mars 2006, the dancing phoenix. Paris souffle, les yeux rivés sur le miroir. Elle replace quelques fines mèches qui s’échappent du foulard dans lequel ses cheveux sont enroulés et vérifie qu’aucune trace de maquillage ne gâche le tableau parfait qu’elle a passé plus de vingt minutes à peindre minutieusement.

Cela fait un bon quart d’heure qu’elle s'est enfermé dans les toilettes du cabaret mais elle pourrait encore y passer le double. Elle a rapidement appris à savourer ces moments, quand elle se retrouve seule mais que la foule n’est pas très loin, l’écho du brouhaha assez fort pour qu’elle ne soit pas seule avec ses pensées mais assez loin pour qu’elle puisse vraiment respirer. C'est un peu comme mettre la tête sous l'eau. Le reste du monde est toujours là, à porter de main, mais atténué, et le choix d'y retourner n'appartient qu'à Paris.

Aujourd’hui n’est pas exactement une mauvaise journée. Ses doigts ne tremblent pas, ses sourires sont faciles, pétillants, et son éternelle envie de provoquer une catastrophe n’est ce soir qu’un simple murmure, pour l’instant facile à ignorer. Mais il y a tout de même ce poids sur sa poitrine qui ne l’a pas quitté depuis qu'elle s'est réveillée ce matin.

Sa nuit a été agitée, troublée par des rêves sombres et brumeux qu’elle n’a compris qu’à moitié. En se réveillant, elle avait le sentiment fantôme d’avoir des doigts enroulés autour de ses poignées et des flashs de vifs souvenirs des rues insalubres de Londres mêlés à des images d'une autre ville, moins familière et, étonnamment, plus angoissante. Toute la journée Paris a essayé de se défaire de cette sensation oppressante sans jamais vraiment y parvenir, comme le son d'une radio qu'on peut baisser mais jamais éteindre.

Devant elle, dangereusement en équilibre sur le bord du lavabo, est posé son sac à main, grand ouvert. Elle farfouille dedans, entre la petite bourse en cuir qui retient son argent sorcier, son porte monnaie à paille qui retient son argent moldu, son maquillage balancé en vrac quelques secondes avant de quitter son appartement, et un petit sachet en velour qui attend d'être remis en main propre à sa destinataire. Les doigts bagués de Paris s'arrêtent un instant sur ce sachet, le caressant délicatement, prêt à céder à la tentation, puis se referme finalement sur un autre sachet bien moins précieux, un vieux bout de plastique noué. Avec un nouveau soupire, Paris le dénoue rapidement, attrape l'un des bâtons de réglisses rouges qui s'y trouve et le mets dans sa bouche.

Son temps calme est écoulé.

A l'extérieur des toilettes, on la salut comme une vielle amie. Paris sourit, envoie des clins d'oeil et des sourires dans la direction des visages qu'elle reconnait et se dirige tout droit vers le bar où un cocktail composé pour elle - quelque chose d'immonde, ultra sucré, qu'elle semble être la seule à apprécier - l'attend.

Toujours mâchouillant son bâton, son verre dans une main, elle se pose à côté de Carrie l'air de rien, et lui demande sans la regarder, "Alright, who are we making fun of, tonight?"

"You know I don't drink, Elias. - Yes, I know for a fact that you don't drink the other barmans' cocktails, but mine is-- - I'm not drinking this. - You'll like it. It's very sugary and it's pink. It's made for you. - Paris can have it, she's coming later. I, on the other hand, will have a glass of strawberry milk, thank you very much." Les yeux bleus d'Elias roulent dans leurs orbites et il fait claquer la serviette blanche sur son épaule d'un geste dramatique, sous le regard sombre et ennuyé de Carrie. "You know, it's not good publicity for our so-called Lion to be behind the counter. - Oh come on, there's barely anyone in for now. Plus, people respect a leader who gets his hands dirty." Carrie lève les yeux au ciel sans daigner répondre, glissant du tabouret où elle s'est juchée pour passer commande au bar. "Strawberry milk," lui rappelle-t-elle avec un doigt accusateur pointé dans sa direction. "Not a White Russian. - You're boring," Elias appelle après elle quand elle s'éloigne, se dirigeant vers l'une des tables à l'écart du gros de la salle de spectacle.

Le Dancing Phoenix n'est pas encore plein à craquer, mais ça ne saurait tarder. Cela fait des semaines que Kamala travaille sur un nouveau spectacle, et il fait furer depuis son ouverture la semaine précédente: même Carrie a dû concéder que la vente des tickets était impressionnante et que peut-être la Wolf avait fait du bon travail (un constat qui lui a brûlé les lèvres, surtout quand Kamala s'est mise à sourire comme une véritable louve en l'entendant le dire devant tout le monde). Carrie pensait attendre que l'engouement pour le spectacle se calme un peu avant d'aller le voir de ses propres yeux, et pensait qu'une semaine serait suffisante pour ça, mais elle s'est trompée apparemment. Un flot régulier de clients continue d'entrer (à son grand plaisir - presque deux Gallions par tête, sans compter les boissons, les tables, la nourriture et les réservations, ainsi que les "services spéciaux" proposés ici) et l'endroit va être bondé d'ici le début du spectacle.

La sécurité la laisse passer côté VIP sans hésiter et Carrie s'assied dans son booth de prédilection en sortant son paquet de cigarettes et la dernière édition de Witch Weekly de son sac. Son verre de lait à la fraise ne tarde pas à apparaître et, à travers la salle, elle adresse un regard sombre à Elias derrière le bar qui lève son pouce dans sa direction. Si il y a la moindre goutte de vodka dans sa boisson, elle va lui arracher les yeux.

Elle reporte son attention intensément concentrée sur le quiz de personnalité de WW - what does your spellcasting style reveal about who you really are? - et ne remarque pas Paris qui s'approche et se laisse tomber sur la banquette à côté d'elle, s'attirant un regard noir. "Alright, who are we making fun of, tonight?" Un sourire vient éclairer le visage de Carrie - une rareté qui ne fait son apparition qu'au contact des good children et de son cercle le plus proche. Malgré tout, une lueur vaguement mesquine s'y glisse, le coin de ses lèvres tiré dans un rictus moqueur. "You, apparently." Elle ferme le magazine sur ses genoux et le lance en direction de son amie, le faisant glisser sur la table. En Une, les yeux de biche de Lux sont plongés dans ceux de son mari dans une expression aimante, et la photo animée les montre sur le point de s'embrasser sur un shoot sur fond de maison de campagne idyllique. Les titres autour ne font pas de mystère sur le contenu du magasine: when is the right time? / the new perfect generation / 9 best potions to boost fertility and sexual health et évidemment: married and settled down: what next?

Ce n'est pas la première fois que la copine de Paris fait la Une de WW (ni la dernière, du moins Carrie espère), et ce n'est même pas la première fois qu'elle apparaît dans un magazine avec son époux. Néanmoins, la chose a toujours tendance à faire légèrement sourire Carrie qui apporte une cigarette déjà à moitié consumée à ses lèvres, jetant un regard moqueur à Paris: "you're a fucking cuck." Elle secoue la tête en recrachant sa fumée, hausse une épaule. "Wouldn't be me." Au contraire même; mais ce que Yanli ignore ne peut pas lui faire du mal. Enfin, ignorait: ça fait presque six mois qu'elle ne lui a pas adressé la parole, depuis qu'elles se sont séparées. Franchement, whatever. "But hey, to each their own, right?"

TW crude language Son bâton de réglisse coincé entre les dents, Paris ne peut empêcher le rictus moqueur qui se dessine sur ses lèvres. Ce même rictus qui disparaît immédiatement, cependant, à la réponse cinglante de Carrie. "You, apparently." La mine un peu crispée, Paris pose son regard sur le magazine que Carrie tient devant elle et si elle a du mal à déglutir, ce n'est pas à cause de sa sucrerie.

Ce n'est pas la première fois que Paris est confrontée à ce genre de photo et elle sait très bien que ce n'est pas la dernière fois non plus. C’est pas ça qui l’agace, pas vraiment. Bien sûr, elle sent un pic possessif venir lui pincer le cœur mais c’est normal. Paris n’aime pas partager. Elle aime avoir pleins de jolies choses, elle aime montrer ces jolies choses, elle aime voir l’envie dans l’oeil des autres quand elle montre ces jolies choses, mais elle n’a jamais, n’aimera jamais partager ces jolies choses. Surtout quand il s’agit de Lux.

Non, ce qui l’agace vraiment c’est le petit rictus qui trône sur les lèvres de Carrie, un rictus qu’elle aimerait bien faire tout de suite disparaître.

Il y a peu de choses que Paris ne serait pas prête à faire pour sa famille, pour les Good Children, pour Carrie. Vraiment, il n’y a quasiment rien qu’elle ne ferait pas. Mais avec Carrie, c’est compliqué. Elle l’adore presque autant qu’elle la déteste. En sa présence, il y a toujours cette tension, un sentiment que Paris ressent jusque sous sa peau, une envie de prendre, d’écraser, de dominer. C’est sans doute un mélange de jalousie, d’agacement, et d’amour qu’elle n’a jamais appris à gérer.

Plutôt que de réagir tout de suite, elle préfère s’attarder un peu sur la photo en une du magazine, sur le visage radieux de Lux qui a l’air d’être la femme la plus heureuse du monde au bras d’un homme quelconque, un homme comme Paris en a tellement vu. Puis elle dirige son regard sur le verre de Carrie. Elle se mord la lèvre, une remarque piquante sur le bout de la langue que, surprenamment, elle garde pour elle (vraiment, aujourd'hui, elle est dans un bon jour). Au lieu de débuter un autre match, elle préfère se concentrer sur gagner celui en cours.

"You're a fucking cuck. Wouldn't be me,” Carrie continue de la tourmenter et Paris la regarde, soulève l'un de ses sourcils, et renvoie la balle.

"No, I guess not. You're usually the one doing the cucking, right? I sure would know," elle ajoute l’air de rien, un petit sourire fière sur ses lèvres, en tournant de façon distraite sa paille dans son verre, laissant l'implication faire le reste du travail.

Paris n'irait pas jusqu'à dire qu'elle est fière d'avoir contribué à la trahison de Carrie envers Yanli - elle a plus de classe que ça quand même - mais elle ne se cachera jamais du fait qu’elle ressent tout de même une pointe de satisfaction à chaque fois qu’elle y repense - la même satisfaction qu'elle ressent quand on lui rappelle que Lux est mariée avec un des laquais du gouvernement.

“Anyway, he’s the cuck,” Paris se sent obligée de préciser. Hors de question de laisser Carrie penser qu’elle n’obtient pas exactement ce qu’elle veut dans sa relation avec Lux. “He’s good for posing on the cover of magazines but I’m the one who gets all the bling,” elle dit en agitant le sapphire qui pend à son cou. “Poor guy would probably catch on fire if he knew his precious wife was fucking a harpy on the dl,” elle ajoute avec un gloussement avant de prendre une longue gorgée de son cocktail.

tw: explicit language, sorry, hashtag la pire

C'était un coup classique, entre Doves, à l'époque: se renvoyer la balle cruellement, taper là où ça fait mal. Pour s'endurcir, pour se tourmenter, pour se rapprocher. Carrie ne peut même pas faire la liste des horreurs qu'elle a pu dire aux good children et à Verdi, toutes les fois où elle a traversé avec aplomb la ligne tracée dans le sable, sans se retourner - et toutes les fois où elle s'est sentie se liquéfier de l'intérieur quand on lui a rendu la pareille, toutes les fois où les mots ont fait mouche et l'ont rendue tremblante, anxieuse, incompréhensive et paniquée. Mais il faut avoir sa carapace, dans leur monde, et vaut mieux s'assurer qu'elle est bien en place et solide: alors se charrier cruellement fait partie de leur quotidien, et est une manière comme une autre de montrer son affection.

Parce que les gens que Carrie n'affectionne pas, elle ne prend pas la peine de les insulter avant de leur sauter au visage.

"No, I guess not. You're usually the one doing the cucking, right? I sure would know." Un sourire étonnament plaisant vient étirer les lèvres de Carrie, un phénomène suffisamment rare pour être noté - ce n'est qu'au contact des siens que ses risettes se révèlent, souvent moqueuses, rarement aussi lumineuses. Pendant un instant, tout son charme vélane revient à la surface, la candeur de ses traits accentuée par les étincelles discrètes de ses yeux sombres. "That's right, Paris," ronronne-t-elle presque. "I have control over my relationships."

La vérité, bien entendu, est un peu différente, et Paris le souligne elle-même: “Anyway, he’s the cuck.” Les yeux de Carrie retombent sur la couverture et le visage béat de Hadrian Mpaka, et elle renifle légèrement. Pour être tout à fait honnête, une part d'elle est fière de savoir que Paris se tape Lucrèce Harcourt dans le dos de son imbécile de mari - une de ses good children qui couche et sort (plus ou moins) (Carrie ne s'aventurerait pas à définir leur relation apparemment houleuse pour elles) avec la star du moment. Fière, et un peu jalouse, on va pas se mentir. Carrie mangerait bien à cette assiette elle aussi. “He’s good for posing on the cover of magazines but I’m the one who gets all the bling.” Carrie plisse des yeux pour observer le bijou à son cou, pince des lèvres avec envie. "Hmpf. - Poor guy would probably catch on fire if he knew his precious wife was fucking a harpy on the dl.” Difficile de ne pas glousser avec elle, Carrie se contente d'attraper son verre de lait pour le porter à ses lèvres, cachant sa moue amusée.

"Don't they already have kids anyway?" Carrie fait genre elle ne connait pas la vie de Lucrèce Harcourt par coeur, et c'est dur. "Talking about kids, tell me, Paris, I was wondering," reprend-t-elle sans attendre la réponse, ses yeux étincelant une nouvelle fois de cette lueur mesquine alors qu'elle se penche légèrement vers elle. "Do you ever taste his cum when you go down on her? I mean..." Elle arque les sourcils d'un air entendu. "He might be the cuck, but you're the one getting his crumbs. Again: wonder how that feels." C'est bien Paris qui voulait se moquer de quelqu'un ce soir, et Carrie n'a jamais été du genre à lâcher le morceau. Alors comme elle a pris soin de mentionner sa relation (aussi short-lived que désastreuse) avec Yanli, Carrie enfonce le clou: "always the other woman. Who needs self-respect anyway, uh?"

TW meurtre (non je déconne)
TW crude language, violence un peu (même si c'est dans sa tête), paris est une gamine, carrie aussi "That's right, Paris. I have control over my relationships." Le ton aussi bien que les mots en eux-même font grincer les dents de Paris.

Il y a bien longtemps qu'elle a accepté que Lucrèce n'était pas qu'une simple amante de plus à rajouter à sa liste de conquête qui lui évite de se retrouver seuls dans le noir avec ses démons. Non, Lucrèce est spéciale. Encore plus quand elle en parle avec Carrie.

Le truc avec Paris et Carrie... En tout cas, l'un des trucs avec Carrie et Paris c'est que Paris a un peu trop tendance à voir leur relation comme une course. Une course dans laquelle elle est constamment en retard. Une course qu'elle perd trop souvent à son goût. Une course qu'elle semble parfois la seule à courir. Et le pire c'est qu'elle sait que Carrie le sait. Et qu'elle en joue. Parce qu'elle est comme ça et que Paris est comme ça. Présentez lui quelqu'un et elle trouvera un moyen d'en faire une compétition.

Paris adore Carrie, vraiment (avec Verdi, elle est probablement l'une de ses seules véritables amies) mais leur amitié vient avec un goût amer dont elle ne parvient jamais à se débarrasser, une amertume empoisonnante qui transforme toutes leurs conversation en un match qui ne laisse personne, en tout cas pas les observateurs, indemne. Souvent, cela vient de son insécurité mal placée liée au fait qu'elle est de sang harpie et que Carrie est de sang vélane, un concours de beauté et d'influence auprès de la gente masculine déjà perdu d'avance qui la rendrait presque malade parce que Paris déteste perdre.

Et au milieu de tout ça il y a Lucrèce, le joyaux de sa collection, la seule chose qu'elle a sur Carrie, qui lui fasse gagner quelques centimètres. Si même ça ne lui donne plus un avantage, alors qu'est ce qu'il lui reste ?

"Don't think for one second that I'm not in charge of this relationship," elle dit un peu fermement, refusant de perdre sur ce terrain là. "Whatever I say goes."

Et c'est vrai. Mais même ça, ce n'est pas entièrement dû à quelconque pouvoir magnétique qu'elle pourrait avoir sur Lucrèce. Il y a de ça, certes, mais le spitfire pèse aussi dans la balance. Peut être même plus lourd parfois.

Ses yeux retombent sur le couple en couverture et, bizarrement ça la calme. peut être est-ce le fait de voir Lucrèce toute brillante et lisse au bras d'un homme tout brillant et lisse, un rappel clair et net que Paris est l'une des seules à connaître la vraie Lux. Malheureusement, son répit n'est que de courte durée puisque Carrie revient à la charge, bien trop fière et à l'aise dans la tourmente de ses proches.

"Don't they already have kids anyway?" Paris hausse ses épaules. La famille de Lucrèce n'existe pas vraiment dans sa tête, surtout pas ses enfants. En règle générale, Paris essaye de ne pas penser aux enfants. Elle n'aime pas où ça la mène. "Talking about kids, tell me, Paris, I was wondering," Carrie poursuit et dès que le reste de sa phrase sort de sa bouche, le poing de paris se ressert autour de son verre et un sourire affreux - crispé et tordu - déchire son visage, "Do you ever taste his cum when you go down on her? I mean... He might be the cuck, but you're the one getting his crumbs. Again: wonder how that feels. always the other woman. Who needs self-respect anyway, uh?"

Paris ne répond pas tout suite. Elle regarde fixement Carrie, comme pour peser le pour et le contre. Elle pourrait réagir, s'emporter, lui frapper la tête contre la table ou lui enfoncer son verre au fond de la gorge. Elle pourrait aussi très bien la maudire, trouver un truc marrant. Mais finalement, elle ne fait rien de ça, préfère souffler, avant de prendre une longue gorgée de son cocktail. (ça s'appelle être "the bigger person", elle a lu ça dans un livre de développement personnel moldu) "You're a bitch, you know that? Now I'm gonna start thinking about that," elle crache avec un grimace. "If you've ruined sex with Lux, I'll cut you," elle ajoute en pointant son doigt vers elle. A priori il y a peu de chance que ça arrive mais on ne sait jamais. "As for my self-respect, it's never been better, thank you very much. The muggles say that when you're at peace with yourself, you don't need to bring other people down so much. You should try," elle conclut en ponctuant sa phrase d'un petit tirage de langue très mature.

Un léger sourire suffisant vient effleurer les lèvres écarlates de Carrie en contemplant Paris, attendant sa réponse qui ne va certainement pas tarder. L'une comme l'autre est bien incapable de lâcher le morceau, et c'est l'une des raisons pour laquelle Carrie aime particulièrement les good children qui ont chacun développé une trempe similaire. Il faut bien, après tout, quand on vient de là où ils viennent. Elle exulte donc d'une certaine aura agaçante de supériorité et de mesquinerie, attendant en battant lascivement des yeux la réplique cinglante de Paris, l'observant sans mot dire se tendre en semblant peser le pour et le contre. Carrie la connait par coeur, et s'attendrait presque à ce qu'elle explose d'irritation et se laisser aller à une colère qui fait partie de chacun d'eux; mais non, à la place, elle souffle et apporte son verre à ses lèvres.

Et Carrie sourit de plus belle, avec l'impression insidieuse d'avoir gagné un énième bras de fer.

"You're a bitch, you know that?" Carrie a l'air ravie de l'entendre, et se penche pour attraper sa paille entre ses lèvres. "So I've heard. - Now I'm gonna start thinking about that. If you've ruined sex with Lux, I'll cut you." Carrie roule des yeux en l'entendant, tant gênée que curieuse de ce qu'elle est en train de lui dire - ils n'ont pas beaucoup de place pour des tabous, entre eux. Et puis, il faut bien avouer que Carrie garde une curiosité intarissable pour Lucrèce Harcourt et les moindres détails sur sa vie - même les plus intimes. Elle a compté sur Paris plus d'une fois pour lui faire l'étalage de leurs étreintes scandaleuses, mais n'a malheureusement jamais pu bénéficier du genre de détails particulièrement explicites qui viennent si naturellement à Verdi par exemple - dommage, mais Carrie ne désespère pas d'y parvenir un jour.

"As for my self-respect, it's never been better, thank you very much. The muggles say that when you're at peace with yourself, you don't need to bring other people down so much. You should try." Carrie renifle en l'entendant, roulant de nouveau des yeux - une gymnastique habituelle avec Paris. "I don't bring people down, Paris," rétorque-t-elle d'un ton réprobateur. "At least, with you, I don't need to. You're 'dating' a spitfire-crazed junkie who poses on magazine covers with her husband and her kids." Elle hausse une épaule. "Can't get much lower than that." Force inarrêtable et objet amovible - comme avec tous les good children, Carrie joue avec Paris à un jeu dangereux de push and pull qui lui explose parfois à la figure.

Mais elle considère le match d'entrée fini et se redresse donc un peu sur son séant, un de ses doigts parfaitement manucurés venant souligner la peinture écaillée de la table où elles sont assises. "Actually, I do have an actual question," commence-t-elle d'un ton précautionneux qui ne lui ressemble pas, ses yeux restant rivés sur sa main et la peinture qu'elle est en train de gratter (et c'est elle qui se plaindra qu'il faudra les remplacer dans quelques semaines) géométriquement - à croire qu'elle ne peut pas faire les choses autrement, parfois. "You like her." La question n'est pas là. Carrie relève les yeux vers Paris et penche la tête sur le côté, se sentant un peu mal à l'aise mais se faisant la réflexion que si elle ne peut pas en parler avec elle, elle ne le fera avec personne. "How do you know?" Et puis, elle se corrige, avec un froncement de sourcil: "How does it feel?"

Paris est quelqu'un de fier, ça on ne peut pas lui enlever, et en général, peu de choses arrivent à l'atteindre. Après tout, avec tout ce qu'elle a vécu, il serait étonnant qu'un simple commentaire mesquin puisse éroder sa façade. Cependant, cela n'est vrai que jusqu'à un certain point. Face à regards des autres, Paris n'a pas vraiment besoin de faire trop d'efforts pour garder la tête haute.

Mais il y a la masse - les autres - et il y a les Autres autres. Ses proches, son entourage. Ceux qui comptent. Leur regard à eux perce Paris comme rien d'autre au monde. C'est un poids qu'elle a du mal à ignorer, une faiblesse qu'elle aimerait pouvoir arracher et enterrer au plus profond de la Terre pour ne plus jamais avoir à en entendre parler. Mais si c'était si simple, ça ne serait pas une faiblesse.

A ce jeu là, Carrie est la pire de tous parce qu'elle sait. Cela se voit dans son regard, sa façon d'agir. Elle lit en Paris comme dans un livre ouvert et si souvent cela était réconfortant, parfois, ça la rend dingue. Comme maintenant.

"I don't bring people down, Paris," Carrie rétorque. "At least, with you, I don't need to. You're 'dating' a spitfire-crazed junkie who poses on magazine covers with her husband and her kids. Can't get much lower than that." Elle a fait une première entaille et maintenant elle appuie là où ça fait mal, pousse et pousse et pousse pour tester des limites souvent très fines.

"You think you know everything, don't you?" Paris répond en marmonnant presque, comme un enfant qui boude. "You wouldn't understand the first thing about Lux and I even if I made a bloody drawing," elle ajoute fermement, avant de se détendre un peu et de détourner le sujet. "Besides, it's not much about getting low rather than getting down, if you know what I mean." Ce n'est pas vraiment aussi malin qu'elle le voudrait mais c'est assez pour l'aider à se recomposer et faire oublier à Carrie qu'elle a marqué un point.

"Actually, I do have an actual question," Carrie reprend, un on prudent qui oblige Paris à la regarder directement, ne s'attendant pas à un changement d'ambiance pareil. "You like her." Ce n'est pas une question et forte heureusement. Paris n'aurait vraiment aucune idée de comment y répondre. Oui. Non. Cela n'a rien avoir. C'est bien plus que ça. C'est à des années lumières de ça. C'est tout le contraire. "How do you know? How does it feel?" Carrie continue et Paris ne croit pas s'être jamais sentie aussi mal à l'aise en la présence de Carrie que maintenant.

"It's... ah..." Paris regarde autour d'elles comme si elle s'apprêtait à parler de quelque chose de top secret. Et quelque part ça l'est. Sa relation avec Lux, elle n'aime pas vraiment en parler. Se vanter de leurs ébats et des cadeaux qu'elle lui offre, c'est une chose. Parler de reste c'est... Pour Paris, c'est presque tabou.

Elle finit son verre pour se souhaiter bonne chance, puis regarde ses ongles pour se donner un air nonchalant. "I'm not quite sure what to tell you. Lux, she's... Well you know," elle dit en haussant les épaules, comme si ses sentiments pour Lux étaient exactement les même que Carrie. "I guess... She makes me feel good?" elle dit sans trop se mouiller, la phrase pouvant être interprétée de tellement de manière qu'elle espère que Carrie prendra ce qu'elle recherche et laisse le reste tranquille pour que Paris et elle puissent retourner à leurs enfantillages.

Carrie, comme toujours, pratique une politique détachée et distante et parle de ce sujet-là comme si il l'intéressait vaguement, mais pas trop, et qu'elle était prête à se moquer outrageusement de la réponse de Paris immédiatement après l'avoir entendue. Elle ne semble jamais peiner à trouver une remarque désobligeante voire mesquine voire cruelle, retournant les situations et les propos pour en faire des armes - et ses cibles préférées sont les good children, surtout de l'apanage de Paris. Ça fait mouche, on ne le montre pas, on ravale sa fierté, et on contre-attaque dès que l'occasion se présente: un combat éternel au sein des Warlocks qui ne savent pas vivre autrement.

"It's... ah..." Carrie baisse les yeux vers son verre et en trace le rebord du bout du doigt, feignant l'indifférence totale même si elle ne peut pas s'empêcher de tendre l'oreiller, de noter l'hésitation gênée dans la voix normalement si assurée de Paris. "I'm not quite sure what to tell you. Lux, she's... Well you know." La vélane se tourne vers son amie d'un air vaguement incompréhensif, déçue peut-être de ce cruel manque d'informations croustillantes et, pour être honnête, obsédantes. "I guess... She makes me feel good?" Carrie dévisage Paris comme si elle était la personne la plus stupide qu'elle ait jamais rencontré (un tour de force qu'elle maîtrise depuis des années maintenant, et qui est toujours aussi efficace) avant que ses yeux sombres ne roulent dans leurs orbites dans un agaçement exaggéré. "'Kay." Elle secoue légèrement la tête. "Hope it's worth it," répond-t-elle simplement avant de jouer avec sa paille pour avaler une petite gorgée de lait à la fraise.

She makes me feel good. Carrie ne peut pas s'empêcher de repenser à Yanli, puis à Bao, ce qui la met d'humeur massacrante, et elle décide que le sujet honni des affections et des amours des Warlocks a été sur-exploité aujourd'hui et pour les semaines à venir. Ses yeux reviennent au reste de la salle, leur royaume et leur monde entier, leurs clients et leurs employés, supply and demand.

Un mouvement à l'étage attrape son oeil et elle voit Jin sortir d'une des salles privées, accompagné de Yanli justement, réajustant sa veste bien coupée sur ses épaules. Carrie les suit du regard en se remémorant ce qu'il lui a dit il y a quelques semaines, à propos des Wang et de ce que Wang Wei avait fait à sa famille. Carrie lui a formellement interdit de faire quoique ce soit pour se venger. Ce serait trop dangereux, pour lui et le reste des Warlocks. Et pour être honnête, ça ferait sincèrement chier Carrie qui est bien contente d'explorer sa relation avec Bao loin des regards et des désaccords de leurs deux familles respectives.

"Say, Paris," dit-elle après un moment de réflexion, relâchant son verre et lui faisant face de nouveau. "If you could take revenge on whatever or whoever's brought you here, would you do it even if it came at a great risk for us?" Autant faire passer ça pour un test de loyauté, et planter ses yeux sombres et pernicieux dans ceux de Paris avec une intensité caractéristique dénotant d'une explosion imminente.  Carrie n'a jamais été quelqu'un de safe à décevoir...

ça parle revanche donc TW sadisme un peu ? La sériosité de leur conversation met Paris mal à l'aise. Elle a l'impression de répondre faux à une interro - non pas qu'elle connaisse vraiment cette sensation mais c'est pour l'image - de se prendre les pieds dans un piège que Carrie ne semble même pas lui tendre. Parfois, l'immensité de sa relation avec Lux est un poids qui écrase Paris jusqu'à lui en couper le souffle. C'est son truc, son petit plus qu'elle est la seule à avoir au sein des Warlocks, le seul truc qui est vraiment a elle et à personne d'autre et surtout pas à Carrie. Mais parfois, dans ses moments de faiblesses les plus amers, elle a cette impression que Carrie pourrait la lui prendre en un battement de cils. Alors elle évite de trop en parler, de donner trop de détails qui vont au delà des apparences, pour éviter que cela se retourne un jour contre elle.

Fort heureusement, Carrie semble peu envieuse de poursuivre sur cette voie et répond un simple, "'Kay. Hope it's worth it," un peu condescendant mais qui n'engage à rien de plus. Le ton et les manières de Carrie  la font se pincer les lèvres d'agacement mais au fond, elle est soulagée de passer à autre chose. Du moins, jusqu'à ce qu'elle entende la suite.

D'abord, Carrie semble regarder ailleurs et Paris ne prend pas vraiment la peine de suivre son regard, préférant jouer avec sa paille et regarder le liquide de son verre danser sous les lumières du cabaret. Tout ce qui brille n'est pas d'or, certes, mais ça ne va pas empêcher Paris de s'émerveiller. 

"Say, Paris," Carrie reprend et Paris relève la tête, aussi attentive qu'elle puisse l'être. "If you could take revenge on whatever or whoever's brought you here, would you do it even if it came at a great risk for us?"

La question amuse Paris malgré le regard intense que lui jette Carrie, un regard qui paralyserait sur place n'importe qui avec un tant soit peu d'instinct de survie. Paris, elle, c'est le genre de regard qu'elle adore défier. Elle lève un sourcil intrigué et coince sa paille entre ses dents, un sourire narquois étirant ses lèvres. "Wanna blow something up, Carrie?" elle demande, pour titiller, avant d'accepter que la question est un peu plus sérieuse que ça. Ce serait mentir que de dire que ses lèvres ne brûlent pas avec la curiosité que lui apporte cette question et le fait que Carrie la pose à elle plutôt que quiconque d'autre mais elle se prête au jeu parce qu'elle pourra toujours essayer de lui tirer les vers du nez plus tard. "I reckon I probably would. And enjoy it too," elle répond avec un sourire sanglant qui illumine ses yeux noirs. Elle reprend sa paille entre ses doigts et la fait tourner et tourner et tourner, comme si elle contemplait le destin de ses bourreaux dans le reflet de son cocktail. "Make 'em pay a little. Or a lot. Make 'em feel it. As for us... What would that risk be, exactly? What can't we face, right? I like our odds better than theirs," elle conclut en haussant les épaules. En ce qui la concerne, les Warlocks et elle n'ont plus rien à prouver.

tw: idéation de violence graphique

"Wanna blow something up, Carrie?" Carrie méprise autant qu'elle adore l'amour du danger de Paris. Il n'y a pas de pari trop dangereux pour elle, d'idée trop loufoque, de meurtre trop vindicatif: les choses sont comme elles sont pour elle, et son manque de limite est un danger appréciable pour la vie qu'elles mènent et qui est régie par la violence et le chaos. "Always," l'humoure-t-elle sans sourire. "I reckon I probably would. And enjoy it too." Carrie n'en doute pas une seule seconde.

Ses yeux reviennent à Jin, qui l'a aperçue et lui adresse un hochement de tête sec. Yanli à ses côtés ignore Carrie - comme toujours - et se hâte vers la porte de sortie du Dancing Phoenix pour quitter ce lieu qu'elle déteste aussi vite que possible.
Carrie se demande ce que ressent Jin, à l'idée que Wang Wei soit mort. Est-il véritablement soulagé, ou est-ce que cette victoire pyrrhique était aussi vide d'émotions que de sens? Elle essaye de s'imaginer dans la même position et, dans une circonstance très rare, Carrie se plaît à étudier mentalement le visage des hommes qui ont bouleversé sa vie. Elle les revoit comme si c'était hier, sa mémoire déjà très fine crystallisée par la douleur et les choses horribles qui ont suivi. Certaines nuits, Carrie aurait voulu oublier (et dans le secret de son lit du Tuskers, dans sa fumée d'opium, elle pouvait). Mais la plupart du temps, elle se souvient de tout avec une justesse douloureuse. Du bonheur de sa vie d'avant, et de la souffrance d'y avoir été arrachée.

Elle étudie mentalement ces visages et les imagine sanglants, morts. Leurs lèvres mordues à force de l'avoir suppliée, leurs yeux arrachés d'ongles vengeurs, lers crânes explosés sous les coups de battes et de poings américains. "Make 'em pay a little. Or a lot. Make 'em feel it." Les yeux de Carrie retournent à Paris, qui sourit toujours aussi légèrement, tranquillement, comme si elles discutaient de tout et de rien. "As for us... What would that risk be, exactly? What can't we face, right? I like our odds better than theirs." Carrie renifle en l'entendant, et l'ombre d'un sourire vient ourler ses lèvres maquillés de leur rouge sanglant habituel. "Good answer," répond-t-elle après une gorgée de lait à la fraise.

Ils trouveront une solution - elle trouvera une solution. Peu importe le prix que ça lui coûtera - les Warlocks survivont, et il n'y a rien qu'elle ne ferait pas pour eux.