Depuis qu’il est rentré d’Amérique du Sud, Otto n’a pas pris le temps de faire grand chose d’autre que de s’enfermer dans la Salle de la Mort ou auprès du Lord, son emploi du temps et son esprit passionné par son travail privilégiant nettement ses travaux que le reste. Et de fait, depuis qu’il a définitivement posé ses valises au Royaume-Uni, il n’y a que peu de choses qui le satisfont réellement, pleinement, autant que ses recherches, ou même qui l’intéressent. Des choses que l’on peut compter sur les doigts d’une main - passer du temps avec Felix, discuter avec Beth, dresser la plus intelligente créature vivante qu’est son chien, et voir très occasionnellement ses rares amis, dans cet ordre de préférence.

Il lui aura fallu près de deux mois pour accorder une entrevue à Mademoiselle Mtawarira et, pour une fois, ce n’était pas par manque d’intérêt, loin de là. Il ne s’agissait, au début, que d’une simple curiosité, quand il a reçu une lettre de la jeune femme. Depuis le temps, Fitzroy est habitué à éplucher le courrier de ses lecteurs, n’y répondant que rarement, quand il estime qu’il y a une piste intéressante à suivre - et souvent, ces pistes se révèlent n’être rien d’autre que du vent pour attirer son attention (lui-même est toujours surpris de ce que certains sont capables d’inventer pour lui faire perdre son temps). Ses attentes n’étaient donc pas très élevées, lorsqu’il a répondu rapidement à la missive de la sorcière, pour en apprendre un peu plus sur sa condition - et, évidemment, vérifier la véracité de ses dires. La conclusion s’est vite imposée à lui : si elle disait vrai, ce qui avait l’air d’être le cas (et qui semble toujours l’être, quand il relit leurs échanges de ces derniers mois), il lui fallait impérativement la rencontrer. Et ce n’est qu’en la rencontrant, qu’il saurait s’il s’agit d’une énième perte de temps.

”Why, would you look at that, getting all fancy for your date. – Don’t be ridiculous.” Ce n’est qu’avec un temps de retard, comme souvent, qu’Otto saisit l’ironie dans la voix de Felix, ce dernier détaillant sa tenue on ne peut plus classique pour lui - une simple chemise grise, une veste longue et un pantalon de ville. Le Mangemort a préféré ne pas perdre de temps en repassant par chez lui, et transplaner directement depuis l’appartement de son amant ; une question de pratique, voilà tout, rien à voir avec le fait qu’il profite de chaque minute qu’il peut passer avec lui, maintenant qu’ils n’habitent plus ensemble. Et il s’agirait de ne pas provoquer une nouvelle explosion de Felix sous prétexte qu’ils ne se voient pas suffisamment ; l’équilibre se cherche encore, mais Otto est persuadé qu’ils sont sur la bonne voie. ”You keep an eye on him, hm?”, adresse-t-il avec un sourire léger à son chien, plutôt qu’à Felix, chez qui il a déposé l’animal pour l’après-midi - l’humour n’a jamais été sa grande spécialité, c’est le moins qu’on puisse dire, mais il ne se lasse jamais de cette plaisanterie-là. Et après un dernier regard pour le sorcier, Otto disparaît dans un craquement de l’appartement.

Il lisse les manches de sa veste lorsqu’il apparaît dans une ruelle de Diagon Alley, avant de se mettre rapidement en route jusqu’au lieu de rendez-vous. Rapidement, il arrive devant le café dont ils ont convenu, sondant la terrasse un bref instant pour essayer de trouver la sorcière ; il n’en a eu qu’une brève description, à laquelle personne ne semble correspondre. Après tout, il a un peu d’avance. Aussi il prend naturellement place à une table pour commander un café (noir, sans sucre, évidemment), sa carrure rigide un contraste certain avec l’atmosphère décontractée et moderne de l’établissement. Londres sorcier, ce n’est plus ce que c’était.

”You must be Miss Mtawarira.” La silhouette s’est arrêtée face à sa table, et en levant les yeux sur elle, Otto a découvert un visage qui doit se situer dans la quarantaine, approchant peut-être la cinquantaine. Interesting, se retient-il (pour l’instant) d’ajouter ; le sourire en coin qui naît sur son visage, lui, n’est néanmoins pas retenu. ”Please”, l’invite-t-il à s'asseoir en ouvrant le bras vers la chaise vacante à ses côtés, refermant le livre qu’il tenait entre ses mains pour le reposer sur la table. Son regard stable détaille une seconde les traits de la sorcière qu’il découvre pour la première fois, enregistrant ce visage dans son esprit. ”I must say, I’m glad to finally be able to put a face to your name. I believe you reached out to the right person.” Otto préfère néanmoins ne pas trop s’avancer - il a beaucoup de détails à vérifier pour s’assurer que le cas de Penelope Mtawarira est réellement intéressant, et surtout, qu’ils peuvent l’un comme l’autre tirer quoi que ce soit de cette entrevue.