| | | Long way down Jo tenait à rassembler les bribes de confiance que Vanessa avait un jour pu avoir en sa personne, c’était important pour lui : si une résistante croyait en sa bonne volonté, elle pourrait en convaincre d’autres et peut-être qu’à la fin, les amis que Jo avait perdus lui accorderaient le bénéfice du doute.
Il n’était pas certain que ce soit la meilleure chose à faire pour sa couverture, plus nombreux étaient ceux au courant d’où allait son allégeance, plus élevées étaient les chances que l’information tombe dans la mauvaise oreille, il ne pouvait pourtant pas s’en empêcher. C’était quasi viscéral, il fallait que les gens l’aiment, que ce soit de parfaits inconnus où des personnes que lui-même aimaient – dans le second cas, la peur de décevoir et d’être rejeté était plus forte que tout, il voulait à ce point l’éviter qu’il aurait fait n’importe quoi pour ne pas que ça arrive.
Jo était sur la bonne voie avec Vanessa, il le comprit lorsqu’elle esquissa un fin sourire. Il n’aurait pas parié que sa tentative d’humour fonctionnerait mais il ne pouvait nier qu’il était ravi qu’elle ait fait mouche.
- No, I didn’t see a soul.
- The streets have been really quite lately, dit-il, souriant toujours.
Il était toujours devant la porte, tourné dans la direction de Vanessa mais prêt à faire volte-face si quelqu’un se profilait derrière la vitre. Après tous les intrus qui avaient gâché leur soirée, il osait espérer que plus personne ne viendrait déranger, surtout que Vanessa semblait sur le départ.
- I really should go, they’re waiting for that.
Jo acquiesça et s’écarta du passage.
- Sure, il resta silencieux un moment avant de reprendre : I’m sorry about that broken potion, for real, ajouta-t-il rapidement.
Il en restait quand même beaucoup non ? Assez, espérait-il, que Vanessa n’ait pas fait tout ça pour rien.
- You know, you could come with me. Change your life, run away from that awful job of yours. Do another right thing today.
Un nœud s’enroula autour de la gorge de Jo ; c’était dans ces moments là qu’il imaginait envoyer la couverture se faire foutre et dire la vérité aux gens qui comptaient pour lui. Vanessa ne lui causerait pas de tort, il en était sûr, pas volontairement du moins. Pourtant il ne pouvait rien lui dire.
- I uh – I can’t, it’s not that easy really.
Ses doigts se mirent à triturer nerveusement les bagues qui les cerclaient, il rassembla toute sa volonté pour ne pas céder maintenant quand il s’en était si bien sorti jusque là. Ça n’apporterait rien de lui dire, juste un soulagement de courte durée, parce qu’après viendrait la culpabilité pour avoir risqué sa place, pour avoir mis Vanessa et lui-même en danger si quoique ce soit devait arriver.
- They could help you.
- Vanessa –
- And you could probably help them, help us, too.
- I can’t, trancha-t-il d’un ton ferme. I’m not like that, there’s no way I can do what you do.
Sa place n’était pas dans un camps au fin fond du pays, sa place était là, dans le centre névralgique du régime où il pouvait vraiment faire une différence. Il y avait des hauts et des bas, sa santé mentale en avait plus que pâti au cours des dernières années de lutte clandestine, mais pour les fois où il s’en voulait de pouvoir s’offrir le luxe d’avoir une vie au vu et au su de tous et de faire souffrir des gens pour le bien de sa couverture, il se souvenait qu’il agissait autant qu’il pouvait pour aider le plus de monde. Ce n’était pas grand-chose, mais il n’avait rien d’autre sur lequel s’appuyer pour soulager sa conscience.
Et partir maintenant ? C’était exposer tous ses proches qui restaient derrière à des représailles. Jo avait vu ce qui arrivait lorsqu’un proche disparaissait pour rejoindre l’autre camps, il ne causerait pas plus de soucis à ses amies parce qu'il aurait décidé de devenir un héro.
- I don’t know when, but I’ll be back if you ever change your mind.
Jo hocha la tête, le cœur lourd de la voir partir sur une entrevue qui si elle ne s’était pas si mal passée que ça, était loin d’être comme Jo aurait voulu qu’elle soit. Il sourit à Vanessa, un sourire un peu forcé et définitivement crispé ; il ne la reverrait pas, il s’arrangerait pour : ce genre de petites conversations dans les halls d’immeuble les mettaient tous les deux en danger pour pas grand-chose et il aurait été plus égoïste que jamais de chercher à en créer une nouvelle.
- Take care, dit-il en s’écartant un peu plus de la porte, les bras croisés sur son torse.
Il espérait sincèrement que tout irait bien pour elle, il n’était pas sûr de pouvoir s’en assurer à moins de demander à sa référente, mais il prierait quand même.
Jo la regarda partir avec son sac de provisions, durant un court moment, il se demanda ce qu'il se serait passé s'il l'avait suivie. Son visage aurait été placardé dans les rues, ses collègues et ses derniers proches restants auraient été interrogés, les personnes qu'il voyait tous les jours au travail se seraient fait une mission de lui mettre la main dessus et il aurait passé un sale quart d'heure (voire de sales jours, voire de sales semaines) à côtoyer des résistants qui voudraient probablement sa peau pour ce qu'il avait commis en dix ans de guerre. Non vraiment, les choses étaient mieux comme elles étaient. Jo quitta l'immeuble quelques minutes après Vanessa et partit faire ce qu'il faisait de mieux : oublier.
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