouver. Sa vie a été vouée à l’étude de cette discipline dont la vastitude n’est plus discutable aujourd’hui. Si sa lignée paternelle lui a valu d’exceller dans l’art de la potion (même si « on ne naît pas, on le devient »), celle qui a le plus d’impact sur son existence et de loin, est la lignée maternelle frappée du nom Fausten.
Ce patronyme est porteur de bien des légendes et bien de surprises également, c’est pourquoi ces dernières seront rapportées plus loin, là où on parlera de malédiction (drôle de nom pour pareil cadeau, au demeurant). Néanmoins, relevons que ce potentiel inné et conséquent n’est pas tout à fait étranger à cette dernière.

Son - leur, l’unité toujours - sujet de prédilection, dûment récompensé, jusqu’à les faire Magister pour les recherches les plus poussées, sont l’élaboration de sceaux curatifs pour diverses maladies magiques incurables : ils ont réussi la prouesse de stabiliser efficacement certains malades que la mort quémandaient. L’art de garder la vie dans un corps qui n’en veut plus — et le tout sans passer par des malédictions inutiles avec cruelles et coûteuses contreparties. Un coma artificiel magique et amélioré, en somme ; bien que l'état modifié de conscience du patient qui en résulte soit encore en mesure de déplaire aux grandes pointures de ce monde.

Ce n’est pourtant pas ce qui fait de lui, d’eux, des personnages aux ressources utiles pour le gouvernement, pas vraiment. Leurs études se détournent une fois le rideau tiré, étudient et pratiquent non sans risques l’alchimie nécrotique et ses dérivés. Connaissances ancestrales héritées par leur aïeul qui, pour certains, n’a jamais vraiment existé : il l’a pourtant été et a apprit des choses, pratiqué également, l’indicible. Apprendre n’a pas été vraiment le terme lorsque cette discipline semblait déjà couler dans leurs veines, effleurer leurs mémoires partagées avec leurs ancêtres.

Le clair de leur temps est donc voué à cette pratique, même si moins qu’à leurs débuts, cela va de soi. Aujourd’hui ils se concentrent sur leur mission secrète pour le Lord, c’est à dire lui relever une armée de l’ombre, celle qui ne cesse d’enfler les cavités de leur labyrinthe magique une fois la nuit tombée. Cette contrepartie n’est toutefois pas bien mesurée : ils drainent pour relever, et re-drainent pour se restaurer. Les potions revigorantes sont nécessaires chaque jour, en quantité variant selon leurs activités. S’ils pouvaient faire cela plus souvent, ça leur coûterait beaucoup trop ; alors Armand et son frère feignent l’équilibre. À trop vouloir jouer à Dieu, ils finiraient bien par s’y brûler.

De toute façon, Johann en soit témoin, leur âme est déjà damnée.

Johann Faust, le célèbre qui a pourtant réellement existé sous le patronyme Fausten, alchimiste de renom et de génie, a poussé un peu trop loin sa volonté de comprendre l'Univers et ses forces secrètes. Il voulait toujours plus, car pour lui, l'alchimie qu'il a pu étudier ne lui suffisait pas, ne suffisait plus. Seule la Réponse lui importait.
Il a donc accepté un pacte avec une créature malveillante de l'Invisible et particulièrement puissante : les moldus l'ont appelé à tord Méphistophélès dans leurs recueils de fiction, les sorciers eux, ne sauraient pour autant quoi en dire, sinon qu'il n'existe pas plus qu'un Merlin sans baguette.
Suite à cela, il a acquit des connaissances sur l'Univers et notamment en alchimie, qu'il ne connaissait pas, et que manifestement, personne chez les alchimistes ne connaissait avant lui. On lui a ouvert la porte à de nouvelles sensibilités et à de nouvelles  compréhensions, qui le dépassaient et de loin. Car là où Johann a cru comprendre, Johann a voulu s'assurer que cela existait vraiment : il s'est enfoncé dans l'étude des énergies subtiles, puis de l'alchimie nécrotique, seul moyen de palper davantage ce qu'on ne soupçonnerait pas.
Johann s'est complètement détaché de la réalité, sa pauvre épouse et ses enfants ont fini par l'admettre, il ne redeviendrait plus comme avant. Son intelligence foisonnante et ses découvertes, incomprises au sein des groupuscules sorciers de son époque, ont été vivement critiquées, sinon remises en question : comment pourrait-il donc prouver que ce qu'il voyait lui, uniquement, était bel et bien vrai ? Pourquoi eux ne le voyaient-ils donc pas, dans ce cas, si cela était si vrai ? Assimilé à un don de voyance, et donc mal vu par la communauté, ce tribunal magico-scientifique a fini de l'assassiner.

Il est décédé en laissant derrière lui des recherches inachevées et des cadavres ranimés redevenus ce qu'ils devaient être : os et poussière. Son âme fut récupérée par la créature à qui il l'avait promise, fêlant à jamais celles de ses descendants mâles.

— Ces derniers, sensés être rares, auraient la chance de comprendre une fraction de ce grand mystère qu'est l'Univers et ses forces en présence, mais ne pourront pas jouir d'une âme comme les autres : cette dernière devra être marquée par la grisaille de la source de la malédiction, l'empreinte de la créature savante peuplant l'Invisible, qui semble même les suivre partout où ils se dirigent.

— Cette énergie-là rendent également ces descendants mâles stériles, comme si le principe vital liant l'âme eut été coupée de sa bien-aimée Source.

Le fait est que toustes les descendant·es de Johann ont été des femmes, jusqu'à ce qu'Helena Fausten, la mère des jumeaux, donne naissance à deux garçons.

Les jumeaux ont donc pâti des résidus de la malédiction, encore vivace dans les gènes de leurs aïeux : pire, leur âme a été de fait divisée en deux, une moitié pour chaque corps.

— Ils sont donc foncièrement dépendants l'un de l'autre et ont un fil de pensée (la pensée qui est énergie aussi, selon eux) quasi-similaire. La plupart du temps, ils sont en synchronicité, mais il arrive parfois qu'ils ne le soient pas.

— Les douleurs émotionnelles, si peu qu'ils réussissent vraiment à les ressentir à cause de tout ceci, sont partagées au même titre que celles qui affectent le corps. Une mort d'un des deux parti les condamnerait à eux deux.

— Si leur venait l'idée de rester trop loin de l'autre, ils expérimenteraient des phases de dépersonnalisation très prononcées : leur identité s'effacerait un peu plus à chaque instant, et vivraient dans un brouillard qui ne leur laisserait plus rien d'autre que la grisaille et un profond sentiment d'inexistence.
Ils expérimentent néanmoins déjà cela à un degré moindre : du fait de leur âme maudite et fractionnée, ils n'ont pas un sentiment d'existence particulièrement prenant, ce qui les amène à la mélancolie, voire à la dépression. De fait, les seules émotions qui semblent les traverser sont plutôt des réponses organiques, sans véritable entité palpable, qu'ils tentent tant bien que mal de traduire en hymnes ou en mots. En gros, ça leur échappe, et ils vivent un peu trop souvent dans un état identitaire brouillon.

— Prompts aux addictions pour donner un semblant d'existence, pour feindre la vie qui semble leur manquer. La cigarette reste la première, Armand a banni les psychotropes afin de continuer à voir le monde tel qu'il est vraiment.

— Le jour de leur mort est paramétré depuis leur naissance, puisque leur âme doit être livrée à l'entité une fois un certain âge passé (celui que Johann n'a pu dépasser), c'est à dire 48 ans. Autant dire, moins qu'un sorcier, et encore moins qu'un être humain lambda.

Dans les faits, les jumeaux sont donc la même personne, leur essence spirituelle est identique : ils ont les mêmes vibrations, la même mélodie.

Pour la plupart, tout ceci n'est qu'une légende, et beaucoup doutent encore du fait que Johann Faust ait vraiment existé. Raison pour laquelle personne ne doute qu'une malédiction coure dans les veines des Fausten, si ce n'est cette appétence féroce pour les arts alchimiques.

Les Von Bäume aiment garder leurs secrets, qu’ils aient choisi de patauger dans les fanges alchimiques ou non. Comme leurs pairs, ils ont été initié très (trop) tôt à l’importance de se protéger, soi d’abord, puis son esprit. Cette démarche éducative a donc été suivie à la lettre par son père Richard. Il s’est donc essayé à l’impensable, à savoir infiltrer l’esprit de ses propres enfants alors qu’ils étaient en train de souper. Or, il s’est heurté à un écho assourdissant : les mêmes pensées s’entrechoquaient les unes contre les autres, pour en faire un message amplifié, presque abrutissant pour le Legilimens qui n’y était tout bonnement pas habitué. C’est là où il a su que les protéger, eux et leur esprit, serait la clé de leur succès.

Puisque d’une part, Armand et son frère ont un don de voyance qui fragilise - du moins, qui a fragilisé le plus durant l’enfance et l’adolescence - leur esprit, et puis, leur lien impalpable mais bien présent, qu’il fallait absolument préserver d’intrusions et de manipulations psychiques.

Premier effort, donc : les classes privées après l’école, en plus de celles réservées à l’apprentissage du solfège et du piano. Tous les soirs, pendant des années, et ce malgré leur fatigue déjà bien présente depuis l’enfance et peu palliée, ils ont entraîné leur esprit à se fermer et à se rouvrir ; ont posé des briques magiques tout autour, petit à petit, jusqu’à ce que ces dernières se consolident. La pratique, toujours ; et un père à l’affût, prêt à feindre l’intrusion mentale pour les mettre à l’épreuve, les protéger.

Leur esprit étant lié, pour ne pas dire jumelé, Armand et son frère ont dû redoubler d’ingéniosité pour pouvoir se suppléer lorsque l’autre ne le pouvait pas ou plus. Un signal clair dans leur langage pour exprimer le fait qu’ils doivent refaire le point et reconsolider leurs défenses, entourés de calme et côte à côte, mains jointes.

Leur façon si particulière de voir et de lire le monde est en partie lié à leur don de voyance, qu’ils se partagent. Ils possèdent la faculté de percevoir les énergies de l’invisible, retranscrites sous forme de vibrations (Armand) et de couleurs (son frère). Pour lui, pour eux, ce prétendu vide est bel et bien matière.

Les Esprits : Ce sont des défunts qui souhaitent communiquer. Ces derniers n’ont pas la forme qu’ils avaient autrefois de leur vivant, pas tout à fait, puisque l’Esprit n’est pas le Véhicule. Leur noyau est toujours de la même couleur, d’un noir d’où jaillit toute matière. C’est ce qui les entoure qui semble varier : ils appellent ça leur « hymne » et plusieurs couleurs et sons se confondent.

Les Autres : Ce sont des créatures peuplant le monde invisible, et elles aussi ont leur mot à dire. Elles peuvent être autant malveillantes que bienfaisantes. Souvent, ces dernières leur apporte plus de difficultés qu’autre chose, car elles forment des « phrases vibratoires » plus fortes et puissantes, ils ne peuvent donc les ignorer. Avec leurs activités liées à la magie noire et nécrotique, ils sont beaucoup plus sujet aux visites malveillantes.

Les objets inanimés et les lieux : Tout comme les énergies qui composent les Esprits, certains objets inanimés et lieux en sont gorgés. Il n’y a là aucune couleur noire, mais tout le reste du spectre colorimétrique semble être possiblement retranscrit. Tous les objets et tous les lieux n’ont pas la même « charge » en terme de vibrations et donc, ne dégagent pas nécessairement d’aura colorée.

Ces mélodies sont nommées par leurs soins via un mot-clé. Celui qui semble résumer, pour eux, l’histoire qu’on leur raconte : il ne s’agit pourtant pas des échos du futur mais du présent ou du passé, qui sont pour eux des mines d’or et d’informations qui n’ont de cesse de les nourrir.

Durant leur enfance, ils ont souffert de terreurs nocturnes et de l’incompréhension de leur entourage. Et ce jusqu’à ce que les enfants comprennent qu’il faille en faire un secret, qu’ils ont porté jusqu’à aujourd’hui. Leurs défenses psychiques étaient donc pauvres dans leurs jeunes années et leur père les a donc porté vers l’occlumancie, il fallait au moins ça pour faire le moins de vagues possible au sein du clan.

À noter : une couleur sur un Esprit ne voudra pas forcément dire la même chose que chez son voisin, puisqu’elle ne sera jamais seule. C’est la raison pour laquelle, avec le temps, leur dictionnaire de mélodies et de « signatures vibratoires » qu’ils ont étoffé depuis leur enfance fait là toute la nuance. Avec cela les mots s’alignent et forment donc des phrases, qui s’harmonisent avec leurs ressentis.

Et enfin, peut-être, comprennent-ils qui est là et quelle est son histoire.

Après tout, pour mieux manipuler, il faut voir.

vous y avez cru, mais il n'y aura rien de plus.