TW ET CW TOUT LE LONG : MORT (PERTE DE PARENTS), DEUIL (MUTISME EN RÉPONSE À LA PERTE DES PARENTS), DÉPERSONNALISATION (ÉPHÉMÈRE / LÉGÈRE)

23 mai 1981 Naissance de Tao à Shenzhen, en Chine. Ses parents sont des sang-mêlé sans rien de bien spécial ; la famille Zheng est une famille sorcière parmi tant d'autres. C'est une des raisons pour lesquelles tout le monde est aussi surpris qu'un métamorphomage n'apparaisse dans la lignée - c'est qu'aucune réelle particularité n'a jamais été relevée dans l'arbre généalogique. Une grande première chez les Zheng. Xiu et Jian sont aux anges, émerveillés par leur premier enfant dont la couleur des cheveux passe par toutes les nuances de l'arc-en-ciel ; ils se promettent de lui offrir le meilleur, malgré leurs moyens modestes. C'est que, si les Zheng sont une famille comme les autres, ils ne roulent pas pour autant sur l'or. Ils habitent dans un quartier sorcier de Shenzhen moyen, dans un appartement juste suffisamment grand pour eux trois. Mais ça leur suffit ; ils sont très attachés à leurs valeurs, et à leur milieu modeste. Il ne leur faut pas grand-chose.

septembre 1986 Tao a cinq ans, et débute sa sensibilisation au qi. L'écoute et son flux magique. C'est important, pour ses parents, qu'il apprenne à le faire comme eux ; c'est culturel, et puis, ça lui sera utile pour apprendre à maîtriser sa métamorphomagie. Ils commence doucement, avec des séances de méditation ; ça le fait beaucoup rire, au début. Puis avec le temps, Tao s'y habitue - trouve un certain réconfort dans le silence, l'écoute de ses propres pensées. Viennent ensuite les cours de danse traditionnelle, qui lui apprennent à être à l'écoute totale de son corps. Tao aime la danse ; il se sent libéré de toute pression extérieure lorsque ses pieds glissent sur le sol.

juin 1987 Tao a six ans lorsqu'il rencontre Liang Hui pour la première fois. C'est un sorcier métamorphomage contacté par ses parents pour prendre sous son aile leur fils afin qu'il apprenne à maîtriser son don. Mr. Hui est gentil, Tao l'aime beaucoup ; il fait des blagues, des fois. Il lui raconte des histoires. Et il lui apprend beaucoup, beaucoup de choses. Grâce à ses enseignements, Tao commence à comprendre un peu comment la métamorphomagie fonctionne - et s'il n'a que six ans, Mr. Hui ne cesse de dire à ses parents qu'il pourrait bien être un prodige en la matière. C'est qu'il comprend les choses naturellement, arrive à garder ses émotions sous contrôle sans trop de problème : c'est surprenant, pour un enfant. Alors que les années passent, il ne cesse de surprendre son maître.

septembre 1987 Tao est envoyé dans une petite école élémentaire pour sorciers ; c'est sa première rentrée scolaire, la première fois qu'il évolue avec autant d'enfants autour de lui en même temps. C'est nouveau. Il ne sait pas encore trop comment y faire, ni comment se faire des amis ; mais il aime bien l'école. Il aime bien sa maîtresse. Les autres élèves le trouvent rigolo, parce que ses cheveux n'arrêtent pas de changer de couleur - et il se les met complètement dans la poche quand il leur montre qu'il peut avoir la peau bleue, ou un bec de canard. Tao aime aller à l'école. Il a des bonnes notes, travaille bien, s'applique dans tout ce qui lui est demandé.

juillet 1990 Il fait chaud, et le soleil est sur le point de se coucher - la réserve toute entière chante sous la brise estivale. Les grenouilles qui croassent, le lit de la rivière qui s'agite, les oiseaux qui sifflent, les branches qui se brossent les unes contre les autres - tous s'animent alors que le crépuscule enveloppe le paysage de ses bras orangés. Et Tao reste là, les bras ballants, à attendre. Attendre quoi ? Que son âme sœur lui apparaisse ! Il a neuf ans, maintenant, il est assez grand pour la cérémonie d'animixing - c'est papa qui l'a dit. Alors ils ont tout organisé et maintenant, il faut qu'il trouve son animal.
Quand il était petit, il rêvait de se lier à un tigre, ou un loup - parce que c'est classe, et que c'est grand ! Mais maman a toujours éclaté de rire, en lui expliquant que c'était bien trop gros, qu'il ne pourrait pas se lier à un tel animal. Et finalement, Tao s'est dit que peu importe l'animal, tant qu'il ne reste pas seul le restant de ses jours ; dans le fond, il est terrifié à l'idée de ne pas trouver sa moitié aujourd'hui, ni jamais. Tao est épuisé. C'est qu'il a marché, cherché toute la journée - maman lui a dit de partir tout seul, que les choses se feraient plus vite ainsi. Il a regardé sous les rochers près de la rivière, en pensant qu'il y trouverait un lézard comme papa - mais au lieu de ça, il a failli se faire mordre par une couleuvre. Alors, il s'est éloigné de l'eau et a erré dans la réserve sans plus chercher, à espérer que sa moitié d'âme ne finisse par le trouver.
Soudain, un cri résonne. On dirait une voix humaine. Le gamin sursaute un peu, relève la tête pour croiser le regard intelligent d'un hiboux perché sur une branche à quelques mètres au-dessus de sa tête. Et il sait - tout fait sens avec une facilité déconcertante. Tao tend le bras, et l'oiseau vient s'y déposer sans même hésiter ; ainsi installés, les deux échos d'une même âmes se rencontrent pour la première fois. Les aigrettes du hibou s'agitent, signe de sa curiosité - fouettes l'air, comme le ferait la queue d'un chat : il est très expressif. "Your eyebrows are funny." laisse échapper Tao entre deux rires. Un éclair se fait dans son esprit et il court jusqu'au ruisseau, le hibou toujours sur le bras ; de là, il fixe son reflet à la surface de l'eau. Il se concentre un peu, et ses sourcils se couvrent de plume, à la manière de celles qui encadrent le visage de l'animal ; pâle imitation de ses aigrettes, mais pour un gamin comme lui, c'est le summum de l'humour. "Look, I have the same now." En guise de réponse, l'oiseau lui adresse une série de hoot hoot aussi lugubres les uns que les autres (il sonne vraiment comme un humain).

octobre 1991 C'est Yoyo qui l'a réveillé à grands cris et coups d'aile sur le visage. Tao n'a pas compris tout de suite la source de son agitation - ce n'est que lorsque l'odeur de la fumée lui a tordu la gorge et que les flammes léchant les murs se sont faites voir dans le couloir que l'adrénaline a pris le dessus. "MOM ! DAD !" Pas de réponse. Dans ses bras, Yoyo tremble - ou peut-être que c'est lui, mais qu'il ne parvient même pas à faire la différence. Tao est terrifié ; et il a chaud. Chaque seconde qui passe, la fumée l'étouffe un peu plus - ses yeux piquent, il ne voit rien. Et lorsqu'il s'effondre en serrant Yoyo contre lui, les ténèbres ne tardent pas à l'emporter lui aussi ; même lorsque des voix se font soudainement entendre.
Lorsque Tao rouvre les yeux, il n'est pas chez lui. Les quatre murs qui l'entourent sont couverts d'un papier peint fleuri de grand-mère. "Yoyo-!" Son premier réflexe, c'est de le chercher. Il tourne la tête et croise le regard du hibou, perché sur la tête de lit ; un faible petit hoot lui échappe. L'enfant tend la main dans la direction de sa moitié, seulement pour se rendre contre qu'elle est couverte de bandages - la douleur arrive ensuite, désagréable, mais supportable. Where am I ? Where are mom and dad ? Tout est flou dans sa tête, il ne se rappelle pas de grand-chose, Tao ; tout s'est passé vite, il était encore à peine endormi quand les flammes ont dévoré l'immeuble. Pourtant, son coeur est lourd dans sa petite poitrine. Comme s'il avait déjà connaissance de l'inévitable.

novembre 1991 Suite au décès de Zheng Jian et Zheng Xiu, le jeune Tao se retrouve orphelin. L'immeuble dans lequel vivait la famille a brûlé, emportant avec lui toutes les possessions de ses habitants ainsi que quatre personnes. La logique et la loi aurait voulu que le jeune Tao soit pris à charge par sa famille, mais aucun de ses oncles ou tantes ne s'est manifesté ; c'est que, une bouche de plus à nourrir, ce n'est pas donné à tout le monde. C'est Zhao Guo, un voisin sorcier, qui s'est proposé de s'occuper de lui  provisoirement le temps qu'une solution soit trouvée ; alors, Tao s'est retrouvé à vivre dans ce même quartier baigné de son passé, seul moyen pour lui de se raccrocher aux souvenirs d'une vie partie en fumée. Il a été décidé qu'il arrêterait d'aller à l'école, le temps qu'il se remette de ses blessures (physiques comme spirituelles). Après avoir appris le décès de ses parents, Tao n'a plus parlé. Il sest enfermé dans un mutisme soudain - les mots sont restés coincés dans sa gorge pendant des années, faute de trouver quoi dire. What is there left to say ? C'est à cette période que sa métamorphomagie a commencé à prendre le dessus, à déformer ses traits ; Tao a perdu le contrôle de ses émotions. Liang Hui n'est plus venu le voir non plus - alors, sans personne pour l'encadrer, l'enfant s'est rapidement retrouvé seul face à ses démons. La seule présence rassurante à ses côtés a été Yoyo.

décembre 1991 Silence. L'enfant fixe son reflet dans le miroir de la salle de danse, vide. Un visage qui lui est complètement inconnu. Des yeux qui ne cessent de changer de couleur, de forme ; un nez qui se tord et se redresse plusieurs fois au fil de la journée. Des cheveux qui passent par plusieurs nuances de bleu ; il ne sait même plus à quoi ressemble son propre visage. Il n'y a que lui, et Yoyo. Pas un son. Juste les grincements du parquet sous ses pieds nus - et les claquements du tissu, de l'éventail. Tao prend quelques secondes pour retrouver son souffle ; ses genoux tremblent, il est épuisé. Ca fait combien de temps qu'il danse, comme ça, tout seul ? Il a perdu le fil. Danser, c'est beaucoup plus facile que parler ; son corps s'exprime plus confortablement que ses lèvres qui, elles, sont figées dans du marbre. Yoyo est là, lui ; et c'est tout ce qui compte. Il n'a pas besoin de parler. Les mots ne sont que des lames ouvrant à vif ses lèvres déjà trop tremblantes et douloureuses.

juin 1994 Tao a treize ans lorsqu'il quitte le domicile de Zhao Guo. C'est plus une fugue qu'un départ ; et si le sorcier cherche pendant quelques semaines l'enfant, il finit par baisser les bras. Kids will be kids. Tao, lui, se retrouve à vivre dans les bas-quartiers sorciers de Shenzhen, avec d'autres enfants orphelins comme lui. Tant que Yoyo est avec lui, il se dit qu'il peut tout affronter, parce qu'il n'est pas réellement seul. Il passera une année à survivre avec d'autres enfants sorciers comme lui, à fuir les services sociaux sorciers qui ne peuvent décidément pas laisser des enfants sorciers vivre ainsi ; encore moins après avoir entendu les rumeurs disant qu'un enfant métamorphomage se trouverait parmi eux.

août 1995 Le Pandora's Circus s'installe à Shenzhen pour quelques temps. Tao, alors âgé de quatorze ans, assiste à une des représentations et est émerveillé par les métamorphomages. Le lendemain, il s'infiltre parmi la troupe pour les observer avec curiosité ; si beaucoup savent qu'il ne fait pas partie du groupe, personne ne dit rien. Il sort de sa coquille et de son silence, petit à petit. Rencontre une gamine, Sigrid, qui se jette littéralement sur lui ; et ils deviennent amis malgré la barrière de la langue. Faut dire qu'il n'y a pas beaucoup d'enfants dans la troupe, alors, elle est contente de tomber sur quelqu'un de son âge même s'ils ne parlent pas la même langue. Il lui promet de revenir le lendemain et repassera tous les jours, jusqu'à ce qu'il finisse par trouver sa place au sein du groupe. Et lorsque la troupe s'en va, il part avec eux. Les métamorphomages de la troupe le prennent sous leur aile, et il reprend son apprentissage avec pour objectif de réparer ce lien cassé avec son don.

juin 1997 Tao a seize ans lorsqu'il monte sur scène pour la première fois et présente son premier numéro en France. Jusqu'alors, il aidait dans le cirque sans avoir de réel rôle fixe au sein du groupe ; mais il a fini par prendre son courage à deux mains. Parce que lui aussi, il veut faire rêver les gens. Il y a mis beaucoup de travail, et d'application ; c'est un numéro de danse aérienne sur tissu enchanté allié à sa métamorphomagie, qu'il a réussi à maîtriser.

janvier 1998 La troupe retourne en Angleterre après s’être installée un an en France. Ils ont entendu que le climat politique s’était tendu, et d’un commun accord ont décidé de retourner au pays pour voir ce qu’il s’y passe.

novembre 1998 Suite au renforcement des frontières au Royaume-Uni, la troupe se retrouve en quelque sorte coincée sur le territoire. De toute façon, ils n'avaient pas pour objectif de partir. Ils comptent bien rester, et faire ce qu'ils savent faire de mieux : narguer le gouvernement, continuer à faire rêver les gens, et rester fidèles à leurs idéaux. Le cirque a toujours été du côté des rejetés de la société - ils ne tourneront pas le dos à ceux du Royaume-Uni. Ils commencent à leur à mettre à profit leurs compétences pour organiser des représentations éclaires ouvertement anti-gouvernement, malgré le risque que cela implique pour eux. Tous sont prêts à faire le sacrifice. Ils ouvrent les bras à qui a besoin.

juillet 2003 Des membres de la troupe sont capturés par les forces de l’ordre après une représentation éclaire sous le nez du ministère pour protester contre le gouvernement. La troupe n’aura plus aucune nouvelle des membres attrapés (les hybrides sont envoyés aux sous-sols du ministère et sont utilisés comme cobayes puis aux battues, les autres sont directement envoyés aux battues). C'est un risque dont ils avaient tous conscience, après tout, tous savent que le gouvernement n'est pas de leur côté (et ils ne font rien pour que ce-dernier les apprécie) : mais c'est toujours aussi douloureux. Ils se promettent de ne pas baisser les bras, de les chercher.