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you should see me in a crown
@engel von bäume
Il y a, dans la vie de Svetlana Von Bäume, pas plus grand bonheur ni plus grand amour que celui qu'elle porte à sa famille. Son mari, Engel, est depuis le premier jour bien plus qu'une simple union arrangée. Il est son partenaire, son égal, son pilier au milieu de la tempête et le feu qui l'anime au quotidien. Jamais elle n'aurait pu espérer mariage plus heureux que le sien. Mais ce sont ses enfants, Valeska, Niklas, Anya et Markus, qui font d'elle une femme comblée. Elle les aime d'un amour sans limite, brûlant, débordant, étouffant. L'idée même qu'il puisse leur arriver un jour quelque chose lui est insoutenable. Pour eux, elle serait prête à tuer sa propre mère et brûler la terre entière pourvu qu'ils soient heureux et en bonne santé.

C'est pour cette raison sûrement que Svetlana s'est rapidement inquiétée du comportement de son dernier fils. Quotidiennement blessé, toujours fourré là où il ne devrait pas, comme s'il n'avait aucune considération pour sa propre vie, comme s'il ne ressentait pas la douleur ni la peur. Ce manque total d'instinct de survie est une source d'angoisses pour la matriarche qui ne parvient plus à fermer l'œil depuis quelques mois. Secouée par de nombreuses crises d'anxiété, elle imagine tantôt son fils tomber du toit et ne pas ralentir sa chute par magie, ou ingérer une des potions mortelles qu'elle concocte dans son bureau. Pire, elle l'imagine vagabonder dans la forêt, comme il le fait parfois, et se faire mordre par un loup-garou ou un vampire, qui se serait égaré sur leur territoire. C'est toutes ces images qu'elle voit danser derrière ses paupières à chaque fois que la nuit tombe ou qu'elle ne parvient pas à mettre la main sur Markus. Toutes ces images qui lui coupent le souffle et la paralysent jusqu'à ce qu'elle retrouve sa petite tête bouclée.

Alors Svetlana en a parlé à son époux. Ils devront l'emmener à Ste Mungo, pour voir ce qui ne va pas avec lui. Peut-être ont-ils oublié quelque chose, dans leur éducation ? Peut-être qu'avec les trois autres enfants, ils n'ont pas pris assez de temps avec Markus pour lui apprendre toutes ces notions d'auto-protection ? Peut-être qu'il s'agit plutôt d'un problème cognitif, quelque chose hors de leur portée ? Quelque chose qui peut se soigner ? Ou peut-être qu'elle s'inquiète pour pas grand chose ? C'est du moins ce que semble penser Engel. Ce qui pour elle relevait de l'évidence - consulter un spécialiste, juste au cas où - s'est rapidement transformé en querelle de plusieurs semaines.

Impensable pour Engel d'emmener son fils consulter un médecin. Comme si c'était un échec. Comme si cela remettait en cause la perfection de Markus, ou sa qualité de père. Jamais, ô grand jamais Svetlana n'avait été aussi déçue par son mari. Elle trouvait, à juste titre sûrement, qu'Engel avait été un père parfait jusqu'à ce qu'il fasse passer son ego avant la santé de leur fils. Il n'y avait rien de moins attirant ni rien de moins aimable aux yeux de sa femme.

Hors de question, donc, de céder à ses caprices d'homme fragile. Svetlana s'est alors murée dans un silence glacial, bien loin de ses tempêtes de flammes habituelles au cours de leurs disputes. Elle lui a fait comprendre, toujours sans un mot ni un regard à son égard, qu'il n'était plus le bienvenue dans leur chambre à coucher. La vie a suivi son cours, mais dans le silence le plus total, entrecoupé de “ Please, tell your mother to pass me the salt ” et de regards foudroyants.

La situation durait depuis plusieurs jours et était inconfortable pour absolument tout le monde. Wolfram avait bien tenté de réconcilier les choses mais “ As long as this ogre doesn't put his son above his pride, I do not have anything to say to him ”. Pour les enfants, aussi, la situation devenait pénible, voire carrément ingérable, et l'un et l'autre avaient reçu bon nombre de remarques. “ I am truly sorry knopka, this is between your father and I. ” Pourtant, au fond d'elle, Svetlana était secouée d'une réelle tristesse devant cette distance qui s'installait dans son couple et qui devenait, pour elle aussi, complètement insupportable. Mais elle était une femme fière et forte, et avait suffisamment appris de sa propre mère pour tenir ses positions jusqu'à ce que son époux cède le premier et réalise son erreur.

La nuit est tombée et elle porte sa robe de chambre en satin rouge. Comme tous les soirs, elle observe le vent agiter les arbres par la fenêtre, et elle se demande si Markus est bien en sécurité dans sa chambre. Alors elle va le voir, l'observe dormir quelques minutes, avant de retourner dans sa chambre avec un verre de rouge, qu'elle sirote toujours en regardant par la fenêtre. Et puis, une fois minuit passé, elle se couche enfin, sort son livre de chevet et reprend sa lecture.

Mais cette fois tout ne se passe pas comme prévu. Elle entend ses pas lourds avant qu'Engel ne franchisse la porte. Elle lève la tête, le toise derrière ses lunettes de lecture et lui demande, tandis qu'il enlève ses vêtements avec des gestes bien trop brusques pour paraître naturels. “ What do you think you're doing? ” “ I'm staying here tonight. And every night after. ” Elle hausse les sourcils. Et de quel droit ? “ And this, it's going to stop right now. ” Svetlana a un rictus et ferme son livre, avant de le poser sur sa table de chevet. Elle ôte ses lunettes et les place sur le livre, mais ne bouge pas du lit. Elle toise son mari, feint l'enthousiasme. “ Oh? You finally came to your senses? When is our appointment? ” Elle lui lance un sourire hypocrite, doutant sincèrement qu'il ait changé d'avis au beau milieu de la nuit. Non, tout ce qui lui importe, c'est son honneur. Et il est entaché s'il ne dort pas dans le lit de sa femme.

Non, Svetlana le connait mieux que ça. Sa frustration de ces derniers jours entache légèrement son jugement mais au fond elle sait combien lui aussi doit souffrir de leur séparation, de cette dispute qui s'éternise, et combien elle doit lui manquer autant qu'il lui manque. “ Engel... ” C'est tout ce qu'elle parvient à ajouter, trop fatiguée par ces semaines d'insomnies et de querelles incessantes. Son ton est doux, au premier abord, mais ses traits s'endurcissent à nouveau et la remarque qui suit est bien plus sèche. “ I cannot  accept that you put your pride before your son. I have never been less attracted to you. And I cannot sleep next to a man whose ego is more important than the safety of his family. ”