black sheep ft. anastase

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S’il y avait bien une chose que raven détestait au plus haut point, c’était les moutons noirs, les traitres. Pourtant aujourd’hui c’était bien ce qu’elle s’apprêtait à devenir. Elle n’avait plus confiance au père ; ni à mère Imelda qui semblait être complètement aveuglée par la couardise. Elle ne punissait plus aussi violemment qu’avant, lâchait du leste auprès des siens, certainement de peur qu’une révolte éclate et ça : la vampire ne le supportait pas. Elle voyait ces deux êtres qui l’avaient sauvé d’un futur incertain et impur s’engraisser de pouvoir et se cacher derrière leur manoir invisible. Mais où en était la mission divine qui leur avait été confié ? raven ne voulait plus ramener de disciples si c’était seulement pour les voir porter les objets lourds ou servir le thé au goûter. Elle ne savait pas comment faire, elle avait déjà tout essayé : proposer de réorganiser des chasses, des sacrifices, des pénitences avec châtiments corporels mais tout avait été balayé du revers de la main avec la plus grande ignorance et inconvenance. Alors, depuis des mois, la crain, qui avait nourri ce sentiment d’exclusion et d’injustice, avait développé dans son esprit une idée de vengeance et surtout de coup d’état. Evincer tobias et imelda était tant devenu une obsession qu’elle ne dormait ni la nuit, ni le jour. Oppressée par la perte de conviction qui envahissait le manoir et le groupe tout entier, raven se devait de trouver des alliés dans cette histoire ; et le premier en qui elle avait confiance était anastase. C’était un homme farfelu mais intelligent, de qui la jeune femme prenait soin (surtout de ses organes) depuis longtemps déjà. Il allait l’écouter c’était certain.

La sorcière attrapa son éternel kimono en dentelles noir et, l’esprit sombre mais dépourvu de doutes, elle quitta sa tente pour s’élancer dans les couloirs du manoir, totalement transparente dans sa manière d’être. Elle salua, enjouée, les disciples qu’elle croisa sur sa route, se remémorant brièvement pour chacun d’eux, la traque qu’elle avait organisé pour les amener ici ayant, pensait-elle, créé un lien spécial qui l’aiderait dans sa révolte.

Raven arriva finalement devant les appartements d’ana. Elle soupira un bon coup et toqua à sa porte, entrant avant d’avoir entendu une quelconque autorisation comme elle le faisait toujours. Elle inspecta brièvement les lieux du coin de l’œil avant de s’autoriser une pause sur son canapé. c’est moi anastase. La porte était ouverte alors je suis rentrée bien sûr. la legilimens avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas communiqué avec ses confrères et consœurs : ultime preuve que, depuis son plan, elle s’était coupée de presque tout. comment tu vas toi et ta compagnie d’organes ? contents du cadeau qu’ils ont reçu à noël ? un joli (et vulgaire) collier de boules verdâtres et fleuries dans lesquels la jeune femme avait pu rétrécir les points vitaux du sorcier pour qu’il trouve le transport plus accommodant (mais loin d’être esthétique).

Anastase essayait de ne pas trop penser à cette histoire de traître. Il ne voulait pas faire partie de celles et ceux qui allaient fourrer leur nez partout, dans l'espoir de dénicher le Judas. Il estimait que ça n'était pas son rôle, et qu'il aurait été suspicieux de sa part de le faire. De surcroit, ça n'allait pas vraiment de paire avec les dogmes de leur culte ; Jésus avait bien laissé Judas venir à lui, sans chercher à savoir ce qui l'animait. De fait, s'il y avait un Judas parmi eux, Dieu finirait bien par mettre Tobias ou Imelda sur la voie.
Ana essayait de ne pas trop penser à la possibilité que ce soit lui, le traître. Il estimait que ses récents écarts vis-à-vis de l'alchimie n'étaient rien, par rapport à une vraie trahison. De simples petits moments de relâchements, tout au plus. Il espérait seulement que ses autres Disciples se montreraient aussi cléments et n'iraient pas l'accuser pour rien, quand bien même il avait pu se montrer un peu trop sur la défensive.

Aussi, lorsque Soeur Raven débarque dans sa chambre et qu'il sursaute, ça n'est absolument pas parce qu'il avait quelque chose à cacher. Il rangeait simplement les différents journaux sur l'alchimie qu'il avait accumulé depuis des années, histoire que Soeur Mary-Eunice ne tombe plus dessus aussi facilement.
"Décidément, je ne compte plus les fois où j'ai oublié de fermer cette satanée porte..." ronchonne-t-il, en repensant à la fois où c'est Dewie qui avait débarqué, le surprenant en pleine dissection du cadavre d'un autre Adepte... Bon, d'accord, cet incident-là ne l'avait pas aidé à remonter dans l'estime de l'Adepte préféré d'Imelda, mais Ana s'efforçait de penser qu'il n'avait rien à craindre et, que le jour venu, il saurait procurer des explications logiques.

Pourtant, Ana ne semble pas particulièrement indisposé par l'arrivée de la jeune femme. De tous les Disciples, elle était certainement celle avec qui il s'entretenait le plus et y prenait parfois même du plaisir. Il faut dire qu'elle voyageait aux quatre coins du monde, aussi, elle était un puit inépuisable de savoir. Et peut-être qu'en plus de ça, il était celle dont il semblait comprendre le plus les bévues de sa vie d'avant.
Bon, aussi, sur un plan plus concret, il s'entretenait davantage avec elle parce qu'il s'avérait qu'elle était legilimens et qu'il ne voulait pas se mettre dans une position délicate, le jour où elle décidait d'aller faire un tour dans sa tête. C'était sa manière à lui de désamorcer une hypothétique envie de Raven d'aller fouiller dans son crâne. S'il donnait l'impression de tout lui révéler, elle ne songerait pas à aller chercher d'elle-même, et contre sa volonté.
C'est qu'il mettait beaucoup d'efforts à avoir l'air suffisamment ennuyeux et peureux pour qu'on ne le pense pas conspirateur... Autant dire qu'il ne se rendait pas suffisamment compte que ses magouilles du mois dernier allaient lui causer bien des problèmes.

Il réalise alors qu'il n'a pas encore tout dit à Raven, au sujet des récents événements, parce qu'elle était pas trop là en ce moment. Il se dit que c'était le moment de se rattraper, tiens, avant qu'elle mette ses pieds (nus) dans le plat. Et par plat, il veut bien sûr parler de ses organes ronronnant dans leurs bocaux.
"Comment tu vas toi et ta compagnie d’organes ? contents du cadeau qu’ils ont reçu à noël ?" Les yeux d'Ana balayent furtivement la pièce, afin de se rappeler où il avait rangé (égaré) le collier de Raven. Ses blattes avaient développé la mauvaise manie de lui chiper des trucs de temps à autres, pour les ramener dans leur nid, caché quelques part dans les murs ou dans le plafond. Il hausse une épaule, elle-même rehaussée d'un spasme. "Je suppose que oui... Enfin, ils ne sont pas du genre à se plaindre, tu sais..." Une tentative d'humour et un regard un peu penaud adressé à ses bocaux soigneusement alignés sur le rebord de la fenêtre, comme s'il leur faisait prendre l'air (à ceci près que la fenêtre était close à double tour et les rideaux tirés).
"Ça fait longtemps qu'on ne t'a plus vu au Manoir. Je peux faire quelque chose pour toi, ma Soeur?"

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Ça fait longtemps qu'on ne t'a plus vu au Manoir. Je peux faire quelque chose pour toi, ma Sœur ? ces mots résonnaient dans la tête de la jeune femme, mais pas comme une accusation : ana n’était pas du genre à se mêler des ragots de la compagnie ; il était bien trop concentré à ne plus tomber dans ses travers. C’était également pour cette raison que raven était venue (sans frapper à sa porte) le visiter aujourd’hui. Leurs nombreuses conversations au fil des années avaient eu le don de créer ce lien de confiance toujours mesuré entre eux. Et, en ces temps troublés, la jeune femme, convaincue, s’était présentée dans la sombre chambre de son compère pour le persuader et l’amener à penser comme elle. Dans cette démarche, la sorcière se démasquait volontairement mais elle ne faisait pas ça imprudemment : elle saurait sonder le mensonge et la perturbation qu’elle provoquerait dans les esprits déjà maculés d’anastase. De cette façon, elle saurait bien s’il deviendrait un traître à sa propre cause et peut-être se retrouverait-il en danger lui-même, ou pas. raven était tellement certaine de détenir la vérité et la solution dans ce double putsch qu’elle ne pouvait se résoudre à croire qu’un fidèle comme le vampire s’opposerait à ses idées. Et puis, peut-être l’autoriserait-elle à reprendre ses recherches en alchimie s’il l’aidait à monter sur le trône.

La legilimens se baladait dans la pièce d’un air faussement détachée. Elle laissait traîner ses yeux et ses doigts sur les meubles un peu poussiéreux de la pièce pourtant richement décorée. Elle constatait, dans un désarroi silencieux, les nouveaux objectifs des crain de s’entourer de riches et rares objets allant même jusqu’à orner les couloirs de lustres ridiculement gros. Un soupir sournois s’échappa de sa bouche et finalement la vipère lança ses pions. oui j’ai voulu prendre un peu mes distances depuis le pullulant noël que nous avons passé à nous gaver déraisonnablement. elle posa la main sur son ventre en le malaxant, faisant mine d’être malade. l’abondance ne me réussit pas quand elle n’est pas méritée. ; après tout, combien de sacrifices et de bonnes actions le Christ a-t-il accompli pour ne faire qu’un repas avec l’ensemble de ses disciples ?. elle se tourna finalement vers ana pour le prendre de front sommes-nous au moins dignes de toutes ces richesses mon Frère ?
Sa voix tremblait, sa main droite agrippa son châle au niveau de son cœur. j’ai senti la colère du Créateur au travers des pauvres chasses qui suivirent la fête. Il n’approuve plus notre richesse et trouve que mère Imelda possède assez de larbins à sa souche. son poing se serra je ne suis pas là pour attraper des hommes de chambre qui passent leur temps à tenir les parapluies ou à faire les lits des maîtres.

Son regard se fit plus insistant, les yeux se plièrent sous la suspicion et les nombreuses interrogations qu’elle espérait enfoncer dans le crâne d’anastase. qu’en penses-tu ?

Les voir l'un à côté de l'autre fait toujours un drôle d'effet. Autant dans leur attitude que dans leur apparence. Raven a toujours eu ce côté dansant, comme si elle était tout le temps sur le point de perdre l'équilibre, avant de se rattraper avec souplesse, ses pieds souvent nus ne craignant ni le froid du carrelage, ni la rugosité des graviers. Elle avait les bras baladeurs, explorant chaque recoin de la chambre d'Ana, caressant chaque grimoire, peu inquiète à l'idée de caresser une blatte au passage. Son regard va au-delà de ça, il ne balaye jamais le sol, il est toujours perché un peu au-dessus des têtes, dans les airs, comme si elle aspirait à quelque chose de plus haut.
A l'inverse, Ana s'agrippait sans cesse à son environnement, craignant de perdre l'équilibre à cause de sa patte folle et de ses tremblements constants qui lui donnent des airs de téléphone portable sur vibreur en équilibre au bord d'une table. Le corps tendu comme un arc, comme la canne qui lui faisait défaut. Il s'agrippait à ses précieux bocaux, s'agrippait à ce reste de vie en pièces détachées, sans se préoccuper de l'effet morbide qu'il pouvait faire sur son entourage. De même, il s'agrippait avec grand peine au dogme Crain, de peur de basculer (sans pouvoir se rattraper avec autant de légèreté que Raven) dans les bras de ses vieux démons.

La foi de Raven, elle, est bien plus forte et plus stable sans doute qu'il ne le sera jamais. Il en prend conscience une première fois, tandis que la Sœur lui explique avec pitié qu'elle avait préféré se retirer suite aux fêtes de Noël. Ana se souvient pourtant de l'entrain avec lequel elle y avait participé, et qui jurait avec la peine et la contrition avec laquelle elle lui parlait en cet instant. "[...] sommes-nous au moins dignes de toutes ces richesses mon Frère ? -Et bien ma Sœur, je dois vous avouer que ce n'est pas moi qui vais vous forcer à vous empiffrer de la sorte pour les fêtes de la Nativité. Je ne peux moi-même pas avaler un quart de ce que certains ont pu consommer, ce soir-là..." L'amertume est présente, mais elle est bien plus innocente que le discours savamment construit et lancinant de Raven.
Elle ne craint plus de basculer, puisqu'elle avait embrassé la chute.

Ana n'a pas l'habitude de la voir dans cet état ; tout au plus, elle faisait partie des plus exaltés. Mais c'est quelque chose d'autre qui lui fait serrer le poing, qui tend son corps éternellement jeune et habituellement si adroit et souple. "[...] je ne suis pas là pour attraper des hommes de chambre qui passent leur temps à tenir les parapluies ou à faire les lits des maîtres." Ana fronce imperceptiblement les sourcils ; le pire dans tout ça, c'est qu'elle n'avait pas tort. Ana n'avait jamais raffolé la présence d'autant d'Adeptes, papillonnant autour des Disciples les plus puissants ; il se sentait lui-même plus à l'aise avec ses petites blattes. Elles présentaient l'avantage d'être honnêtes, elles.
Aussi, Ana ne se rend pas compte que Raven l'entraîne sur une pente glissante. A ses yeux, elle ne fait que le ramener à la raison, aux principes de base de leur foi et, en ces temps troubles pour lui, il en avait bien besoin. Qui sait, un peu de zèle pouvait le faire remonter dans les sondages.

"Qu’en penses-tu ?" Et, enfin, la touche finale. Ana sursaute, trahissant à quel point il n'était pas encore rôdé à ce genre d'exercice, lui qui se contentait de suivre le mouvement, toujours un peu en arrière, toujours un peu dans l'ombre.
Ses doigts galopent sur la tranche d'un grimoire. Le cœur enfermé dans son bocal s'est sensiblement accéléré, ses poumons aussi battent doucement contre la surface en verre magique. "Et bien ma Sœur, plus que ce que je pense, c'est plutôt ce que je ne pensais pas ; et je ne vous pensais pas si tourmentée par le tournant que prend notre assemblée." Il se met à marcher de long en large parmi le fourbi de sa chambre, les mains enchainées l'une à l'autre dans son dos. "Mais ce que vous me dites me chagrine, puisque ce n'est pas sans me rappeler les déboires de l'Eglise, il y a des siècles de ça..." L'allusion au faste de la papauté, voire même aux Templiers est claire. "Et ça n'est clairement pas pour ça que nous avons signé... Et surtout, je ne veux pas que ce soit ça qui cause notre perte..."

Il soulève finalement son regard qu'il appuie avec gravité dans celui de sa complice. "Qu'avez-vous en tête, ma Sœur ?"

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La foi de raven était si inébranlable qu’elle s’était résolue à la trahison pour pouvoir pleinement la consumer. La perte des valeurs des crain avait été l’élément déclencheur parfait pour dissiper ses doutes ; dès lors la vampire s’était lancée seule dans une croisade sans merci et dissimulée à l’ombre des festins et autres rituels qui servaient davantage à exposer le pouvoir des apôtres qu’à véritablement entrer en communion avec le christ. elle avait tenté de parler de ses doutes à mère imelda et au père tobias mais aucun ne l’avait réellement écouté et accueilli dans sa période de doutes. Dès qu’elle eut compris qu’ils ne lui apporteraient aucune réponse, aucune aide, la jeune femme avait fait le choix d’agir seule. Mais, malgré sa force mentale, le poids du secret commençait à être trop lourd à porter.
Elle n’avait pas choisi le plus courageux des crain pour se confesser ; mais anastase était le seul à avoir son entière confiance. S’il semblait être de son avis, la sorcière demeurait prudente. Elle attendait le moment opportun pour glisser sur ses paroles et lui dévoiler le fin fond de ses pensées ; pour le moment, ana ne paraissait pas saisir l’importance de ses mots, néanmoins, la petite graine commençait à germer dans son esprit ; du moins, c’était ce que la legilimens pensait et pour une fois, elle se trompait. Ne jouant pas de son pouvoir sur son compère pour lui montrer sa toute bonne foi, raven venait certainement de commettre une erreur de calcul qui allait lui coûter très chère. Elle l’observait en silence, le visage toujours ouvert, toujours rassurant. mon Frère, si vous saviez toutes les interrogations que je me pose. Jésus s’est fait homme pour nous sauver et il a toujours vécu simplement ; toute cette abondance que je vois autour de nous ne me donne pas l’impression de le comprendre, ni de partager ce qu’il a pu traverser. Mon esprit est comme brouillé voyez-vous ? ce tourment la touchait réellement. Elle ne pouvait le camoufler plus longtemps et elle espérait de tout cœur qu’anastase soit, lui aussi, percuté par ces questions.
Raven esquissa un sourire rassuré quand elle constata que son ami venait de lui-même au point qu’elle voulait délicatement soulever. Elle porta alors une main à son cœur et l’autre à l’épaule de l’apôtre. vous avez totalement raison. Rien que de penser à l’Eglise se nourrissant de la détresse et de la peur des croyants pour organiser sur eux leur funeste festin me fait peur. J’ai tenté de parler à mère imelda mais je n’ai pas reçu la compréhension que vous me témoignez.

je veux renverser tout ça. Et avec vous à mes côtés, nous pourrons rebâtir ce pourquoi nous avons sacrifié notre mortalité sereine.

Les mêmes mots qu’anastase a répété à la mère et au père quand les crain se sont mis à chercher le traitre dans leur rang. Cherchant à sauver sa peau et à se sortir de la situation délicate dans laquelle raven l’avait plongé, il s’en était aller quérir une audience des plus discrètes pour ne pas que la legilimens se doute de quelque chose.
Pieds et poings liés derrière sa croix, la vampire observait, le souffle court, le vulgaire bûcher qu’on avait installé à la lisière de la forêt, non loin du manoir. Ils étaient venus la chercher dans la nuit, lui avaient lancé un sortilège banal de sommeil et en avaient profité, pour l’emmener se faire juger sur son amas de bois. Son procès se terminait avant même d’avoir commencé. Mais nul besoin de s’y attarder, car elle reconnaissait avoir souhaité rendre son identité véritable à la secte, même si cela signifiait supprimer ceux qui jadis l’avaient sauvé d’une vie de débauche. Raven observait l’assemblée qui se tenait devant elle, personne ne semblait comprendre que tout ceci les mènerait à leur perte. Elle fixa alors anastase et lui adressa l’éternel sourire confiant qu’elle arborait en sa présence. je vous pardonne mon Frère, mais vous, le pourrez-vous ? car le christ ne sauve pas les impies et jamais il ne s’y résoudra.

Si Ana n’avait jamais eu le sommeil profond, cela faisait néanmoins plusieurs semaines qu’il n’arrivait plus à fermer l’œil. Tout avait commencé avec la terrible annonce de Mère Imelda, au sujet de la présence insidieuse d’un traître ou d’une traîtresse parmi eux. Depuis ce triste jour, un lourd voile de suspicion, comme une chappe de plomb, était tombée au-dessus de leur tête, rendant les messes basses suspectes, les coups d’œil en coin douteux. En ces temps de crise intestine, des alliances avaient peu à peu pris forme. Si la plupart des Adeptes s’entendaient et se toléraient, à l’instar d’une grand famille, les affinités s’étaient dessinées plus distinctement, à mesure que les soupçons se déplaçaient d’un vampire à un autre.

Au vu de ses récentes déboires, Ana n’était pas dans une très bonne passe. Entre l’incident avec Dewie, l’échange un peu échaudé avec Mary-Eunice, il avait réalisé que, s’il y en avait un qui pouvait attirer les yeux et les oreilles attentives, c’était bien lui. Après tout, il avait toujours été de nature secrète, discrète et mal aimable, autant de traits de caractère qui ne faisaient pas bon ménage avec cette atmosphère de complot.

Et, tandis qu’il se voyait déjà répondre des accusations infondées de ses petits camarades, c’était Raven qui était finalement venue le trouver, le cœur lourd d’une confession à laquelle il ne s’attendait pas du tout. Sa dévotion mais surtout la confiance qu’elle lui avait accordée n’avait pas laissé Ana insensible, lui dont tout le monde se méfiait depuis toujours. Il s’était senti vu, reconnu digne de confiance et, plus encore, s’était retrouvé dans les inquiétudes de Raven qui ne semblait plus se retrouver, elle, dans le tournant que prenait le Culte.

Alors Ana qui, depuis tant d’années, était resté passif et indolent, était retombé dans ses vieux travers de la recherche éternelle de la vérité et de la droiture. Malheureusement pour lui (et surtout pour Raven), son excès de zèle secret n’a pas fait long feu, lorsque le reste des Douze lui sont tombés dessus pour qu’il réponde de crimes qu’il n’avait pas (encore) commis.
La question avait été dirigée par Mère Imelda; et comme toujours, elle savait s’y prendre avec cet homme qui avait perdu toutes les femmes de sa vie. Aussi, les plans de restructuration de Raven n’ont pas fait long feu dans son esprit, balayés par le charisme de leur leader et mère, franchissant avec fièvre les lèvres décharnées du vampire, qui avoua tout de la trahison de Raven, pour échapper au gibet.

Les Adeptes se tiennent derrière lui, tourmentés et sans doute écœurés par les manigances de leur pair. Ana est planté entre eux et Raven; Imelda lui a laissé quelques instants avec elle, seul à seule, sans doute par pitié, sans doute par punition, pour qu’il affronte yeux dans les yeux celle qu’il avait trahi avec tant de hâte, celle qui aurait pu lui laisser sa place, s’il ne s’était pas montré aussi lâche.
”Je vous pardonne mon Frère, mais vous, le pourrez-vous ?”
Ana lève difficilement la tête vers elle, son regard fuyant peinant à s’accrocher aux yeux illuminés, luminescents de sa Sœur. Si elle semble encore trop sûre de ses convictions pour ressentir quelques douleurs ou quelques peurs, Ana, lui, en revanche, n’a pas besoin d’avoir son cœur dans sa poitrine pour le sentir se serrer dans son bocal.
"Je suis navré, ma Sœur. Mais vous savez comme moi que mentir n’est pas recommandé pour les gens comme nous; comment aurais-je pu servir le Seigneur, si je ne suis même pas capable d’être honnête avec moi-même..." Ses excuses plates ont le fade d’un repas tiède, réchauffé. Il semble avoir répété son discours mécaniquement devant un miroir, afin de se faciliter la tâche.

Et pourtant, pourtant, une question demeure et le tourmente, l’empêchant, une fois encore, de fermer les yeux à la nuit tombée, d’ouvrir les yeux dans ceux de Raven. "Ma Soeur, je voudrais savoir... auriez-vous fait la même chose, si les rôles avaient été inversés?" Il se balance lentement d’une jambe à l’autre, ses maigres épaules rentrées. "Si j’étais venu vous voir, rongé par le doute, mais que vous étiez celle que tout le monde soupçonne, auriez-vous livré mon secret?" Sur son épaule, une blatte crisse doucement, la seule capable d’entendre leur échange qui a des allures de murmures de confessionnal.

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Depuis que Raven avait trouvé la foi et qu’elle avait été sauvée de ses péchés, elle s’était toujours convaincue que son purgatoire, avant de passer les portes de la vie éternelle, serait doux et détaché de tous doutes. Encore une fois elle avait tort. Si sa dévotion paraissait toujours inébranlable alors qu’elle était enchaînée à ce bûcher, la lutte qui se passait dans son esprit la torturait bien plus que les épines qui lui chatouillaient le crâne. Avait-elle bien fait d’abandonner son ancienne vie pour servir une cause qui la condamnait maintenant à mort ? Avait-elle eu raison de renoncer à tout ce qui faisait d’elle une sorcière aimante et investie ? Et la pire question de toutes : avait-elle fait le bon choix en abandonnant la meute car, à l’approche de sa fin, le seul souvenir de ces années passées aux côtés des Greyback lui réchauffaient le cœur autant qu’il lui donnait envie de verser tout un tas de larmes. Elle pensait à Fish, à Fenrir, aux drames que leur trio avait connu et, à cet instant, elle remerciait presque son égarement car, grâce la haine qu’elle leur a démontré, ils ne seraient pas tristes de son trépa.
La quiétude ne faisait qu’aller et venir en cette heure décisive. Et la chaleur des souvenirs disparut quand Anastase, son mouton noir, s’approcha d’elle, la mine toujours froissée, les lèvres toujours pincées, les sourcils baissés comme s’il s’excusait d’être là. La justification qu’il dégueula, presque tremblotant de se faire entendre, n’avait aucun sens pour la legilimens. Elle fronça les sourcils : Mais vous n’avez pas compris mon Frère. Vous ne pourrez plus jamais être en paix avec vous-même après cette décision. et elle y veillerait personnellement. La culpabilité le rongerait car Raven était convaincue qu’au fond de lui, Anastase s’était condamné deux fois : il avait renoncé aux rêves humbles et sacrés des Crain pour profiter de l’abondance ridicule de leur richesse et il avait assassiné la sauveuse désignée, la clairvoyante dont il partageait les visions. Une éternité de fautes est finalement plus sévère qu’une heure dans un brasier ardent.

A sa question, la sorcière laissa son menton tomber contre son thorax. Elle était plus interloquée par son interrogation plutôt que par la réponse qu’elle allait bien pouvoir lui donner. Ils n’avaient vraiment pas la même définition de la dévotion et de l’alliance. Il était évident que nous allions devoir partir en Croisade contre tous ces débordements. Je n’aurai jamais livré un Frère. ; Mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je nous croyais amis, suffisamment pour ne pas utiliser mon don sur vos. Elle ne voulait pas deviner ses intentions, même si cela lui aurait sauvé la vie.

Ce furent là les dernières paroles de Raven Crain. Elle, dont l’amour pour le Christ et son œuvre l’avait placé sur sa croix, elle qui disparut bien avant que les flammes ne l’emportèrent. La Moseley refit surface pour pointer un nouveau couteau contre son cœur. La douce Moseley, innocente, heureuse parmi ses décoctions, plantant sa tente dans les champs de fleurs, distribuant des bouquets de plantes séchées, soignant les cœurs torturés, fidèle aux deux âmes-sœurs qu’elle regrettait d’avoir quitté. Elle ferma les yeux et s’abandonna finalement aux larmes. Elle réclama sa maman, elle réclama Sally, elle réclama Fenrir. Suffoquant, elle murmura auprès d’Anastase, discrète et timide comme l’enfant qu’elle aurait souhaité rester. Je t’en prie ... Quand ce sera terminé, va cueillir des boutons d’or et pose-les au pied du bûcher. Raven tremblait : contrairement à l’adepte qu’elle était, la jeune femme condamnée, elle, se trouvait en vérité effrayée par la mort et n’avait rien pour se raccrocher.
Quand Imelda s’avança à nouveau vers la sorcière, cette dernière resta confuse devant la dureté de son regard. Elle serra les poings et laissa ses pupilles divaguer vers la forêt qui lui faisait face, la même où elle avait affronté ses amis, aveuglée. Elle afficha alors un sourire car devant elle, les douces illusions des caravanes rangées en désordre était en train de la ramener plusieurs années en arrière. Elle se visualisait alors, son calumet au bec, en train d’étendre son linge, la peau chauffée par le soleil. Cette vision était entrecoupée par des regards inquiets vers Anastase. A la vue des torches flamboyantes, elle s’agita soudain et, dans la panique, elle s’esclaffa : Prends ma dernière confession : une confession laïque, pour libérer son esprit, ou pour retarder le moment où elle s’en irait par le feu et pour se donner la force d’affronter la mort.

"Mais vous n’avez pas compris mon Frère. Vous ne pourrez plus jamais être en paix avec vous-même après cette décision." Le visage d’Ana semble se froisser, on entendrait presque ses rides craquer, alors que ses yeux secs peinent à s’humidifier de larmes, malgré le chagrin et la peur qui le prennent en tenaille. Il renifle un air brûlant dans ses poumons vides, gémit d’interminables: "Je suis désolé, ma Sœur" comme si chaque supplique permettait d’enlever un bout de bois, une brindille, de son bûcher.
Ana ignore s’il a jamais été en paix avec lui-même. De son vivant, il en doutait fortement; mais d’un autre côté, il n’avait pas cherché la paix. De son vivant, il avait cherché bien d’autres choses; le savoir, la vérité, le succès peut-être aussi, un peu. La curiosité et la soif inassouvissable de connaissances l’avaient tourmenté, à la manière d’une relation passionnée avec une insupportable maîtresse.
Puis, après que les choses se soient corsées, lorsqu’il avait été transformé en vampire, il a longtemps cru qu’il ne connaitrait plus jamais la paix, du fait de sa nouvelle condition; que la soif de ses débuts, la faim, serait sa fin, et qu’il ne survivrait jamais à ça.
Mais à force de patience, à force d’amour et de prières, Imelda l’avait gardé à lui, et il avait fini par se fondre dans la communauté, dans cette masse puissante et tranquille des Adeptes; dans un quotidien qui avait duré des décennies, dans une routine confortable et aveuglée. Peut-être que ça avait été ça, la paix.

"Il était évident que nous allions devoir partir en Croisade contre tous ces débordements. Je n’aurai jamais livré un Frère. ; Mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je nous croyais amis, suffisamment pour ne pas utiliser mon don sur vous." Ana relève la tête, pour (enfin) croiser le regard de Raven. La confusion rend ses pupilles tremblantes. Il réalise à quel point Raven lui avait fait confiance, et qu’en tant d’années, tant d’existence, il ne pensait plus qu’on puisse en être ainsi capable. Ana n’avait jamais vraiment fait confiance à personne, à sa femme, peut-être, mais là encore, pas sûr, au vu de la compétition scientifique qui avait régné entre les deux époux.
Et, au sein du Culte, il avait toujours été persuadé qu’on se méfiait de lui, à tel point qu’il avait fini par agir en conséquences.
Et pourtant, c’était vers lui que Raven s’était tournée, là où elle aurait pu jeter son dévolu sur n’importe qui d’autre. Ana se souvient de la tiédeur qui avait saisi son palpitant plus très palpitant, lorsqu’il avait écouté sa confession. Il se souvient de la fierté, de l’égoïsme, déplacé, dans lequel il avait enfoui ce secret; un terreau bien dérisoire, quand on sait qu’on n’avait pas eu à lui demander deux fois pour le lui faire déterrer le secret de Raven.

Et, avant qu’il ne puisse réellement s’excuser auprès de sa sœur, il la regarde disparaître, dans la naissance de ses larmes. Dans le froissement de son visage juvénile, dans ses paroles qui deviennent confuses, débordantes de noms qu’il ne connait pas, cherchant au fond de son regard des souvenirs qui ne le regardent pas.
Ana observe Raven disparaître, se noyer dans les sanglots de la jeune femme qu’elle avait été, il y a des centaines d’années, quand lui-même était à l’autre bout du monde, et que celles et ceux qu’elle appelait frères comptaient désormais parmi des ennemis dont il se fichait la plupart du temps.

Il ne réalise qu’à la chaleur qui lui lape les doigts qu’on lui a remis une torche entre les mains, afin de précipiter leur dernier échange. "Prends ma dernière confession." Ce n’est sans doute pas vrai, mais Ana a l’impression que même la voix de Raven a changé, moins claire, presque éraillée à cause de l’émotion, sa gorge étranglée par d’autres secrets qu’elle semble ne plus pouvoir retenir, des secrets qu’elle semble vouloir sauver des flammes, alors même que c’est lui qui tient la torche. Ana, chamboulé, fait un pas vers elle, accrochant son regard, avec soudain plus de facilité, maintenant que l’intransigeante et illuminée Adepte a laissé la place à cette inconnue dans la tourmente. Il pose une main sur son front trempée de sueur: "Je t’écoute, mon enfant."

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TW mort par le feu

La mort de la Crain s’était orchestrée aussi habilement et facilement qu’un tas de cendre se dispersant au grès du vent. L’adepte n’avait jamais craint la mort car sa foi allait bien au-delà de la disparition charnelle. Elle était convaincue, comme des milliards d’autres sur cette Terre, que la Vie Eternelle l’attendait à bras ouverts dans un monde où la souffrance n’avait pas sa place. Cette inébranlable croyance et ce combat qu’elle menait chaque jour pour la répandre autour d’elle avaient été sa force. Maintenant que la vampire était tombée pour laisser place à la jeune sorcière brillante qu’elle était jadis, Raven affichait une mine des plus effrayées. En réalité, la mort et l’oubli lui étaient tout bonnement insupportables et, maintenant que son amour pour la religion s’en était allé, elle ne pouvait plus se raccrocher à rien. Dès lors, la femme se sentait nue, égarée au milieu des ténèbres de la culpabilité. Elle se faisait foudroyer par tous les mauvais choix qu’elle avait fait par le passé : quitter la meute, laisser cet homme mourir pour quelques substances et se laisser aveuglée par une femme.

La bohémienne pleine de vie, d’enthousiasme et d’amour avait laissé place à cette biche terrorisée, si bien qu’elle allait jusqu’à se raccrocher à son bourreau pour assurer son salut dans l’au-delà. Les yeux d’Imelda lui glacèrent le sang alors qu’elle suppliait Anastase de prendre ses dernières paroles. Elle peina à reprendre son souffle et à déglutir car déjà, les larmes avaient pompé toute sa sève. Raven se sentait desséchée, suffoquant sous la pression, sous la brûlure des flammes qui s’avançaient vers elle et qui semblaient la juger. Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits puis commença A quatre lieux d’ici se trouve un bungalow. Bob et Rose Moseley. Ce sont mes parents. Dit leur que je les aime. Dit leur que je suis désolée. Dit leur que j’ai fait quelque chose de ma vie et que j’ai essayé de transmettre ce qu’ils m’ont appris. elle reprit son souffle à moins d’un lieu, il y a un campement, s’il n’a pas disparu. Les Greybacks. elle pleurait davantage. demande vite Fenrir et Sally de la part de Raven Moseley avant de te faire recevoir comme il faut. Demande-leur de me pardonner. Demande-leur de ne jamais se séparer sous aucun prétexte. Car la déchirure était encore trop douloureuse.
Si seulement elle n’avait pas tourné les talons à ce bonheur qu’elle semblait s’être refusée pour ce foutu syndrome héroïque. Si seulement elle s’était contentée de cette vie simple, rythmée par les pleines lunes et les fuites, au lieu de vouloir aller prêcher la parole de l’amour à des gens qui étaient, finalement, aussi égarés qu’elle. Jamais je n’aurai dû partir. conclut-elle.

Quand le silence envahit enfin le champ, Raven tut ses hoquets de peur et se laissa, non sans mal, non sans hésitation, gagner par la sérénité. Elle ferma un moment les yeux, se redressant sur son bûcher et tenta de reprendre un souffle plus régulier. Ses poings se détendirent, ses épaules s’affaissèrent. Imelda et Tobias s’avancèrent vers Anastase, l’invitant, d’un geste de la main, à poser la première flamme, le fixant d’un air de défi, comme s’ils éprouvaient encore des méfiances à son égard, comme s’il fallait qu’il prouve encore sa fidélité aux Crain.
Dans cette terreur, la vampire rouvrit les yeux sur la forêt alentour et alors que la chaleur la gagnait petit à petit, elle crut voir, au milieu des fourrées, l’alpha qu’elle avait connu jadis. Il se tenait là, observant la scène et alors, elle ne se sentait plus seule.

Imelda et Tobias se placèrent derrière la jeune femme, proclamant quelques paroles de l’Apocalypse de Saint-Jean avant, d’à leur tour, allumer le brasier de deux torches. Raven leva sa tête vers le ciel et finalement l’abaissa vers Anastase à qui elle lança un sourire perdu, affectueux.
Elle chantonna : So I'm back to the velvet underground, back to the floor that I love, to a room with some lace and paper flowers. Back to the gypsy that I was. elle soupira To the gypsy that I was …
Les chants laissèrent finalement place à des hurlements de douleur avant qu’un silence lourd de sens envahisse les alentours.

Si Anastase se rappelle avoir été obligé de se confesser, dans son enfance, il n’en garde pas un souvenir très distinct. Il se souvient de la rudesse du petit banc en bois, l’odeur, enivrante, désagréable, du bois et du métal de la grille sur laquelle il pouvait coller son nez, dans l’espoir crédule de distinguer le profil de l’homme d’Eglise de l’autre côté. Il avait alors le degré d’attention d’un enfant, et ne comprenait pas vraiment ce qu’il avait à confier de suffisamment grave au prêtre patientant de l’autre côté: une grossièreté crachée à l’école, une friandise cachée dans ses draps, un livre de sciences volé à la bibliothèque. Il ne se souvient pas non plus que le confier à quelqu’un, un adulte et un inconnu de surcroit, le faisait se sentir mieux.
Mais peut-être que le soulagement était à la mesure du péché commis, se dit-il, tandis qu’il réalise qu’il est désormais de l’autre côté de la grille, collé au visage ruisselant de larmes de Raven.

"A quatre lieux d’ici se trouve un bungalow. Bob et Rose Moseley. Ce sont mes parents. Dit leur que je les aime. Dit leur que je suis désolée. Dit leur que j’ai fait quelque chose de ma vie et que j’ai essayé de transmettre ce qu’ils m’ont appris." Anastase hoche pensivement la tête, s’appliquant à lui donner la sensation qu’il retient ce qu’elle lui dit. C’est la moindre des choses qu’il puisse faire, sans même être certain qu’il aurait le droit d’aller visiter les parents de la jeune femme, fussent-ils encore en vie, la folie et l’insupportable proximité de la fin rendant les fantômes tout de suite plus tangibles. "Ce sera fait, mon enfant," confie-t-il en retirant doucement sa main sèche du front moite de Raven.

Les secrets débordent de la bouche de la vampire qui ne peut plus s’arrêter, déversant comme un ouragan de hoquets, tous ses regrets. "A moins d’un lieu, il y a un campement, s’il n’a pas disparu. Les Greybacks." Elle pleure, Ana fronce les sourcils, tournant subrepticement la tête, pour voir si quelqu’un d’autre l’avait entendue. "Demande vite Fenrir et Sally de la part de Raven Moseley avant de te faire recevoir comme il faut. Demande-leur de me pardonner. Demande-leur de ne jamais se séparer sous aucun prétexte." Anastase baille un peu aux corneilles, ne sachant par où commencer, pour lui expliquer qu’en aucun cas il serait capable de faire une chose pareille, oubliant quelques secondes que ce genre d’honnêteté n’avait pas sa place au milieu de ces déchirantes confessions.

Pendant un très court instant, Anastase a l’impression que Raven, la maîtresse de l’esprit, la legilimens de talent, s’insuffle dans sa tête, une dernière fois, une fois désespérée. Ou peut-être que par un tour de force, là encore, un tour de désespoir, elle l’attire à sa mémoire à elle, puisque pendant d’infimes secondes, Anastase a l’impression d’apercevoir des flashes de sa vie d’avant, de sa vie aux côtés des Greyback. Ce ne sont pas des images distinctes, davantage des sensations qui étreignent son cœur feignant.
"Jamais je n’aurai dû partir." Anastase, bouleversé par ce qu’il venait de ressentir manque d’oublier de lui répondre. "Ne dis pas ça, Raven..." Même s’il semble lui aussi, à cause de la force des souvenirs de sa compagne d’infortune, regretter d’avoir jamais vécu aux côtés de leurs ennemis jurés.

Son champ de vision revient à la réalité, à Tobias et Imelda qui l’invitent à abaisser sa torche. Anastase, confus et malheureux, s’exécute, déposant la gerbe contre un fagot aux pieds de Raven. Puis il se recule sensiblement, toujours à portée de voix, de sa voix à elle, par-dessus les flammes, s’élevant dans les airs à mesure qu’elle chante des vers païens.

Anastase n’est pas resté jusqu’à la fin. Les Crains ont quitté les lieux de l’exécution tour à tour, avant que les cendres ne retombent, que le piquet auquel Raven avait été attachée ne finisse de se consumer et de basculer dans un craquement.
Ils ne sont même jamais retournés aux alentours du bûcher, et n’ont donc jamais pu voir les boutons d’or qui y avaient été déposés; un bouquet grossier, quelques tiges encore accrochées à leurs racines arrachées. Ils n’ont pas senti l’aura pourtant menaçante, l’odeur nauséabonde, du loup qui est venu les déposer. Peut-être parce qu’il n’a jamais été là.
Ou peut-être qu’il l’a été; porté par l’odeur des flammes, l’odeur de son amie et de son âme sœur aux prises avec les flammes. Attiré par les gémissements et un air chantant que le loup se surprend encore parfois à marmonner, tandis qu’il panse les plaies de ses yeux aveugles.

"And it all comes down to you. Well, you know that it does. And lightning strikes, maybe once, maybe twice. Oh, and it lights up the night. And you see your gypsy..."

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