Callum se souvient encore des funérailles de cette figure paternelle qu’il avait érigée en modèle durant de longues années. Il s’était trouvé ému lors de la procession, bien plus qu’il ne l’aurait escompté ; et lorsqu’on s’était séparé après les phrases de circonstances, le sorcier s’en était retourné chez lui avec une lourdeur cognant contre son torse qui ne l’avait pas quitté jusqu’aux fameuses Battues. Il s’était demandé s’il ressentirait autant de choses à la mort de son propre père et la réponse avait été un non catégorique et quelque peu dédaigneux.

Il s’était retrouvé dans un état second les jours qui avaient suivi la mort de Farouk, et y était assez longtemps pour commencer à s’inquiéter de ne pas en sortir. C’est qu’il s’était attaché à l’homme et que les conversations qu’ils pouvaient avoir autour d’un bon thé et de biscuits délicieux lui manquaient tout autant que sa simple présence. Callum n’avait pas l’habitude de ressentir de telles vives émotions et il s’était plongé un peu plus dans ses recherches pour ne point y penser. Au final, c’était l’attaque de Gracefield alors qu’il s’y trouvait pour chasser sa soeur une fois encore qui avait fait le travail. Le langue-de-plombs se remettait encore de ses blessures (aussi bien physiques que mentales, la pensée que sa soeur était maintenant en liberté et sans doute décidée à se venger de lui suffisait à lui créer des sueurs froides) lorsqu’il avait reçu une invitation à prendre le thé de la part de la fille de Farouk.

On ne refuse pas une telle invitation, le décorum exige d’y répondre à l’affirmative, et si Callum ne sait pas bien quelles sont les raisons derrière cette proposition il n’est pas genre à se débiner au dernier moment. C’est pourquoi il toque à la porte après être resté quelques instants pour reprendre ses esprits et sa contenance. Siham vient lui ouvrir - celle qui avait bien failli devenir son épouse si Farouk et lui-même avaient eu leur mots à dire sur la question et qui était maintenant devenue une amie, plus ou moins. "Salut, comment vas-tu ?" “Je vais bien merci. Et toi ?” Le sorcier répond à la formule de politesse par une autre sans s’appuyer sur les douleurs qu’il ressent encore là où il a été touché durant les surprenants événements des dernières Battues. Ils ne s’étaient pas revus depuis les funérailles, peut-être que Callum avait inconsciemment tenté d’éviter toutes les personnes et situations qui pourraient lui rappeler le défunt.

Une fois installés sur le canapé indiqué et après un rapide coup d’oeil des lieux - déformation non professionelle, il se sentait dans un état de vigilance augmenté ces derniers jours - Siham reprend la parole. "Tu veux du thé ? J'ai un carton pour toi, ma mère et moi avons fait le tri dans ses affaires, nous avons pensé que ça pourrait t'intéresser." Il la remercie pour le thé, oui il en prendrait bien un peu, mais c’est la deuxième partie de la conversation qui attire tout particulièrement son attention. “Oh! Des livres ou d’autres choses ? Le fait que vous ayez pensé à moi me touche. Merci.” Et si quelqu’un qui ne le connaît pas ne pourrait sans doute pas sentir que Callum est effectivement touché, c’est pourtant bel et bien le cas. Il s’en sentirait d’ailleurs presque embarrassé, d’autant plus face à Siham qui ne paraît pas plus à l’aise au vu du manège qu’elle fait autour du fauteuil. "Je dois avoir des biscuits également..." “Ce n’est pas nécessaire, mais je te remercie.” il se montre un peu trop guindé aussi bien dans ses formulations que dans sa posture, venant trahir la particularité de ce duo. Callum se retient de lui intimer de s’asseoir, ce n’est pas là une remarque d’invité, mais décide de s’enquérir de la raison de sa venue. “J’espère ne pas paraître trop abrupt, mais j’imagine que tu aurais pu me faire livrer le paquet, y-a-t-il une autre raison pour cette invitation ? Pas que cela ne me fasse pas plaisir de te voir, il va de soi.” il pense à Farouk, puis aux Battues, passe une main sur ses côtes encore douloureuses l’air de rien et attend la réponse qui viendra élucider ce mystère. Les cartes sont restées bien trop vagues lorsqu’il les a intérrogées ce matin.

Siham et Callum se regardent en chiens de faïence, il n'y a pas d'autre expression pour décrire le tableau qu'ils composent tous les deux, face à face, les tasses de thé et le carton au milieu, avec la présence si palpable de l'absent. Le Selwyn n'a pas ressenti autant de douleur quand les vices de sa soeur ont été exposés en plein jour, il ne pense pas qu'il sera touché ainsi par la disparition de son père. Le fait est qu'il s'est toujours senti bien plus proche du patriarche Al-massri que de son propre paternel et qu'il ne s'est pas encore habitué à sa mort. Callum s'attend presque à le voir passer la tête par l'embrasure de la porte pour les saluer et venir partager avec lui ses dernières idées sur tel ou tel sujet qui ne semble intéresser qu'eux.

Ce n'est pas ce qu'il se produit et cela laisse un goût désagréable dans sa bouche. Callum voudrait bien avaler le thé pour faire passer la sensation mais il n'a pas été servi et un invité ne peut se permettre un tel écart de politesse. A la place, il se montre bien maladroit dans ses propos ; il ne sait plus comment agir en présence de Siham face à la situation. Les récents événements des Battues n'aidant en rien son état quelque peu renfermé. Il sursaute quand elle réagit sur un ton qu'il juge sec. "Oh, je ne sais pas. Je pensais que l'on était suffisamment proches pour que je ne me contente pas de confier la transmission des affaires de mon défunt père à un elfe" Ses lèvres s'étirent sur la gauche, "Désolé, c'était déplacé.". Il se force à formuler l'excuse, le langue-de-plomb n'a pas envie d'agacer celle qui lui fait place, pas plus qu'il souhaite se lancer dans une discussion tendue. Il est las. Le contrecoup du sort pris en pleine hanche ainsi que le fait que Gemma est de nouveau dans la nature, vagabondant merlin sait où, peut-être déjà en train de préparer sa vengeance. Il y a de quoi s'inquiéter ! "Ca faisait un moment qu'on ne s'était pas vus." "C'est vrai," confirme-t-il simplement en attrapant la tasse remplie et la passant à ses lèvres aussi bien pour occuper ses mains et ses pensées. "Je voulais savoir comment tu allais, surtout vu les récents évènements." Une grimace accompagne les paroles de Siham et Callum la lui renvoie en miroir, sa main quitte la tasse pour se porter à sa hanche dans le seul but de chasser la douleur fantôme qui apparaît d'un seul coup avant de disparaître aussi rapidement qu'elle est venue. "Un cuisant sentiment d'échec et une douleur à la hanche. Mais je m'en sors plutôt mal si on compare à certaines de nos connaissances." Chaque syllabe est formulée avec détachement, mais elle le connait sans doute assez pour voir au travers de sa nonchalance purement factice. Callum revoit les blessures sur le corps de Neith et ses yeux s'assombrissent, il pense aux conclusions de cette surprenante attaque et son myocarde s'accélère l'espace de quelques secondes avant qu'il ne se domine à nouveau. (Il est un homme de contrôle après tout.) "Et toi ? J'espère que tu n'en perds pas trop le sommeil ? Tu, est-ce que je pourrais faire quelque chose pour toi ?" Finit-il par demander d'un octave plus bas, d'une voix plus douce. C'est dans l'inflexion de sa voix que son amie pourra sentir la certaine ... affection qu'il éprouve à son égard. Il ne demanderait pas cela à n'importe qui et encore moins de cette façon. Ce n'est pas ici une politesse de plus, mais la question que pose un ami à une autre. Selon la conception très particulière qu'a Callum du monde et de ses relations, s'entend.