C’était le grand jour. Une croix de plus, cochée sur le calendrier. Depuis quelques mois maintenant, Ollie vivait dans une petite maison dans la banlieue sorcière de Londres. L’endroit était sympa, avec un petit jardin pour permettre à Mulligan de se dépenser et puis ce n’était pas très loin des parcs et autres chemins de courses agréables qu’elle empruntait. Mais à ses yeux, la demeure ne lui paraissait que bien trop grande, seule. Son berger australien et les dizaines de plantes qui s’y accumulaient pour y apporter un peu de vie, mais il fallait bien avouer qu’Ollie se sentait bien seule depuis quelques temps.

Ce n’était pas tant la faute de son équipe, ou bien… Indirectement. La batteuse ne s’était jamais sentie aussi à sa place que parmi ses coéquipiers de Puddlemere United. C’était comme trouver la bonne pièce du puzzle. Elle passait des entraînements exceptionnels en leur compagnie : si elle avait cru pendant un temps avoir franchi un palier parmi les faucons de Falmouth, elle se rendait compte qu’elle avait encore tant à apprendre. Sa vie n’était pas finie, sa carrière n’était pas finie : elle évoluait encore, dans un environnement qui lui était propice. Quand elle rentrait le soir chez elle, après avoir passé une journée aussi excellente, tout lui semblait d’un coup fade. La porte fermée, c’était sa solitude qui revenait en force. Et pour la première fois en 20 ans, être seule lui pesait sur le cœur.

La rouquine ne s’était jamais inquiété de la solitude. Recharger ses batteries nécessitait d’être seule, et ce n’était pas demain la vieille que cela changerait : il lui faudrait toujours du temps loin de tout. Mais partager son existence avec quelqu’un qui importait lui semblait primordial. C’était presque angoissant de voir des anciens camarades se fiancer, avoir des enfants, tomber simplement amoureux. Pour sûr, les enfants étaient bien loin dans sa to-do list, n’en déplaise à sa génitrice – et quand bien même sa carrière viendrait à sa fin, elle n’était pas sûre de vouloir de marmots. Elle était une anomalie, une curiosité qui mettait en avant son travail plutôt que sa propre vie. Et si pendant quelques années, ça avait été parfaitement suffisant, aujourd’hui, elle ne pouvait retenir un pincement au cœur d’être seule, de ne trouver personne avec qui partager ses déboires quotidiens.

Évidemment, elle ne cherchait pas une compagne, chez Alicia. Mais elle cherchait un compère pour elle-même et son berger. Quand elle avait fait part de ses désirs de colocation, la rouquine n’avait pas réfléchi deux fois et avait sauté sur l’occasion. Certes, elle abandonnait sa petite maison pour un appartement, mais après tout, elle n’avait eu le temps d’y créer des souvenirs, ni de réellement s’y attacher. Il y avait même encore plusieurs cartons remplis d’objets jamais déballés depuis son emménagement à la capitale.

Le réveil avait sonné aux aurores ce matin-là. Courir lui paraissait être un formidable échauffement pour le déménagement à venir dans la journée. Son coach lui avait dit de se ménager : après tout, un déménagement n’était pas une mince affaire et était loin d’être connu pour être de tout repos, même pour les sorciers. Elle se sentait pourtant pleine d’une énergie nouvelle après ce footing, comme revigorer – elle regretterait probablement cela dans la semaine d’entraînement à suivre.

Une dernière douche et ses dernières affaires s’étaient retrouvées emballées. Tout le nécessaire de sa vie quotidienne, enfoui dans l’un des sacs que lui avait fourni les déménageurs.

L’avantage d’être un ou une sorcière, c’était de ne pas avoir des centaines de cartons à transporter. Quelques sacs sans fond et le tour était joué. Il ne lui avait fallu que l’aide d'un ou deux déménageurs pour tout organiser en sections et ranger correctement au sein des sacs. Ils lui avaient ré expliqué comment tout ressortir avec soin. C’était au final, quatre ou cinq sacs avec lesquels repartait Ollie. L’un d’eux partait pour un espace de stockage, c’était en grande partie son électroménager, mais aussi d’autres bibelots un peu encombrants que possédait déjà la journaliste.

Le berger australien avait aussi eu le droit à un traitement de faveur. Prendre un portoloin avec un animal était toujours une drôle d’affaire et pour cela Ollie avait deux solutions qui s’offraient à elle : la cage de transport ou le porte-bébé en sac à dos. Une cage et le port de plusieurs sacs lui semblaient difficiles et c’était dans cette optique qu’elle s’était tournée vers le sac à dos pour chien : c’est qu’il pesait son poids avec ses 27 kg de gras, de muscles et de poils. Pour la joueuse de quidditch , c’était trois fois rien, elle avait la musculature pour le porter sans aucun souci. Elle avait glissé deux sacs sur ses épaules, avait laissé les deux autres au déménageur qui l’accompagnait.

En un claquement sonore, les voilà qui descendait doucement dans une ruelle proche de l’appartement d’Alicia.

Ollie avait descendu Mulligan, pour qu’il puisse se dégourdir les jambes. « C’est ta nouvelle maison, Mulli boy ! » Il s’était dirigé à toute vitesse vers le jardin, s’attelant à renifler l’endroit et courir dans tous les sens. Alicia était venue les accueillir dans la foulée et Ollie n’avait pu que sourire. « Merci ! » Ses yeux se posent sur Mulligan, occupé à se rouler dans l’herbe fraîche. « Je crois que c’est la première fois que je le vois comme ça ! » Il était d’un naturel énergique, mais il semblait déjà se faire à l’endroit, ce qui faisait plaisir à la joueuse de quidditch.

Le déménageur qui la suivait posa les deux sacs proches d’Ollie, salua Alicia, avant de prendre congé des deux jeunes femmes après quelques dernières recommandations vis-à-vis des sacs. La rouquine avait hoché de la tête, écoutant avec attention, avant de glisser l’un des sacs entre ses doigts. Il leur avait souhaité bonne chance avant de repartir d’un claquement sonore. « Oh oui ! Heu ... Tu peux prendre le dernier ! Merci ! » Elle avait suivi la jeune femme à l’intérieur de la maison.

« C’est très gentil, merci. » Avec attention, ses yeux s’étaient posé sur les murs de sa nouvelle maison. « Ça fait un peu tout drôle de … Changer d’air. » Elle avait souvent du mal à mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, mais… C’était vraiment étrange de se dire que c’était sa nouvelle demeure, au moins pour quelque temps. « J’avais fait mon premier déménagement toute seule et … Ça avait été une drôle d’aventure. J’te laisse imaginer le temps que ça m’avait pris. » Un rire s’était échappé de ses lèvres au souvenir de ce qui avait été son premier envol. Partir de Falmouth avait été une aventure solitaire, longue et périlleuse. Mais elle n’avait jamais été plus heureuse depuis et ça se lisait sur son visage.

Rentré dans une demeure déjà habitée était un fait tout à fait étrange. C’était mettre un pied dans une intimité déjà créée. Mais Alicia avait fait de la place pour la jeune femme et ça se ressentait. Elle lui en était gratifiante. Un sac avait glissé de ses épaules et elle l’avait posé au sol avec délicatesse. « Tout a été rangé par pièce, on devrait facile s’y retrouver, y’a une liste pour chaque sac. » Elle avait insisté auprès des déménageurs pour tenir une liste plus ou moins exhaustive. Ca lui permettait de savoir où aller où et c’était plus agréable mentalement pour elle. « Tu veux qu’on commence par où ? » Elle était un peu la maîtresse de maison après tout, et de toute façon toutes les pièces allaient devoir y passer. Il fallait bien commencer quelque part.