Toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes et laissaient entrer une fine brise fraîche dans la caravane, juste ce qu’il fallait après une journée d’été où l’endroit s’était transformé en four. Peau luisante d’une fine pellicule de sueur, il frissonna au premier courant d’air, passa la chemise qu’il avait portée toute la soirée sur ses épaules. Le satin pêche empestait le tabac froid et le parfum, globalement l’odeur que Jo portait actuellement sur lui alors qu’il s’extirpait du lit pour récupérer son pantalon qui – fausse alerte, n’était pas le sien mais lui aurait sans doute été aussi bien. Il se contenta de le ramasser et de le tendre à son propriétaire, joli sourire à l’appuie avant qu’il ne trouve le sien et s’en vêtisse.

Il se servit un verre d’eau, se tourna vers sa sélection du soir et en profita pour l’observer. « You want some ? » demanda-t-il, carafe d'eau à la main. Il avait bien fait de le ramener chez lui, il était beau, pas étonnant, Jo n’en était qu’à son troisième verre quand il l’avait vu et approché, parce que ça aurait été un crime de laisser passer un brun pareil. « I never saw you before, » commenta-t-il, iris clairs toujours rivés au garçon qu’il dévisageait avec curiosité. « What’s Mili the short for ? » Il vida son verre et le reposa dans l’évier, en profita pour se passer de l’eau sur le visage et repousser ses cheveux en arrière. Il se rendit compte en regardant par la fenêtre que les arbres semblaient onduler, ou peut-être que c’était lui qui tanguait un peu alors qu’il jetait un nouveau regard vers Mili. « I love your outfit, » pour ne pas dire qu’il trouvait le mec dedans autant si ce n’était plus beau encore ; la réalisation lui arracha un sourire amusé. « I’m going back to the club tomorrow, reprit-il, maybe we could meet again, » nouveau sourire, plus enjoleur alors qu’il s’appuyait d’une main à la kitchenette. Il avait un peu l'impression de revoir toujours les mêmes personnes au Pegasus, pas qu'il s'en lassait mais il aimait trop faire de nouvelles rencontres pour ne pas s'extasier sur les visages inconnus. « It could be fun, » fun comme ce soir ; Jo était prêt à remettre ça quand l'autre voulait.

On le dévorait littéralement du regard et Jo adorait ça, en témoignait son fin sourire en coin alors qu’il servait les verres et avait presque envie de rouler des mécaniques pour encore plus impressionner son hôte. Il se contenta de l’observer du coin de l’œil, absolument satisfait de lui avoir mis le grappin dessus. Ça flattait son égo d’obtenir les faveurs de personnes aussi belles et de sentir désiré même après.

- You must have not looked well enough then.

Jo lui répondit par un sourire un peu plus grand sans cesser de l’observer. Il était passé à côté de lui sans le voir ? Il se sentirait presque coupable d’une telle faute d’attention.

Le brun lui tendit un verre plein, effleurant intentionnellement ses doigts au passage avant qu’il ne s’adosse au meuble de cuisine le temps de descendre son propre verre.

- None of your business.

Savage. Il sourit de plus belle, creusant les fossettes dans ses joues tandis qu’il calculait les possibilités. Il n’avait pas la moindre idée de quel prénom le raccourci provenait, mais c’était sûrement latino, il était loin d’être passé à côté de l’accent dans les mots de Mili.

Le visage perlé de gouttes d’eau, il éteignit le robinet et détourna le regard des arbres au dehors. Il phaserait sur la beauté de son cadre de vie quand il n’y aurait pas encore mieux juste derrière lui et à portée de main.

- Just the outfit ?

Il apprécia le sourire arboré en face, en tomba (encore) sous le charme. Il secoua la tête.

- No, répondit-il. Et il en resta là, parce qu’il était mystérieux. Ou parce que la manière dont il le regardait était sans équivoque quant à ses pensées sur l’instant.

D’ailleurs ils ne pouvaient pas en rester là, certes Jo faisait dans le one night stand, mais le two/three/four […] night stand était bien aussi, surtout quand la night était de qualité. En face on ne réagit pas à sa première perche, de toute façon, les sous entendus étaient nuls, Jo clarifia donc l’idée.

- I don't think so.

Il fronça un peu les sourcils alors qu’il dévisageait toujours Mili. Pourquoi est-ce que la température de la pièce avait chuté d’un coup ? C’était une blague ? On aurait pas dit une blague. Ça voulait dire que Jo s’était amusé mais que la réciproque n’était pas vraie ? La remise en question frappa fort, il avait quand même gardé son sourire quoique d’enjôleur, il avait viré incertain.

- Why not?

Si ce n’était que ça, il pouvait encore lui montrer qu’il pouvait faire mieux–

- I don't do that.

Jo jeta un œil autour de lui, en pleine confusion quant à savoir ce qu’était that. Les caravanes ? Le sexe dans les caravanes ? Discuter après le sexe ? Revoir les gens après ?

- I’m not asking you on a date or something, dit-il avec un léger rire. Pur soulagement, si c’était juste ça, il n’avait finalement pas besoin de remettre toute sa vie en cause. I don’t do that either.

Et la risette était revenue au coin de ses lèvres dans son aspect malicieux habituel. C'était bien la peine de lui faire des peurs pareilles, à lui qui ne trouvait sa reconnaissance qu'en partageant la nuit de quelqu'un, quand il ne s'agissait en fait que d'une méprise sur ses intentions.

cw. langage cru, mentions explicites, mentions d'homophobie, comportement de fuckboy

Jo s’était fait une raison depuis longtemps, il était loin d’être hétéro, n’en déplaise au Lord et à ses politiques répressives ; il n’avait pas appris à accepter cette part de lui pour qu’on vienne prétendre qu’elle était contre nature. Si avant il avait eu peur d’être rejeté pour ça, ou moqué voire pire, la crainte s’était envolée, sur ce point là, le regard des autres lui passait au dessus de la tête quand bien même il se gardait bien de s’afficher comme queer. Il avait assisté à assez de descentes de police pour vouloir se tenir à l’écart de tout soupçon de non respect des bonnes mœurs.

Les nightclubs underground trônaient donc tout naturellement parmi ses lieux préférés et ses sorties nocturnes étaient devenues l’occasion de sortir le vernis à ongle proscrit partout ailleurs et l’eye shadow tout aussi déconseillé au travail. Tout ça pour faire des rencontres très innocentes avec des garçons qu’il ne se lassait pas de regarder, comme Mili qui se la jouait mystérieux à taire son prénom et à parler avec un accent à tomber par terre (Jo du moins en tomberait bien à genoux devant lui).

- Bien.

Il en ronronna presque, lui qui ne dégoisait pas un mot d’espagnol. Ça sonnait pourtant très bien à ses oreilles, ça lui rappelait même quelques souvenirs spicy des dernières minutes passées en compagnie du brun et il n’en sourit qu’un peu plus. Sincèrement, ils remettaient le couvert quand Mili voulait, le lendemain irait très bien puisque le hasard faisait que Jo se rendrait (encore) au même endroit où il avait justement croisé sa conquête de la soirée.

Conquête qui tenait des propos incohérents maintenant et Jo n’y comprenait plus rien. Peut-être qu’il y avait eu un problème et que l’autre n’avait rien dit, peut-être que ce n’était pas assez bien, ou peut-être qu’il avait déjà quelqu’un (excuse valable, Jo ne voulait pas se retrouver au milieu d’une embrouille de couple). Ou peut-être qu’il y avait seulement quiproquo, que Mili prenait sa proposition pour une demande en mariage et essayait de s’en dépatouiller.

Soulagement. Jo n’aimait vraiment pas quand le problème venait de lui, il développait surtout une angoisse viscérale à l’idée de ne pas plaire à quelqu’un et d’être rejeté par la même occasion, parfait inconnu ou proche, c’était la même chose, il avait instantanément le cœur qui battait plus vite et la gorge qui se nouait à l’idée de ne pas être assez bien. Ce n’était pas le cas, enfin probablement, c’était du moins à la conclusion à laquelle il était arrivé après avoir retourné la question quelques instants dans son esprit.

- I should hope so.

Le brun était plus loquace tout à l’heure, Jo s’en amusa le temps d’esquisser un fin sourire alors qu’il expliquait que lui non plus ne voulait pas de date, juste un plan cul de plus à ajouter à sa liste, histoire d’avoir le choix quand il fallait trouver quelqu'un.

- No, it's not date that I don't do.

Jo se retrouva à froncer nez et sourcils en une mine perplexe. Qu’est-ce qu’il lui baragouinait ? Où était le putain de problème ?

- Then what don’t you do? s’enquit-il, ses iris ne quittant pas Mili qu’il observait avec curiosité.

L’idée qu’il puisse ne pas faire dans les hommes ne lui effleura même pas l’esprit – c’était stupide, on ne prétendait pas ce genre de chose quand on avait encore les cheveux désordonnés par le passage répété des doigts d’un homme au travers. Le déni avait forcément des limites que Jo connaissait pour les avoir expérimentées à la fin de son adolescence : la première fois pour tester, la deuxième pour être sûr, la troisième pour revérifier puis il fallait accepter que ce n’était plus pour la science mais parce qu’on en avait envie. Ça lui semblait si évident maintenant qu’il était en phase avec lui-même qu’il attendit la réponse avec tout l’intérêt du monde.

- I don't do boys.

Jo haussa les sourcils dans une expression incrédule. Première chose, il n’était pas un garçon, deuxième chose, ce n’était pas sa première fois, à Mili, le brun en aurait mis sa main à couper, alors il ne pouvait plus en être au stade un autrement appelé voilage de face. Mine de rien, la conversation prenait tout même un tournant beaucoup plus distrayant que prévu et l’excuse de Mili pour ne pas le revoir était nettement plus agréable aux yeux de Jo que toute remise en question de ses facultés à satisfaire quelqu’un.

Il arbora alors un sourire narquois, ses pupilles toujours rivées à Mili qu’il regardait d’un œil nouveau. Il avait réussi à pécho un lgbt refoulé, une case de plus cochée sur son bingo personnel.

- You sucked my dick, rétorqua-t-il, argument ultime pour démontrer que Mili did do boys.

Jo croisa les bras, son regard détaillant la silhouette de son hôte en marquant un léger temps d’arrêt sur la poitrine dénudée par la chemise ouverte avant qu'il ne raccroche ses iris sombres. L’autre pouvait dire ce qu’il voulait, c’était chez Jo qu’il avait fini et lui n’avait pas fini de s’auto satisfaire de sa prise.

- I'm not gay.

C’était bien de le dire mais encore fallait-il le prouver, en attendant, tout ce que Jo voyait était quelqu’un qui essayait de s’auto-convaincre. Presque cute, vaguement triste, Jo aurait bien tenté de clarifier la situation pour Mili mais il venait de se souvenir que ce n’était pas son problème. Non ce qui le préoccupait c’était surtout de s’amuser, l’alcool chantait dans ses veines pour lui rappeler que one life et qu’il avait sous les yeux l’opportunité de se divertir un peu plus longtemps. Il fit un pas en avant, assez pour réduire de moitié la distance qui le séparait de Mili. Dans ses yeux brillait un éclat de malice caractéristique et son sourire trahissait l’intention aguicheuse, un pas de plus et ils partageaient le même air, pour autant Jo resta à sa place, autant pour ménager le suspens que pour vérifier une théorie.

- Me neither, souffla-t-il pour toute réponse, sa risette s’étirant légèrement aux extrémités.

Jo préférait ne pas s’attribuer d’étiquette, si on lui demandait il répondait “I do both” et on faisait ce qu’on voulait de l’information ; il ne voulait pas savoir si c’était normal ou pas, si ça se faisait ou pas, il le faisait et c’était tout. Il ne savait pas non plus ce que Mili considérait être (autre que not gay, évidemment) mais il lui restait apparemment beaucoup de chemin à faire.

- So you’re not gay, I’m not gay, we fucked, everything’s cool, reprit-il, toujours à voix basse (pour déclencher des frissons) alors qu’il soutenait le regard de Mili.

Tout ce qu’il faisait était tester les limites pour le simple goût du risque, le sorcier ne serait pas le premier refoulé qui supporterait mal la proximité d’un plan cul après coup, mais Jo n’avait peur de rien, pas même des grands bruns ténébreux sur la défensive. Il tendit une main parée de bagues vers le visage de Mili ou plutôt vers une boucle solitaire.

- Right? It was fun?

Sourire, fossettes, on lui donnerait le bon dieu sans confession.

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La chaleur suffocante de la caravane faisait perler un voile de sueur sur la peau de Jo. Ce qu’il pouvait se maudire parfois, quand les murs renfermaient un air stagnant à trente degrés et qu’il était le seul responsable des très mauvaises nuits qui s’annonçaient pour cause de fournaise. Pas ce soir, ce soir, il était d’une humeur guillerette aidée par l’alcool, quelques taffes de weed et le souvenir frais et vivace du temps passé contre Mili, et si la chaleur ne pouvait le contrarier dans ces circonstances, le soudain rejet de l’autre homme ne le pouvait pas non plus.

Jo avait de toute façon toutes les raisons de croire qu’il n’avait rien fait de mal, au contraire, il était même plutôt certain d’avoir fait bien, il avait d’ailleurs deviné tout seul la raison pour laquelle il se heurtait maintenant à un mur : il avait déjà été dans une situation du genre, somme toute courante dans un monde où si les hiboux qui lui servaient de voisin avaient eu une langue, ils l’auraient probablement utilisée pour les dénoncer pour dépravation.

Mais Jo était en paix avec lui-même, coucher avec des hommes n’était qu’une atteinte aux bonnes mœurs de plus et il aimait se considérer comme discret (il ne l’était pas tellement, mais il aimait le risque), aussi, s’il avait parfois peur d’être découvert, ses craintes étaient vite balayées parce qu’il trouvait toujours mieux à faire que de s’inquiéter.

Embêter autrui était notamment une de ses activités préférées et Mili était la cible idéale. Ils étaient chez lui de toute façon, il pouvait profiter de l’étroitesse de la caravane à son avantage et esquisser les sourires les plus provocateurs sans risquer d’être mis à la porte, et il se satisfaisait grandement de l’air scandalisé suscité par ses mots.

- Watch your mouth.

- I can make a better use of it, rétorqua-t-il sans ciller, son regard soutenant celui du brun.

Jo souriait toujours de cette risette qui avait donné envie à plus d’un professeur de lui en coller une – Mili était loin de l’impressionner, à vrai dire, dans les circonstances, il avait peu de chance de lui faire perdre son expression victorieuse : c’était lui qui se prétendait hétéro alors que ses actions démontraient le contraire, cela suffisait à Jo pour justifier des taquineries sans fin.

- Just like you did earlier – continua-t-il sur le même ton voluptueux.

- It was an accident.

Le brun haussa les sourcils, sont sourire s’étirant davantage.

- You wish.

Jo en avait connu des accidents de cet acabit : il pouvait témoigner que ce n'en était jamais vraiment. En guise de démonstration ultime, il brisa la distance qui le séparait de Mili, ses prunelles claires ne quittant pas celles de l’autre sorcier. Il fut presque déçu de ne pas obtenir d'autre réaction qu'un stoïcisme inébranlable quand il se tenait si près que le parfum de Mili faisait frémir ses narines et que la chaleur du brun lui parvenait sans mal.

- Don't touch.

Jo céda gracieusement son poignet, son sourire ravivé par le réflexe vif (hot) et l’air mécontent arboré en face.

- It wasn’t such a big deal five minutes ago, nargua-t-il dans un ronronnement amusé.

- It was fun, it was a moment of madness, it will never happen again so don't get your hopes up.

Le brun ouvrit la bouche pour protester contre cet abandon rapide et injustifié, se retrouva coupé par l’annonce du départ et le mouvement de Mili qui le contraignit à libérer le passage. Il n’aimait pas qu’on le plante comme ça, c’était lui qui plantait les gens. L’air vaguement dépité, il se retrouva bientôt à contempler le vide là où l’autre sorcier s’était tenu. Là, Jo prit conscience que la chaleur torride n’était pas uniquement due au regard de braise de Mili ; il écarta une énième fois ses cheveux de son front, enfila une paire de claquettes et transplana chez Bree chez qui la température n’équivalait pas à celle de la foret amazonienne.

[a few days later]

Jo brillait de mille feux dans une chemise à sequins généreusement ouverte sur son torse pour dévoiler le plus joli tatouage qu’il possédait. Le club aurait pu être celui de son père qu’il aurait donné la même impression d’y être complètement à sa place, un cocktail trop chargé en alcool à la main et la paille entre les dents alors qu’il dansait sur un tube sorcier dont il ne connaissait que le refrain. Tout sociable (encore plus que d’habitude) et tactile qu’il était passés deux verres, il s’était fait des amis et avait perdu ceux avec qui il était venu, ce qui n’était pas très grave puisqu’il les retrouvait toujours à un moment où à un autre. Jo eut soif, mais son cocktail était trop sucré, il s’approcha de son nouvel ami, ses lèvres frôlant son oreille alors qu’il annonçait qu’il allait au bar et revenait dans deux minutes.

Le brun se fraya un chemin au travers de la jungle de corps et se dirigea vers le bar, ses prunelles s’égarant un instant sur les personnes assises devant le barman. Il les nota mentalement, son jugement légèrement biaisé par les lumières irréelles qui balayaient les visages et creusaient des ombres sur les traits, et il le vit. Il ne lui fallut pas deux secondes pour le remettre et aussitôt, un grand sourire apparut sur ses lèvres entre lesquelles était toujours glissée la paille en plastique.

- You're hella hot tonight! dit-il un peu fort en approchant son visage un peu près, absolument pas effarouché par le demi-tour qu’avait entamé Mili pour lui tourner le dos juste sous ses yeux.

Jo en avait profité pour poser une main sur son épaule et la serrer brièvement avant de s’asseoir sur le siège voisin. Il alpagua le barman pour un verre d’eau, enleva la paille de sa bouche pour la faire tourner entre ses doigts vernis de jaune.

- Do you mind? demanda-t-il alors qu’il tendait le bras pour rafler le verre de Mili et y tremper ses lèvres. What is it?

Il fit passer l’intrusion de l’espace vital du brun en lui adressant un joli sourire angélique alors qu’il lui repassait son verre. Loin de lui l’idée de le contrarier, il venait de se trouver d’autres plans pour la soirée.

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Jo n’était pas rancunier, il oubliait les torts mineurs qu’on avait pu lui faire en moins de deux jours et était de toute façon incapable de bouder sur le long terme ; le coup dans le nez qu’il avait pris quelques jours plus tôt n’était donc pas si grave, surtout qu'il l'avait un peu mérité. Ça avait un peu saigné certes, Jo l’avait un peu mal pris, mais il avait surtout été vexé que sa tentative de faire céder Mili ait été si facilement balayée. Ce n’était pas si facile en général, il avait l’habitude d’obtenir ce qu’il voulait et il était presque sûr qu’il avait été à ça de réussir une fois de plus, l’autre avait juste fait preuve d’un tout petit peu trop de volonté.

Une fois pas deux, c’est ce qu’il se dit en voyant Mili au bar. Le garçon était toujours aussi beau, Jo devait le lui dire. Il s’approcha, tituba un peu, oublia qu’il avait de la force et en mit donc un peu trop dans la main qui vint se poser sur l’épaule du bg. Oups. Il ne s’en rendit même pas compte, pas plus qu’il ne se rendit compte qu’il n’avait pas besoin de parler aussi fort vu comme il était près de Mili.

- Joder. Aucune idée de ce que ça voulait dire.  I’m always hot.

- I agree, rétorqua Jo avec un sourire en coin.

Il avait des yeux après tout, et ceux-ci étaient très entraînés à remarquer les belles personnes.

Jo récupéra sa main et entreprit de commettre un vol de verre ; il était en effet venu pour remplacer le sien qui allait lui filer du diabète, pas qu’il n’allait pas le boire, il voulait juste noyer un peu le sucre avec une boisson plus douce. Celle de Mili ferait l’affaire pour sûr.

- Nope.

Jo le gratifia d’un large sourire à fossettes, renifla la boisson et trempa ses lèvres dans le verre pour goûter. C’était très bien, il aurait bien gardé ce cocktail là si Mili n’avait pas voulu récupérer son verre. Jo reprit une plus longue gorgée et le rendit à contrecœur.

- A long island iced tea.

- I like it.

C’était un message subliminal, Mili était prié de lui céder son verre ou de lui en commander un autre – ou pas, Jo venait de voir son attention accaparée par les mains du brun, ou plutôt celle qui tenait son verre sur le comptoir. Il regarda les bagues avec intérêt, ses pensées eurent tôt fait de divaguer vers moult images moins catholiques ; le fait que Mili se rapproche et attrape la paille que Jo tenait n’arrangea certainement rien. Le cœur de Jo rata un battement, toute son attention convergea vers les lèvres de Mili, pour un peu il se serait penché vers lui, comme attiré par un aimant.

- What is it ?

Il mit du temps avant de saisir qu’il lui avait parlé et attendait probablement une réponse, presque à regret, il se détacha de son observation.

- Today’s special, répondit-il.

L’observation (matage éhonté) reprit, Jo esquissa un sourire amusé lorsque Mili fit une tête bizarre.

- ¡Puaj! Too sweet.

Le sourire s’étira, il récupéra sa paille et s’amusa à faire tourner les glaçons dans son verre.

- You don’t like it sweet? s’enquit-il. Et l’interprétation était subjective.

Jo garda l’eye contact un peu trop longtemps sans faire attention, puis raccrocha ses lèvres à la paille pour descendre une bonne partie du verre puisque plus vite ce serait bu, plus vite il n’aurait plus de boisson pas vraiment buvable à terminer. Il grimaça un peu, c’était comme s’il venait de croquer trois carrés de sucre de canne en même temps, mais bon, on s’adaptait et lui n’était pas très difficile.

- How do you drink that ?

- I don’t know? répondit-il en toute sincérité. I paid for it anyway.

Il sourit à Mili, regarda ailleurs, incapable de rester concentré plus de trente secondes sur la même chose. Sauf si la chose en question brillait et ornait la main du brun qui comme Jo l’avait déjà constaté cinq minutes plus tôt, était drôlement belle.  

- You’ve got an engagement ring? You’re married? demanda-t-il en touchant du bout des doigts ladite bague.

Il releva les yeux vers Mili, regard vitreux rendu intense parce qu’il fixait vraiment trop et pour pas grand-chose. C’était un peu hot les gens mariés, ça faisait dilf et rentrait complètement dans les (nombreux) fantasmes de Jo. Il fallait vraiment qu’il remette le grappin sur Mili.

- You know, I want to get married too, but not with you cause you hit me the other day, il fronça les sourcils, pas parce qu'il divaguait, seulement parce qu'il venait de se rappeler que les poings dans le nez faisaient mal. That hurts, I'm very, very resentful.

Il fit la moue comme un enfant de six ans, pour un peu il aurait vraiment eu l'air vexé. Peut-être qu'il l'était un peu, mais c'était seulement l'alcool qui parlait.

Le genou de Jo effleura soudain celui de Mili, hasard ou pas, personne ne le saurait jamais, et il se pencha un peu pour reprendre le verre qui n'était pas le sien mais était bien meilleur.

- You owe me one, dit-il en prenant une gorgée de la boisson buvable, petit sourire en coin alors qu'il s'assurait que sa jambe restait bien en contact avec celle du brun.