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@engel von bäume

Svetlana a une petite vingtaine d'années. Il y a deux ans, son père, son frère et son amant sont morts, soufflés par une explosion à Omsk. La tragédie a laissé de nombreuses séquelles, parmi lesquelles, une famille complètement disloquée, déboussolée, isolée. Les repas du soir ne sont plus partagés, et quand ils le sont, c'est en silence. Youri est déjà parti Merlin-sait-où en Russie pour remplir ses missions et oublier le reste. Irina fait mine de ne pas être ébranlée derrière son visage stoïque, mais les silences se font de plus en plus pesants et ses regards de plus en plus absents. Malgré tout, elles continuent de discuter, avec Svetlana, pour se donner de la force, pour tenter de passer à autre chose. Hors de question d'admettre que les choses ne vont vraiment pas bien. Alors elles ont appris à communiquer sans avoir besoin de mots. Une forme de sixième sens qui fait qu'elles sont toujours d'accord et ne perdent pas de temps à se chamailler. A quoi bon ?

Aussi, Svetlana n'a pas rechigné lorsque sa mère lui a parlé de mariage avec un парень allemand, inconnu au bataillon sauf dans son pays où, apparemment, sa famille a une belle situation. Il ne lui reste plus que ça, à Svetlana, y a plus que le mariage pour être quelqu'un et servir à quelque chose. Ça lui plaît pas des masses, c'était pas prévu comme ça. Mais la porte de la Bratva est définitivement fermée. Jamais ô grand jamais elle y mettra les pieds. Ils lui ont suffisamment pris.

Alors elle a accepté, et la voilà quelque part en Allemagne, sur la terrasse d'un immense manoir, un verre d'elle-ne-sait-trop-quoi à la main pour se donner un genre. Elle sent tous les regards sur elle. Ils la scrutent, la décortiquent, jaugent si elle est à la hauteur du fils prodige, sans doute. A ça elle leur répond en haussant un peu plus haut le menton et en se tenant bien droit comme on lui a appris. Puis elle sent sa mère la tirer par le coude et lui montrer au loin un sorcier d'une tête de plus qu'elle et à la chevelure noir geai.

— C'est lui ?
— Hmhm, elle lance un sourire discret et encourageant, mais c'est toujours glacial quand ça vient d'Irina.

Svet arque un sourcil, le toise de haut en bas.

— Il ne vaut pas Nikolai.
— Peut-être que lui n'ira pas mourir sous une bombe ? Allez, va lui dire bonjour.

Alors que Svetlana s'avance vers l'homme qu'on lui promet, elle ne peut s'empêcher de lister tous les défauts qu'elle lui trouve, tout ce qui ferait de lui un bien moins bon compagnon que Nikolai. Sa mâchoire n'est pas assez carrée, sa musculature n'est pas assez sèche, sa coupe pas assez courte, son rire trop gras, ses gestes trop... allemands.

Elle arrive finalement à son niveau au moment où sa conversation avec une autre sorcière s'interrompt. Alors Svet ancre un regard fier dans celui d'Engel Von Bäume.

— Il paraît qu'on doit se marier. J'espère que t'aimes le borsch.

Si son allemand est impeccable, son accent l'est nettement moins.

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@engel von bäume
— Miss Orlov je présume ?

L'homme en face de Svetlana n'a absolument rien de chaleureux ou d'avenant. La sorcière ne sait pas trop ce à quoi elle s'attendait. A rien, pour dire vrai, mais sans doute à un effort, aussi fugace soit-il, pour la mettre en confiance. D'un autre côté, il ne fait que lui rendre sa propre amabilité.

Il est tout près, maintenant, et Svetlana prend le temps de l'observer alors qu'il baise sa main, le visage toujours impassible. Il est jeune. C'est la première remarque qui lui vient à l'esprit. Et si elle aimait la maturité et les quelques rides du lion qui marquaient le visage de Nikolaï, elle doit s'avouer soulagée de ne pas être promise à un sorcier ayant moins d'espérance de vie que le détenteur de la baguette de sureau. Quoi que, cela aurait pu être la promesse d'une liberté plus immédiate. Quand bien même, Svetlana doit bien concéder apprécier l'allure propre et soignée de son futur époux. Une chose en moins à lui reprocher au cours de leurs futures longues années de vie commune.

— Jamais eu l'occasion d'y goûter, répond-il avant de marquer une pause. Je n'ai d'ailleurs jamais eu l'occasion de mettre les pieds dans ton pays. Je ne suis pas sûr que je m'y serai plu. On m'a rapporté que les femmes y étaient aussi froides et flexibles que la calotte glaciaire.

Surprise par la remarque, Svetlana arque un sourcil. Son visage reste de marbre mais le regard qu'elle lui lance aurait pu foudroyer n'importe qui d'autre sur place. Elle n'est pas énervée. Elle n'est même pas piquée par la remarque. Elle a simplement les yeux rivés sur son sourire narquois et elle abhorre ce petit air fier mais elle ne peut pas s'empêcher de sentir son cœur battre un peu plus vite et un peu plus fort parce блин, il lui a suffit d'une seconde et d'une simple remarque pour la gagner toute entière. Après ce court silence où elle tente de digérer sans sourciller le coup de foudre qui vient de faire trembler son monde tout entier, elle finit par lâcher :

— J'aurais dit peut-être même un peu moins...

Son visage aussi glacial qu'il le décrivait se fend d'un petit sourire complice.

— Mais ce n'est qu'une apparence. Seuls certains chanceux ont l'opportunité de découvrir ce qui se cache dessous.

La jeune Orlov se surprend à flirter avec le Von Bäume, mais décide de faire avec.

— On m'a dit au contraire que l'Allemagne était un pays aux mœurs légères et à l'élégance absente... J'espère me tromper, du moins sur l'un de ces deux points.

Il faut dire qu'en Russie, on sait s'amuser en maintenant l'apparence d'un peuple distingué, du moins c'est ce dont tout le monde est persuadé là-bas.

— Est-ce que tu vas m'offrir un verre ?, finit-elle par demander au bout d'un moment, espérant qu'il ne lui propose pas une de ces horribles bières dont ils se gargarisent tant ici.

Plus Svetlana passe du temps avec Engel Von Bäume, plus elle sent son cœur serré contre ses côtes et plus elle déteste l'effet que ce simple allemand peut bien lui faire mais qu'importe, elle est bien incapable de regarder qui que ce soit d'autre que lui en cet instant.

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@engel von bäume
Svetlana entendrait presque la discussion entre le petit ange et le petit diable posés sur ses épaules. Il est allemand, il est grossier et il n'a pas l'allure de Nikolai. Sauf qu'il a l'allure de Nikolai. Il est grand, beau, avec un certain charme et des larges épaules. Il a de la répartie et, ради Бога, elle va l'épouser, qu'il lui plaise ou non. Alors autant se faire à l'idée et laisser tomber les quelques barrières qui résistent malgré tout aux avances peu subtiles de son nouveau prétendant.

— Une apparence hm ? Aux vues de nos noces prochaines, je suis heureux de savoir que je ferai bientôt parti des chanceux et avec une créature aussi charmante qui plus est.

Elle lui jette un regard, hausse un sourcil. Il n'a pas froid aux yeux. Et d'un autre côté, pourquoi l'aurait-il ? Elle est déjà sienne, l'arrangement est établi, ils ne sont que deux pions sur le grand échiquier des conventions. C'est peut-être ça qui l'agace, au fond. Les dés sont pipés. Qu'importe leur petit jeu de séduction, elle finira dans son lit quoi qu'il advienne. Ça enlève une part du charme de leur rencontre. Et pourtant, Svetlana ne peut s'empêcher de le rejoindre dans cet exercice. Elle a beau savoir comment tout ça va se finir, elle ne veut pas simplement d'une union forcée. Maintenant qu'elle a rencontré Engel, maintenant qu'elle le voit, qu'elle lui parle... Elle le veut. Elle veut qu'il soit sien autant qu'elle est sienne. Elle veut qu'il l'aime et qu'ils s'aiment plus fort et mieux que tous les couples qu'elle a pu rencontrer. Il ne faut pas se méprendre, Svetlana n'a jamais fantasmé sur son propre mariage, ni sur ces unions monogames dont les américains aiment tant parler au cinéma. Mais en cet instant, il n'y a que lui qu'elle désire, et peut-être plus que tous les autres hommes qu'elle a pu désirer jusqu'à présent.

— Prépare-toi alors, je doute que tes allemandes sachent y faire comme nous autres en Russie...

Pleine de clichés peu reluisants sur l'Allemagne, Svetlana est persuadée que les mœurs légères de l'outre-Oder sont grossières et vulgaires, alors qu'en Russie, on sait s'amuser avec subtilité. Il s'agit bien sûr d'une vue de l'esprit qu'elle n'est pas prête d'admettre. Quoi qu'il en soit, elle espère aussi qu'Engel saura lui montrer l'hospitalité allemande sous un autre jour.

— Tu ne me feras pas croire que tu as passé toutes ces nuits froides sans personne pour te réchauffer ?

Elle lâche un rictus. S'il ne s'agissait pas de lui, elle prendrait un air emprunté et s'offusquerait qu'on remette ainsi en cause sa vertu, parce que c'est ainsi qu'Irina lui a toujours dit qu'il fallait se comporter. Mais elle n'en a que faire, parce qu'il n'y a rien de plus ennuyeux qu'une vierge effarouchée. Ce n'est visiblement pas ce qu'Engel cherche non plus, un nouveau point sur lequel ils sont en accord.

— Ne t'inquiète pas pour ça. J'ai rarement eu froid à Doubovka...

Elle lui lâche un clin d'œil et agrippe le bras qu'il lui tend pour l'escorter jusqu'au bar - il est musclé, juste ce qu'il faut.

— La bouteille ? Tu penses vraiment qu'il faut que je sois saoule pour accepter de t'épouser ?

Svetlana n'est pas certaine qu'une bouteille entière suffirait à la rendre ivre, cela dit, ayant pas mal de pratique derrière elle. Elle jette un regard autour d'eux et croise quelques visages qui se détournent aussitôt. On les observe, bien sûr, avec une vague inquiétude connaissant leurs deux caractères. L'idée lui arrache un sourire et elle reporte enfin son attention vers Von Bäume.

— Cette vodka est produite par un de mes cousins, l'informe-t-elle en saisissant une bouteille, très probablement rapportée par son côté de la famille. Généralement, on l'utilise pour tester les nerfs des jeunes soldats...

Elle se rappelle avec un nouveau sourire, la fois où elle avait épaté la tablée de généraux et hauts gradés au bar de Volgograd, en terminant une de ces bouteilles sans sourciller - bien sûr, elle avait été malade toute la nuit qui avait suivi cet événement, mais l'honneur était sauf.

— Que dis-tu de mettre notre union à l'épreuve ? Une question par verre, un gage pour celui qui ne peut plus continuer ? Et pas de triche, bien sûr...

Ça pourrait être un motif d'annulation du mariage.

Flashback #2 Le mariage

Si on avait dit à Engel quelques mois plus tôt qu'il serait aussi impatient et excité le jour de son mariage, il aurait ri à gorge déployée. Et pourtant. L'allemand avait eu du mal à tenir en place, il avait tapé du pied un peu plus à chaque minute l'éloignant de son union.

Oui vraiment, personne n'aurait cru que le coureur de jupon, l'insolent, le fauteur de trouble d'Engel Von Bäume serait aussi heureux de devenir le mari de quelqu'un. Mais pour lui, ce n'était pas n'importe qui. C'était Svetlana Orlov, bientôt Svetlana Von Bäume et depuis qu'ils s'étaient rencontrés, que l'allemand avait eu un véritable coup de foudre pour la russe, qu'ils avaient passé du temps ensemble, depuis le premier regard il était tombé amoureux d'elle et chaque moment passé avec elle n'avait fait qu'amplifier ce sentiment.

Le Von Bäume lui même ne s'était pas attendu à ce qu'elle lui fasse un tel effet. Il avait toujours envisagé le mariage comme quelque chose qu'il devait faire, une obligation à laquelle il allait se tenir, il n'aurait jamais cru que le jour de son mariage serait celui où il pourrait s'unir à celle qu'il considérait déjà comme la femme de sa vie.

Les quelques mois entre leur rencontre, les fiançailles officiels – Engel n'ayant apparemment et à la surprise générale pas fait fuir sa belle famille avec son attitude – et le mariage avaient été passé par des rencontres officielles et chaperonnées par leurs parents et par des rencontres plus discrètes aux détours d'un couloir ou d'un bosquet. Il avait entrepris, avec parfois l'aide de son frère, de voir sa future épouse dès qu'il en avait eu l'occasion sans le regard désapprobateur de sa famille ou de celle de Svetlana. Ils s'étaient rapidement embrassés, rapidement enlacés et étaient même tombés assez rapidement dans les bras l'un de l'autre.

Et il ne pouvait pas être plus heureux. Il avait décidé assez rapidement qu'elle était faite pour lui. La douceur de ses baisers, son humour franc, sa personnalité sauvage et passionnée. Durant ces quelques mois, ils s'étaient découverts, ils s'étaient amusés, ils s'étaient aimés et ils s'étaient disputés avec une ardeur qui avait fait grincer des dents leurs parents respectifs, Il était tout à fait charmé.

Quand il avait – enfin - tenu la main de Svetlana devant leurs familles respectives et la société sang pure allemand et qu'on avait posé sur eux une baguette pour les lier à vie. Qu'il avait aperçu le ruban magique s’entrelaçait, il avait senti qu'il avait trouvé sa place. Plus besoin d'être envieux, plus besoin d'être dans l'ombre de son frère car lui il avait désormais sa femme et elle l'avait lui. Il avait senti son cœur battre à en rompre ses cotés quand il avait senti sa magie et la sienne se mélanger et depuis il pouvait sentir comme une cordelette lui tirait un petit point près du cœur pour rejoindre le même point sur sa nouvelle épouse.

Aussi quand on lui avait dit qu'il pouvait embrasser sa nouvelle épouse, il s'était empressé de l'attraper fermement par la taille et de la faire basculer pour l'embrasser si fougueusement que Wolfram avait du se racler la gorge pour qu'il daigne la relâcher.

Désormais assis cote à cote à table à regarder leur famille, il avait du mal à se détacher d'elle. Il passait le plus clair de son temps à poser son bras contre sa taille, sur ses épaules, à se pencher vers elle pour lui murmurer des blagues, remarques et propositions indécentes à l'oreille.

« Je ne te propose pas de refaire ton petit jeu des shots, je compte être éveillé toute la nuit et non pas bavant sous la table comme la dernière fois. » il lui dit en lui faisant un petit clin d’œil suggestif.

Il se rappelait avec presque bonheur le premier jeu qu'ils avaient fait ensemble. Il se rappelait surtout de comment Svetlana l'avait réduit à néant, n'avait pas flanché alors qu'il avait presque basculé de sa chaise tant l'alcool commençait à lui monter à la tête. Elle avait bien entendu gagné et le fait que cela ne touche pas à son égo et ne le rende que plus admiratif de la russe, lui avait fait penser pour la première fois qu'il l'aimait. Ce sentiment s'était fait connaître si tôt que cela l'avait pris par surprise mais il n'avait jamais reculé depuis. Même s'il avait fini le lendemain matin avec une gueule de bois si carabinée qu'il avait passé deux bonnes heures avec la tête sur la table de la salle à manger avant de décrocher un seul mot.

Il fait un signe de la main à un des elfes de maison, devrait il même dire son elfe de maison puisqu'il était prévu qu'il lui appartienne désormais, un des cadeaux de mariage de ses parents. Quand l'elfe apparaît à ses cotés, il lui ordonne d'aller leur chercher une part de gâteau. Puis se tournant vers sa nouvelle épouse, il lui saisit la main pour y déposer un baiser avant de lui murmurer : « J'ai entendu parler d'une tradition moldue après les mariages, un voyage pour les deux époux. Et même s'ils ont en général des idées plutôt bas de plafond, j'ai trouvé l'idée formidable pour nous. Ça te dirait, un voyage rien que tous les deux ? En Russie peut-être ? A moins que tu sois tentée par une autre destination ? »

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@engel von bäume
Deux ans en arrière, Svetlana aurait imaginé son mariage bien différemment. En commençant par le marié, bien sûr. C'était toujours Nikolaï, ça aurait dû être Nikolaï. Et il y aurait eu son père, et son frère, et tous leurs collègues de la Bratva. Un mariage traditionnel russe, bien sûr, avec de la vodka qui coule à flots - pour ça, sa famille ne s'était pas gênée - et sûrement que ses parents l'auraient enlevée, comme le veut la coutume, pour distraire les invités. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il se passe ainsi, en Allemagne, avec une grande majorité d'inconnus et des traditions qui ne sont pas les siennes. Et surtout, jamais elle n'aurait imaginé en être ravie. Ravie de ce mariage arrangé, dans lequel elle s'était jetée en désespoir de cause, faute de pouvoir aider sa famille autrement. C'est par dépit qu'elle avait prit un portoloin pour l'Allemagne, et avec un grand sourire qu'elle accepte d'y vivre pour le restant de ses jours.

Svetlana jette un regard à son époux, assis à ses côtés à la table des mariés. Engel est tout ce qu'elle n'imaginait pas. Bien loin de la simplicité grotesque qu'elle affublait aux allemands dans son imaginaire, il est insolent, tapageur, drôle, charmant, provocateur, outrancier. Il est tout ce qu'elle a toujours fait semblant de mépriser, et tout ce qui l'attire malgré elle.

Sa main délicate se pose sur celle plus robuste du Von Bäume. La sensation nouvelle, étrange, d'une magie différente qui coule dans ses veines, qui se mêle à la sienne, est exaltante. C'était sans doute ce qui l'effrayait le plus, dans l'idée du mariage. Le fait de lier ses pouvoirs à quelqu'un d'autre, pour le meilleur et pour le pire. Elle n'a jamais supporté de dépendre de quelqu'un. Ni de son père, ni de son frère, encore moins de Nikolaï. Elle a mis bien plus de temps à se faire une place à la Bratva, parce qu'elle était une femme. Il a fallu que les hommes de la maison pavent le chemin pour qu'elle puisse y trouver sa place, avant que tout dégénère. Depuis, il lui est rapidement apparu que la société dans laquelle elle vivait faisait tout pour que sa liberté n'en soit jamais une. Or, Svetlana vit pour être libre. Libre de ses décisions, libre de ses actes. Le mariage est par essence une corde qui la lie à un autre sorcier pour toujours. Et pourtant, même si elle sent cette corde qui la maintient fermement attachée à Engel Von Bäume, elle n'a plus peur. Elle sait qu'il est son égal, et peut-être même qu'il lui correspond bien plus que Nikolaï à l'époque.

Leurs quelques entrevues, plus nombreuses que leur familles respectives peuvent imaginer, lui ont donné suffisamment de matière à penser qu'elle avait trouvé l'homme de sa vie et que, peut-être - et cette idée l'effrayait - les événements à Omsk l'avaient menée ici pour une bonne raison. Engel et elle s'étaient déjà disputés aussi passionnément qu'ils s'étaient aimés. Jamais rien ni personne ne l'avait fait se sentir plus vivante que ce sorcier.

— Je ne te propose pas de refaire ton petit jeu des shots, je compte être éveillé toute la nuit et non pas bavant sous la table comme la dernière fois.

Svetlana sourit, se remémorant la scène avec on ne peut plus de détails. Sa pathétique et prévisible défaite aurait pu la rebuter mais, bien au contraire, la sorcière songe que c'est à cet instant, au moment où l'homme n'était plus capable d'aligner deux mots sans perdre le fil, qu'elle avait su qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Qu'avec lui, aucun défi ne serait pas relevé. Que plus jamais elle ne s'ennuierait.

Elle croise le regard de sa mère, au loin, qui lui demande d'un geste de la tête si tout va bien. Elle est si loin de se douter de leur sujet de discussion, alors Svetlana laisse échapper un rictus en acquiesçant.

— Peut-être que ce soir tu pourrais me proposer un jeu auquel tu as au moins une chance de gagner...

Elle se tourne à nouveau vers son mari, arque un sourcil provocateur.

Puis son attention revient à la fête, tandis qu'il ordonne quelque chose à leur futur elfe de maison. Les convives semblent s'amuser, du moins tout autant qu'on peut l'espérer à un mariage. Les synergies entre leurs deux familles sont pour le moins distrayantes. Ses cousins sont déjà en train de descendre des litres de bière avec des Von Bäume qu'elle ne connait pas encore. Sa pauvre mère ère avec un sourire factice près du buffet. Depuis la mort de son mari, elle n'est plus la même. Elle a perdu cette flamme qui la rendait aimée de tous. Heureusement (?) Wolfram, le frère d'Engel, vient lui tenir compagnie.

— J'ai entendu parler d'une tradition moldue après les mariages, un voyage pour les deux époux. Et même s'ils ont en général des idées plutôt bas de plafond, j'ai trouvé l'idée formidable pour nous. Ça te dirait, un voyage rien que tous les deux ? En Russie peut-être ? A moins que tu sois tentée par une autre destination ?

Svetlana se tourne vers son époux, agréablement surprise par cette proposition. Ses yeux se froncent légèrement à la mention de la Russie.

— Juste tous les deux ?

Il faut dire que depuis leur rencontre, ils doivent se cacher comme deux adolescents pour avoir une bribe d'intimité. L'idée de pouvoir passer quelques jours loin de tout la séduit complètement.

— J'aime cette idée. Mais pas en Russie.

La Russie est pour l'instant bien trop liée à son passé, à des souvenirs qu'elle préfèrerait oublier.

— Mais on y ira plus tard. Promis. J'ai... Juste besoin de prendre un peu de distance avec tout ça... Que dis-tu de la Norvège ? J'ai entendu dire qu'ils étaient aussi glacials en apparence que nous autre les russes. Mais on sait très bien ce qui se cache derrière.

Et puis, il faut aussi l'avouer, les paysages ont l'air somptueux. Et Svetlana n'a jamais quitté la Russie avant de venir s'installer en Allemagne.

Engel laisse échapper un rire tonitruant à sa réflexion qui fait tourner vers lui le visage de sa mère ne pouvant s’empêcher de secouer la tête face à l'attitude bruyante – mais habituelle – de son plus jeune fils. Un jeu auquel il aurait une chance de gagner, il pouvait en imaginer plusieurs et ils nécessitaient tous très peu de vêtement pour sa jeune épouse et lui-même et il ne peut s’empêcher de lui en murmurer quelques uns au creux de l'oreille avant de faire descendre légèrement sa main pour qu'elle se dépose sur l'une de ses cuisses.

De son autre main, il attrape la part de gâteau que Jingle, leur nouvel elfe, vient de lui apporter puis le dépose entre sa femme et lui avant d'en prendre une bouchée et de donner l'autre cuillère à Svetlana.

« Juste tous les deux oui. A moins que tu aies envie d'emmener ta mère avec nous mais elle risque de ressortir de ce périple choquée pour le reste de sa vie. »

Engel devait avouer avoir hâte que sa belle famille mette les voiles, le jugement d'une seule famille à la fois était déjà bien suffisant.

Il avait appris depuis longtemps de nombreuses méthodes pour éviter de tomber sur sa famille pendant des jours. La taille massive du manoir l'aidant fortement dans cette mission et les quelques passages secrets encore plus. Il n'y avait vraiment que Wolfram qu'il cherchait à voir de manière volontaire. Celui-ci avait d'ailleurs eu la très bonne idée d'offrir aux jeunes mariés un appartement leur permettant lorsqu'ils le souhaiteraient d'avoir un peu d'intimité. Il était cependant certains qu'ils ne pourraient pas y emménager de manière permanente. Telle était la vie des sang purs de ce pays, la famille devait passer avant tout et la taille des manoirs familiaux permettait tout de même d'être relativement tranquille.

Il leva légèrement un sourcil face à la réponse de Svetlana. Il n'avait pas encore eu le détail de ce qui s'était passé en Russie pour précipiter leur mariage. Elle lui avait vaguement donné le nom de Nikolaï, avait vaguement parlé de son frère mais il n'avait pas réussi à lui arracher d'autres réponses et s'était contenté de se dire qu'elle lui parlerait lorsqu'elle en aurait envie. Engel n'avait aucune intention de forcer sa femme à faire quoi ce soit pour lui ou pour quelqu'un d'autre. Il était cependant d'une nature très curieuse et ne manquerait pas d'essayer de ramener ce sujet sensible sur le tapis lorsqu'il sentirait le moment opportun. Que cela soit dans cinq minutes ou dans vingt ans.

« La Norvège, hum ? » demande t'il en laissant quelques secondes son regard se balader dans la pièce. « Puisque tu seras là pour m'éviter de geler pendant la nuit, je n'ai aucune objection. » Ajouta t'il avec son sourire le plus charmeur. Mais alors qu'il s’apprêtait à faire remonter un peu plus sa main sur la cuisse de sa femme et de lui proposer de partir des demain matin, il eu la mauvaise surprise de sentir des doigts manucurées se poser sur son avant bras.

Tournant un regard surpris vers la main, il remonta son regard jusqu'à voir le grand sourire de Yetta Kaufmann. Sourire tout à fait faux, tout comme les ongles et la couleur de ses cheveux. Il en savait quelque chose pour avoir vu la demoiselle nue à plusieurs occasions. Elle avait été amusante, quelques temps mais avait une personnalité à refroidir un ours polaire. Lorsque sa main commence à se balader sur son avant bras dans une caresse agaçante, il lève un sourcil vers elle alors qu'il peut déjà sentir son tempérament volatile monter en lui alors qu'elle se penche pour lui murmurer à l'oreille en allemand qu'il ne doit pas hésiter à lui rendre visite prochainement.

Le jeune allemand ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit rire méprisant face à la proposition de la jeune femme. Qu'elle lui propose était une chose, qu'elle le fasse en plein milieu de son repas de mariage alors que sa jeune épouse est à coté de lui en est une autre. Il lâche un peu trop brusquement la cuillère qu'il tient à la main et la fusille du regard pour le peu de respect qu'elle vient d'avoir envers sa femme. Aussi, répond t'il en anglais afin que Svetlana puisse en entendre chaque mot :
« Pourquoi est ce que je m’intéresserai à toi alors que je viens d'épouser la femme parfaite pour moi ? »

Engel, pour tout coureur de jupons qu'il a été, n'a jamais aimé une femme aussi rapidement et passionnément qu'il aime sa nouvelle épouse et même si cela pourra lui être difficile, il est tout à fait prêt à garder sa promesse de fidélité envers elle si c'est ce qu'elle veut de lui. Il lui offrira tout ce qu'il est capable de lui donner si cela signifie qu'elle restera heureuse à ses côtés jusqu'à sa mort.

Laissant un regard plein de jugement en regardant de bas en haut l'intrus, il ajoute d'un ton narquois et il doit l'avouer méchant dans un murmure : « Nous avions été clairs dès le début, Yetta. Nous passions du bon temps ensemble rien de plus et même pour ça tu n'as jamais vraiment été à la hauteur. »

Le jeune marié ne s'était après tout pas caché de ses aventures auprès de sa future épouse, ils en avaient même rigolé lorsqu'il avait pu lui raconter quelques péripéties un peu cocasse, notamment des tentatives de fuite afin d'éviter d'être pris la main dans le sac par la famille – parfois le ou la conjointe.

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@engel von bäume
Des murmures à faire rougir la matriarche Orlova se glissent dans son oreille, lui arrachent un sourire, tandis que ses yeux passent d'un convive à un autre. S'ils savaient. La main de son époux se fraye un chemin sur sa cuisse. Elle le laisse faire, appréciant le contact, s'amusant de devoir encore dissimuler la passion qui les anime aux yeux du reste du monde. Comme s'ils étaient en faute. Comme si c'était anormal pour deux jeunes époux de laisser libre cours à leurs émotions. Qu'ils sont tristes, tous autant qu'ils sont. Qu'ils sont ennuyeux avec leurs faux semblants. Avec leurs mariages arrangés sans saveur. Avec leur teint cireux et leurs robes monotones.

Son regard glisse finalement vers la part de gâteau qu'Engel a placée entre eux, et elle se saisit de la cuillère qu'il lui tend. Elle prend une bouchée de cette pâtisserie trop sucrée - mais c'est comme ça qu'on les aime, en Russie - et se ravie un peu plus d'avoir épousé un sorcier qui croque la vie à pleine dents, et qui la poussera toujours à faire de même. Elle ne supporterait pas de jouer les potiches silencieuses aux côtés d'un de ces hauts-gradés prétentieux. Et peut-être qu'elle aurait été triste, aux côtés de Nikolaï, peut-être qu'elle n'aurait pas supporté jouer au jeu silencieux de sa mère, éternelle impuissante dans les décisions de la famille.

— Juste tous les deux oui. A moins que tu aies envie d'emmener ta mère avec nous mais elle risque de ressortir de ce périple choquée pour le reste de sa vie.

Svetlana laisse échapper un nouveau rire de ses lèvres. Hors de question de faire venir sa mère avec eux. Elle se languit bien trop de passer du temps seule avec son époux. Loin des regards intrusifs, loin des remarques désobligeantes.

Mais c'est à cet instant que Svetlana réalise qu'elle ne verra plus souvent sa mère. Instinctivement, ses yeux cherchent les siens dans la foule. Irina a le visage baissé, un fin sourire poli accroché aux lèvres tandis qu'elle feint un quelconque intérêt pour les paroles de Wolfram. Elle est triste, ça ne fait aucun doute. Elle aussi, elle sait. Et si Svetlana sent son cœur se serrer, elle éprouve malgré tout un soulagement coupable à l'idée qu'elle puisse enfin laisser la Russie et tous ses souvenirs derrière elle.

— La Norvège, hum ? Puisque tu seras là pour m'éviter de geler pendant la nuit, je n'ai aucune objection.

Un voyage est tout ce dont elle a besoin. Partir loin, prendre l'air, oublier tout le reste. Alors elle s'accroche à cette idée en même temps qu'elle pose sa tête sur l'épaule de son mari. Elle sent les muscles de son bras se raidir légèrement, alors elle relève la tête, voit que le Von Bäume a l'attention tournée vers une jeune femme à sa droite et se penche pour mieux voir de qui il s'agit. Une sorcière qu'elle n'avait jamais vu pour le moment, ses mèches de cheveux jurant avec ses racines, des longs cils que la nature n'aurait su lui prodiguer et des serres aux couleurs affriolantes agrippées au bras de son mari. Elle lâche un rictus, surprise et presque admirative devant l'audace de cette personne.

— Pourquoi est ce que je m’intéresserai à toi alors que je viens d'épouser la femme parfaite pour moi ?

Sourire toujours au coin des lèvres, Svetlana observe la scène avec amusement, comme si elle était aux première loges d'un spectacle des plus divertissants. Elle passe une main sur celle d'Engel, toujours posée sur sa cuisse, et la serre légèrement.

— Nous avions été clairs dès le début, Yetta. Nous passions du bon temps ensemble rien de plus et même pour ça tu n'as jamais vraiment été à la hauteur.

La jeune femme a l'air de s'être pris une claque en pleine face. Visiblement vexée par la remarque, son regard croise celui de la nouvelle mariée. Svetlana lui sourit avec cette bienveillance feinte dont elle a le secret et lui lance :

— Ma chère, si vous souhaitez vous glisser dans les draps d'un homme marié, il faut être à même de vous mesurer à sa femme également.

La sorcière regarde Svetlana sans comprendre où elle veut en venir. Ses yeux vont d'un époux à l'autre, jusqu'à ce que la Von Bäume finisse par décréter.

— Malheureusement vous n'êtes pas à mon goût, et sans doute trop simple d'esprit pour faire l'affaire.

Elle lui lance un sourire mielleux et Yetta finit par s'en aller, légèrement mal à l'aise après la remarque et sans doute toujours aussi vexée. Pourtant pour Svetlana il ne fait aucun doute que si une femme veut devenir la maîtresse d'un homme, elle devrait être suffisamment perspicace pour comprendre qu'elle finira confrontée à l'épouse d'une manière ou d'une autre, que ce soit parce qu'elle finira empoisonnée, ou parce qu'elle ne peut espérer s'immiscer dans les draps d'un couple sans en satisfaire les deux partis. La regardant s'éloigner de la table des mariés, Svetlana glisse à son époux.

— J'espère que tu choisiras tes amantes avec plus de soin à l'avenir.

Elle lui lance un clin d'œil. Elle connaît son mari, peu importe le temps qu'ils ont pu passer ensemble. C'est un séducteur. Il aime plaire, autant qu'elle aime plaire. Svetlana sait qu'il peut bien avoir toutes les meilleurs intentions du monde, il serait malheureux de ne pas pouvoir satisfaire tous ses désirs. Elle ne compte pas l'en empêcher. Elle a suffisamment confiance en lui, et en eux, pour savoir qu'elle sera toujours sienne. La plus importante, celle sans qui il ne pourrait vivre. Les autres, ce ne sont que des amuses-bouches. Tant qu'elle reste le plat principal, elle n'y voit aucun inconvénient.

Flashback#3 la dispute

La vie avait suivi son cours dans la nouvelle famille Von Bäume. Et Engel devait avouer qu'il n'avait jamais été aussi heureux que depuis son mariage avec Svetlana. Il avait désormais une femme et quatre merveilleux enfants, un avenir prometteur. Tout n'avait pas été parfaitement rose, le patriarche de la famille était mort et Wolfram lui avait succédé, sa mère avait quitté le pays dévastée par le décès de son époux. Mais Engel avait eu le plaisir qu'on lui dépose dans les bras à quatre reprises le fruit d'une union parfaite avec sa femme. Et il devait avouer avoir versé une larme à chacune de ces occasions tant il avait été heureux de ce changement dans sa vie. Valeska avait été la première et il avait découvert en regardant ses petits yeux s'ouvrir sur le monde qu'il n'avais jamais connu un amour aussi profond dans toute sa vie. Même Svetlana qu'il aimait pourtant si fort que cela lui faisait parfois mal. Non ces enfants – et surtout Valeska – étaient vraiment devenus la lumière de sa vie. Valeska avait aujourd'hui 11ans, Niklas 9 ans, Anya et Markus 5 ans et Svetlana et lui avait décidé d'un commun accord que malgré tout l'amour qu'ils avaient pour leurs enfants, il n'y en aurait pas d'autres.

Le départ de Valeska pour Durmstrang avait pourtant mis un petit coup au cœur du père qui avait choyé chaque pas de sa fille depuis sa naissance et qui la voyait s'éloigner d'eux et grandir. Tant et si bien que l'idée d'un cinquième enfant avait réussi à s'immiscer dans son esprit pendant quelques instants.

Puis, il s'était rappelé qu'ils devaient déjà gérer les deux boules d’énergie chaotique qu'étaient les jumeaux – surtout Markus. Et qu'il devait gérer les disputes de ses enfants qui avaient tendance à se chercher des poux pour le plaisir – surtout Markus. Il s'était rappelé de toutes les fois où le bambin avait sauté du haut de l'escalier pour lui tomber dans les bras par surprise, de sa mauvaise manie de mettre les mains dans chaque chaudron chaud ou non, chaque bocal quelqu'en soit le contenu. Qu'il prenait plaisir à s'éloigner dans la foret qui longeait le manoir pendant des heures et revenait couvert de bleus et de blessures diverses. Il se rappelait aussi qu'il n'avait pas hésité à grimper toute en haut de l'énorme saule du jardin et qu'il avait choisi de descendre en se jetant directement de sa position. Résultat, un bras cassé, une concussion et pratiquement une crise cardiaque pour Engel. Le père adorait son fils, le trouvait hilarant, voyait en lui tant de points communs avec lui même mais surtout avec sa femme. Mais si Engel mourrait d'un infarctus à 50ans, cela serait en quasi totalité à cause des mini crises cardiaques que Markus lui provoquait depuis sa naissance. Et il n'avait pour l'instant que 5ans.

Aussi, il pouvait comprendre pourquoi Svetlana tenait à le faire examiner à l’hôpital pour savoir si quelque chose n'allait pas avec lui.

Mais Engel fier, obstiné et complètement dans le déni refusait de croire que son fils ait un problème. Non, son fils était parfait. Boys will be boys. Il avait seulement une énergie débordante, merci bien. Cette dispute – qui était bien bien loin d'être la première – durait depuis des semaines avec des hauts et des bas. Si bien qu'il était persuadé que s'il continuait à dire non, Svetlana amènerait elle même sans le prévenir l'enfant à l’hôpital.

Cette querelle ne semblait pas vouloir se tarir et chaque nouvel ennui, chaque nouveau problème venait se tasser sur le précédent. Les deux membres du couple ne semblaient pas vouloir démordre de leur position mutuelle et chaque chose insignifiante était devenue cause d'une nouvelle tension, d'une nouvelle dispute, de nouveaux cris. Tant et si bien que pour la première fois de son mariage, Engel avait été élire domicile dans une autre chambre que celle de sa femme. Dans laquelle il boudait chaque nuit en se disant qu'elle craquerait la première et viendrait le rejoindre. Pour l'instant, ni l'un ni l'autre n'avait bougé et il sentait en lui comme un manque qu'il n'arrivait pas à contenir. Il la voyait tous les jours, il mangeait avec elle et les enfants tous les jours mais leur relation était de plus en plus tendue et le poussait à quitter précipitamment les lieux en la foudroyant du regard. Wolfram avait été d'abord amusé par la situation, puis sans doute inquiet par l'idée que cela ne se termine d'une manière catastrophique et qu'il se retrouve avec un Engel déprimé et seul sur les bras, il avait été parler tantôt à son frère tantôt à sa belle sœur en espérant les faire bouger de leur position.

Le mari devait avouer que sa femme lui manquait. Que la prendre dans ses bras lui manquait, que l'embrasser lui manquait, que pouvoir discuter avec elle de tout et de rien lui manquait. Il avait obstinément essayé au début d'aller voir ailleurs pour se changer les idées – puisque la chose avait de toute manière était convenue dans leur couple, chacun pouvait aller voir ailleurs puisqu'ils savaient tous les deux qui était le seul amour de leur vie. Mais cela avait été un échec, il n'avait pas spécialement apprécié et était revenu au manoir encore plus boudeur et décontenancé.

Aussi, assis dans un fauteuil près de la cheminée avec un verre à la main et les bras définitivement croisés sur son torse, il foudroyait du regard les bûches brûlantes en se disant que ce soir, Svetlana craquerait.

Puis convenu après quelques heures qu'elle ne viendrait pas.

Un peu soul et surtout sa femme lui manquant terriblement, il avait renoncé à une petite partie de son orgueil et avait marché avec ses pas les plus déterminés vers la chambre du couple. Il dormirait là cette nuit un point c'est tout. Qu'elle refuse de lui parler, qu'elle lui tourne le dos, il resterait obstinément là jusqu'à ce que les choses s'améliore. Et s'il devait attendre qu'elle s'endorme pour la prendre dans ses bras, il le ferait.

Ne prenant pas la peine de toquer, il s'agissait après tout de sa chambre. Il passe le pas de la porte avec la tête relevée et le regard fier la défiant de lui dire quoi que ce soit. Puis il procéde avec des gestes un peu brutaux à enlever sa veste, ses chaussures et ses chaussettes.

« I'm staying here tonight. » relevant le regard pour la foudroyer du regard « and every night after. » il ajoute en grinçant des dents. Dans un monde parfait, avec des gens parfaits, il aurait dit à sa femme qu'elle lui manquait et qu'il refusait de passer une nuit de plus sans elle. Mais ce monde n'était pas parfait et Engel ne l'était certainement pas. Et après tout, elle le connaissait suffisamment pour lire entre les lignes.

« And this » dit il en faisant un mouvement énervé entre lui et sa femme. « It's going to stop right now. »