Octobre 2006.

Il lui semblait que le temps s’était accéléré ses derniers mois, comme si l’été et la fin de la saison s’était passé en un claquement de doigts. La raison ? Ashley se battait bec et ongles pour faire sortir Ollie des Faucons de Falmouth. Et l’exercice n’était pas facile, surtout lorsque la joueuse semblait résignée sur son sort dans le monde du quidditch. Après tout, une éternité s’était déjà déroulée devant elle : elle avait rejoint les joueurs depuis l’année 2000 et était titulaire chez eux depuis maintenant un peu plus de 4 saisons. Son agente était certaine qu’elle pouvait aller bien plus loin qu’une équipe de seconde division et était hautement motivée à l’emmener dans un terrain plus propice à son apprentissage.Bien évidemment, elle avait appris avec les faucons. Son style de jeu avait changé du tout au tout et elle avait même écopé du surnom de Red Fury par ses fans. Mais il était temps pour elle d’ajouter plus de cordes à son arc. Et Ashley avait pris le taureau par les cornes et avait harponné quelques managers d’équipes britanniques.

Au plus les saisons passaient, et au plus elle voyait sa petite protégée s’épuiser et enterrer sa volonté au fin fond d’une boite. La flamme qui alimentait Ollie au début de sa carrière vacillait lentement. Et il était hors de question de laisser cette dernière s’éteindre définitivement, la blonde s’en était fait la promesse.

Elle avait craqué toutes ses allumettes, jusqu’à ce que l’une d’entre elle finisse par lui garantir une place dans une équipe bien mieux placée. Un transfert vers les Puddlemere United. Et Ollie n’en revenait pas. Elle ? Dans une équipe plus saine d’esprit que la précédente ? Était-ce une blague ? L’équipe était reconnue comme l’une des meilleures du Royaume-Uni, s’étaient-ils trompés de joueur ? Beaucoup d’angoisses avaient surgis - voir resurgis pour certaines – et Ollie était très intimidé à l’idée de jouer parmi eux. Elle avait bien sûr eu une espèce d’entretien avec le capitaine, manager et coach de l’équipe, mais elle n’aurait jamais cru tirer les épingles de son jeu et avait plutôt cru qu’elle avait tout fait foirer. De toute évidence, non, puisqu’Ashley était venue la voir la semaine précédente pour lui annoncer la nouvelle. Le contrat avait été signé dans la foulée, Ollie presque anxieuse à l’idée qu’ils lui retirent de sous son nez sous le prétexte qu’ils s’étaient trompé, c’était dire à quel point Ollie ne se sentait pas à la hauteur des Puddlemeres. Une chose était certaine, un poids de ses épaules serait retiré le jour où elle jouerait parmi ses nouveaux coéquipiers.

La rouquine était toute chamboulée. Beaucoup d’émotions se bousculaient au portillon. En première ligne, l’angoisse et le stress. Son syndrome de l’imposteur se frottait les mains avec délectation de la voir se battre contre ses démons. Mais derrière ces deux mastodontes se tenait l’euphorie. L’excitation de changer d’équipe, de prouver qu’elle valait quelque chose. Il y avait une volonté, une envie de donner le meilleur d’elle-même. Elle était impatiente de rencontrer ses nouveaux coéquipiers, son nouveau partenaire de batte. C’était un changement d’environnement dont elle avait cruellement besoin et Ashley l’avait très bien compris.

Son ours avait décidé de la laisser tranquille ce jour-là, laissant place à l’allégresse. Son jour de repos bien mérité, elle l’avait passé à ranger son appartement, la musique presque à fond qui résonnait entre les murs du petit séjour. Elle avait fêté quelques jours auparavant, son nouveau contrat avec sa grand-mère, qui l’avait félicité chaudement. Violet était heureuse pour sa petite-fille préférée et n’avait pas hésité à lui rappeler de remercier les gens qui avaient été là pour elle. Et par gens, elle entendait clairement Asano, une connaissance qu’elle lui avait introduite suite aux crises d’anxiété et de panique de la joueuse rousse. Mamie ne croyait pas vraiment au pouvoir des thérapies et psychologues en tout genre, par contre, elle croyait dur comme fer à la méditation et à la voyance et c’était dans cette optique – et parce qu’elle avait vu le talent de l’homme de ses propres yeux, elle l’avait tout de suite invité à aller voir sa petite fille.

Le voyant quarantenaire l’avait aidé à remettre de l’ordre dans sa vie, a trouver un équilibre un peu plus stable avec ses émotions. Et c’était énorme pour elle, elle ne le remercierait probablement jamais assez. Dans cette optique, elle l’avait invité cet après-midi-là. Et qui disait visite, disait rangement de son lieu de vie. Avoir un berger australien avait du bon, mais l’animal avait tendance à laisser ses poils absolument partout, et même si Ollie rangeait et nettoyait l’endroit très régulièrement, la quantité de mues restait astronomique. Merlin merci, la magie avait ses avantages.

Elle avait arrosé toutes ses plantes, leur avait même parlé et murmurer quelques paroles, comme à son habitude. Certaines avaient même eu le droit à un léger remuage pour recréer l’effet du vent dans leurs feuilles. Ses plantes n’étaient pas seulement un élément de décoration dans son appartement, mais une véritable présence supplémentaire qui venait adoucir ses mœurs et son cœur. Elles lui rappelaient la demeure de sa grand-mère, quand elle rentrait l’été de Poudlard et que la verdure prenait place dans toutes les pièces habitées et inhabitées. C’était une façon de faire de son appartement une vraie maison, bien vivante, même quand elle n’était pas présente.

La joueuse de quidditch observa son appartement. Tout semblait à présent à sa place. Mulligan s’était couché au pied du canapé, la regardant par-dessous ses cils s’affairer, sans un aboiement. L’animal était plutôt calme en appartement – de toute façon Ollie l’emmenait partout avec elle. Tout était parfaitement à sa place maintenant. Elle eut un soupir de satisfaction avant de resserrer sa queue-de-cheval sur le haut de son crâne. Une bonne chose de faites.

Il ne manquait à présent qu'Asano, qui au vu de l’heure, ne devait à présent plus tarder et elle était prête à aller lui ouvrir la porte.

Octobre 2006.

La rousse avait à peine eu le temps de prendre une respiration, que déjà des coups sonnaient à sa porte. Mulligan était bien plus rapide qu’elle à réagir, il s’était levé d’un bond, ses pattes accrochant sur le sol, ses postérieurs dérapant à moitié avant de s’élancer vers la porte en lâchant de petit jappements. Les mots d’Asano résonnaient à demi dans le couloir, l’isolation ne faisant clairement pas son travail, mais il y avait au moins de quoi faire sourire Ollie. Heureusement qu’elle faisait parties des plus silencieuses de l’immeuble : ses voisins ne lui tiendraient probablement pas rigueur d’un invité un peu énergique, surtout en plein après-midi. Et quand bien même, la joueuse était loin d’être dans la confrontation : elle éviterait leurs regards et s’excuserait platement s’ils venaient à s’en plaindre.

Mulligan passa derrière ses jambes tandis qu’elle allait pour ouvrir le loquet de sa porte. Asano se tenait quelque peu en retrait. Il avait déjà bien changé depuis qu’elle l’avait vu. Elle l’enviait, lui et ses tenues excentriques, quelques fois. Elle n’oserait jamais toucher à la couleur de ses cheveux, qui avait fait sa célébrité, ni même porter des vêtements aussi révélateurs : non. Ollie était très vanilla à côté de lui : le contraste entre les deux n’était que plus saisissant. Elle ne put que sourire face à sa démarche, rentrant dans son jeu. « Salut B...G . » Elle n’avait eu le temps de continuer sa phrase, que la voilà à moitié renversée par Mulligan qui lui passa entre les jambes pour foncer dans celle de son médium. « Mull’ ! » Mais le berger australien l’ignora royalement, profitant des flatteries de son nouvel meilleur ami. L’animal était bien trop sociable pour son propre bien, mais il fallait avouer qu’aux côtés d’Asano, il était plus collant que d’habitude. Ollie ne put que sourire en croisant les bras. « Bien évidemment, il a des repas de champion. » La malice sur les lèvres, la voilà qui reprenait. « Pour qui me prends-tu ? Une mère indigne ? »

L’instant suivant, elle était enserrée dans ses bras. Enfouie sous les fourrures, presque étouffées par l’odeur forte de lavande qui s’en dégageait, comme si elles avaient été enfouies dans une vieille malle pendant bien trop longtemps. Mais de façon étrange, elle y trouvait une certaine forme de réconfort. Elle aimait sentir du frais, mais le vieux, ça avait ce petit pouvoir de la ramener à sa jeunesse dans la petite maison côtière de sa grand-mère. Elle ne lui avouerait probablement jamais qu’il lui rappelait sa mamie : histoire de ne pas vexer le pauvre jeune homme qu’il était. Mais l’idée était là. « Le plaisir est partagé. T’as manqué ! Ça fait combien de temps que j’ai pas vu ta tronche ?»

Le sourire ne quittait pas ses lèvres aux côtés de l’énergumène. Difficile de s’en défaire face à un tel sourire éclatant. « Vil flatteur !» Une petite tape sur son épaule, elle s’était écartée pour le laisser rentrer dans sa demeure verdoyante. Fermant la porte derrière lui, elle lui emboîta le pas. « Vas-y entre ! Tu connais le chemin, fais comme chez-toi ! » Ses pas la guidèrent vers le salon, mais elle se retourna aux mots du médium, continuant sa route à reculons. Ses mains parlaient d’elle-même, elle contenait difficilement son excitation. « Can you believe ?! » Elle n’arrivait même pas à s’en rendre compte, tout lui semblait surréel. «[color=#666600] Je pars pour Londres dans moins de deux mois ?! » Ses yeux se posèrent sur lui, à moitié éberlué. « Puddlemere United, tu te rends compte ?! » Parce qu’elle ne pouvait pas, elle devait se pincer tous les matins au réveil pour se rendre compte que tout ceci n’était pas un rêve.

La lumière naturelle tombait dans le salon, cascadant au travers des feuilles et des plantes qui profitaient de leur bain de lumière quotidien. L’appartement était plus qu’agréable, peut-être un peu humide si vous aviez les sens aiguisés, surtout face à la population de plantes de la pièce. Mais l’odeur y était fraîche, comme un chemin de forêt un matin de rosé. Ça sentait bon l'humus et la verdure, il n’y avait rien de plus revigorant pour une jeune femme qui avait vécu une bonne partie de sa vie dans les replis ruraux sorciers.

« Je jure, j’en reviens toujours pas qu'Ashley m’ai décroché un poste chez eux ? Je … J’ai l’impression que ça fait une semaine que je flotte sur un petit nuage ….et que … Beh, boum ? » Elle mima une explosion avec ses mains autour de sa tête. On pouvait reprocher à Ollie de ne pas être la plus loquace et c’était vrai 90 % de son temps. Mais quand la jeune femme était lancée avec un proche, il devenait difficile de l’arrêter et elle pouvait très vite tomber dans une spirale ou les paroles ne cessaient de sortir de sa bouche. « C’est bête, eh ? » Elle eut un petit rire nerveux. Dans un sens, Asano allait la rassurer, comme il l’avait toujours fait. S’il avait pris une place aussi importante dans sa vie, c’est qu’il avait aussi toujours su trouver les mots pour calmer la jeune femme et la rassurer. Il ne lui restait qu’à faire marcher sa magie.

« Fuck, je manque à tous mes devoirs d’hôtesse ! Tu veux quelque chose à boire ? » Elle s’était levée précipitamment, marchant vers la cuisine ouverte pour sortir une théière d’un mouvement de baguette. Ses yeux levés vers lui, elle attendait ses ordres pour s’exécuter.