tw: mention d'alcoolisme « Tu vas où ? » « Voir quelqu'un. » « Qui ? » « C'est pour un truc, c'est pas important. » « Tu sais que Tony va pas apprécier que tu te renseignes de ton côté sur les horror games... » Ethan garda le silence, pinçant les lèvres pour retenir la bile qui menaçait d'en sortir. Cool, je m'en contrecarre. Tony avait assez à faire avec l'Ordre, ses propres informateurs, les réunions stratégiques avec les têtes pensantes des Avengers (soit Sam, Kad, Norah et parfois Amaya, avait appris Ethan avec un froncement de sourcils désapprobateur), l'état déplorable de Noam, et accessoirement le cul de Sohan – il doutait que de sortir quelques heures, dans ce tumulte, retienne l'attention de leur leader. « Fais attention à toi », fit finalement Hugo devant son air fermé. Ethan capta son regard sur son visage, et se détourna avant de pouvoir lire dans son regard le reflet de ses traits épuisés par les derniers événements. Savoir Simon si proche et pourtant si loin, voir Noam se saouler, refuser qu'il le touche, sangloter devant lui, sentir la tension grandissante au fil des préparatifs de cette action aux proportions gigantesques – autant de choses qui pesaient lourdement sur les nerfs pourtant solides d'Ethan.

Il avait besoin de sortir du camp, parfois – il lui était difficile d'y rester longtemps, appelé par la possibilité d'une piste, d'une information qui leur serait vitale, et venait un moment où le mur de la chambre, fourmillant de papiers, de photos, et des dessins de Sylas, devenait tout simplement trop. Il avait peur de perdre Noam, de perdre Simon, et quelque part, il craignait d'avoir à assister à un second Wolverhampton dans quelques semaines à peine – tous les sourires de Sylas et toute l'empathie de Sam ne pouvaient enlever à ces craintes profondes.

Il franchit les barrières du camp à l'endroit habituel, le chant des runes de Kad étouffé par les pensées blanches d'Ethan, et après s'être assuré d'un coup d'oeil que personne ne l'attendait visiblement à la sortie, plus préoccupé à ce qu'un Avenger ne le suive, il baissa les yeux sur son téléphone, sa baguette serrée dans l'autre main. « Allez... » souffla-t-il devant l'absence de réseau, leurs téléphones enchantés pour plus de reception souffrant parfois des mêmes interférences que leur contrepartie purement moldue ; les barres en haut à gauche se mirent à grimper (un miracle purement magique dans ce coin des Highlands), et Ethan fit un pas décidé en avant.

Il sentit ses chevilles happées par une main invisible, stoppant brusquement sa marche et son cœur ; il chercha à se rattraper à un tronc couvert d'une mousse humide afin de prévenir la chute, pour se rendre compte qu'il avait trébuché sur du vide et qu'en réalité, aucune chute n'était à venir. Ses deux pieds étaient ancrés au sol comme deux arbres profondément enracinés, liés par une force invisible, indéniablement magique. « Merde », fit-t-il en pointant vivement sa baguette sur ses pieds englués – peut-être qu'en fin de compte Tony allait vraiment lui faire la peau, s'il ne la laissait pas d'abord dans cette embûche. « Separatio. » Sa baguette resta muette, un bout de bois entre ses doigts tremblants. « Separatio... Separatio... Separatio ! » Et son souffle retomba dans un parfait silence, écrasant, lourd de sens : il était coincé. « Merde », répéta-t-il avec emphase, en constatant que les barres de réseau avaient disparu de son téléphone, le secouant désespérément comme s'il allait lui insuffler le pouvoir de prévenir les autres, entre deux coups d'oeil alertes à la forêt environnante, guettant le danger plombant soudain ses épaules.

« C’est inutile de vous débattre. Je suis sûre que vous ignorez tout de la magie face à laquelle vous vous retrouvez. Ce serait dommage que vous vous blessiez tout seul, non ? » Le sang d'Ethan ne fit qu'un tour à la voix tranquille s'élevant sur sa droite ; il découvrit avec stupeur le sourire que lui offrait l'inconnue, dont il détailla les traits et la tenue d'un œil vif – elle ne lui disait rien, ne portait aucun signe pouvant l'aiguiller sur ses attentions, au-delà du souhait sensible de le voir immobilisé, et inoffensif comme un lapin de trois semaines. Merde. « Qui êtes-vous? » Son torse se creusait rapidement sous l'alerte et la menace imminente de cette inconnue à deux doigts de leur camp ; un coup d'oeil rapide à son téléphone lui apprit que le réseau n'était toujours pas revenu, et qu'il se trouvait, ainsi, indubitablement seul face à l'inconnue. Double merde. « Bonjour, je m’appelle Shanti. » Ethan releva vivement les yeux vers elle. « J’ai beaucoup de questions et mon petit doigt m’a soufflé que vous pourriez en avoir les réponses. » Des questions ? Ses sourcils se froncèrent en cherchant à comprendre quel genre de questions méritait de venir rôder autour de Dagobah – comment les avait-elle trouvés en premier lieu ? Un bon point était que, tout interrogatoire qu'elle lui réservait, elle n'avait pas l'air d'être exactement sous les ordres d'une des Brigades du gouvernement. Ces derniers auraient fondu sur lui sans plus de procès. « Le problème étant que je n’ai aucune confiance en vous et que vous n’avez sans doute aucune envie de répondre à mes questions. Avant de passer aux méthodes les plus radicales, j’ai quand même envie d’essayer la manière douce. » Les yeux d'Ethan chutèrent sur la pierre qu'elle lui présenta, faisant croître son agacement d'un bond –  « Ceci permet de déceler le vrai du faux. Rien de plus. Prenons un exemple. Je suis une femme. Je suis un homme. » L'incongruité de la scène le laissa coi une seconde, puis il eut une expiration oscillant entre agacement et déconfiture en comprenant qu'il allait passer au crible des questions de Shanti. « Bien sûr, vous pourrez toujours penser que c’est un piège, que j’ai enchanté cette pierre d’une façon inconnue ou que sais-je encore. Mais pour le moment, je ne vous veux aucun mal. Je suis seulement à la recherche de quelqu’un et j’ai besoin de réponse. » Ethan se raidit en la voyant approcher, et glissa rapidement son téléphone à l'arrière de son jean ; juste à temps pour que la pierre soit déposée au cœur de sa main moite, chauffant désagréablement sur sa peau brûlée de stress. « Maintenant que les choses ont été dites… Qu’avez-vous à me dire au sujet de Logan Yaxley ? »

Oh non. Oh non. Les rouages s'enclenchèrent dans l'esprit d'Ethan où le déclic se fit instantanément – une inconnue, des questions, Logan. Ethan avait redouté de voir un jour un proche de Yaxley toquer à la porte de leur campement ; la peur s'était dissoute avec le temps, en voyant que personne ne s'était présenté pour réclamer le Halfer. Soit leur campement était redoutablement bien dissimulé (un fait avéré, si personne ne les avait trouvés en quatre ans de fuite), soit personne n'avait voulu faire l'effort – et voir Shanti réaliser ses craintes des premiers jours le glaçait d'effroi, écrasant sans lui laisser une chance le soulagement léger de voir que Logan avait quelqu'un tenant à lui, au-delà de son cousin à la réputation peu flatteuse.

Logan avait eu une copine, une amie ? Ou avait-on engagé Shanti pour le retrouver ? Ces réponses de curiosité pure attendraient – qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre ne l'aiderait pas plus à se sortir du pétrin dans lequel elle l'avait fourré. « Qui êtes-vous ? répéta-t-il en resserrant ses doigts sur sa baguette devenue inutile, un vieux réflexe de duelliste tout aussi incapacité fut-il. Qu'est-ce que vous lui voulez ? Sentir sa magie scellée sous l'influence de ce piège le rendait d'autant plus nerveux ; il pouvait sentir le sort maintenant ses cheveux de façon impeccable fondre comme neige au soleil. Shanti, et ensuite ? » Il cilla en soutenant le regard de la sorcière. Sa main ouverte sur la pierre tremblait légèrement, comme refusant de fermer les doigts sur ce cadeau empoisonné ; ce n'était pas parce qu'il sentait la peur gronder qu'il ne pouvait essayer de protéger les siens, Logan y compris, ou tout du moins gagner un peu de temps.

Qui êtes-vous ? Cette question doit tourner en boucle dans sa tête, comme un disque rayé et tu n’es pas prête de lever le bras de lecture pour l’arrêter. Tu n’as aucune envie de le mettre dans de bonnes dispositions, bien au contraire. En tout cas, pas tant que tu n’as pas les informations que tu es venue chercher. Il a ton nom et c’est déjà beaucoup. Tu sens bien que tout ton speech, toute ta présentation le met mal à l’aise - l’effraie peut-être ? Le pauvre petit bout aurait-il des choses à cacher ? Tu pourrais presque avoir pitié de lui si tu n’étais pas tant concentré sur Logan - et s’il n’était pas là de ton fait. Il a des réponses à te donner. Tu le sais. Même sans la pierre, son visage se décompose quand tu prononces le nom de tes désirs. Qu’espère-t-il faire à ne répondre que par des questions ? Gagner du temps peut-être ? Après tout, il ne doit pas être seul - être seul et en fuite reviendrait à du suicide et tu refuses de croire que Logan ait pu se faire piéger par un seul homme. Mais soit. Tu acceptes de rentrer dans son jeu. Au moins un peu. Il faut bien tendre une carotte à l'âne pour qu’il avance, pas vrai ?

-Vous pensez vraiment être en position de poser des questions ?

Dans un premier temps, tu joues au même jeu que lui. Toi aussi tu peux le faire. C’est agaçant, pas vrai ? Tu restes face à lui, à le regarder dans les blancs des yeux. Tu n’as aucune raison de détourner le regard - voir son stress et son mal être est également assez plaisant à tes yeux ; tu as toujours été un peu sadique, très légèrement. Il se donne du mal pour soutenir ton regard, ç’aurait été dommage de ne pas jouer le jeu. Mais tu décides d’y mettre un terme pour te glisser dans son dos, qu’il ne puisse plus te voir mais seulement entendre ta voix.

-Mais soit. Si je veux que la situation avance, il faut bien que je fasse un premier pas vers vous, semblerait-il. Cela dit, si vous êtes en contact avec Logan, je suis un peu surprise que mon nom ne vous dise rien. A moins que vous ne le reteniez contre son gré, bien sûr…

Tu tâtes un peu le terrain. C’est à cette hypothèse que tu t’es rattaché pendant son absence, refusant de croire à une trahison volontaire de sa part - il aura bien d’autres occasions de faire cela. Mais pas comme ça. Pas ainsi. Non, tu ne l’accepterais pas. Tu fixes le dos du jeune homme, à la recherche d’une brèche, d’un tressaillement, d’un signe quelconque. Une preuve que tes mots le touchent.

-Je suis sa fiancée. Enfin, son ex-fiancée.

Le comment du pourquoi tu veux le revoir, tu le gardes pour toi. Tu as des questions, beaucoup de questions et cet homme n’a nul besoin de le savoir. Tu ressors de l’ombre pour à nouveau lui faire face. Pour la suite, tu veux le voir. Tu veux voir son visage, parce que tu es sûr qu’il est lié à la disparition de Logan maintenant - sinon, il aurait juste demandé de qui elle parle, sans chercher à en savoir plus sur elle.

-Je suis aussi la mère de sa fille. Fille qu’il ignore avoir puisqu’il a disparu peu de temps avant sa naissance. Donc si vous le croisez avant moi, évitez de lui en parler, j’aimerais pouvoir le faire moi-même.

Alors, qu’est-ce que ça peut bien faire d’apprendre d’avoir séparé un père et sa fille ? D’avoir privé une fillette de la chance de grandir et de connaître son père ? Ton regard se fait beaucoup plus froid, tout ton corps se raidit. Tu te retiens clairement de faire quelque chose que tu pourrais gravement regretter. Tu t’approches de lui - volontairement - tu sais qu’il ne pourra pas te faire de mal et tu veux être assez proche pour le mettre mal à l’aise. C’est ton seul but.

-Il me semble que maintenant, vous savez qui je suis, à moins qu’une biographie complète ne soit nécessaire, mais ni vous ni moi n’avons ce temps. Maintenant que j’ai répondu à votre question, je vous laisse répondre à la mienne : que pouvez-vous me dire au sujet de Logan Yaxley ?

Ta voix est, à l’image de ton attitude, plus froide. Ce petit jeu t’a fait perdre ta patience. Tu n’as plus le temps de jouer maintenant. Tout ce qui importe sont les réponses qu’il peut te donner. Rien d’autre et tous les moyens seront bons pour les obtenir. Même les menaces…

-A moins que vous ne préfériez que je contacte les autorités compétentes ? Je suis sûr qu’elles seraient ravies de venir fouiner par ici…

Tu es prête à tout pour le retrouver. Vraiment tout. S’il faut raser les environs, tu le feras. S’il faut brûler le monde entier, tu le feras.