1920's: Matondo's mythology (la barbade)
Elle connaissait les pages par cœur Ruby. Pas besoin de parcourir les livres pour se souvenir des légendes, des histoires de ses ancêtres. Incroyables pilleurs, tueurs sans merci, chasseurs de trésors, elle avait les yeux qui brillaient d’émerveillement quand elle se plongeait dans les pages des bibliographies des grands Matondo qui lui avaient succédés. Elle comptait bien inscrire un jour son nom dans le plus beau et le plus grand des ouvrages. A peine dix ans et elle était déjà persuadée qu’elle vivrait une vie longue et remplie d’aventures. Pas question de laisser sa super génialité se faire éclipser par des gens morts.
L’historique de grandeur familial avait commencé avec
Adhylia Matondo son arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère. La première femme puissante qui constituait sa lignée et pourtant, sa vie avait mal commencé. Être une jeune femme congolaise en 1727 n’était pas synonyme de prospérité et de joie mais plutôt d’oppression, de violence et d’
esclavage. Les négriers étaient venus l’enlever, elle et d’autres habitants de son village alors qu’elle n’avait que 15 ans. Entassés comme des animaux, enchaînés, battus, tués s’ils essayaient de s’enfuir, la légende voudrait qu’elle n’ait jamais fléchi, n’ait jamais baissé les yeux ou courbés l’échine. Même quand on les avait faits embarquer dans d’immenses bateaux aux voiles démesurées, plus grand que tout ce qu’elle n’avait jamais vu, pour un voyage meurtrier à destination des plantations de cannes à sucre du nouveau monde, elle n’aurait jamais frémis. Elle faisait une confiance aveugle au destin, à la chance, comme si ce calvaire, la mort qui planait en permanence sur elle et la souffrance ne faisait partie que d’un dessin plus grand et inconnu. Le vent finissait toujours par tourner et apporter la fortune aux chanceux bénits par le destin. La chance se matérialisa sous la forme d’un bateau
pirate. Le pavillon noir agrémenté d’un jolly roger sonnait le glas des négriers, mais les esclaves qui avaient survécus se trouvaient offerts une place dans l’équipage pirate. Voilà la chance qui repointait le bout de son nez. Elle se retrouva donc à écumer les mers, sous les ordres d
’Anne Bonny. Elle avait commencé comme simple mousse mais se révéla naturellement douée pour l’art de la piraterie. Selon la légende, elle apprit rapidement comment lire et écrire, les règles de navigation, comment utiliser les étoiles pour se repérer sous la tutelle de l’impitoyable capitaine elle-même. Et si certain osent clamer l’exagération des histoires contées dans les mémoires, les Matondo défendront les leurs ongles et becs.
C’est sur le pont du William qu’elle rencontra l’homme avec lequel elle fomenta une
mutinerie six ans plus tard. Mwikiza était le premier sorcier à mélanger son sang avec celui de la famille. Après avoir volé encore et encore les vaisseaux de la compagnie des Indes, la vie commençait à devenir un peu monotone. Parcourir les mers, intercépter un bateau, tirer aux canons, crier à l'abordage, tuer des gens, tout ça, tout ça, c'était un peu répétif à la fin. Adhylia avait des idées pour améliorer et piller encore plus et encore mieux. Toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus fort aurait très bien pu être le motto de la famille. Durant une escale en Jamaïque, ils s'étaient glissés dans la cabine du Capitaine et lui avait dérobé son
sextant mythique, qui indiquait toujours le bon chemin à suivre, ainsi une bonne partie du trésor avant de se faire la malle. C'est en voulant les rattraper qu'Anne Bonny, Mary Read et Calico Jack furent arrêtés à Point-Village et condamner à mort. Adhylia et son amant s'échapèrent vers la Barbade. Ce qui arriva ensuite à l'homme est incertain mais la mythodologie des Matondos voudrait qu'elle l'ait tué pour récupérer sa part du buttin.
Ainsi commença une longue lignée merveilleuse et extraordinaire de sang-mêlés coureurs d'aventures, avides de trésors et d'argent, prêt à tout pour surpasser la légende du ou de la Matondo précédant. Et si elle était sûre d'une chose Ruby, à dix ans déjà, c'est qu'elle serait la plus badass de tous.
1940's: the black sun (allemagne)
Les bottes des allemands claquent à nouveau dans les rues. Mais si le reste de la population est effrayé après avoir connu l’enfer de la première guerre, la famille Matondo elle se délectait du vent de violence qui soufflait. Les atrocités de la guerre sont profitables : des simplets aux abois prêts à tout pour un peu d’argent qui bradent leurs trésors, les disparus qui ne reviennent jamais demander leurs biens et leur « commerce » florissait de nouveau. Il est loin le temps où ils n’étaient pas que de simples rapaces, vautours se délectant des cadavres à l’agonie pour parfaire leur collection. Il faut dire que les allemands y mettaient du leur à semer la terreur. Les Matondo avaient déjà réussi à amasser une jolie fortune : tableaux volés (dont son préféré, le Portrait d'Adèle Bloch-Bauer que papa lui avait offert pour ses vingt ans), bijoux dont les propriétaires avaient été forcés de laisser derrière eux avant d’être forcés dans des trains à la destination fatale et plus d’argent qu’ils n’auraient jamais besoin. Il faut dire que le Führer les payait grassement. Papa était rapidement devenu un des experts de l’occulte favori du dictateur, malgré sa race considérée comme impure mais grâce à ses talents de dénicheur de trésors en tout genre. Il était employé par le régime et passait le plus clair de ses journées le nez dans d’épais grimoires à la recherche du soleil noir, un artéfact magique inca disparu depuis des centaines d’années qui aurait la faculté de contrôler les pensées des masses si exposé à une éclipse solaire. Ruby et maman elles étaient toujours invitées aux soirées élégantes, toujours tenues un peu à l’écart. Mais elles n’en avaient rien à faire, précieuses créatures blotties dans leurs fourrures, serties de perles, parfumées d’essences rares et précieuses.
C’est à une de ces soirées qu’elle
l’avait rencontré. Brassard rouge au bras, aigle fier à la poitrine et un regard profond qui l’avait transpercée directement dans le palpitant pourtant caché sous des étoffes soyeuses. Relation qui avait été encouragée par ses parents, car après tout, n’était-elle pas en âge de se marier ? Salaud manipulateur. Ils auraient dû se méfier, renifler l’odeur familière de l’opportunisme, discerner l’étincelle de malice dans
ses yeux sombres. Elle ne voulait pas y repenser. Jamais.
Lui qui l’avait transformée, attirée vers la nuit éternelle de l'âme. Oh qu’elle
le haïssait avec passion. Et se lien qui ne voulait pas se rompre, elle aurait voulu le faire brûler.
Il l’avait abandonné après quelque mois. Simplement. Comme si elle n’était qu’un tas de déchets à jeter, alors qu’elle savait qu’elle n’était rien d’autre qu’une bon gros joli diamant. Il avait tout volé, le sextant d'Anne Bonny, héritage de la vie de pirate de ses ancêtres, le sextant d’Anne Bonny les tableaux et les bijoux, les fourrures et les étoles, et les parfums et les encens et plus rien n’avait de goût à part celui du sang humain et de la revanche.
Il avait décimé se qui restait de sa famille et elle était seule, si seule. Mais lle
le retrouverait. Un jour. Même si elle devait y dévouer toute sa vie et séparerait sa jolie tête de son corps de gros connard. Aussi simplement que ça. Cet abruti lui avait pourtant laissé le plus important, les mémoires de ses ancêtres, remplis de cartes et d'indices sur les localisations de trésors enfouis.
1960's: Yamashi Tomoyuki's gold (vietnam)
Oh elle allait le bouffer.
Stupide guide. Stupide jungle. Si elle devait encore une fois supporter son sourire goguenard, elle allait craquer et le vider de son sang, stupide sangsue. Stupide, stupide, stupide. S’il pensait qu’elle ne savait pas qu’il avait prévu de se débarrasser d’elle une fois qu’ils auraient déterrés le trésor, il se trompait. Oh, elle allait le croquer. Parasite idiot. Couverte des pieds à la tête pour se protéger du soleil, elle maudissait l’humidité écrasante de la jungle vietnamienne. Elle aimait mieux le précédant guide, c’était si dommage qu’il ait sauté sur une mine anti-personnel. Pouf, plus personne et voilà qu’elle se retrouvait coincée avec cet abruti qui la prenait pour un lapin de paques. Profond soupire de la part de sa majesté Ruby. La guerre avait ses inconvénients et sas avantages. Heureusement les derniers excédaient largement tous désagréments, même celui du guide insupportable. Sa nuque d’homme stupide avait l’air si appétissant. Heureusement qu’elle était vraiment géniale et que ses calculs étaient bons. C’est épuisant d’être aussi incroyable. Elle aimait bien regarder les humains creuser pendant qu’elle s’éventait à l’ombre d’un arbre. Pauvre petits insectes insignifiants qui allaient tous se faire bouffer une fois qu’ils auront mis le dernier coup de pelle qui déterrera le trésor. Encore une nouvelle victoire pour Ruby. Elle réfléchissait à quelle titre siérait le mieux à son autobiographie en quarante volumes pendant que les ouvriers s’épuisaient à la tâche en poussant de profonds râles à chaque poignée de terre retournée : Ruby l’Aventurière. Non, beaucoup trop mondain. Ruby : déesse incarnée. Beaucoup mieux, plus proche de la réalité et de si bon goût. Elle se retint de demander son avis au guide, se rappelant qu’elle le dédaignait lui et tout ce qu’il représentait. Pauvre crasseux, les pieds dans la boue, en train de creuser sa propre tombe. Elle s’arrêta un instant pour essayer de se représenter comment elle se sentirait à sa place et le néant la contempla en retour. L’horreur de se retrouver à la place d’un homme était trop grande pour être imaginable. Le son des pelles s’arrêta et elle sorti de ses pensées, un grand sourire fendant ses lèvres. Bien sûr, elle aurait très bien pu effectuer un sortilège d’excavation pour aller plus vite, mais où était le plaisir là-dedans si personne n’avait à travailler pour elle ?
La suite fût bien plus rapide, les ouvriers furent tous foudroyés d’un
avadakedavra bien senti et s’écroulèrent un à a un, sans avoir le temps de prendre la fuite. Découvrant ses canines, ses yeux s’exacerbèrent de plaisir en contemplant la terreur du guide. Rien ne lui procurait plus de joie que de se délecter du sang d’un de ces minables qui pensait l’avoir dans leur poche. Elle le vida de son sang rapidement et le laissa à mourir lentement dans des gargouillis horribles dans le background. Répugnant sang moldu mais satisfaisant pour son égo. Elle serait toujours la première à les tuer, à les exterminer comme les misérables vermisseaux que ces hommes étaient. Le son de leur mort était de la musique à ses oreilles, autant que celui du coffre frappé de l’emblème japonais qu’elle ouvrit avec un rapide
alohomora. Elle enfonça ses mains cupides dans
l’or nippon qu’elle fit rouler entre ses doigts en riant, gargouillements en fond. Roulement d’yeux excédé, qu’il se dépêche de mourir enfin, qu’elle puisse savourer la sensation d’être la première depuis la seconde guerre mondiale à toucher le trésor du général Yamashi Tomoyuki, le tigre de Malaisie. Un nom qui en jette, tiens qu’est-ce que ça pourrait bien donner : Ruby le Tigre Congolais. Elle était pas si sûre qu’il y ait des tigres au Congo, mais elle se disait qu’avec un peu de chance, le surnom pourrait prendre. De toute façon, avec tout cet or, elle pourrait bien payer la Terre entière pour l’appeler comme elle le souhaitait. Nouveau rire, cette fois borderline machiavélique.
1980's: the atlantis of the sand (rub' al khali)
Elle commençait à douter de la réussite de l’entreprise Ruby. Les bras en croix, enterrée à dix mètres de profondeur dans le sable, le temps se faisait long. C’est vrai que de se mettre en tête de trouver la
cité perdue d’Ubar, cité justement perdue au milieu du désert Rub Al’kahli quand on est une vampire qui craint le soleil, c’était pas forcément l’idée du siècle quoi. Mais il faut dire que Ruby était pas vraiment connue pour ses idées réfléchies. Non. Elle trouve des indices pour trouver l’entrée de la cité mythique, elle y va. Enfin. Elle est pas une moitié d’aventurière chochotte qui craint des petites brûlures de rien du tout. Bon, ça voulait dire qu’elle était obligée de s’enterrer tous les matins mais c’était pas ça qui allait l’arrêter. Même si le sable, c’était quand même vachement pas agréable. Au moins, cette fois-ci, elle s’était pas encombrée d’un guide chiant à crever. Elle faisait équipe avec une autre chercheuse de trésor. Elle savait pas encore comment elle allait faire pour s’en débarrasser, parce que ça l’embêtait quand même vachement de dézinguer une femme, mais elle allait bien trouver une solution créative. Peut-être qu’il y aurait des pièges à éviter de faire exploser pour pouvoir rentrer dans Ubar et qu’elle allait en déclencher un et se faire empaler dans un mur ? L’espoir était permis.
De toute façon, c’était bientôt l’heure de s’extirper de sa tombe protectrice. Elle émergea du sable, en crachotant et en s’époussetant. Sa partenaire l’attendait et lui tendit les rênes de son chameau. Détestable moyen de voyager, vraiment un animal avec zéro classe, zéro panache. Révulsée, Ruby se demanda combien de temps elle allait encore supporter de voyager dans ces conditions horrifiques. Heureusement, la nuit était tombée et elle y voyait bien mieux. Se repérant aux étoiles, elle fit avancer son ignoble destrier dans la direction souhaitée. Savoir ancestral, précieuses connaissances qui avait noircit les pages des cahiers de ses aïeuls. Elle tenait ouvert le journal de son grand-papa Raoul qui avait été le premier à rechercher la cité perdue et n’en était jamais revenu. Un sort qu’elle ne souhaitait évidemment pas partager. Après quelques heures et une trajectoire ajustée pour mieux suivre les guides lumineux qui éclairaient le ciel, son chameau s’arrêta. Un immense sourire aux lèvres elle se laissa tomber du chameau moche. C’était là, elle pouvait le sentir dans les frissons qui parcouraient son dos. Les mains dans le sable, ses doigts cupides cherchaient désespérément, son acolyte l’imitant. Après une autre heure à tâtonner, ils rencontrèrent une sorte de poignée. Victorieuse, elle l’actionna. Dans un bruit assourdissant, le sable commença à glisser sous ses pieds. Les chameaux prirent la fuite. Bouhouhou, quelle tristesse, elle allait beaucoup pleurer leur perte. Attirée, elle glissa souplement en accompagnant le sable qui formait une sorte de vortex qui le déposa à l’entrée de la cité d’Ubar. Elle avait été la seule à en ressortir quelques heures plus tard, souhaitant oublier un épisode impliquant un énorme vers des sables qui avait dévoré sa partenaire. Un mal pour un bien : un souvenir traumatisant pour une mort quand même bien pratique. Elle se consola en se disant qu’au moins, elle ne s’était pas salie les mains sur ce coup-là. Au moins, elle avait réussi à voler ce pour quoi elle avait fait tous ces efforts : la
lampe qui emprisonnait un
djinn. Elle était vraiment incroyable, qu’elle femme fantastique, elle en pleurerait presque.
1990's: the crown jewels (londres)
Après la réussite en Arabie, permise par la merveilleuse guerre d’Irak, Ruby avait décidé de prendre une tangente plus européenne. Ses yeux gourmands s’étaient posés sur l’Angleterre. Agitée par le mage noir, ce n’était qu’une nouvelle opportunité pour elle de prouver qu’elle était encore une fois la meilleure. Elle se délecte des nouvelles comme une mouche se délecte de la merde. C’est bon pour les affaires et c’est tout.
Business is business, faut pas le prendre personnellement les sangs de bourbe. Encore une fois, sa grande classe éclipsait son manque d’intelligence. Elle avait pas pensé à tout et surtout pas au fait que son propre sang soit soumis au même traitement que celui de la plèbe. Vraiment. Elle était juste venu chourer les joyaux disparus de la reine dans le plus grand de calmes et voilà qu’elle se retrouvait bloquée sans solution pour pouvoir se barrer du merdier que le Royaume-Uni était devenu quand les frontières avaient été fermées. Y a des bourbiers dans lesquels elle-même savait qu’il fallait pas aller patauger, et là, elle avait pas pataugé, elle avait plongé tête la première dans une situation pourrie. Elle avait beau répéter que personne ne semblait savoir qui elle était et à quel point elle était importante, tout le monde semblait s’en foutre royalement. Et ça avait brisé son petit cœur en mille morceaux.
Mais autant essayer de tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation. Sauf que y avait rien à tirer ! Elle avait cherché sans relâche mais il semblerait que grand-maman Eunice s’était plantée quand elle avait marqué le couvent Saint Paul comme l’endroit où était caché le trésor disparu. Faut dire que grand-maman Eunice avait pas vraiment inventé l’eau chaude. Et c’était Ruby qui disait ça, pour vous dire. Toujours est-il qu’elle se retrouvait coincée et surtout méprisée. Une torture, un calvaire. Elle avait pleuré des larmes grosses comme des diamants quand elle s’était rendue compte que tout le monde se fichait d’à quel point elle était merveilleuse et la désignait comme hybride. C’était tout bonnement un scandale, une honte ! Pauvre, pauvre Ruby….