Millicent fait les cent pas en attendant que Winston monte. Elle se tord les mains histoire de leur donner quelque chose à faire, se mord la lèvre, a le coeur qui s'emballe et presque du mal à respirer. C'est sûrement bizarre de sa part de se mettre dans un état pareil mais cette visite a quelque chose de pesant. A chaque fois qu'elle pense à Perdita ces temps-ci, depuis qu'elle a parlé à Harris, elle suffoque, d'horribles images de ce qu'il aurait pu lui arriver se bousculant dans son crâne, et la visite de son frère maintenant ne fait rien pour arranger ça. Bien au contraire.

Elle a immédiatement pris contact avec lui après sa longue et épuisante discussion avec Harris, lui a ordonné de ramener ses fesses le plus vite possible chez elle, comme si c'était normal. C'est fou la vitesse à laquelle on peut s'adapter à de nouvelles situations, sans même s'en rendre compte. Prenez Millicent par exemple. Une Bulstrode et une Osorio, une puriste convaincue - elle n'a finalement pas mis bien longtemps avant de se retrouver mêlé à l'Ordre du Phénix, à rechercher l'une de leur informatrice, avant qu'elle même ne se retrouve à échanger régulièrement avec un des membres de la résistance, à l'inviter chez elle et lui révéler ce qu'elle découvre.

Son père doit sûrement se retourner dans sa tombe à l'heure qu'il est.

Tant mieux.

Quand Winston arrive, il toque et Millicent saute presque sur la porte. Elle ne l'avouera jamais à voix haute mais ses visites comptent beaucoup pour elle. A part elle, il semble être le seul à se soucier de Perdita.

"ça fait un bail," elle dit même si ce n'est pas vraiment le cas, avant de pratiquement arracher les gâteaux des mains de Winston.

Elle a pratiquement la tête dans le sac quand Winston affirme la raison de sa visite, son ton la faisant immédiatement relever la tête. "Millie, assieds-toi faut qu'j'te parle..."

"Qu'est ce qu'il y a ? C'est Perry ? T'as appris quelque chose ? Parce que de mon côté c'est plutôt mort. Je peux difficilement poser les questions clairement alors il faut que je ruse. Et Harris est complètement inutile. Sérieusement, tu pourrais pas voir avec l'Ordre si y a pas quelque chose à faire ? Le gars est pratiquement un légume." Millicent a du mal à s'arrêter de parler. Techniquement, elle sait que si elle veut entendre ce qu'il a à dire, elle doit se taire, mais d'un autre côté, vu son ton, elle n'est pas sûre qu'elle a envie de l'entendre. Alors elle parle, délaie l'inévitable.

tw trouble alimentaire (implicite) Millicent ne sait jamais vraiment comment se comporter en présence de Winston. Tout chez lui lui rappelle ce qu'elle détestait à l'école, les étudiants qu'elle martyrisait, ceux qu'elle enviait, et ceux qu'elle essayait d'éviter le plus possible. Malheureusement, tout chez lui lui rappelle aussi Perdita et ça, c'est une toute autre histoire. C'est aussi agaçant qu'attendrissant et plus elle essaye de mettre de la distance entre eux, de le prendre de haut pour qu'il comprenne bien qu'il n'est qu'un outil pour elle, plus cela semble difficile.

Encore plus quand il lui ramène des gâteaux. "T'as pas mangé d'puis la dernière fois, c'est ça ?" C'est une plaisanterie bien sûr, mais Millicent n'a jamais été très douée pour ça alors elle lui jette simplement son regard noir signature et s'empresse de dévorer un premier gâteau. Certain pourrait dire que la nourriture à toujours été la faiblesse de Millicent. La pression insupportable que lui mettait sa mère la poussait parfois - souvent - à noyer sa peine avec des sucreries. Si aujourd'hui, le cordon bel et bien coupé, elle arrive mieux à gérer ses pulsions, la tentation n'est jamais très loin et y resister n'est, selon elle, qu'une perte de temps.

"Aller crache le morceau, Karahalios" - elle se refuse à l'appeler Winston, et encore moins Winnie - "c'est Perry ?"

"Oui, oui, c'est Perry. Ton Harris, là, il avait raison. Tous les prisonniers sont pas envoyés à Azkaban, y a un autre truc où ils foutent les résistants, les hybrides arrêtés et tout l'reste... C'est un genre d'île j'crois... Enfin j'ai pas l'droit de trop t'en dire. Mais y a plein d'chance que Perdita soit là-bas. Elle est pas morte Millicent, pas morte, j'te le jure. L'Ordre, il pourrait la délivrer..." Millicent pensait y être préparé, elle pensait que l'avoir déjà entendu de la bouche de Harris lui donnerait un certain avantage mais c'est loin d'être le cas. La confirmation a le poids d'une pierre qui lui tombe dans l'estomac, un choc qui résonne dans son corps et dans sa tête. "Joder..." elle ne peut que jurer, fermant les yeux contre la violence de ses émotions. Certaines des explications de Winston lui passent totalement au dessus de la tête alors qu'elle le presse. "Okay. Okay, okay," elle répète plusieurs fois, comme pour se recentrer. "Alors c'est quoi le plan ? On y va et on casse tout ? Solide," elle approuve en hochant de la tête, comme si ce plan venait de lui. Elle ne le regarde même plus, continue de manger ses gâteaux en faisant les cent pas. "Mais après ? On fait quoi ? On se tire ? Hors de question que je quitte ta soeur après ça. Et je suppose qu'elle voudra t'emmener ? Faut donc qu'on essaye de quitter le pays tous les trois. Tu dois bien avoir des contacts, des plans avec l'Ordre, non ?" elle parle rapidement, son coeur essayant de sortir de sa poitrine et son cerveau tournant à mille à l'heure. C'est comme si Winston n'était même plus là.

Pendant très longtemps - la majorité de sa vie quasiment - Millicent pensait que son destin était tout tracé. Il y avait un début, un milieu, et une fin, minutieusement décidés par ses parents et sa famille, ses noms prestigieux, et la société magique en générale. Elle était une Bulstrode et ça avait un sens. Les Bulstrode ne font pas n'importe quoi, ne vont pas n'importe où. Alors maintenant, il n'était pas rare pour elle de se retrouver un peu perdue, anxieuse, écrasée par la réalisation qu'elle n'avait plus de but, plus de destin. Millicent est aujourd'hui forcée de prendre chaque jour, l'un après l'autre, et se concentrer là dessus.

La disparition de Perdita, aussi traumatisante soit elle, avait au moins eu l'effet de lui réapprendre à avoir un objectif. Maintenant, Millicent savait de quoi son futur proche serait fait: interroger des témoins, chercher des indices - un espoir - et mettre en commun ses infos avec Winston jusqu'à retrouver Perdita. Millicent aurait tout de même du se poser cinq minutes pour réfléchir à l'après. Une fois Perdita localiser, quoi faire ? Les possibilités infinies lui font tourner la tête, si bien qu'elle en perd presque l'équilibre quand Winston met un ferme stop à son délire.

"Tu pourras pas v'nir," il lui annonce et Millicent s'arrête net, le regard planté sur lui. "Quoi ?" elle demande, la voix à peine plus haute qu'un murmure. "Parce que si on y va genre tous les deux, c'est du suicide. Et si l'Ordre y va bah..." Winston poursuit, sans prendre la peine de finir sa phrase parce que visiblement, ça coule de source.

Bah quoi ? Millicent se demande, un peu vexée, une moue boudeuse trahissant ses pensées. Je suis pas assez bien pour l'Ordre c'est ça ? Ils préfèrent faire ça entre eux ? C'est de leur faute si Perry se retrouve dans cette situation de base alors si quelqu'un doit la sortir de là, c'est peut être pas eux. Elle veut le faire remarquer à Winston mais, étonnamment, en décide autrement.

"Mais j'te tiendrai au courant. Ou mieux, Perry t'le dira !" Winston ajoute comme pour la rassurée mais Millicent est déjà loin dans sa tête. Tout ce qu'elle entend, elle, c'est qu'elle n'est pas prête de revoir Perdita. "J'reste moi. Et j'préfèrerai qu'vous restiez aussi. L'Ordre peut vous cacher ! Et faut continuer à s'battre ! On s'en sortira jamais sinon !"

Au moins, ça, ça réussit à attirer son attention. Millicent repose son regard sur Winston, un peu prise au dépourvue. j'préfèrerai qu'vous restiez. Vous. C'est bien la première fois depuis une éternité que Millicent se sent voulue (hormis Ocean) et même si une petite voix lui dit que Winston dit simplement ça par politesse, elle fait de son mieux pour ne pas l'écouter.

"Tu penses vraiment que ton précieux petit ordre voudrait de moi ? Et quoi ? Je partagerai une chambre avec Weasley fille et Granger et on se fera des tresses en se racontant tous nos petits secrets ? Sérieusement, Karahalios..." Déjà que le gouvernement qu'elle a toujours soutenue veut à peine d'elle, alors la Résistance qu'elle a toujours méprisé, le clan de Potter qu'elle a tant voulu écraser... Ils lui riraient au visage avant de la livrer aux autorités, probablement. "Y a pas d'issues pour les gens comme moi dans ce monde. C'est pour ça qu'il faut que je me barre au plus vite. Et avec ta soeur, de préférence." Sa phrase laisse entendre qu'il a le choix mais son regard noir raconte une tout autre histoire.

Quelques mots et voilà Millicent qui retombe immédiatement dans ses vieux travers. Pas d'espoir, pas de chaleur, pas de bienveillance. Juste de la bonne vielle rancoeur, un air de supériorité qui ne lui va plus si bien, et surtout de la distance. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de distance. Si elle le pouvait, elle enverrait Winston valdinguer direct à travers la porte et hors de son appartement (les malédictions ça peut fonctionner comme ça ? Qu'avait dit Boris déjà sur le sujet ?)

Elle pensait qu'elle avait dépasser ça, les moments de solitude où elle a l'impression d'être voulue nulle part, de toujours avoir à se battre, encore et encore, pour obtenir ce qu'elle devrait normalement mériter sans efforts. Et Winston... Il lui rappelle tellement Perdita qu'elle avait réussi à plus facilement à baisser sa garde, à accepter de lui faire une petite place dans sa vie mais maintenant elle est si affectée, si déçue qu'elle ne l'écoute plus, se laisse partir toute seule en se montant la tête comme seule elle sait le faire.

"L'Ordre accepte tout le monde," Winston essaye de lui rappeler mais ça rentre dans une oreille et ça ressort par l'autre. Millicent lève les yeux au ciel, loin d'être convaincue.  "Tu parles," qu'elle marmonne dans sa barbe, si bas que Winston ne peut pas vraiment l'entendre. "Puis si vous n'voulez pas trop vous impliquer, il abrite les réfugiés. Quant à partager ta chambre avec Ginny et Hermione, t'inquiète que ça t'arriv'ra pas" Le rire de Winston lui fait voir rouge et Millicent lui jette un regard noir et glaçant, étant très loin de comprendre la véritable raison de sa réaction.

"Oh rassure toi, je sais très bien qu'elles ne voudraient pas m'approcher. Je suis pas assez bien pour elles. Trop vilaine, pas vrai ? Elles, elles valent mieux que moi. Te fatigue pas, je connais la chanson." Elle souffle, se tourne un peu pour contenir ses émotions puis reporte à nouveau son attention sur Winston, la tête haute. "T'façon, je m'en fous. J'ai pas besoin de votre Ordre pour survivre." Jusque là, elle s'est toujours très bien débrouillée. Et puis, si elle se base sur Perry et Harris, elle s'en sort même mieux sans que eux avec.

"Perdita reste !" La réaction de Winston la fait presque sursauter. C'est bien la première fois qu'elle le voit s'emporter comme ça. Elle lève ses sourcils, surprise mais loin d'être amusée. "Tu fais ce que tu veux mais Perdita reste," il ajoute plus calmement et Millicent tourne la tête, comme si ne pas le voir pouvait l'aider à ignorer ce qu'il a à dire. "On ne sépare pas les Karahalios." La détermination et le dévouement dans la voix de Winston pince le coeur de Millicent à lui en faire mal. ça lui laisse un goût amer dans la bouche et elle pourrait presque en vomir. Être aimée comme ça, Millicent n'a jamais connu. Elle, elle avait le droit aux visites officielles, au protocole, à l'élite, aux apparences, mais jamais à l'amour véritable, la dévotion inconditionnelle. Elle souffre et elle déteste Winston de lui faire endurer ça. Alors elle mord. "Désolé de te dire ça, bouclette, mais c'est trop tard. Les Karahalios ont été séparés. Regarde toi. T'as plaidé allégeance à une organisation qui en a rien à battre de toi. Tu crois que ton précieux Ordre est si différent du gouvernement actuel ? Il est peut être plus ouvert d'esprit mais ce qu'ils veulent, tous autant qu'ils sont, c'est le pouvoir. Le pouvoir et rien d'autre. T'es un pion, un bon petit soldat avec des rêves pleins la tête dont ils peuvent disposer comme bon leur semble. Tu penses vraiment que Perry soit si bien logée là bas ?"

ça y est, Millicent est lancée. Et maintenant qu'elle est partie, elle va avoir du mal à redescendre, même une fois que Winston sera parti (ce qui ne devrait pas trop tarder vu la tournure que prennent les choses.) Elle a toujours été comme ça, à partir au quart de tour, à dire ce qu'il ne faut pas, à piquer et titiller et surtout frapper où ça fait mal quand les choses ne vont pas dans son sens, et, bizarrement, maintenant qu'elle sait que cela vient en partie de son sang de harpie, cela ne la gène plus autant qu'avant. Avant, Millicent était un peu frustrée d'être comme ça, de ne pas pouvoir se contrôler, d'être perçue comme une grosse folle hystérique par les autres parce qu'elle était toujours méchante et vicieuse. Aujourd'hui, cependant, elle y est habituée, et accepte presque avec plaisir, même, cette partie d'elle même. Quelque part, c'est un peu un super pouvoir.

Alors quand Winston répond avec colère, son visage de vélane se transformant avec l'émotion, Millicent esquisse un très léger sourire - même si elle fait un mini pas en arrière, inconsciemment, son huitième de harpie comme dominé par le quart de vélane de Winston. "PERDITA RESTE !" il s'exclame, sa voix englobant tout l'espace du petit studio qu'habite Millicent. "Dans tous les cas, ma sœur sera mieux logée à l'Ordre que dans une tombe," il ajoute, une phrase qui retourne le coeur de Millicent sans qu'elle ne puisse rien dire parce que lui aussi est lancé et lui non plus ne s'arrête pas. "Parce que c'est c'qui attend les fuyards et j'suis très bien placé pour le savoir. Perry reste, tu fais c'que tu veux. Tu continues d'mener ta vie de lâche s'tu veux, à critiquer l'Ordre tout en t'pliant bien gentiment au gouvernement qui tue les tiens, tu t'enfuis loin s'tu veux mais tu ne l'entraineras pas avec toi ! Et j'préfère être un soldat d'l'Ordre qu'une chienne du gouvernement et - spoiler - j'pense que Perry est du même avis qu'moi !"

Chaque mot est comme une claque en plein visage pour Millicent mais cela ne fait qu'aiguiser son sourire et ses mots qui sont prêt à sortir. La dernière phrase qu'il lui lance, "Ma proposition tient toujours, l'Ordre vous accueillera," est juste ce qu'il faut pour totalement la faire basculer, ses yeux s'assombrissant immédiatement. Si elle savait comment faire, elle l'aurait maudit sur place.

"Comment. Oses-tu ?" Sa voix n'a rien du feu qui enrobait celle de Winston. Elle, c'est plutôt un air glacial qu'elle dégage. "Je t'interdis de me parler comme ça. Tu viens chez moi et tu oses me juger comme ça ? Qu'est ce que tu sais de moi ? Qu'est ce que tu sais de ma vie ici ? T'es bien planqué derrière les grandes personnes de l'Ordre alors c'est facile de prononcer des grands discours mais qu'est ce que tu sais de ce que Perry et moi on a vécu ? De ce que je vis, moi, tous les jours ici ? Tu sais comment on me traite ? S'il y a un lâche, ici, c'est pas moi, crois moi. Tu parles de l'Ordre comme si c'était la solution miracle mais vous faites quoi concrètement ? Rien. Absolument rien. Et puis tu parles pour elle ? Perry, ça fait des mois qu'elle a disparu. Qu'est ce que tu sais de ce qu'elle peut bien penser de moi, de toi, ou de ton putain d'ordre de merde ? Vous vous prenez pour de grands sauveurs, l'espoir du monde magique, mais même votre précieux petit élu en pacotille vous avez pas su le tenir. Et maintenant il fait de la lèche à tu sais qui. Comment veux tu que je crois en vous ?"

Une fois qu'elle a terminé, elle souffle un peu, comme fatiguée, lassée par cette conversation et tourne la tête, marche un peu, comme pour se dégourdir les jambes. Elle a encore tellement de choses qu'elle voudrait dire, tellement de venin prêt à être déversé mais elle se retient, avec un effort sur humain, parce que c'est le frère de Perry, et que même si elle en a pas grand chose à faire de lui, elle sait qu'il compte plus que tout pour Perry. (Peut être même plus qu'elle...) "L'Ordre peut bien m'accueillir, si c'est pour me recevoir comme ça, non merci. Je suis pas une Poufsouffle," elle lui dit, un peu plus calmement. Elle marque la pause, puis jette un regard à Winston, et ajoute par pur mesquinerie, incapable de s'en empêcher. "Au fait, t'es moche quand tu t'énerves."