« Sujet n°36-89. Cause du décès, plaie par balle au niveau de l’abdomen. Première incision. » Lunettes sur le nez, scalpel à la main, elle plantait la lame comme elle en avait l’habitude, avec précision, sans trembler. Elle n’était en aucun cas brusque, elle savait très bien ce qu’elle faisait. Quelques gouttes de sang perlaient au niveau de l’incision et elle venait les essuyer à l’aide de compresses. Penchée au-dessus de son épaule, Lilith observait chacun de ses gestes avec un regard de jugement extrême. Elle faisait toujours ça pour faire douter la médecin alors que celle-ci savait très bien ce qu’elle faisait. La peau lacérée, la peau écartée, voilà qu’elle s’attaque déjà aux côtes afin d’avoir un libre accès aux organes internes. Magnifique, elle en avait presque des étoiles dans les yeux face à ce spectacle qu’elle jugeait sublime. Elle avait beau avoir l’habitude, jamais elle ne se lassait de ce genre de spectacle, jamais elle ne pourrait faire autre chose, elle le savait très bien. Il était déjà tard, elle devrait déjà être rentrée au BITE pourtant, les heures n’avaient pas d’importance dans son métier. En réalité, elle se sentait plus à l’aise à la nuit tombée, il y avait moins de monde dans l’hôpital, moins de personnes susceptibles de la déranger à n’importe quel moment. Elle veillait malgré tout à avoir les rideaux de fer et la porte toujours verrouillée, on ne savait pas ce qui pouvait par la tête de ces moldus, elle préférait assurer ses arrières. Avec le plus grand soin, elle déposait le cœur qu’elle venait de retirer sur un plateau chirurgical. On aurait pu croire, rien qu’en l’observant, qu’elle allait faire des analyses poussées afin de comprendre les circonstances de la mort, si cette balle était vraiment la raison du décès mais non, elle avait bien d’autres dessein à l’esprit la jeune femme. Le cœur qu’elle observait, le cœur dont elle se saisissait avant de venir croquer dedans sans aucune once d’hésitation. C’était comme une vision d’horreur, ce serait horrible pour toutes personnes extérieures mais elle n’avait aucune honte à le faire, elle aimait bien trop cela depuis le temps. Habituellement, elle était tranquille à cette heure-ci, personne n’était dans les parages pour venir la déconcentrer ou l'empêcher de travailler. Mais ce soir-là, le karma avait juger que les choses seraient différentes. Ce soir-là, alors qu’elle avait veillé à tout fermer, quelqu’un avait malgré tout réussi à entrer et ce fut la voix de cet inconnu qui la fit sursauter et se retourner, alors qu’elle était jusque-là encore penchée sur le cadavre, son cœur à la main. D’un geste ample, elle passait la manche de sa blouse sur ses lèvres pour en essuyer les traces de sang, le plus possible en tout cas. Elle venait d’être prise en flagrant délit, et alors ? Il suffisait d’un regard sur cet homme pour comprendre qu’il n’était pas un moldu, qu’il avait sans doute vu ou peut-être fait, des choses bien pires dans ce monde. Avoir peur ne servait à rien, elle essayait juste de garder la tête froide. « Puis-je savoir ce que vous venez faire dans ma morgue ? » L’heure tardive laissait croire qu’il pouvait s’agir d’une simple visite de courtoisie, ce qui serait probablement vrai si elle connaissait cet homme.

Il n’y avait aucune trace de honte ou de gêne dans sa manière de se comporter ou simplement dans son regard. Pourquoi devrait-elle l’être après tout, s’il était encore là à la fixer, c’est que peut-être ça ne le dérangeait pas tant que ça ce qu’il venait de voir. Elle avait essuyé d’un revers de la manche le sang qu’elle pouvait avoir sur le visage, il fallait croire que ça n’était pas suffisant. Elle avait reposé le cœur qu’elle avait encore jusque là entre les mains et pris un torchon un peu plus loin afin de faire les choses au mieux. Elle n’avait pas oublié avant ça d’enlever sa paire de gants, histoire de faire les choses bien jusqu’au bout. Elle n’avait pour autant pas oublié qu’elle n’était pas seule et ça l’intéressait de savoir ce qu’il pouvait bien avoir à faire ici. Il était donc question d’une théorie, de futhark et… très probablement de travaux qu’elle avait volé pour se les approprier. Oups ? Non. Elle ne regretterait jamais ce genre d’acte Makayla, parce qu’elle n’était pas censée se faire prendre, tout simplement. « Oh oh oh, ça sent mauvais pour toi jeune fille. » Un éclat de rire résonnait à son oreille, l’éclat du plaisir de Lilith que son amie ait des ennuis. Et ça se disait inquiète, inséparable et tout ce qui allait avec. La tête de la jeune femme basculait légèrement sur le côté, juste pour lui montrer qu’elle ne comptait pas lui répondre, que l’ignorer était la meilleure des solutions et qu’elle s’expliquerait plus tard. Le regard basculait sur le bout de papier, elle reconnaissait bien ses formulations, c’était elle qui avait fait publier ça. « Si mes souvenirs sont bons, je n’étais pas censée me faire prendre pour cet article. C’était il y a quelques décennies, non ? » Elle n’était pas idiote, s’il était vraiment l’auteur de ce texte, il n’y avait qu’une raison pour qu’il soit toujours aussi jeune d’apparence et surtout encore en vie. Mais elle n’avait rien contre ça, elle s’en fichait même mais d’une certaine manière, ça pouvait lui causer des ennuis, suite à ce qu’il avait vu un peu plus tôt. Elle aurait bien le temps de voir plus tard, ou maintenant à en croire les paroles qu’il prononçait. « J’ai mes raisons de faire ça. Disons, c’est… professionnel ? » Etait-ce elle ou lui qu’elle essayait de convaincre du bien fondé de ses actes ? Elle n’en avait aucune idée, elle savait juste que c’était en partie vrai, c’était professionnel. Spécial, certes, mais ça restait quelque chose qu’elle faisait pour ses recherches, ça lui était nécessaire, pour ne pas dire vital. « Donc cet article… vous comptez me faire un procès ? Non parce que je pense que c’est un peu tard... » C’était publié désormais, rien n’y changerait et jamais elle ne publierait un quelconque erratum, comme quoi elle n’était pas l’auteur, même sous le coup de la menace.

Le temps avait fait son  oeuvre, il avait passé et elle, elle en avait profité. Il fallait bien reconnaître que ça l’arrangeait bien qu’il soit supposé mort, cet homme qui se trouvait finalement face à elle. Elle avait pu profiter de ses recherches, elle avait pu les faire siennes, comme si de rien n’était. Il lui avait fallu changer quelques formulations si et là, essayer de de rendre ça plus personnel et le tour était joué. Mais pas suffisamment il fallait croire, il avait reconnu son œuvre, ce qu’il avait fait. Est-ce qu’elle s’en voulait ? Pas le moins du monde. Avait-elle honte de l’état dans lequel il venait de la trouver ? Encore moins. C’était pas le genre de la jeune femme que de s’en vouloir ou de s’excuser. C’était ainsi qu’elle menait sa vie, en volant, en s’attribuant le mérite des autres comme si de rien n’était. Est-ce que c’était mal ? Sans doute oui mais ce n’était pas pour ça qu’elle allait changer les choses. Tout était bon pour obtenir la gloire qu’elle méritait tant mais que personne ne semblait vouloir lui reconnaître. Mais ce qu’elle se demandait, c’était ce qu’il allait bien pouvoir lui faire de toute manière. Lui qui était censé être mort après tout. Elle poussait un long soupir tout en jetant un regard sur l’article qu’elle avait fait publier. Il y en avait d’autres qui portaient son nom et qui pourtant n’était pas d’elle mais qui le sauraient. Elle s’arrangeait pour faire les choses bien. Il y avait certes son nom mais ce n’était pas pour ça qu’on pourrait l’accuser de plagiat, elle était plus maline que ça. « En effet, je doute qu’un procès nous soit bénéfique, à vous comme à moi. » Et puis ce serait une perte de temps et d’argent surtout, argent qu’elle n’avait pas forcément elle qui avait déjà des dettes un peu partout. Les doigts de jeune femme caressait délicatement les côtes ouvertes du malheureux étendu sur sa table d’autopsie. Cadavre sur qui elle portait un vague regard avant d’adresser un sourire au vampire. « Disons que c’est compliqué. » Un rire résonnait dans la pièce, un rire qu’elle connaissait par coeur et qu’elle aurait aimé faire taire. « Compliqué compliqué… c’est plutôt que t’as aucune crédibilité ma vieille. » Ca la tuait de l’admettre mais Lilith avait raison et elle détestait ça. « Il faut croire que j’ai des idées un peu trop révolutionnaires pour le monde. Je ne suis pas crédible, je suis une moins que rien à moins de m’attribuer ce qui ne m’appartient pas. » Qu’avait-elle à perdre que de lui dire de toute manière, pas grand chose. Jouer la carte de la franchise n’était pas vraiment dans ses habitudes pourtant, ça semblait plutôt simple finalement. Elle espérait que ça lui suffirait à comprendre les raisons à voler, si on pouvait appeler ça ainsi, ses travaux.

Une partie d’elle se trouvait destabiliser d’être face à cet… homme ? Elle ne savait même pas si elle pouvait réellement le considérer comme tel au vu de son état, elle ne saurait même pas dire exactement ce qu’il était. Enfin, elle avait tout de même une petite idée et il n’était sans doute pas vraiment génial qu’il se retrouve dans la même pièce que ce cadavre. Malgré les inquiétudes qui sévissaient dans son esprit, elle essayait de garder la tête froide et les idées claires, c’était la meilleure des choses qu’elle pouvait faire. Elle savait des choses, elle en comprenait d’autres et pourtant, elle gardait en elle cette impression que jamais elle ne serait crédible aux yeux du reste du monde, c’était triste, elle détestait cette sensation. Les génies, des incompris. Les paroles de son interlocuteur lui arrachaient un sourire qu’elle ne cachait pas, se moquant du sang qui pouvait encore maculer ses lèvres, sa bouche toute entière. Il en avait probablement vu d'autres, et elle n’avait pas honte, ça jouait en sa faveur. Par ses propos, elle tentait de justifier l'injustifiable, elle essayait de faire comprendre que les travaux, que ce soit les siens ou d’autres, elle les avait volés pour de bonnes raisons, elle en avait toujours. Elle voulait qu’on puisse la croire le jour où elle oserait enfin exposer au monde entier la vérité quant à ses recherches, quant à ce qu’elle faisait au BITE. Mais ça, elle savait aussi que ça ne serait pas pour tout de suite, qu’il faudrait du temps et qu’avant tout cela, elle devrait passer pour une personne censée, pour quelqu’un qui ne faisait pas des trucs dans le vague juste pour se donner un objectif. Crédibilité avant tout, c’était ça qu’elle voulait, c’était ça qui l’obsédait aujourd’hui et si elle n’en avait parlé à personne jusque là, si elle préférait mener ses projets en solitaire pour le bien de tous probablement, il arriverait sans doute un moment où elle ne pourrait plus tout faire par sa seule volonté. Cet homme, à qui elle avait vraisemblablement volé un article, avait une réflexion qui lui plaisait plutôt bien. Elle était les morts, ils l’aidaient retour d’une certaine manière, c’était un compromis plus que satisfaisant selon la jeune femme, même si elle n’avait jamais pensé à cela quand elle piochait dans les articles dérobés. Avec soin, elle l’observait s’éloigner d’abord de son caddie, se rapprocher ensuite de la table d’autopsie pour finalement terminer son chemin un peu trop près d’elle. Mais elle n’avait pas peur, étrangement, elle ressentait une certaine adrénaline qu’elle n’avait plus connu depuis bien longtemps maintenant. Tout était trop calme dans sa vie, tout était trop rangé. Elle semblait fascinée par les gestes qu’il faisait, par cette manière qu’il avait d’essuyer une simple tache de sang avant de porter son doigt à ses lèvres. Dans d’autres circonstances, elle aurait presque pu décrire cette scène, cet acte comme étant sensuel. Mais d’un autre côté, elle pouvait en avoir peur. Il avait goûté à ce sang, et maintenant ? Et maintenant qu’allait-il se passer ? La question qui vint, ne la surprenait pas. Oui pourquoi ? Pourquoi elle s’abaissait à cela alors qu’elle aurait sans doute pu faire différemment ? Mais c’était là toute la subtilité de ses recherches, elle était là où on ne l’attendait pas. Elle avait une réponse à chacune de ses questions, à chacun de ses propos et pourtant, elle souriait pour se laisser le temps d’organiser tout ce qui se passait dans son esprit. Elle ne voulait pas balancer des informations comme ça, à la hâte. « Je commencerais par dire, et pourquoi pas un coeur moldu ? » Il avait certes raison, il n’avait pas de magie en eux mais ce qu’elle voyait dans ses propos c’était qu’il ne prenait justement pas en compte ce facteur, qu’il ne semblait pas tenir compte du fait qu’effectivement, ils n’avaient pas de magie et que c’était ça qui les rendait différent. « Auriez-vous eu cette réaction s’il s’était agi d’un elfe ou d’un gobelin qui eux sont peut-être des créatures mais qui possèdent de la magie ? » En réalité, elle ne savait pas ce qui était le plus choquant dans cette histoire, qu’elle fasse preuve de cannibalisme ou simplement qu’elle se trouve des excuses pour son comportement, il fallait le reconnaître, plus que douteux. « Il y a dans ce monde beaucoup de paramètres encore inconnus quant à l’existence de la magie. Pourquoi certains en sont dotés ? Pourquoi d’autres n’ont pas cette chance ? Cracmol, né-moldu. Il y a un facteur qui fait qu’ils ne développent pas de magie pour les premiers alors que toutes les conditions sont rassemblés alors que les seconds développent cette même magie alors que rien ne les prédisposait à cela. » Elle faisait une pause histoire de se concentrer de nouveau avant de reprendre. « Vous comprenez ce que je veux dire ? Où je veux en venir ? » Elle avait tellement en tête tout cela qu’elle ne savait même plus l’expliquer, qu’elle ne savait même pas être clair sur quelque chose qu’elle connaissait pourtant par cœur. « Il y a dans ce monde, bien plus de mystère qu’on le pense, et ça commence par là. » Et en prononçant ces mots, elle désignait l’intérieur de ce moldu, qu’elle n’avait pu réellement apprécier à sa juste valeur.

Pourquoi ne pourrait-elle pas, si elle le désire, croquer dans un coeur de moldu comme elle avait si souvent l’habitude de le faire ? C’était son choix après tout, il n’y avait pas de raison de se justifier selon elle et pourtant, elle était curieuse de savoir ce qu’il pouvait bien en penser, en tant que vampire mais aussi en tant que personne. Ce n’était pas courant de voir des personnes avoir recours à ce genre de pratique, elle le savait bien. Elle ne savait juste pas quoi penser des réactions de celui qui se trouvait avec elle. Il semblait intéressé, vraiment intéressé, pas comme tous ceux qui faisait semblant et qui, après avoir entendu parlé de ses recherches et de ses travaux, la prenait pour une dingue. « Des propriétés magiques oui. J’aime comprendre ce qui m’entoure. » C’était une manière polie de dire qu’elle n’aimait pas ne pas savoir. « Je cherche à comprendre pourquoi certains êtres sont dotés de magie et d’autres non. » Et depuis qu’elle s’était lancée dans cette quête, elle était persuadée que le secret de ce mystère résidait dans les cœurs des individus. Il fallait dire qu’elle n’aimait pas plus que ça les autres organes alors c’était le genre de suppositions qui l'arrangeait bien. Elle était sur le point de reprendre la parole mais il ne lui en laissait pas le temps qu’il se mit à évoquer le sang de harpie. Elle n’était pas une grande connaisseuse et tous les détails étaient bon à prendre pour elle. D’un signe de la main, elle lui fit un signe, celui d’attendre qu’elle se saisisse d’un crayon et d’un bloc-note afin d’inscrire ce qu’il lui racontait. C’était des choses qu’elle aurait sans doute pu trouver par elle-même en fouillant un peu mais si ça pouvait lui éviter de quelconque problème avec qui que ce soit, c’était un luxe dont elle ne pouvait pas se priver. « Hum… je vois. » Elle murmurait pour elle-même alors que les mots longévité, courage et amour se retrouvaient sous la même accolade à côté du mot coeur. C’était peut-être la preuve qui lui manquait pour prouver qu’elle avait raison, que la solution à tout résidait dans le coeur. Elle était presque excitée à cette idée et pourtant, elle n’en montrait rien, son regard ne trahissait rien de ce qu’elle pouvait ressentir en cet instant et elle se contentait d’un regard sur ce moldu qui ne lui servait maintenant plus à rien. La seule émotion qui passait en cet instant sur son visage, fut la surprise à la question qu’il vint lui poser. « Nop. Pas le moins du monde. Je crois que je ne sais même pas comment il s’appelle. » C’était une réalité dont elle n’avait pas peur de se vanter. Il était très rare qu’elle prenne le temps de lire les noms des personnes qu’on lui amenait, à quoi ça pouvait bien servir de toute manière, une fois mort et bien, ils étaient morts. « Généralement, je regarde ce qui a causé le décès, enfin ce qui a été déclaré. Je n’ai pas non plus envie de me retrouver malade de je ne sais quoi parce que j’ai été imprudente. » Ca ne voulait pas non plus dire que ça faisait d’elle une personne raisonnable, bien au contraire. « J’ai pris note en tout cas, et je me renseignerais un peu plus sur les harpies je pense. » Il serait déplorable qu’elle en ait une un jour sur cette table et qu’elle ait l’idée d’en croquer un bout.