août 2006, the dancing phoenix. Paris rigole à gorge déployée, si fort qu’on peut se demander si ce n’est pas forcé. Mais la lueur qui brille dans ses yeux trahit son réel état de plaisir, même s’il n’est qu’une réaction liée au spitfire qu’elle vient de consommer. Il est encore tôt et sa soirée ne vient qu’à peine de commencer mais Paris est d’une humeur… bancale.

Lux a décidé de jouer les épouses modèles ces temps-ci et cela fait maintenant un mois complet qu’elles ne se sont pas vues. Enfin, plutôt qu’elles ne se sont pas parlé. Parce que la voir, ça, Paris ne fait que ça. Elle la voit dans tous les magazines que Carrie s’entête à accumuler, toutes les pubs qui trainent ici et là, même sur un tube de crème oubliée par une cliente dans les toilettes du cabaret. Lux est partout et cela rend Paris folle. C’est elle qui coupe les ponts en général, elle qui impose le rythme, elle qui contrôle la partie. C’est elle qui prend les décisions. Lux n’a aucune idée de ce qui l’attend le jour où elle osera repointer son nez au Phoenix. Parce qu’elle reviendra, ça Paris en est sûre. Il y a des jours où elle se demande même si elle n’a pas maudit Lux sans faire attention, la rendant dépendante à la présence de Paris.

Si ce n’est pas le cas, elle devrait peut-être songer à vraiment le faire. Quelqu’un comme Lux, Paris préfère l’avoir toujours sous les yeux, le joyaux de sa collection.

En attendant, Paris évacue son amertume au cabaret, comme tous les soirs, entourée d’une cour aux visages changeants mais toujours jolie à regarder, du moins l’espace d’une soirée. Paris se lasse vite.

Elle est actuellement vautrée sur une banquette, dans un coin de la salle, faisant signe à ses admirateurs d’aller jouer ailleurs, voulant profiter de son état seul. La montée de spitfire est toujours le meilleur moment, quand elle sent sa magie se renforcer. Ses doigts bagués s’agitent lentement sous ses yeux et elle produit des étincelles rouges qu’elle allonge et étire, émerveillée. Elle ne remarque pas tout de suite l’homme qui s'assoit à sa table mais quand elle pose ses yeux sur lui, c’est déjà trop tard.

“You’re Nai, ain’t you ?”

Dès qu’elle l’entend, ses doigts vacillent et les étincelles disparaissent alors qu’elle se raidit d’un coup. Elle s’assoit de façon précipitée, son esprit embrouillé mais centré sur lui, comme si une alarme s’était déclenchée dans sa tête. Ce nom… Paris en a presque la nausée alors qu’elle cherche à remettre ce visage inconnu mais qui lui semble pourtant si familier. “I'm glad to see you alive actually, 'kind of thought you were dead.”

Paris le dévisage, ne comprend pas ce qu’il lui dit. “I don’t… What did you call me? How do you… Paris,” elle dit de façon autoritaire, ses yeux examinant les gens proches d’eux qui auraient pu l’entendre. “My name is Paris and I don’t...” Elle ne finit pas ses phrases, les traits de l’homme l’intrigant de plus en plus. Elle le connaît. Elle en est sûre. “I know you,” elle dit. Ce n’est pas une question. “How do I know you?” elle demande cette fois, à la fois intriguée et, quelque part, aussi un peu apeurée. Elle a beau être chez elle, ici, cela ne veut pas dire qu’elle est hors de danger. Surtout pas avec quelqu’un qui l’appelle… comme ça. Instinctivement, elle parcours la foule pour y repérer d’autres Dogs qui pourraient être en mesure de voler à son secours, au cas où.

"Nai? That’s not your name?" Paris le fixe du regard, ses prunelles sûrement aussi noir que le velours de la banquette sur laquelle elle est assise. A cet instant, toutes les potions de Glamour du monde réunies ne sauraient gommer complètement ses traits marquées de harpies. Il doit se taire et tout de suite, arrêter de prononcer ce nom comme ça, avec une telle légèreté, comme si c'était un simple nom, et pas la graine de tous les tourments psychologiques et physiques que Paris a traversé depuis aussi loin qu'elle peut s'en souvenir.

"Sure you do," il répond facilement quand elle lui demande si elle le connait. Sa façon de présenter ça comme une évidence donne à Paris la nausée, comme si son cerveau faisait tout pour qu'elle ne se souvienne pas de leur rencontre. Pourtant, le souvenir est bien là, quelque part, et elle peut presque le déchiffrer. Presque. Elle a beau pousser, rien n'y fait. Elle ne se souvient pas. Alors elle va avoir besoin d'aide.

"Oh, it was years ago, you were really really high on the street so I told myself that I couldn’t let you on your own. You slept most of the time actually and then you disappeared. I looked for you you know, but you just like, vanished." Il parle mais Paris ne l'écoute plus, du moins plus vraiment. ça y est, elle se souvient. Et presque aussitôt, elle s'en veut, aurait préféré garder ce souvenir bien enfoui, très profond, là où il ne peut pas lui faire de mal. Parce que la dernière fois qu'elle a dérapé comme ça, c'était...

"I remember," elle dit presque à voix basse, plus pour elle que pour lui, ses yeux ne regardant rien en particulier. Sa voix est nouée par la peine et le deuil et elle doit battre des cils rapidement pour éviter de se mettre à pleurer au milieu du cabaret.

La dernière fois qu'elle a dérapé comme ça, c'était à la mort de Nina

"Why Paris by the way?" La question la prend par surprise. Elle avait presque oublié qu'il était là lui et elle lui jette un regard noir. "I didn't choose my name," elle répond sèchement. "Do you see me asking why you're called-" elle commence avant de s'arrêter net, les sourcils froncés. "What's your name again?"

Faire connaissance avec lui ne l'enchante pas des masses, surtout pas maintenant qu'elle sait comment elle l'a déjà rencontré, mais cela semble inévitable. S'il sait que son vrai prénom est Nai - alors qu'elle même pensait l'avoir oublié - qui sait ce qu'il peut savoir d'autre. Paris préfère le découvrir par elle même. "Sit down," elle ordonne. "People are starting to stare." Starting. Pas tellement. Les gens regardent dans sa direction depuis qu'elle est arrivé au Phoenix. Difficile de faire autrement. Mais ces regards là étaient les bienvenus.

"Are you here because of me?" elle demande, reportant son attention sur son verre. Elle sent toujours le spitfire qui l'allume, presque littéralement, de l'intérieur, mais vu la soirée qui l'attend, ce n'est pas assez. Alors elle prend une longue gorgée de son cocktail ultra sucré puis plante son regard accusateur sur son nouveau compagnon, pour voir si elle arrivera à le faire se tortiller par la simple force de son aura.

"You’re okay ?" ça part d'un bon sentiment, mais Paris le prend comme une insulte. C'est trop, beaucoup trop pour son esprit léger et enivré, ses nerfs à vifs, et sa magie boostée, crépitante à chaque instant sous sa peau, dans ses veines. "I'm fine," Paris répond presque violemment, le ton cassant, ses yeux regardant toujours autour d'elle pour s'assurer que le charme n'est pas rompu. Elle ne sait pas trop quoi faire et ça l'angoisse. Elle se sent piégée. Cet homme... Joseph, elle se souvient vaguement de leur première (et unique) rencontre et ce n'est pas du tout quelque chose dont elle veut se souvenir. (la fatigue, la tristesse, Nina, Nina, Nina... l'envie... l'opium.) Mais il y a quelque chose, cependant... Son prénom. Il le connait. Que sait-il d'autre ?

Elle le fixe des yeux, n'adoucit pas un seul instant ses traits, reste froide et sérieuse mais toujours à fleur de peau. Le spitfire fait toujours effet, est parti pour durer, et elle le sent partout en elle, prêt à exploser. Quand il ricane doucement, elle sert les poings et mord sa lèvre inférieur. "No ? I mean, you’re pretty but I had quite forgotten about your existence before I saw you. Why ? Do people usually come here for you ?"

Paris relâche un peu la pression, un bref instant, ses mots la piquant au vif. Immédiatement, elle étire ses lèvres en un sourire venimeux, sans joie, et elle lève un sourcil intrigué. Pretty. Elle adore ce mot, encore plus quand il est utilisé pour parler d'elle, mais la suite... "Are you saying I'm that easy to forget?" Elle se rapproche légèrement de lui, bat des cils, et déploie tout son numéro de charme pour essayer de le faire plier d'une autre façon. La menace et la peur ne fonctionnent pas ? Très bien, Paris a d'autres armes. "As for people... depends what they're here for..." elle ajoute avec un clin d'oeil avant d'agiter très brièvement un sachet sous le nez de Joseph et de le faire disparaître en un tour de passe-passe. "But tell me... Jospeh" - elle s'applique, prononce son prénom lentement, appuie sur chaque syllabe - "What are you here for then, if not for my dazzling personnality?" Fanfaronner n'est peut être pas très utile, étant donné l'état dans lequel Joseph l'a vu - et encore, elle ne se souvient pas très bien de quel état il s'agissait vraiment, mais elle peut deviner - mais Paris se dit qu'en essayant, elle peut lui faire oublier ce qu'il a vu et garder le contrôle sur qui elle est quand il y a des yeux pour la voir.

Paris souffle, l'air impatient. Elle n'arrive pas encore à savoir si Joseph va gâcher sa soirée ou si au contraire, il va la rendre encore plus intéressante. Elle s'ennuie toujours relativement vite mais c'est encore pire quand Lucrèce - son jouet préféré - se fait désirer, alors chaque opportunité est bonne à prendre. (Même si dans ce cas là, ça ne commence pas tellement comme elle le voudrait...)

"What I am saying is that you could have been a bloody ghost for all I know." Paris lève un sourcil intrigué, même si au fond d'elle, elle veut bien le croire. Elle a beau ne pas vraiment se souvenir des jours qui ont suivi la mort de Nina, elle se connait. Elle sait comment elle est et comment elle peut être. Dire qu'elle n'était pas au top de sa forme ce soir là serait un euphémisme.

"And yet here I am, alive and kicking," elle répond avec un petit sourire et en bougeant ses sourcils, pour masquer le tourment que provoquent les souvenirs de cette époque.

Son petit tour de passe-passe, c'est un peu sa signature, un geste qu'elle utilise particulièrement avec Lucrèce parce qu'elle sait que ça lui fait perdre la tête. C'est comme aller à la pêche et quand les gens mordent à l'hameçon, Paris ne peut que rire de manière triomphante, comme c'est le cas à présent, quand Joseph suit le sachet du regard. Il n'a pas le regard aussi avide que ses clients les plus accros mais c'est déjà ça. Alors elle ne relève pas le "Interesting" qu'il lui lance, mais grade tout de même l'info au coin de sa tête. Après tout, faut bien qu'elle travaille aussi.

"You really are something aren’t you?" Et en disant ça, Jospeh s'éloigne un peu. Paris fait la moue. Un timide ? C'est marrant de temps en temps, adorable même, mais pas forcément ce que Paris préfère. Mais tant pis, pas grave. Tant que Lucrèce ne revient pas, elle n'a que ça à se mettre sous la dent.

La lèvre coincée entre les dents, elle continue de lui faire les yeux doux et se rapproche un peu plus, pour combler à nouveau la distance qu'il tente de mettre entre eux. "Or so I've been told."

"What do you want me to say? I’m not stalking you, I’m a busy man you know. See, tonight I’m waiting for friends, ‘can’t see how it can have something to do with you – Why? Can you often be seen propping at that particular bar?"

Sa réponse la fait rire et elle ne le cache pas. Elle le regarde comme s'il était la chose la plus divertissante dans ce cabaret - et pour Paris, c'est peut être vrai. A force d'y être tout le temps, elle finit par se lasser, comme avec tout. "You're cute, Joseph. Kinda wish I remembered you, you busy busy man." Elle plante sa tête sur la paume de main, comme on écoute attentivement quelqu'un, et elle l'observe longuement, sans jamais lâcher son sourire qui lui vient si facilement, boosté lui aussi par le spitfire. "But you tell me. You seem to remember much more than I do. Mind filling me in? Or do you need to go back to your friends?" Il y a une pointe d'amertume sur ce mot, même si elle vient à peine de rencontrer (re rencontrer ?) Joseph. Par principe, Paris est jalouse de tout. Tout le monde, tout le temps. Et il est difficile pour elle de croire que quiconque Joseph doit retrouver maintenant est plus intéressant qu'elle.