Serena est habituée à danser seule. Elle adore danser, contrairement à ses ex-petits copains qui osaient jamais remuer leur boule comme elle seule savait le faire.  
Aussi, elle ne s'était pas attendue à ce que Rayane lui donne ainsi la réplique. Et pourtant, le garçon remue ses membres immenses (elle avait apprécié leur considérable différence de taille quand il était sorti de la baignoire), tapant du pied et agitant ses bras comme les branches erratiques d'un arbre battu par la tempête. Leur ballet oscille entre une élégance relative, provoquée uniquement par l'attraction qu'ils ressentaient l'un envers l'autre, et une rudesse parfois à la limite de l'indécence, lorsqu'ils se frottaient l'un à l'autre, leurs joues, leurs mains, leurs hanches.  

Au début, Serena ne lui dispense que quelques regards, furtifs, lascifs, quand ses cheveux ne barraient pas son visage ou qu'elle ne lui tournoyait pas sous le nez. Et puis, au fur et à mesure, elle n'arrive plus à détacher son regard du sien, parce qu'il rayonne, et c'est pas à cause des lumières stroboscopiques. Il fait des grimaces déroutantes, qui jurent avec les balancements sexy et suggestifs de son bassin, qui jurent avec le scintillement de ses yeux. Serena, elle vit au milieu des gens qui l'admirent, mais personne ne l'avait jamais regardé comme ça. Et peut-être bien qu'elle n'avait jamais regardé personne comme ça.

"You dance very good. -I ain't dancing; I'm making out with the music." Et à l'observer se trémousser contre Rayane, c'est à se demander si elle ne le confond pas avec la musique. La manière dont elle accompagne, guide ses mains dans le bas de son dos, sous son crop, sous sa jupe, témoigne de l'impatience qui soulève sa poitrine. Elle agrippe ses cheveux, son cou, le dos de son t-shirt, le tatouage qu'elle se force à oublier, mais qui l'obsède. Elle veut Rayane partout sur elle, ses mains, ses yeux, ses cheveux, sa bouche, la recouvrent, à l'instar de la mince pellicule de sueur qui tapisse sa peau au fur et à mesure qu'elle se démène, que son échine ploie et épouse celle de Rayane, penché sur elle et sur sa gorge.

"Everyone is looking at us. You don't care? -You'll get use to it, chéri." Pour autant, Serena trouve qu'il y a quelque chose de off dans la façon dont on les observe. Elle était habituée à être au centre des attentions ; mais généralement, il ne fallait pas longtemps pour qu'on vienne l'alpaguer, pour qu'on vienne la courtiser, qu'elle soit seule ou accompagnée, pour qu'on s'agglutine autour d'elle et qu'on cherche à attirer son attention. Mais ce soir-là, personne ne semblait oser venir les déranger, comme si elle était la chasse gardée de Rayane, qui avait pourtant l'air doux comme un agneau. Elle avait même l'impression qu'on se tenait à distance.

Et soudain, comme leurs visages sont collés à quelques centimètres l'un de l'autre, elle les aperçoit : les deux canines plus longues que la moyenne, encadrant avec une adorable voracité son resplendissant sourire. Elle ralentit le balancement de ses bras et de ses hanches, tandis qu'elle fait le lien avec tout le reste ; les bails qu'il ne peut soi-disant plus manger, le tatouage sur sa figure, ses mains étrangement tièdes là où Serena les aurait pensé (espéré) brûlantes. Et les regards des autres invités qui ne sont pas fichés sur elle, mais bien sur lui, et pas seulement parce qu'il était rayonnant, pas seulement parce qu'il était le petit chanceux qui avait pécho la nana la plus canon du tieks.
Les mains encadrant son visage, son pouce vient apprécier le bout d'une canine. Elle se hisse sur la pointe des pieds, les yeux plissés. "I know what you are." Say it. Out loud. "A vampire," murmure-t-elle, interdite, saisie d'un frisson oscillant entre l'appréhension et l'envie.

"You'll get use to it, chéri." Rayane rit, un son cute et léger qui s'élève au-dessus du tambourinement de son coeur dans sa poitrine et des basses de la musique qui en ferait presque vrombrir les murs. Il secoue la tête, l'air ravi, son coeur faisant mille rebonds dans sa poitrine à l'entendre détruire la langue de Molière d'une manière si délicieuse, et se rend à peine compte de Nana qui ralentit la cadence face à lui et cesse presque de danser.

Il comprend que quelque chose ne va pas quand elle le touche, et devient très immobile en sentant ses mains se poser de part et d'autres de son visage. Les yeux bleus de Rayane s'agrandissent et s'arrondissent, lui donnant un air vaguement niais, malgré le reste de son corps tendu dans l'expectative et l'inquiétude. Les doigts de Nana sont tellement chauds sur sa peau blême et froide, et Rayane ouvre la bouche en sentant son pouce caresser ses lèvres, éprouver le bout d'une canine pointue. "I know what you are." Rayane ouvre la bouche, hébété. "Say it," lui intime-t-il à voix basse et rauque. "A vampire." Rayane cille malgré lui, et serre les dents (une fois le pouce ayant quitté sa canine, il faudrait pas la mordre par accident - il n'est pas Lucia, quand même). "Yes." Ses sourcils se froncent, et puis se tordent dans une expression plaintive et un peu triste, ses yeux prenant presque des reflets implorants. "It's oké?" demande-t-il d'une petite voix. Il remet son corps en mouvement, comme Nana ne s'éloigne pas, et l'une de ses grandes mains vient trouver de nouveau sa taille, en épouser la forme et la chaleur sous le tissu de son crop top high fashion.

"I promise I won't bite you," lui dit-il très sérieusement, en sentant une inquiétude paniquée très peu caractéristique enfler dans sa poitrine à l'idée qu'elle le repousse brutalement et ne veuille plus de lui, de ses sourires et de ses baisers. Si Nana le repousse, et que le bro Reese le repousse, et que tout le monde le repousse, est-ce que Igor lui-même finira par le repousser? Ou Greed? Ou Maman...? (Comme si elle ne l'avait pas déjà repoussé dès sa naissance). La perspective de finir sa vie seul et triste, à cause de cette foutue morsure, est suffisante pour laver de son visage la moindre trace de sourire - un tour de force, on en conviendra. "I'm a good vampire, you know, like Fernand??"

Rayane ne met pas longtemps à confirmer son hypothèse, et aussitôt, il quémande son approbation. Ça lui ferait presque de la peine d'admettre que dans sa vie palpitante, Serena n'avait encore jamais pécho de vampire... Auparavant, elle aurait trouvé ça vachement tolérant, et elle était certaine que ça aurait eu pour issue de fantastiques photos de paparazzis, la mettant en scène, resplendissante, aux côtés de son sordide amant (puisque dans sa tête, un vampire, ça doit être blême et gothique, hé).
Pourtant, Rayane n'a rien de l'image stéréotypée qu'elle nourrissait à l'égard des vampires. Et, de surcroit, elle ne se met pas aussitôt en tête de sortir avec lui pour pouvoir cocher cette case dans sa to-do list woke. Non, il y a quelque chose au-dessus de ça ; il y a une force à l'œuvre qu'elle n'avait jamais expérimenté jusque là. Sans doute à l'image de l'attraction que pouvait éprouver les membres d'un même syscrew, à l'instar de leurs planètes tournant infatigablement les unes autour des autres.

Malgré le fait qu'il ait omis de lui préciser sa nature, malgré le risque et l'appréhension, Serena ne repousse pas Rayane. Progressivement, il se remet à se balancer sur ses pieds, récupérant le rythme de la musique en cours de route. Forte de son ascendance en Vénus, Serena respire le vent de panique qui tempête dans les yeux du garçon. La manière dont il bouge plus lentement, la main plus précautionneuse qu'il passe dans son dos. Sa respiration, au ralenti (elle l'entend, désormais), suspendue à la sienne, dans l'attente d'une réponse.
Serena ne le repousse pas parce qu'en cet instant, les craintes de Rayane deviennent les siennes. C'est intense, fiévreux, comme ça ne l'avait pas été depuis longtemps. La peur d'être mis à l'écart à cause de sa nature, encore une fois. Dans l'émoi de Rayane, il y a la lassitude, la résignation des précédentes ruptures.
Et, peut-être qu'en miroir, Serena revit la destruction incompréhensible de son syscrew, le départ de Shōta.

Alors, toujours sans rien dire, Serena passe ses bras autour de la taille de Rayane et enchaine ses mains l'une à l'autre dans son dos. Elle l'étreint avec compassion, avec la chaleur un peu fiévreuse signifiant qu'elle comprenait, même de loin, ce qu'il ressentait ; elle comprenait, sans savoir comment, sans savoir expliquer quelle force cosmique de sa planète était à l'œuvre et comment secouait-elle son cœur.
Le visage comprimé contre son torse, elle a calqué ses pas aux siens, à l'image de ses émotions, à défaut de pouvoir faire battre son cœur aussi lentement que celui qu'elle entend désormais, l'oreille collée à sa poitrine. "I know you won't bite me..." confie-t-elle d'une petite voix.

Après un temps, elle lève son visage, échange avec lui un regard qui a retrouvé les reflets mutins des lumières de la fête. "...Because I'll bite you first..." Et, une fois encore, elle se hisse sur la pointe des pieds, les bras balancés sur ses épaules, pour lui déposer un suçon dans le cou. Sa peau est à peine tiède, ses trapèzes sont robustes, ses boucles adorables, et même si la pensée lui traverse l'esprit que son sang est juste là, dangereux, elle prend son temps, mesurant l'accélération des battements de son cœur maudit. "Now that I've established dominance, you're my little bitch," explique-t-elle, haletante.
Elle se mord la lèvre, ses paupières papillonnent. Sans un regard pour le reste des invités, elle suggère : "Wanna go somewhere else, Fernand boy?"

tw: i guess sexy stuff woops

Il y a un moment de flottement, que Rayane passe à se mordiller la lèvre d'un air hésitant, avant que Serena ne réponde à sa question sans utiliser le moindre mot: là où il pensait qu'elle allait s'éloigner de lui comme si il l'avait brûlée, elle passe ses bras autour de sa taille et le serre dans une étreinte brusque mais réconfortante qui remplit sa poitrine d'une chaleur bienvenue. Rayane est surpris et puis, lentement, se détend contre elle, ses mains caressant timidement les hanches de Nana, pouces effleurant la peau frémissante sous le tissu de son crop-top bien ajusté. Elle l'étreint. Rayane ne se souvient pas de la dernière fois qu'on lui a fait un câlin, et il enfonce son nez dans ses cheveux d'un air émerveillé, fermant brièvement les yeux pour en profiter autant que se peut. Elle sent bon, au-delà du délicat fumet de son sang qu'il a définitivement envie de goûter, et malgré sa petite stature, sa silhouette est solide et rassurante, alors qu'ils dansent lentement en rond au milieu des autres, sans leur adresser le moindre regard.

"I know you won't bite me..." murmure-t-elle contre son torse. Rayane se détend un peu et sourit. "I promise," répète-t-il tout de même, s'écartant quand elle lève le visage vers lui. "...Because I'll bite you first..." Rayane cligne des yeux sans comprendre ni répondre, et la laisse faire quand sa bouche finit sa course contre son cou. Il ressent comme à travers un voile la légère douleur qui se réveille sous sa peau et ne peut pas s'empêcher de rire, tant stupéfait que ravi, alors que Nana dépose une marque rouge à même sa peau un peu plus pâle que d'habitude. Il s'inquiète un peu des vaisseaux sanguins qui explosent sous sa peau mais ils y restent emprisonnés et Rayane s'abandonne complètement à cette sensation grisante et inédite, réprimant un gémissement quand ses dents esquintent rapidement sa peau. "Now that I've established dominance, you're my little bitch." Les pupilles de Rayane sont des têtes d'épingle quand il se recule pour la regarder, étudiant ses joues rouges et son souffle court. "Je........" Il est complètement à court de mots, et Rayane a l'impression que son coeur va se déloger de sa poitrine vu le rythmne infernal qu'il y bat.

"Wanna go somewhere else, Fernand boy? - What? Yes. Yes, yes, lez go, yes," bredouille-t-il, son sang bouillonnant dans ses veines, faisant pulser la marque déjà rouge sur son cou, réveillant partout dans son coeur des terminaisons nerveuses qu'il pensait mortes depuis sa morsure. Ils doivent se dépêcher, Rayane a presque peur qu'elle change d'avis en chemin; et lui-même n'a pas envie d'attendre, impatient et excité et complètement pris de court par cette tornade qui vient de débarquer dans sa vie sans lui demander son avis. Il referme sa main sur la sienne, en caresse le dos sans réfléchir d'un mouvement distrait du pouce. "Do you need to get your stuff? No? Okay, let's go, you're so pretty, I can't wait," enchaîne-t-il d'un ton pressant, lui adressant un dernier sourire étincelant avant de les tirer de cette fête de merde en ignorant les regards rivés sur eux.