Juin 2007
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Call it fate, call it karma

« C'est Phil qu'ta montré ça ? » « Comment tu sais ? » Devant ce qu'il avait roulé,  Fish préfère s'allumer une clope. Alors c'est aussi ce que fait Lucius. Rangeant le joint baveux qu'il lui tendait ainsi que sa fierté dans la poche, il se prend une cigarette même si elle est cassée. Il hausse la musique sur la radio aussi. Et sort deux bières de la glacière, en décapsule une, et la tend à la vieille. « Lucy j'ai oublié mon coupe ongle en bas, si tu peux.. » Et va chercher son coupe ongle.
Vous devinerez jamais tout ce qu'on peut demander à un adolescent impressionable.

Étalée sur un transat, Fish bronze du haut de son toit. Y parraît que c'est l'été même si à travers les poils c'est difficile de bronzer. Saucissonnée dans un bikini élastique et lunettes de soleil sur le nez, tendez l'oreille : on entend l'océan. Où ça sent la marée ? Le gamin lui dit quelque chose du fond du camping-car et sans trop comprendre elle lui répond de continuer de chercher tandis qu'elle s'inspecte une cicatrice un peu dégueu passée incognito entre deux bourelets.
A chaque jour sa peine. Sa tête retombe contre le filet délavé et Fish augmente le volume de la radio. Bouge mollement les hanches sur la basse qui grésille. Entre son cou et ses épaules, y'a deux canettes de gin-tonic glacées qui la refroidissent et tant pis si c'est tiède quand elle les ouvre. Les pieds en éventail on la croirait en vacances ; Lucius en remontant la trouve cool. Fish est éméchée.
Y'a rien d'autre à faire de la journée quand on est recherché.
Visiblement.
On attend.
Ça en revient même à se couper les ongles de pieds et à prétendre que tout est OK.

« Heu Fish.. » « Hm ? » Pas de réponse. Fish décroche son attention de son panard pour regarder le gamin, qu'elle sentait tendu. Suit son regard en contrebas. « C'est complet » Le môme se relève de la chaise de camping. « Je- j'vais vous laisser » « Lucy si tu bouges pas, il te voit pas » Mais Lucius avait déjà sauté du haut du camping-car.
Elle le regarde un long moment courir dans l'opposé du monstre sous ses pieds, pensive. Puis braque ses verres noirs sur le monstre en question. « Alors ? Tu vas rester en bas à attendre ? »

« Pug ! On garde son maillot de bain dans le pickup-uzzi ! » Si on avait dit qu’un jour, le campement Greyback aurait autant pris des allures de camp de vacances, ça en aurait fait faire des risettes à plus d’un Mangemort.
Et pourtant.
Il faisait même pas spécialement chaud. Enfin, si, il faisait même carrément chaud, mais ça n’avait rien de la chaleur estivale sexy des pays méditerranéens. C’était la bonne grosse chaleur bien moite d’avant les orages. Un temps à Greyback. Un temps à faire suer plus d’un Greyback.
Dès qu’il faisait un poil moins froid, les mômes poussaient la chansonnette pour qu’on installe le fameux pickup-uzzi, une invention de génie de Balls (qui lui avait même survécu, après son départ). L’idée était simple mais pas moins brillante : prenez l’arrière d’un pickup, donc, bâchez-le et remplissez-le d’eau croupie, et vous obtenez une piscine à débordement aux yeux des mômes Greyback. Effet garanti.
Et, comme la merde attire les mouches, la piscine improvisée était non seulement monopolisée par les gamins, mais aussi par les chiens (Satan sur son matelas pneumatique), par Miss Chiwa qui avait foutu sa chaise longue sur le toit du pickup, et même Arsène qui se bagarrait avec Pug, comme à son habitude.

Autant dire que Pug était pas prête à t’écouter. Tu laisses tomber ; au pire, elle lâchera une caisse dans la tronche à Arsène.
Tu t’essuies le dos avec ton marcel roulé en boule, avant de le réenfiler. Le vêtement est trempé, autant de sueur que de l’eau de la piscine. Le sol autour de la voiture reconvertie est si boueux que tu en as jusqu’aux genoux.
Il y avait des moments d’accalmie, comme ça, où tu foutais rien. Où tu pouvais passer des heures à accrocher une bâche au fond d’un coffre, ou même à rien faire. Même si tout le monde se faisait chier, on savait apprécier ce zonage temporaire. Shrimpy commençait à peine à pointer le bout de son nez hors de sa caravane. Les ennuis, eux, roupillaient encore au fond de ta caboche.

« Elle est où Fish ? » T’es fiché juste devant son camping car, on sait pas trop si t’as posé la question au bidon d’essence au pied du véhicule, ou à Paperbag définitivement trop obnubilé par son ambre solaire pour t’écouter. « Alors ? Tu vas rester en bas à attendre ? » Tu lèves le nez ; ça fait des années que Fish a élu ses quartiers d’été au sommet de sa piaule, tu sais même pas pourquoi tu poses encore la question.
Lucius saute du toit, et tu peux limite le sentir tout excité du slip d’avoir partagé un moment avec Fish. Tu lèves les yeux au ciel, et te hisses à l’échelle. L’engin grince sous ton poids.

Bon, ok, tu peux comprendre pourquoi Fish fait rêver ce pauvre petit Lucius. A côté, t’as juste l’air d’un gros dégueulasse avec ton marcel trempé et tes jambes de pantalon remontées sur tes mollets poilus. Ça goutte de partout, de tes cheveux, de tes poils d’épaules, de bras, de torse ; une serpillère ambulante.
Fish à côté, c’est du caviar, ou Merlin seul sait ce que bouffent les sang-purs.
« Il a pas compris, Lucy, que c’est à 16 heures que tu fais tomber le haut » que tu te moques de l’ado déconfit, en t’affalant dans son siège pliant (qui manque de se plier, mais cette fois-ci dans l’autre sens). Tu plonges l’avant-bras dans la glacière, y restes un petit moment pour te rafraîchir. Pas que tu serais jaloux, mais presque.

Tu ressors une bière que tu ouvres du coin des dents. La finis presque en une seule fois. Soupir de satisfaction. Tu fiches ta main en visière, surveilles vite fait les alentours, avant de mater confortablement Fish. « M’dis pas qu’il t’a demandé de t’mettre de la crème ? »

Et c'est tout le camping-car qui s'ébranle, penche, grince à donner le mal de mer à Fish. Dramatique, elle accueille Fenrir en s'éventant avec un bout de pack de bières arraché à cet effet. De ses cheveux applatis aux traces de boue que l'homme laisse en passant par les tétons qui pointent, elle apprécie d'autant plus le calme d'en haut à la battle royale d'en bas. Peut-être aussi qu'il dégouline un peu, mais ça, c'est parce qu'il la voit. Elle fait toujours cet effet là. Il l'a toujours regardée comme ça. Malgré elle ça lui décroche un sourire. « Il a pas compris, Lucy, que c’est à 16 heures que tu fais tomber le haut » Et ça lui arrache un rire. « Justement j'crois qu'il l'a bien compris » Fish se reconcentre sur ses doigts de pieds. A moitié recroquevillée sur le transat, un ongle saute en l'air. Sa tête dodeline sur la musique. Elle chante, faux, le refrain qui passe à la radio. « M’dis pas qu’il t’a demandé de t’mettre de la crème ? » « Ah ! » La louve pose le coupe ongle et prend une gorgée de sa bière chaude. « Tu l'as fait détaler avant qu'il en ai l'courage » Sa langue claque contre son palais. C'était dégueulasse. Fish baisse le menton et le regarde par dessus ses lunettes. « Puis tu m'connais.. J'préfère l'huile » Évidemment.


De nouveau affalée dans le transat, elle pousse du bout du pied son parasol jusqu'à ce qu'il couvre la calvitie rougie de l'Autre. Et en profite pour rapprocher la glacière d'elle avec les orteils. Glaçons plus liquides qu'autre chose, et trouble le liquide, la première canette de gin to qui flotte à la surface fait l'affaire. « T'sais qu'si on m'avait dit que c'tait ça la vie d'terroriste - » Fish glousse à moitié mais se retient le temps de boire sa première gorgée. L'amertume lui fait grincer les dents comme elle aime. « - s'la dorer et s'la coler.. Comme avant eh ! » Pour arriver à rester positif, faites comme Sally : 1. relativisez, 2. ayez un gros stock d'alcool de planqué, façon alcoolique bien préparée. Ça aide si globalement rien se fait, rien se passe, forcément si la VB débarquait un dimanche midi pour eux c'était tout cuit. Ou même un lundi. Où un mardi. Un mercredi..? Oui, aussi. Sans le rythme du Ministère les jours se ressemblaient tous, il faisait juste un peu plus chaud. Y'avait bien cette dernière fois où ils sont tombés sur Raven - mais Fish voulait pas y penser. Pour l'instant elle essayait juste de profiter de ce qu'elle pouvait. « J'a-dore changer l'monde »
Elle fini sa canette et la jette en face (sur la caravane de Chip).

Chip sort de sa caravane, les yeux plissés comme deux petits abricots secs. Il a l’air de sortir d’une transe ou de tu veux pas savoir quel visionnage de films douteux. Il est pâle comme un linge, et son corps de lâche est du genre à cramer direct au soleil s’il se tartine pas de crème direct. Il lève le pif, infoutu de comprendre d’où venait le bruit qui l’avait tiré de sa piaule. Il observe les alentours, grimace en constatant le joyeux bordel du pickup-uzzi, et vous remarque, perchés sur le toit du monde. Un sourire béat fend sa goule d’imberbe, et il secoue le bras avec vigueur pour saluer ses darons préférés. Embarrassé par ce surplus d’enthousiasme inapproprié, tu réponds d’un vague geste du menton et d’une bière soulevée dans sa direction. Pendant quelques secondes, tu crains qu’il ne se décide à vous rejoindre, c’est qu’on le verrait presque piétiner, mais finalement il se ravise, après que deux mômes soient passés juste sous son nez en beuglant et en se balançant de la gadoue. « Ouais c’est ça, reste au chaud, mon grand » que tu marmonnes sans qu’il puisse t’entendre, tandis qu’il referme fébrilement la porte sur lui, s’épanchant sans aucun doute en excuses bafouillées.

« Ouais, profitons-en tant qu’ça dure… » Ton sourire se tord un peu la gueule. C’est assez rare, en fait, que tu joues les pessismistes. T’es trop souvent en train de grimacer comme un bienheureux, habituellement. C’est histoire de rassurer tout le monde, de rien laisser paraître. Et quand tu souris pas, sinon, ça veut tout simplement dire que t’es en train de te mettre dans une colère noire. Alors la meute s’était résignée à supporter ce rictus insupportable. Il n’y avait vraiment que Fish pour avoir droit à ce genre d’interlude où ton vrai visage refaisait surface.
« J’ai réussi à les appeler là… » Sympa de ta part de préciser, hein, c’est pas comme si tout le campement t’avait entendu beugler après la Ruiz Flowers. « Kingsley veut qu’on s’voit... » Tu drop l’information comme la news du siècle, ménageant un silence que tu as toi-même du mal à tenir. Un rire pouffe du fond de tes poumons. « Quand on y pense, c’est assez ironique, nan ? Après tout ce temps à se courir l’un après l’autre comme des clébards en rute… voilà qu’on décroche un rencard ! Ses p’tits copains, Mad Eye et compagnie, ils doivent se r’tourner dans leur caniveau ! »

Tant de blagues fines d’esprit pour palier au doute qui te rongeait. T’étais grimpé là pour ça aussi, pour que Fish te rassure. C’était toujours un peu embarrassant, puisque tu venais quérir son avis, mais que de son côté, elle se doutait bien de l’avis que tu voulais entendre. Elle se doutait qu’elle devait juste te donner raison, que t’avais besoin de l’entendre pour te conforter dans tes plans, même si c’était la pire des idées que tu aies eu en presque quarante ans de vie commune. Si elle émettait une crainte, tu aurais tôt fait de mettre ça sur le compte de la couardise ; rien de mieux qu’une mise au défi pour rallier les loups derrière ta cause du moment ! « J’pensais t’prendre avec moi, juste le temps d’lui montrer que son môme est encore en un seul morceau… »

« Ouais, profitons-en tant qu’ça dure… » Et Fish profitait. Doigts de pieds en éventail, un carton de bière pour lui faire de l'air, du soleil, de la boisson, merci pour ta permission. Étirée de tout son long, elle profite paresseusement de la chaleur qui lui brûle la peau. Le triangle sur sa joue s'oublie, ses yeux se ferment derrière les verres ronds, écrasée par le soleil contre le plastique de sa chaise longue. Preuve qu'elle est encore consciente la mélodie qu'elle continue de chantonner par dessus la radio, les cris des enfants en contrebas.
Comme si tout allait bien.
« J’ai réussi à les appeler là… » Elle grimace, son éventail Heineken chasse l'air et deux moucherons devant son visage. Nez froncé, sa seule réponse c'est un grognement désintéressé. C'était trop demander, d'espérer un jour le voir débarquer avec autre chose que le rappel de leurs responsabilités ? Sombre période pour que ça soit elle qui pense ça, et pas l'inverse. Sa tête se tourne mollement vers Fenrir. « Kingsley veut qu’on s’voit... »

Le carton bat l'air.
Ils pouffent de rire. « Quand on y pense, c’est assez ironique, nan ? Après tout ce temps à se courir l’un après l’autre comme des clébards en rute… » L'éventail de fortune est plaqué contre son visage, étouffe en partie son rire perçant mais pas totalement, secouée comme un poisson hors de l'eau sur son transat c'est une longue pression accumulée que Fish laisse s'évacuer. Fenrir aussi. « Ses p’tits copains, Mad Eye et compagnie, ils doivent se r’tourner dans leur caniveau ! » Forcée de se redresser pour respirer un peu, elle plonge une main dans la glacière et s'arrose le derrière du dos d'eau plus si fraîche. « C'est sérieux ? » Elle le regarde, il la regarde, et le rire de hyène repart pour un tour. Une nouvelle canette est décapsulée à la santé de 48 ans passés à constamment devoir se réinventer, c'est pas positif, elle trinque rapidement de loin, l'entame encore plus vite. Lourdement, Fish se laisse retomber sur le tissu humide de sueur. « J’pensais t’prendre avec moi, juste le temps d’lui montrer que son môme est encore en un seul morceau… » « Ah bah, tout pour revoir Kingsley, eh ! » La chaleur et sa rasade de gintonic commencent à lui donner un avant-goût de mal de crâne. « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis hahahah » Hahahaha putain ils allaient être potes avec Kingsley. « Hahahaha » Achevez-là. « Et y t'a dit qu'est-ce qu'y veut ? Que j'sache comment m'habiller.. » Entre lui et Numa que Fish avait jamais vu qu'en fuite, et de loin, sincèrement, elle était plus à ça près. Sourire toujours aux lèvres, elle masse sa tempe un moment. « Tu sais quoi - du moment qu'c'est pas la garde partagée de Shrimpy.. Quoique ? » Bien sûr ça l'était pas, c'était probablement à propos des murder games que le gamin leur avait balancé, mais à quoi ça servait d'en parler.. Elle en avait pas envie. Pas maintenant.
Là, elle profitait.
« P'tet' qu'il veut des excuses rédigées, rien que pour t'faire chier.. » Ses mots sont entrecoupés de gloussements. « Vous vous ferez un calin d'l'amitié ? Fenrir, c'est l'occasion où jamais de pas vivre ta vie dans les regrets.. » Rien que la vision de la scène renvoie ses décibels dans la stratosphère. « Pis hop, vas-y pas que j'te mordille l'oreille.. » Franchement elle se trouvait drôle, il lui en fallait peu, vraiment, pas beaucoup beaucoup en ce moment. « Nan nan - je déconne, fais pas ça.. » Ses épaules continuent quand même de rebondir et elle les mouille de nouveau avec les glaçons fondus de la glacière. « Fuck Kingsley »

Vous vous marrez un temps comme deux adolescents débiles, à ceci près que vos deux rires ensembles relevaient davantage du moteur de camion pourri que du prépubère. Ça roule du gras dans la gorge, on sent les années de tabac, de carnage et de vociférations qui gargouillent au fond de vos gueules. C'est nerveux, comme elle dit, mais c'est nécessaire. Parce que l'ironie de la situation est grosse comme ça, que si t'as coursé Kingsley pendant tout ce temps et jamais réussi à l'attraper, c'est qu'il y a une raison. Si tu demandes à Fish de venir avec toi, c'est pour le même genre de raison.

« Et y t'a dit qu'est-ce qu'y veut ? Que j'sache comment m'habiller... T'as un mouvement de côté et un regard appuyé, encore une fois, sur son maillot de bain. - Quoi, tu veux pas rester comme ça ? Tu secoues la tête, l'oeil levé au ciel, feignant une déception plus grosse encore que l'ironie de la situation. T'sais quoi ? J'sais même pas pourquoi il veut qu'on s'voit ? J'veux dire, il aurait pu tout m'raconter dans son téléphone, là... - Du moment qu'c'est pas la garde partagée de Shrimpy... Quoique ? » Le concerné était sans aucun doute en train de se remettre de ses émotions dans la caravane des louveteaux. Il commençait à prendre ses marques, que Pug t'avait dit, et même à faire quelques pas malgré sa patte folle. « Bah t'sais, c'est limite au gamin d'choisir, hein... Mais vu comment qu'il traite les hybrides, le King, pas sûr que Shrimpy laisse sa place de sitôt dans la piaule des mômes... » En plus de ça, tu risquerais de le prendre personnellement et, sur un coup de tête, de lui arracher la sienne, avant qu'il ne puisse rejoindre Kingsley...

Fish continue d'étaler ses théories sur l'issue de cette rencontre, à défaut d'étaler la crème solaire sur ta couenne qui allait finir par sentir le roussi, là où elle n'était protégée (in some ways) par ta pilosité monstrueuse. Les visions sont hilarantes, et allez, t'essaies même d'imaginer le fiasco que ce serait, de récupérer Kingsley Shacklebolt dans la meute. « Tu l'imagines un peu, avec ses ptits costumes, là ? On aurait trouvé un copain pour Nums, ou pour Wyvern... AH ! » Tu te marres à ton tour. « Nan, nan ; il s'rait bien du genre à vouloir m'piquer ma place, ce saligaud, qu'il reste avec ses gamins, là... » Tu commences à te calmer, finissant au passage une ou deux bières, que tu ne comptes plus.

« Après... ça m'ferait bien marrer de lui faire ravaler son vomi en m'collant un coup à lui, hé... Qu'il goûte au parfum Greyback, avant d'repartir... » Peu à peu, ton regard s'assombrit, tes sourcils se plissent, à mesure que tu réfléchis plus sérieusement au déroulement possible de cette rencontre. « En vrai, pas trop envie d'le brusquer... 'faudrait pas que ça dégénère ; j'pense il veut pas l'admettre, mais lui et moi, on fait pas trop dans le fair-play, tu vois c'que j'veux dire ? » Tu esquisses, à ta manière (et à grands renforts de blagues débiles, donc), les prémices des doutes qui te rongeaient le gras du bide ; à savoir que ce rendez-vous pouvait potentiellement prendre des allures de traquenard...

Ça rigole mais progressivement moins, les rires finissent en gargouillis bizarres quand Fenrir parle de "parfum Greyback" et que Fish s'étouffe à moitié dans la mousse chaude de son tonic en imaginant le cocktail d'effluves venir chatouiller les nasaux du petit roi de la rebellion. Pis ça se tasse, la sueur de la chaleur laisse autour de l'Alpha une vague d'appréhension moite. En réflexion, elle, elle ferme sa bouche sur sa prochaine vanne. Elle s'évente. Quelque part il y a les chouinements de Camel qui commencent à percer l'air. « En vrai, pas trop envie d'le brusquer... 'faudrait pas que ça dégénère ; j'pense il veut pas l'admettre, mais lui et moi, on fait pas trop dans le fair-play, tu vois c'que j'veux dire ? » Mouais, elle voyait. Haussement d'épaules et regard par dessus ses verres teintés. Ses lèvres s'écartent de nouveau en un sourire asymétrique « Tu penses ? » en le voyant fondre comme bout de gras au soleil, à tenter d'articuler des trucs qu'elle veut pas trop entendre. C'était mieux quand elle le sentait pas trop réfléchir. C'était mieux quand elle avait un truc à boire - et justement, ça tombe bien, elle a une canette à la main.

Fish la fini en une longue gorgée.

« Pas l'premier et pas l'dernier si tu veux mon avis. » Les Greybacks, dans une situation suicidaire ? Qu'il l'épargne. Pour ce qu'elle sait, le tatouage derrière leur cou pouvait très bien être lié à un nouveau connard de la VB et à leur prochaine rencontre la moitié de la meute tombera comme des poupées de chiffon - et ça comprend les deux tas sur le toit de la caravane. Pendant les guerres  ils avaient pas choisit le camp de l'amour et de la gentillesse non plus - à côté du Lord tête de Serpent Kingsley est chou. À côté c'est tout ce sur quoi ils peuvent se raccrocher. Que Fenrir tente maladroitement de pointer l'évidence du merdier dans lequel ils sont fourrés, c'est gentil, mais elle l'a déjà fait tu te rappelles ? Puis, c'est pas le thème de la journée ; en tout cas, pas de sa journée à elle. « Y doit s'dire probablement la même chose va, qu'est-ce qu'on en a à foutre ! On peut pas passer notre vie à fuir où à choper des insolations hein, Fen, tu commences un peu à cramer là.. » Fish pointe ses épaules - et ses bras. Et le haut de son crâne. A grands renforts d'efforts, elle arrive à se redresser. « On s'est pas mis l'Ministère à dos pour.. » Sa tête dodeline, sa bouche se referme, elle se lève. Légère baisse de tension sous le soleil. « J'vais te chercher de l'huile tu m'fais d'la peine. » Enfilant ses savates, certains ont reçu une éducation merci beaucoup, la louve se traîne jusqu'à la trappe et redescend dans le foutoir de sa caravane.

Spoiler:

« Y doit s'dire probablement la même chose va, qu'est-ce qu'on en a à foutre ! On peut pas passer notre vie à fuir où à choper des insolations hein, Fen, tu commences un peu à cramer là.. » Ça te ressemble pas, de réfléchir autant, et les brûlures occasionnées par le soleil auraient très bien pu venir de ta cervelle de piaf pédalant à toutes berzingues. Beaucoup de sorciers ont dû se demander comment la meute Greyback avait-elle réussi à survivre (pire, à grossir autant) depuis tout ce temps, alors qu'il était connu que les loups partageaient la moitié d'un neurone (qui ne cessait de se diviser en morceaux toujours plus petits à mesure qu'ils se multipliaient).
Un cocktail douteux de chance, de soumission à une autorité toute puissante, sans oublier un soupçon de violence et de force ; la recette de votre survie aurait pu, plus ou moins, se résumer ainsi. Pour le reste, tu n'en avais aucune idée, et c'était bien là l'ironie du sort.

Tu tortilles ton vieux marcel sale et le passes sur ton visage et tes épaules, là où Fish avait pointé les coups de soleil naissant, comme si les frotter aurait suffi à les faire disparaître, à l'instar des taches de crasse incrustées dans ton épiderme. "Boarf, j'suis plus à ça près..." que tu ronchonnes, te résignant à ton triste sort.
Mais il en faut davantage pour décourager Fish qui s'extraie de sa chaise longue (tu aurais pu finir par croire que ses fesses avaient fusionné avec la toile), et part te chercher tu sais pas quelle connerie de crème pour te soigner. Tu commençais à les connaître, les remèdes pour atténuer la douleur ! Si Wyvern ne vous faisait pas l'honneur de sa présence au pickup-uzzi, c'est certainement parce qu'elle bossait, à l'ombre de sa caravane, sur une version 3.1 de sa potion pour vous aider à supporter la marque de la Brigade.

Tu mates le maillot de bain de Fish disparaitre par la trappe descendant dans l'habitacle de sa caravane. Ta silhouette massive se rétracte, s'écrase un peu plus sur elle-même, tes épaules s'affaissent sous la chaleur. Tu relâches cette pression, un court instant, l'œil rivé sur tes petits qui s'enjaillaient sauvagement dans la gadoue. Tu essayes de te persuader que vous alliez vous en sortir, comme d'habitude, refusant de te dire que, si ça se trouve, c'était la dernière fois que tu les voyais. Tu peux pas te mettre à penser ça, au risque que l'humeur et le moral de la meute tombent plus bas que vos chaussettes trouées.

Tu entends vaguement du grabuge à l'étage d'en-dessous, et dans un grincement de métal et de courbatures, Fish remonte, armée de son onguent miracle. Tu zyeutes avec suspicion la bouteille. "Tu comptes m'faire quoi avec ton huile là? J'suis pas un hareng fumé, hein?" Tu renifles, repensant soudain à cette fois où Gy était ressorti de la caravane de Hoshi, maquillé comme un camion volé. "C'est pas genre les crèmes que Miss Chiwa s'tartinent sur la couenne, quand même? Faut penser à ma crédibilité!"

C'est mieux d'être en bas. Il fait plus chaud qu'en haut, elle étouffe et puis ça pue, mais au moins y'a rien à dire, pas de pirouette à trouver juste une bouteille sans étiquette, perdue quelque part. Si Fish a pas pris sa baguette c'est bien pour laisser l'autre un moment dans sa tête, et elle dans la sienne qu'elle veut vide, pas remplie de la tension de l'Alpha, de ses doutes, de son appréhension, nan vraiment, elle veut pas. Elle veut de l'huile. Elle a pas trouvé mieux comme excuse alors autant la trouver, la ramener, même si ça empirera la peau du vieux c'est pas grave, à force, elle est tannée. C'est qu'un prétexte. Par égo et par fierté, lui étaler du monoï périmé est le seul réconfort qu'elle veut bien lui apporter sans le faire passer comme tel - peut-être aussi que ça lui détendra le cul par la même occasion, et ça ça serait pas de refus. Un mois plus tôt elle le menaçait de plus refaire de plan de merde . Un mois plus tard, fallait qu'il vienne chercher du réconfort pour leur prochain plan de merde. Trop bonne, trop conne, perdue dans sa caravane dont on voit plus le sol depuis leur fuite et son incapacité à dormir sans 4 grammes, Fish obtempère.
Qu'est-ce qu'y a à faire d'autre ?
Sa capacité de réflexion a foutu le camp depuis un moment ; elle remonte.

« Tu comptes m'faire quoi avec ton huile là ? J'suis pas un hareng fumé, hein ? » À moitié aveuglée en retournant sous le soleil, sur le toit, une main en visière elle grimace de tous ses trous de dents. « On m'la jamais faite celle-là mon couillon » Du bout de l'ongle du pouce, elle décapsule le bouchon et arrive à pas lourds jusqu'à Fenrir, menaçante, prête à le faire frire. « C'est pas genre les crèmes que Miss Chiwa s'tartinent sur la couenne, quand même ? Faut penser à ma crédibilité ! » Trop tard, en un gros splrsh Fish largue l'huile de bronzage comme on fini une bonne bouteille de ketchup sur les mètres carrés d'épaules du lycan. « Pose pas de question.. » Ses mains glissent doucement sur la peau rougie, appuient sur ses muscles tendus et remontent les pouces à la base de sa nuque, elle se penche par dessus ses épaules et continue « .. Profite. Et fais moi goûter c'que tu bois pour voir, ç'a l'air pas mal. »