Haniah | Meet me under the moon

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La pleine lune était proche mais pas suffisamment pour affectée de façon démesurée Romy. Pourtant, on pouvait déjà apercevoir sous ses yeux des cernes apparaître. Quoique, elle en avait tout le temps donc ce n’était pas vraiment une nouveauté. Comme souvent, elle se trouvait à Sweet River, auprès des autres hybrides qui étaient des membres de l’Ordre. Romy détestait cette mise à l’écart, pour leur bien qu’ils disaient. Ca restait quelque chose dont elle doutait fortement. Elle pensait surtout que certaines personnes avaient encore tous leurs préjugés sur les hybrides. Allongée sur ce qui lui servait de lit dans une petite cabane, la petite brune soupira et regarda le cadran d’une montre moldue qu’elle avait retrouvé en se promenant dans les rues écossaises, un jour.

Elle allait devoir rejoindre Haniah, l’heure s’approchait de plus en plus. Discrètement, la résistante se glissa hors de la petite couverture puis de la cabane qui lui servait de chez elle désormais. Tout était calme autour d’elle, tout le monde devait déjà dormir mais Romy n’était pas à l’abri qu’un autre lycanthrope l’entende et débarque. Par chance, elle avait toujours su être silencieuse – quand elle ne parlait pas, en tout cas.

Plus rapidement et plus facilement qu’elle ne le pensait, Romy put transplaner une première fois, puis une seconde et enfin, une dernière fois jusqu'au lieu où elles s’étaient données rendez-vous avec la jeune Shacklebolt. La petite brune arriva en avance mais ça ne lui posait aucun souci. Une cape sur les épaules, elle s’installa sur un banc, malgré que la chaleur fût aux abonnées absentes cette nuit-là. Mieux valait ça que de se faire repérer dans un pub miteux écossais parce qu’un stupide mangemort avait décidé de venir s’enivrer en dehors de l’Angleterre. Romy les savait bien assez stupides pour le faire et elle était peut-être irréfléchie et un peu trop impulsive sur les bords mais pas totalement inconsciente.

Lorsque finalement elle entendit des bruits de pas, la brune releva la tête et sortit discrètement sa baguette – on n’était jamais trop prudents de nos jours. En reconnaissant Haniah, elle fut tout de même soulagée. Elle ne se sentait pas la foi de se lancer dans un duel à mort aujourd’hui. Les deux femmes auraient pu être encore plus prudentes, créer un code qui n’auraient été su que par elles deux mais le lieu en lui-même était déjà tellement introuvable que ça ne pouvait être que la Shacklebolt en face d’elle.

Romy s’autorisa alors un léger sourire en regardant celle qui était devenue, petit à petit, une amie.

« - Je commençais à croire que tu allais être en retard. »

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Haniah ne pouvait plus reculer. Elle avait pris sa décision. Elle ne reviendrait pas en arrière. Elle le savait. Elle était déterminée. Et pourtant... Pourtant, la jeune femme avait peur. Une angoisse sourde, profonde, qui ne la quittait pas et qu'elle tentait tant bien que mal de dissimuler derrière ses sourires joyeux et son enthousiasme habituel...

Haniah allait se marier. Pour de vrai. Elle avait un fiancé et ils étaient liés par un contrat. Unis pour la vie. Ce n'était pas ainsi que Haniah avait imaginé son futur. Elle se voyait sur son balai, à remporter victoire après victoire. Pas à jouer les épouses pour un homme qu'elle n'aimait pas de cette manière et qu'elle connaissait encore à peine.

Elle avait toutes les raisons de se retirer de ce contrat dont elle n'avait pris connaissance que récemment. Elle ne voulait pas se marier à qui que ce soit. Ses parents souhaitaient que leurs voeux soient annulés. Et elle avait un prétexte tout trouvé pour mettre fin à cela. Mais c'était justement cela qui l'empêchait de refuser. Qui la prévenait de se défaire de cet engagement qui lui avait été imposé sans son consentement et dont on voulait désormais la pousser à renoncer. Eh bien, elle ne le ferait pas.

Haniah n'avait personne à qui parler aussi ouvertement de ces choses-là. De la véritable raison pour laquelle elle avait décidé de se battre pour pouvoir épouser Boris Bagshot en bonne et due forme. Ce n'était pas simplement pour une question d'honneur ou de parole à tenir. C'était aussi parce qu'il était hybride et que sa transformation en vampire était la seule raison pour laquelle leur contrat devait être nul et non avenu, d'après les parents de Haniah, d'après la société au sein de laquelle ils vivaient.

Haniah en avait assez qu'on lui dise ce qu'elle devait faire ou non. Elle ne pouvait plus supporter toutes ces injustices, qu'il s'agisse de la maltraitance de ceux qui n'avaient pas sa chance ou les privilèges dont elle disposait, non pas par mérite, mais parce qu'elle était une Shacklebolt au sang pur. C'était pour cela qu'elle était aussi décidée à mener ce combat jusqu'au bout.

Mais Haniah avait également peur. Et besoin de parler à quelqu'un, de parler franchement, de parler librement. Ses pensées s'étaient alors tournées vers Romy Maxwell, loup-garou de l'ordre, de deux ans sa cadette. Une relation qui donnait progressivement naissance à une amitié. Une demoiselle avec qui elle avait pu évoquer la transformation de Neil et tout ce que cela impliquait, sans crainte d'être jugée ni trahie pour ses propos. Oui, Romy était le choix idéal.

Elle savait aussi que la louve ne mâcherait pas ses mots, si nécessaire. Qu'elle irait droit au but sans chercher à lui mentir. C'était ce qu'elle avait besoin d'entendre. Même si elle n'obtenait pas son approbation pour ses choix et ses actions, Haniah voulait avoir son avis. Son écoute. Son opinion. Parce que c'était un poids trop lourd à porter pour elle. Parce qu'elle n'était pas prête pour un engagement pareil, elle qui ne pensait qu'à voler, prendre soin de son balai et s'entraîner au Quidditch.

Haniah avait failli arriver en retard. Son transplanage avait manqué et elle était arrivée à plusieurs kilomètres de sa destination. Pas de désartibulation, heureusement. La magie, ce n'était vraiment pas son fort. Elle aurait préféré se rendre sur place en balai, mais c'était prendre le risque d'être suivie et ça, elle ne pouvait pas se le permettre. Haniah n'oubliait pas la dangerosité de leur situation, qu'il s'agisse de la sienne ou de celle de Romy.

Et pourtant, elles prenaient le temps de se retrouver, dans ce lieu discret qui était leur point de rendez-vous, à l'abri de tout regard. Un bonnet sur les oreilles pour se protéger du froid et tenter de préserver son identité un peu trop reconnaissable dans le monde sorcier, Haniah avait adressé l'un de ses signes de la main légèrement maladroits à Romy. Elle eut un petit rare à sa remarque :

"Petit problème de transplanage. La deuxième tentative fut la bonne. Pour autant que je sache, tous mes membres sont à leur place, c'est déjà ça."

Haniah s'adossa contre un rocher, grimaçant brièvement devant la froideur de la pierre. Les conditions n'étaient pas idéales, mais elle s'en accommoderait.

"Désolée de te faire sortir par ce temps glacé. Je... J'avais besoin de parler."

Haniah se mordit la lèvre. Comment trouver les mots ? Exposer la situation d'une manière compréhensible ? Elle-même n'était pas sûre de saisir pleinement ce qui la poussait à agir de la sorte, à se battre pour ce mariage auquel elle ne tenait pas, pour s'unir à cet homme qui, elle le sentait, elle ne serait jamais en mesure d'aimer de cette manière-là...

"Mais je ne vais pas t'ennuyer avec mes histoires tout de suite, ce serait malpoli de ma part. Comment vas-tu ?"

Le regard de Haniah se tourna vers le ciel, avant de se poser à nouveau sur Romy :

"Bientôt la pleine lune... Je ne peux pas imaginer ce que tu peux éprouver, physiquement ou mentalement, mais je suis là pour toi, tu sais ? Je peux essayer d'aider, même si je ne sais pas trop comment..."

Haniah eut un petit rire nerveux. Elle aurait aimé être la personne capable de tout régler, celle qui savait toujours faire et comment venir en aide aux autres et plus particulièrement à ses amis. Mais Haniah n'était que Haniah, une jeune femme ayant vécu dans une bulle dorée la plupart de sa vie et n'ayant commencé que récemment à ouvrir les yeux sur le monde qui l'entourait réellement. Elle ne savait rien de ce que Romy devait supporter et était consciente du fait qu'elle ne pourrait jamais réellement la comprendre à ce niveau.

Mais si elle pouvait être là, d'une façon ou d'une autre, pour elle... Alors, Haniah le ferait.

"J'ai de l'argent, si tu en as besoin. Je peux également acheter des potions pour soulager la douleur, t'aider à te sentir reposée... Je ne sais pas, il doit bien y avoir quelque chose que je peux faire pour toi."

Haniah évitait le sujet qui l'avait menée à aller à la rencontre de Romy. Elle dansait autour car elle ne savait pas comment aborder les choses. Et elle avait peur de craquer à l'instant même où elle en parlerait. Elle ne voulait pas être faible devant Romy. Elle ne voulait pas pleurer devant elle alors que son amie avait déjà tant à supporter, tant à endurer... Ce ne serait pas correct de sa part.

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Un sourire amusé retroussa les lèvres de Romy en entendant la jeune femme déclarer qu’elle avait eu quelques problèmes de transplanage. Est-ce-que ça l’étonnait ? Pas une seule minute. Elle savait que Haniah était bien meilleure sur un balai. A l’inverse, mettre Romy sur un balai revenait à la condamner à mort, elle et tous ceux qui auraient le malheur de l’entourer.

« - Je te rassure, tu m’as l’air entière. »

La petite brune regarda la joueuse de Quidditch s’adosser à un rocher. Elle savait qu’elle ne lui avait pas demandée de se retrouver ici, en pleine nuit, avec un temps pareil, sans une bonne raison. Quelque chose se tramait et Romy se doutait qu’elle était sans doute l’une des personnes les plus neutres dans la vie de Haniah – soit une personne de choix pour se confier.

« - Ne t’en fais pas, le froid est pas spécialement mon plus gros problème. »

La résistante ne put retenir un petit sourire malicieux de s’afficher sur son visage. Certains hybrides trouvaient ça affolant et déconcertant la facilité d’acceptation dont Romy faisait preuve face à sa lycanthropie. Si ils savaient que la première année elle avait songé à tout abandonner – même la vie. La brunette choisit de ne pas ressasser ces mauvais souvenirs et de plutôt se concentrer sur son amie qui semblait, de toute évidence, tout faire pour éviter le sujet principal de leur rencontre.

« - Je vais bien. Un peu fatiguée mais je suppose que je ne suis pas trop à plaindre. »

Un nouveau lycanthrope venait d’arriver à Sweet River. C’était sa première pleine lune, il avait été mordu très récemment. Romy avait vu dans ses yeux qu’il n’était pas certain de parvenir à y survivre. Pourtant, il le ferait. Mais il refusait totalement sa nouvelle condition, se mettait volontairement à l’écart – un peu comme Romy, mais plutôt façon brebis égarée qui mords si on osait l’approcher de trop près.

Haniah était véritablement sincère quand elle disait vouloir aider Romy, ça se voyait dans son regard, mais ce qu’elle ne semblait pas vouloir comprendre était que rien ne pourrait vraiment l’aider. Ni elle, ni les autres hybrides d’ailleurs. Alors la jeune résistante regarda son amie déblatérer à propos de potions, d’argent, de toutes sortes de choses qui ne seraient pas vraiment d’une grande utilité – et puis de toute façon, depuis que Alekseï passait la plupart des pleines lunes avec elle sous sa forme animagus, elles étaient moins douloureuses, moins difficiles, même sans la potion tue-loup.

De fait, Romy se redressa, se mit un peu plus droite sur son banc et elle ne put retenir un léger rire. Elle secoua doucement sa chevelure brune et leva les mains dans l’espoir de calmer un peu Haniah et son inquiétude.

« - Calme-toi. Ce n’est pas ma première pleine lune, je sais la gérer et Alekseï sera là de toute façon. Donc oublions ce détail pour le moment, on pourra y revenir après si tu le souhaites, mais parlons plutôt de toi. Qu’est ce qu’il se passe ? »

Il y avait une étrange maturité chez Romy, ce genre de maturité qu’on ne peut retrouver que chez les gens qui ont été confronté bien trop tôt à l’horreur. D’une certaine manière, elle avait été entraîné à devenir un parfait soldat dès ses treize ans, dès que l’Ordre l’avait récupérée et sortie de l’enfer qu’était devenue Poudlard. Son corps avait encore des cicatrices de cette époque-là. Elles avaient blanchi avec le temps. Il y avait celles de Poudlard et il y avait les nouvelles, celles qui apparaissaient petit à petit depuis sa morsure ou encore celles qui provenaient de missions qui avaient mal tourné. Or, Romy n’était pas de celle qui se souciait réellement de ça. Alors, le regard calme, doux, elle fixait son amie, attendant qu’elle soit prête à se livrer et à lui confier des morceaux de sa vie qui, apparemment, n’étaient vraiment pas anodins.

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Haniah ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Coupable de savoir qu'elle allait retourner dans son studio à Londres quand Romy ne pouvait pas prétendre au même luxe. Coupable de cette vie dorée dans laquelle elle était née et qu'elle continuait à mener alors que tant d'autres souffraient. Peut-être était-ce inconsidéré de sa part de se plaindre auprès de la jeune fille...

Bouhou, Haniah allait se marier, c'était terrible ! Et pendant ce temps, Romy survivait jour après jour et devait endurer l'inimaginable à chaque pleine lune. A cette pensée, la joueuse de Quidditch se mordit la lèvre. Elle avait choisi de se confier à son amie parce qu'elle n'avait personne d'autre à qui parler et parce qu'elle avait confiance en elle pour que Romy se montre franche, mais... Romy avait probablement autre chose à penser. Autre chose à faire.

Malgré tout, la jeune femme avait pris la peine de venir et lui demandait actuellement ce qui se passait. Haniah ne pouvait pas éternellement reculer ni éviter le sujet. Ses doigts se crispèrent sur la roche contre laquelle elle était adossée, alors que les mots se bousculaient dans sa tête. Elle prit une profonde inspiration, essayant de calmer les battements agités de son coeur, avant de parvenir à formuler tant bien que mal :

"Je... Je suis fiancée."

A l'instant où le dernier mot glissa sur ses lèvres, la gorge de Haniah laissa échapper un drôle de bruit, à mi-chemin entre un rire et un sanglot. Elle toussota, mal à l'aise, tira nerveusement sur son bonnet avant de reprendre :

"Je suis stupide. Je suis tellement stupide. On m'offre sur un plateau d'argent la possibilité de me tirer de cet engagement et... et j'ai protesté. J'ai refusé."

Haniah était trop anxieuse. Tout sortait dans le désordre. Pauvre Romy, elle ne devait probablement pas saisir tout ce que la joueuse de Quidditch essayait de lui confier. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Fiou. Allez, on reprend, calmement et dans l'ordre.

"Je suis fiancée depuis des années. Mes parents ne m'avaient rien dit parce qu'ils avaient peur que cela me perturbe, ils pensaient que je n'étais pas prête. Et, honnêtement, je ne suis toujours pas prête."

Elle eut un petit rire :

"Mais mon fiancé n'est plus "correct" à leurs yeux. Il a... Il a récemment subi une agression qui l'a radicalement transformé et mes parents estiment que je n'ai plus à l'épouser. Parce que c'est un vampire."

Les poings de Haniah se serrèrent. C'était injuste. Profondément injuste. C'était quelque chose qu'elle ne pouvait pas simplement accepter. Cautionner. Même si cela jouait en sa faveur. Même si cela lui permettait de se défaire de ce contrat qu'elle n'avait jamais voulu signer. Parce que ce n'était pas elle. Parce que Haniah croyait en un monde plus juste, en une société plus juste, et qu'elle ne pouvait pas abandonner cette idée parce que ça ne l'arrangeait pas à cet instant précis.

"Je ne sais pas ce que je fais. J'ai passé la majorité de ma vie à voler après une balle dorée et à prendre soin de mon balai. Je n'ai jamais couru après les garçons ou quoi que ce soit du genre. Je ne sais rien et je... je suis fiancée."

Haniah essuya ses yeux humides. Ca y est, elle commençait à craquer. Elle ne voulait pas. Elle ne devait pas. Pas devant Romy qui menait une existence bien plus terrible que la sienne. Qui avait dû affronter des épreuves que Haniah ne pouvait pas même imaginer.

"Excuse-moi, ça doit te paraître ridicule. Et tu dois probablement te dire que je n'ai qu'à dire "non", que c'est facile, que personne ne m'en voudra. Et j'ai très, très envie de dire "non". Mais..."

Haniah se mordit la lèvre :

"Mais c'est injuste, non ? Il... Il n'a rien demandé. Il a juste été transformé, du jour au lendemain, et tout s'est effondré pour lui. Si je ne l'épouse pas, aucune famille de Sang-Pur n'acceptera de se lier à lui. Et... Et je ne crois pas qu'il soit taillé pour une vie en-dehors de ce milieu, tu comprends ? Franchement, j'ignore moi-même si je pourrais vivre en-dehors de ma bulle... Comme toi."

Haniah admirait Romy. Son combat de tous les jours. Son implication au sein de l'Ordre du Phénix. Haniah n'était qu'une informatrice. Elle aurait voulu faire plus, mais elle risquait d'être une épine dans le pied plus qu'un avantage lorsque viendrait l'heure de se battre. Hormis voler et prendre soin de son balai, Haniah ne savait pas faire grand-chose. Elle refusait l'idée que quelqu'un puisse mourir à cause d'elle, parce qu'elle n'était pas assez expérimentée, parce qu'elle s'était mise en danger dans une situation et qu'on avait dû la sauver.

"Désolée, tout ça est idiot. Tu es là à survivre au quotidien et je me plains parce que je suis fiancée. A un homme qui semble décent. Il va me laisser jouer au Quidditch, tu sais ? Ca aurait pu être bien pire..."

Elle n'aurait pas dû la déranger pour si peu. C'était immature de sa part. Immature et égoïste.

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Fiancée ? Romy manqua de s’étouffer avec sa salive en entendant Haniah lui faire cette annonce. Elle ne savait même pas qu’elle fréquentait quelqu’un, d’où ça sortait ça ? Puis soudainement, tout s’éclaira quand son amie commença à expliquer la situation. Elle semblait vider sa conscience de tout ce qu’elle devait retenir depuis des jours, ses mots étaient fouillis, confus, Romy s’accrochait à la trame de l’histoire. Elle ne bronchait pas, la laissait vider son sac, fronçant simplement les sourcils par moment. Souvent, d’ailleurs. De nombreuses choses révoltaient déjà la jeune femme dans l’histoire que Haniah était entrain de lui conter. Beaucoup trop.

Foutu mœurs sorciers qui marient leurs enfants à n’importe qui juste pour que ça fasse joli sur le papier. Romy n’avait jamais compris comment on pouvait faire ça, imposer une telle décision à sa chair, à son sang. C’était décidé de sa vie à sa place, lui enlever son libre-arbitre et ça la rendait malade. Cependant, elle connaissait assez bien Haniah pour savoir que ce mariage, si elle souhaitait qu’il se réalise, c’était simplement parce qu’elle était sensible à ce que cet homme venait de subir.

Lorsque la jeune Shacklebolt termina son histoire, Romy inspira doucement et hocha la tête. Elle cherchait elle-même ses mots, au risque de manquer de tact et de blesser la jeune femme en face d’elle. Ce n’était pas son but. Mais pour le coup, tout ça n’avait aucun sens, du début à la fin, cette histoire n’était qu’un bordel inimaginable.

« - Très bien … Ca risque de faire mal. »

Romy inspira doucement, ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir et de les poser sur Haniah.

« - On épouse pas quelqu’un parce que nos parents l’ont choisi pour nous. On n’épouse pas quelqu’un parce que nos parents ne veulent plus qu’on l’épouse. Et on n’épouse encore moins une personne parce qu’elle a été transformé en vampire. »

La résistante savait qu’il n’y avait rien de mal aux yeux de Haniah de vouloir l’épouser malgré le fait qu’il était devenu un vampire. Au contraire, elle savait que ça partait d’une bonne intention, qu’elle ne voulait pas abandonner cet homme sous prétexte qu’il était désormais un hybride et donc, différent et qu’il allait, du coup, forcément en baver.

« - Cet homme-là, Han’ … Il n’a pas besoin de ta pitié. Il a besoin de soutien, il a besoin qu’on l’aide à avancer avec cette malédiction, qu’on lui apprenne à vivre avec et même, à ce qu’elle lui devienne utile. Mais il n’a certainement pas besoin de se marier avec une femme qui aura prise cette décision uniquement pour le protéger de la société. »

La brunette commença à triturer la manche de sa cape, essayant d’exprimer ce qu’elle avait en tête de façon claire, honnête mais avec douceur, afin de ne pas blesser Haniah. C’était l’un des gros défauts de Romy, elle manquait toujours un peu de tact, elle était rentre-dedans, mâchait rarement ses mots. Or, là, elle sentait que c’était le genre de situation où elle devait le faire.

« - Tu as raison, ça ne sera pas facile pour lui. Honnêtement, ça va même être l’enfer pendant plusieurs mois, certainement mais tu ne peux pas choisir cette vie uniquement parce qu’il te fait de la peine. C’est sûr que si le monde marchait comme ça, tout serait tout rose et beau mais ce n’est pas le cas. »

Romy soupira doucement, posant un regard inquiet et désolé sur Haniah. Sans doute qu’elle n’attendait pas ce genre de mots de sa part – ou peut-être bien que si, la petite brune n’en savait rien.

« - Et lui, dans tout ça, vous en avez discuté ? Est-ce-que c’est ça qu’il veut ? Epouser une femme qui le regarda avec de la peine pour le restant de ses jours ? Parce que, crois moi, ce regard désolé je l’ai vu des centaines de fois et c’est l’un des plus durs à supporter. »

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Ses mots faisaient mal. Mais c'était aussi pour cela que Haniah était venue voir Romy. Parce qu'elle ne passerait pas par quatre chemins et qu'elle lui dirait ce qu'elle pensait, sans chercher à la préserver. Haniah en avait assez qu'on la traite comme une petite chose fragile, en particulier de la part de ses parents. Ils lui avaient caché qu'elle était fiancée. Ils avaient pris toutes les décisions à prendre à sa place parce qu'ils ne la croyaient pas capable de supporter cela et ils n'avaient pas confiance en elle pour faire ses propres choix.

Haniah se mordit la lèvre, cherchant ses mots. Ce qui se passait dans son crâne était si confus. Elle n'avait jamais eu l'impression de traverser une crise d'adolescence, mais à désormais 24 ans, elle pouvait maintenant imaginer ce que cela faisait. La perplexité perpétuelle, cette colère qui semblait venir de partout et nulle part à la fois et sa cervelle qui prenait des décisions avant même qu'elle ne réalise ce qui pouvait se passer...

"Je... Je n'ai pas pitié de lui. Je ne fais pas ça pour lui. Ca va au-delà de ça.

Non, elle ne faisait définitivement pas cela pour Boris Bagshot. Elle le connaissait à peine et, s'il semblait être une personne correcte, ils étaient diamétralement opposés de bien des manières. Sans ce contexte pour les lier, ils ne seraient probablement jamais accordés mutuellement la moindre attention.

"La société dans laquelle nous vivons a établi que, parce que mon Sang est pur et qu'il est un hybride, nous ne sommes pas supposés nous marier. Qu'il n'est pas au même échelon que moi. Que tu n'es pas mon égale. Et... Et pour moi, tout ça, ce sont des conneries !"

Haniah n'était que très rarement grossière. Mais elle était furieuse. Furieuse contre cette injustice. Contre ce monde dans lequel elle vivait. Contre elle-même et le fait qu'elle vivait du bon côté de la barrière, ce qui lui donnait tous les droits, tous les privilèges. Ce n'était pas normal. Ce n'était pas bien. Ce n'était pas correct.

"Si je réussis à faire bouger cette barrière, si je parviens à me marier avec lui, ça sera une victoire. D'autres pourraient suivre. Des gens qui s'aiment réellement, cette fois. Si je peux utiliser ma petite notoriété pour accomplir quelque chose de bien, je dois le faire. Ce... Ce n'est pas juste pour lui. J'y ai beaucoup réfléchi."

Devant les autres, elle prétendait qu'elle voulait juste tenir sa parole. Qu'elle s'estimerait déshonorée si elle venait à se parjurer et à rompre ce contrat qui les liait. Et oui, il y avait peut-être une part de cela. Mais Haniah savait aussi que cette union avait plus d'enjeux qu'il n'y paraissait. Qu'ils pourraient remporter une bataille en la jouant finement. Même si ce n'était pas son fort.

"Je l'ai rencontré, deux fois. La première fois, c'était en présence de nos parents. Mon père et ma mère voulaient tout faire pour que nos fiançailles soient officiellement brisées. Ma... Ma belle-mère était déterminée. Et je me suis mise de son côté. Mais Boris et moi n'avons pas eu beaucoup de chance d'interagir..."

C'était le moins qu'on puisse dire. Haniah n'avait pas eu l'impression d'être sortie de ce dîner en connaissant une seule chose à propos de son fiancé, à part son visage et son nom.

"La deuxième fois, c'était au salon de thé de Madame Pieddodu. J'ai choisi cet endroit parce que... parce que c'est un lieu supposé romantique et il faut que les gens croient en notre histoire. Je... Je pense que tout cela l'arrange. Que j'ai choisi de ne pas me retirer, malgré sa condition."

Haniah eut un faible sourire. Cette affaire les arrangeait tous les deux, d'une certaine manière. Boris pouvait profiter de sa notoriété et espérer regagner la place qu'il estimait mériter dans la société. Et elle... Elle savait qu'elle agissait pour réparer une injustice et qu'elle respectait ses principes. C'était tout ce qui comptait pour elle : être fidèle à qui elle était. Et aider les autres de cette manière.

"Je n'ai pas pitié de lui. Et je n'ai pas pitié de toi non plus, Romy. Je ne peux pas imaginer une seule seconde ce que vous pouvez traverser, mais vous avez la force de continuer et vous avez toute mon admiration pour ça. Pas ma pitié, mon admiration. Sincèrement."

Haniah se mordit la lèvre, avant de reprendre :

"Je veux faire une différence. Et... Et je ne veux pas être éternellement cette femme privilégiée par le système et qui s'abrite derrière des lois qui la protègent. Si ça doit passer par des fiançailles avec un homme que je n'aime pas, je suis prête à le faire."

Elle eut un rire triste :

"Si ce n'est pas Boris, ce sera quelqu'un d'autre. Et notre union n'aura aucun sens. Aucune portée. Juste le mariage de deux Sang-Pur parce que la société conçoit les choses de cette manière. Quelqu'un doit ouvrir la porte et contribuer au progrès. J'ai toutes les cartes en main pour que notre union soit acceptée : le contrat a été dressé bien avant la transformation de Boris, mes parents ont volontairement fait traîner l'union soi-disant pour moi, j'ai pour moi ma notoriété et les gens savent que j'ai des convictions et que je les honore quoi qu'il puisse arriver. Je peux également compter sur le nom Shacklebolt pour favoriser notre affaire d'un point de vue judiciaire. Je suis persuadée qu'on peut y arriver."

Haniah reprit brusquement son souffle, ayant oublié de respirer pendant son petit discours exalté. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Il fallait qu'elle se calme. Qu'elle se reprenne. La jeune femme se donna deux claques, secoua la tête et retrouva ses esprits.

"Mais... Mais je vais être fiancée. Je vais être fiancée et je ne suis pas prête. Si ce n'est pas Boris, ce sera quelqu'un d'autre. Ils ne me laissent pas le choix."

Et elle préférait épouser Boris plutôt qu'un inconnu qui aura été choisi pour elle pour la pureté de son sang et le prestige de sa famille. Quelqu'un qui pourrait chercher à restreindre sa liberté. A faire d'elle la parfaite épouse qu'elle ne sera jamais.

Haniah se sentait piégée. Emprisonnée d'une société qui la manipulait comme une marionnette, au nom d'intérêts qui la dépassaient. Si elle pouvait reprendre le contrôle d'une façon ou d'une autre, décider de sa propre vie...

"Tu dois penser que je suis une idiote, hein ? Tu peux me le dire."

Un autre rire. Un rire triste.

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Alors c’était ça ? Haniah voulait donc se sacrifier pour que les autres couples mixtes soient mieux vus ? Un sourire doux, un peu triste, s’afficha sur les lèvres de Romy lorsqu’elle comprit cela. Elle secoua de nouveau sa tête et soupira doucement.

« - Tu sais, dans notre société actuelle, que tu te épouse ce Boris Bagshot ou non, ça ne fera pas avancer les mentalités. Nous sommes en guerre et le sort des hybrides, des couples mixtes, c’est un grain de sable au milieu du désert. Quoique tu fasses, chaque hybride devra aller se faire recenser au Ministère et sera surveillé ou sera obligé de fuir ou je ne sais quoi encore … La vie de Boris et ce qu’ils vont faire de lui ne dépends pas de votre mariage. »

Très sincèrement, Romy aurait aimé que le sacrifice d’Haniah change les choses. Mais pour le coup … Peut-être dans un monde où Voldemort n’existerait pas, ça aurait pu, oui. La résistante ne put que sourire en entendant Haniah dire à quel point elle admirait les hybrides et la force dont ils faisaient preuve. Romy s’était tellement habituée à sa condition – ou en tout cas, elle avait enfouit bien au fond d’elle les inconvénients – qu’elle ne voyait pas de raison particulière à cette admiration.

En tout cas, Romy pouvait comprendre que quoiqu’il arrive, Haniah serait mariée à un sang-pur, que ça soit Boris ou non, elle finirait par épouser quelqu’un qui ne sera pas la personne de son choix. A cette idée, la résistante sentit une vague de haine grimper en elle, le genre de vague difficile à contenir, surtout en cette période du mois. Elle se mordit la lèvre, serra plus fort la manche de sa cape afin de se contrôler, de ne pas laisser l’émotion l’envahir comme ça pouvait arriver si souvent. En général, quand la tempête se déclenchait, il ne valait mieux pas être dans les parages.

« - Tu es très loin d’être une idiote. Tu es prête à épouser un homme pour lui apporter une certaine protection alors que tu l’as vu seulement deux fois. Ce n’est pas de l’idiotie, c’est du sacrifice et ça rentre plutôt dans la catégorie héroïsme chez moi. »

Les pieds de Romy se balançaient dans le vide – parce que oui, elle ne touchait pas le sol, assise sur ce banc – pendant que son cerveau réfléchissait à une solution, quelque chose qui pourrait permettre à Haniah de ne pas s’engager dans cette histoire et à ce Boris de s’en sortir peut-être un peu mieux qu’en restant dans la société que Voldemort et ses sbires avaient crée.

« - Tu peux toujours … Enfin, c’est vachement n’importe quoi comme idée mais tu peux toujours t’opposer à tes parents, sur le mariage, que ça soit avec Boris ou un autre, sur tout le reste. Et lui … Enfin, je ne sais même pas quelles sont ses convictions mais l’Ordre m’a énormément apporté quand j’ai été transformée. Après, j’étais déjà l’une des leurs. »

Romy savait que perdre sa famille n’était certainement pas une chose facile, encore moins en s’y opposant. Le départ de ses parents en Allemagne quand la guerre s’était déclarée restait une blessure vive chez la résistante – même si elle n’en parlait jamais, à personne. Une lettre par mois et le reste du temps, ils n’existaient pas. C’était plus simple ainsi. Non pas qu’elle ne les aimait pas, bien au contraire, mais ils étaient désormais bien trop loin pour comprendre ce que vivait Romy.

Pour Boris, la résistante n’avait aucune idée de ce que cet homme pourrait préférer, surtout si il n’était pas déjà du côté de l’Ordre à la base – ce qui était fort possible. Etre un réfugié à Sweet River mais être recherché en permanence ou se soumettre aux nouvelles lois ? Qu’aurait-elle choisi si l’Ordre du Phénix ne l’avait pas récupérée quand elle était qu’une gosse un peu rebelle ? Elle n’en avait aucune idée.

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Haniah eut un sourire triste aux propos de Romy. Elle avait la naïveté de croire qu'elle pouvait réussir à changer les choses, ne serait-ce qu'un petit peu. D'aider la cause, d'ouvrir la voie pour d'autres. Etait-ce prétentieux de sa part ? Peut-être, oui. Mais Haniah voulait juste faire quelque chose. Quelque chose pour aider.

Elle voulait croire que son acte aurait une portée, même minime. Qu'un couple pourrait peut-être être approuvé parce qu'elle avait réussi à se marier avec Boris. Qu'ils finiraient peut-être par revenir sur cette loi immonde concernant le mariage, même si ce n'était pas la priorité, même si, comme Romy le disait bien, ce n'était au final qu'un grain de sable dans le désert. Ils vivaient vraiment des temps affreux. Et que la vie de Haniah en était si peu bouleversée au final la rendait furieuse. Et honteuse.

"Peut-être aura-t-il une plateforme pour s'exprimer. Il pourra profiter de ma notoriété pour se faire voir, pour se faire entendre. Je ne sais pas s'il a vraiment un message à faire passer, mais si nous sommes mariés, si l'on voit un vampire participer à des soirées de Sang-Pur au même titre que n'importe quel invité, s'il est autorisé à se mêler d'une manière qui n'a jamais été permise aux autres hybrides... Je veux croire que cela peut changer les choses. Petit à petit. Peut-être que certaines personnes modifieront leur opinion, challengeront leurs préjugés..."

Mais Haniah n'en était pas entièrement convaincue. Au fond, son action allait-elle seulement servir à quelque chose ? Hormis pour Boris et sa famille ? Haniah laissa échapper un soupir. Un sourire timide s'étira sur ses lèvres lorsque Romy souligna qu'elle considérait son acte comme un sacrifice héroïque. Un sourire qui se transforma en un léger rire :

"Tu es trop gentille. Ca n'a rien d'un vrai sacrifice. Si j'étais si héroïque que cela, j'aurais quitté mon équipe de Quidditch à l'instant où ils ont renvoyé Neil à cause de sa transformation en loup-garou. J'aurais rejoint l'Ordre du Phénix à plein temps et je serais une fugitive. Mais je n'ai rien fait de tout cela. Je n'ai rien accompli d'héroïque. Je... Je suis juste une gamine qui a du mal à grandir."

Une gamine immature, face à une jeune femme qui avait déjà trop vu et trop vécu. Romy aurait dû avoir une scolarité ordinaire, une vie normale. Pas se retrouver à fuir pour pouvoir vivre comme elle l'entendait. Pas à craindre chaque jour pour sa sécurité, pour sa vie. Ce n'était pas juste.

Romy lui suggéra de s'opposer à ses parents et évoqua l'idée que Boris rejoigne l'Ordre du Phénix. Elle ne connaissait pas encore très bien son fiancé, mais l'imaginer en train de se cacher, à se plaindre que ses vêtements étaient troués et ses cheveux emmêlés, lui donnait envie de rire. Elle se retint, jugeant que c'était assez cruel de sa part que de s'autoriser une telle pensée.

"Je... J'aime mes parents. J'aime ma famille. Si... Si je refuse de me conformer, j'ai peur de les perdre. Ils ont déjà accepté beaucoup de ma part. Mon obsession pour le Quidditch et les balais, mes notes misérables, ma bizarrerie générale... Ils m'ont laissée être "moi" et je ne les remercierais jamais assez pour ça."

Un soupir s'extirpa de sa gorge nouée :

"Ils croient bien faire. Si je suis mariée, si j'ai des enfants, je me conformerais à ce que la société attend de moi et je serais en sécurité. Protégée. J'aurais quelqu'un pour prendre soin de moi quand ils ne seront plus là, je pense que c'est aussi à quoi ils songent. Je ne suis pas aussi forte que toi. Sans ma famille pour me pousser et me préserver, je n'aurais pas avancé bien loin."

Haniah se perdit brièvement dans ses pensées, songeant à ses parents, à sa fratrie, à cette angoisse terrible qu'elle avait de les perdre définitivement, d'une façon ou d'une autre. Elle ne pourrait pas supporter le choc. De retour dans la réalité, Haniah adressa un doux sourire à Romy. Tout cela était terriblement anxiogène, mais... pouvoir en parler à quelqu'un la rassurait. L'aidait considérablement.

"Hmm... Ca va peut-être te paraître un peu bizarre comme question, mais... tu es déjà sortie avec quelqu'un, toi ?"

Haniah glissa son index à ses lèvres, mordillant nerveusement son ongle :

"Quand... Quand je suis allée à ce rendez-vous avec Boris, j'étais complètement perdue. Je... Je voulais donner l'illusion que nous étions ce couple liés envers et contre tous, mais la vérité, c'est que... je suis paumée. Est-ce que je devais lui tenir la main ? Lui faire la bise ? Le complimenter sur sa tenue ? Tout ce dont j'avais envie de parler, c'était de Quidditch ! C'est d'un romantisme..."

Elle eut un petit rire :

"Je... Je ne me sens pas à l'aise là-dedans. Je fais déjà beaucoup d'efforts pour parler de ce qui ne me passionne pas spécifiquement, pour accorder toute mon attention à l'autre et ne pas donner à mon interlocuteur l'envie de fuir à toutes jambes. Je n'avais pas un seul ami à Poudlard, tu sais ? Pas un seul. Et certainement pas de petit-ami non plus. Je ne sais même pas comment je suis supposée embrasser quelqu'un ! Et si nos dents s'entrechoquent ? Ca doit faire très mal, non ?"

La confession de Haniah s'était transformée en un bavardage non-stop, rempli d'appréhension et d'innocence. Elle en disait beaucoup trop, sans réfléchir aux mots qui sortaient de sa bouche. Comment était-elle passée de "Je veux faire en sorte que notre mariage change les moeurs de la société" à "J'ai peur qu'on se fasse mal en s'embrassant" ? Décidément, son cerveau travaillait d'une mystérieuse façon...

"Désolée. Je bavarde, je bavarde, mais tout ça doit t'ennuyer. Et avec la pleine lune qui arrive, tu dois être fatiguée..."

Tout du moins, elle l'imaginait. Romy avait les yeux cernés, profondément cernés. Et Haniah se rappelait de sa première année à Poudlard et du professeur Lupin, qui avait l'air constamment épuisé. Elle se demandait d'ailleurs ce qu'il pouvait devenir... Elle ne l'avait pas vu depuis ses jeunes années. Il ne se souvenait probablement pas d'elle, il avait eu tant d'élèves et beaucoup plus marquants...

"Merci, Romy. Je ne peux parler de ça à qui que ce soit. Pas aussi librement, en tout cas."

Sa main se posa sur celle de son amie, la serrant brièvement, avant de retourner à la roche contre laquelle elle continuait de s'appuyer.

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We create our own fate

Meet me under the moon

☾☾
Romy regardait Haniah avec une certaine douceur, une façon un peu de la remercier de tout ce qu’elle souhaitait faire. Elle était bien consciente que si elle était autant sensible à la cause des hybrides c’était seulement depuis que Neil avait été obligée de quitter l’équipe de Quidditch à cause de sa morsure mais pour en arriver là, dans tous les, il fallait un déclic, toujours. Et malheureusement, ce déclic ne faisait jamais du bien.

« - Est-ce-que c’est ce qu’il veut ? Servir la cause des hybrides en s’affichant devant tout le monde comme tel ou est-ce-que c’est toi qui projette ton désir sur lui ? »

Un petit rire s’échappa des lèvres de Romy face à la joueuse de Quidditch qui se descendait parce qu’elle ne faisait pas partie de l’Ordre. Très honnêtement, si on prenait du recul sur la vie de Romy et qu’on était entièrement neutre, est-ce-que c’était bien normal pour des parents de laisser partir leur fille avec des inconnus pour qu’elle devienne, plus tard, la parfaite petite résistante prête à mourir pour sa cause ? Pas vraiment. Alors il était tout à fait normal aux yeux de la brunette que Haniah n’ait pas voulu quitter ses privilèges.

« - Tu nous aides déjà du mieux que tu peux. Tes limites ne sont pas les même que les miennes comme les miennes ne sont pas les même qu’une autre personne. Tu ne peux pas te comparer à d’autres parce que personne n’est pareil. Ta lignée d’arrivée sera celle du départ pour quelqu’un d’autre et alors ? Ca ne fait pas de toi ou de l’autre des gens qui ne valent rien et qui n’apportent pas leur pierre à l’édifice d’une façon ou d’une autre. »

Ils le faisaient juste différemment, à leur manière. Romy écouta alors Haniah parler de ses parents et elle comprit que malgré tout ça, elle les aimait. La jeune femme pensa instinctivement à Gracelynn plutôt qu’à sa mère biologique et c’était bien le signe que malgré ce qu’ils s’étaient promis neuf ans auparavant, les choses avaient changé.

« - Oui, c’est vrai, ils font ce qu’ils peuvent pour te protéger. Alors réfléchis à ça avant de te lancer dans un mariage avec un vampire parce que … Parce que la vie avec un hybride, ce n’est jamais facile et ce, même si c’est la personne la plus gentille du monde. »

La résistante ne pouvait pas décider à la place de Haniah ce qu’elle devait faire concernant ce mariage. C’était à elle de faire ses propres choix et de toute façon, peu importe ce qu’elle choisira, Romy lui apporterai son soutien, c’était évident. Cependant, elle imaginait bien que ce n’était pas une situation facile, que rompre ce contrat signifiera être la première personne à rejeter ce fameux Boris Bagshot à cause de sa condition. Soudainement, Romy se sentit chanceuse d’avoir été si bien entourée lors de sa morsure. La question suivante de Haniah tira la brunette de ses pensées et elle ne put s’empêcher d’étouffer un rire dans sa manche.

« -Jamais. »

Pour le coup, Romy allait avoir du mal à apporter des conseils à Haniah vu qu’elle était absolument sans expérience au côté amoureux. C'était assez ironique d'ailleurs. La petite brune avait plus d'expérience dans la mort que dans l'amour, quelle vie. Elle lui accorda un sourire désolé face à toutes les questions que Haniah se posait.

« - Tu sais, je crois que tu réfléchis beaucoup trop. Je pense que si c’était si compliqué, l’humanité entière aurait disparu depuis longtemps. Mais peut-être… Peut-être le fait que ça soit si peu naturel avec Boris veut dire que l’épouser serait une erreur. Tu t’imagines réfléchir ainsi et te poser autant de questions toute ta vie, ne jamais savoir comment te comporter parce qu’au final vous serez juste un couple sans amour, sans réelles raisons d’être ensemble à part des raisons familiales et politiques ? »

Romy se mordit la lèvre en réalisant qu’elle avait peut-être été un peu trop dure dans ces mots, surtout quand on regardait d’un peu plus près ses propres relations avec les hommes. Elles étaient toutes compliquées, foireuses, le genre de relations qui donnaient envie de s’exploser le crâne contre un mur.

« - J’étais pas très appréciée à Poudlard non plus, ne t’en fais pas. »

La brunette ne put s’empêcher de rire en se rappelant à quel point les trois années qu’elle avait passé là-bas avaient été surtout faites de rébellion, de retenues et autres problèmes en tout genre.

« - Il paraît qu’embrasser c’est comme respirer, ça vient naturellement au moment où ça doit arriver. Alors mets ton cerveau un peu sur pause, ça ne te fera pas de mal. »

La résistante était un peu amusée par la tournure qu’avait pris cette conversation. Elles étaient, pour un instant, deux jeunes femmes tout à fait normales. Deux jeunes femmes qui n’avaient pas à se soucier de la guerre, de mariage arrangé avec un hybride, de pleine lune qui approchait tous les jours un peu plus. Romy serra doucement la main de son amie, cherchant à lui apporter tout le soutien dont elle avait besoin à travers ce geste.

« - Tu ne m’embêtes pas, bien au contraire. Et tu sais que tu peux me demander de venir n’importe quand, je serais là. Et oui, je suis fatiguée mais encore une fois, c’est la conséquence de mes décisions. Je les assume. »

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Haniah secoua la tête devant la question de Romy. Non, ce n'était probablement pas le souhait de Boris que de devenir le symbole de la cause hybride. Elle devinait qu'il ne voulait qu'être guéri de sa condition et elle le comprenait. Il restait que, si leur mariage se faisait, il pourrait bien être ce symbole malgré lui. Tout comme Harry Potter avait été le symbole de la résistance avant que tout ne bascule et s'effondre.

Elle adressa un sourire timide à Romy lorsque celle-ci chercha à la rassurer. Haniah avait toujours été une personne stimulante, encourageant son prochain à aller de l'avant mais sachant tendre une main pour ceux et celles qui en avaient le besoin.

Elle ne s'accordait pas la même compassion, en particulier dans les domaines dans lesquelles elle était supposée exceller. Elle savait qu'elle en faisait trop, mais elle ne parvenait pas à s'en empêcher. Ce qu'elle parvenait à accomplir n'était jamais assez. Elle devait toujours faire plus, chercher à s'améliorer, à se surpasser, à dépasser ses limites. Peu importe les conséquences.

"J'ai le sentiment de ne pas en faire assez. J'essaie d'apprendre à mieux me servir de ma magie, pour pouvoir me rendre utile plus tard sur le champ de bataille. Mais je suis définitivement meilleure avec un balai plutôt qu'une baguette à la main..."

Haniah se mordit la lèvre lorsque Romy souligna que la vie avec un hybride, ce n'était jamais facile. Oh, elle s'en était posée des questions, la petite joueuse de Quidditch... Elle ne savait rien ou presque des vampires, si ce n'était que la lumière du soleil pouvait leur être très douloureuse et qu'ils buvaient du sang. Avoir un vampire pour mari lui demanderait probablement de se préparer à beaucoup d'éventualités et d'épreuves pour le supporter correctement.

Mais ça, elle était prête à le faire. Si elle s'engageait à épouser Boris, elle ne comptait pas simplement le laisser débrouiller seul dans son coin. Elle n'était peut-être pas amoureuse de lui, mais ils pourraient devenir amis et Haniah n'abandonnait jamais ses amis. Elle serait là pour lui. Et peut-être sera-t-il là pour elle, également...

Haniah grimaça lorsque Romy évoqua sa relation avec Boris et le futur possible qui leur était réservé. Elle avoua à demi-mots, un peu embarrassée :

"Pour être honnête, je passe mon temps à me poser des questions sur tout le monde. Je ne comprends pas la majorité des gens qui m'entourent et leurs motivations. J'ai cette impression bizarre d'être née avec un set d'instructions griffonnées à la va-vite sur la vie et l'interaction avec autrui, quand les autres auraient ce manuel hyper détaillé et imprimé naturellement dans leur esprit..."

Haniah tira sur son bonnet, une expression confuse s'affichant sur son visage :

"On dirait que tout le monde sait immédiatement ce qui est "approprié" et ce qui ne l'est pas. "Oh, tu peux parler de ce que tu aimes, mais seulement durant ce laps de temps, sinon tu vas ennuyer tes interlocuteurs", "Il faut regarder les gens dans les yeux et ne pas les regarder à des intervalles précis pour ne pas les mettre mal à l'aise" etc. etc. Franchement, je pense que je suis aussi perdue avec Boris qu'avec la plupart des gens qui m'entourent. La seule différence, c'est que je dois y ajouter une dose de romance et ça..."

Elle fit un geste de la main peu convaincu, avant de hausser les épaules :

"... Ca me passe complètement au-dessus."

Haniah cessa de s'appuyer contre la roche, étirant ses membres douloureux. A l'instant où Romy mentionna le fait d'embrasser, Haniah claqua des doigts dans un geste frustré :

"Voilà, c'est ce que je voulais dire ! Naturel, je n'aime pas ce mot ! Tout le monde s'attend à ce que je sache et fasse tellement de choses naturellement et ce n'est pas le cas. Et quand j'essaie de comprendre, on me dit qu'il faut que j'arrête de réfléchir, que c'est une chose "normale", que ça "vient tout seul". Mais c'est faux ! C'est comme si tu me demandais des conseils pour apprendre à voler et je te disais qu'il fallait que tu fasses plus d'efforts, que c'est facile, que c'est naturel pour un sorcier de savoir voler ! Mais je sais que ce n'est pas le cas, je sais que les gens ont besoin de vrais conseils, de vraies leçons et que, si ça me vient facilement, ce n'est pas forcément le cas pour les autres. C'est... C'est..."

Haniah laissa échapper un grognement frustré. Elle prit quelques instants pour permettre à sa respiration de retrouver un rythme normal, étirant ses membres avec la souplesse qui lui était caractéristique, reportant son attention sur son amie :

"Désolée. Je ne voulais pas m'énerver sur toi, c'est juste... beaucoup. Je... J'aimerais juste retourner à mes balais, à mon vol et oublier tout le reste. Parfois, je me dis que je devrais juste décoller et ne jamais atterrir. Dès que je suis sur la terre ferme, ça cloche."

Elle étira un mince sourire sur ses lèvres :

"Merci d'être là. Quand les choses se seront tassées, quand la situation te le permettra, tu pourrais venir chez moi. Une soirée filles, sans prise de tête, ça pourrait être cool, non ?"

"Prise de tête", le mot était faible pour qualifier la guerre dans laquelle elles devaient survivre...

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