breaking off pieces of yourself to fit into places will not help you belong, it will only make you bleed. — Pièce d’un puzzle rapportée. Ses contours sont différents des autres, peut-être plus courbés ou alors moins minutieusement découpés, le résultat demeure le même. La pièce n’est pas à sa place. Peut-être qu’elle irait ailleurs, mais aucun ne s’est donné la peine d’essayer. Ce puzzle-là, c’est le seul hors de sa boite et Rulan doit s’y conformer. Il est cette pièce qu’on plie et mâchouille, qu’on attaque aux ciseaux dans l’espoir qu’elle se fonde avec ses jumelles. Et l’illusion se crée pour quelques fugaces instants. L’étau semble serré mais ce n’est que le temps de quelques années. Les échancrures grandissent, ce sont des crevasses profondes qui s’entrouvrent. Etranger, entre les longs couloirs de la maison familiale, Rulan n’a pas le regard d’acier de son père Haut Juge, encore moins l’esprit de sa mère Doyenne de l'Institute of Wizarding Law. Il n’a rien de l’enfant prodige ; il n’est pas l’ace student qu’est Jiayi, son ainé. He was born to stand out, never meant to fit in.
Et, damn, qu’il a essayé. Il a fermé la bouche quand il ne voulait que déblatérer des idioties, il a serré les poings quand il voulait que ses doigts dansent bruyamment sur la table, il a tu les larmes quand la douleur se faisait ressentir. Il a étouffé ses rires et ses cris dans la bâtisse silencieuse. Ça n’avait rien d’un cocon familial. C’était une cellule, un gouffre. Un ciel ombragé et Rulan ne pensait qu’à quitter le gris.

tearing yourself into half to fit in will not help you belong, it will only take your soul. — Il a ignoré les voix, refusé de tomber dans l’insanité, parce qu’il était bien là le prix à payer s’il voulait leur ressembler. Plus il essayait et plus loin il se perdait. Dans l’intimité de sa chambre, ses jours sont égayés par sa pirolle, son animal lié, c’est ainsi que l’alchimie se crée et grandit. Plus que tout autre être humain, c’est avec lui que ses échanges se sont faits. Bientôt, ils furent trois. Une seconde pirolle trouvant son chemin jusqu’à lui, compagne de son animal. Elle disparait mais lui revient toujours.
Puis de sa bouche, les rires pouvaient enfin se déverser. Gryffondor était une évidence, l’unique fierté aux yeux de ses parents – lord praised, he is not a hufflepuff. La moquerie dans la voix de Jiayi résonne parfois douloureusement. Gamin plein de vie entre les couloirs de Poudlard, le ciel a perdu un peu de sa laideur. Les rayons percent parfois les nuages blancs comme neige. Plus souvent à faire le mur ou en colle, qu’à suivre les cours, il est dissipé malgré lui. Enfant éparpillé, c’est pourtant un amour certain qu’il ressent envers les livres et les mots. Rulan aime lire, il dévore les ouvrages aussi vite que son manque d’attention lui permettre. Et entre les vieux rayons de l’ancienne bibliothèque, une poussiéreuse relique aux lettres familières l’attire. Un manuscrit de magie chinoise datant de plusieurs siècles. C’est entre ses pages qu’il découvre pour la première fois une particularité oubliée, la manipulation des rêves, et c’est avec difficulté qu’il commence progressivement à l’apprivoiser.

son. — Syllabes brûlantes qui ont peiné à être les siennes. Le mépris a habillé les iris de son père à chaque fois qu’ils ont glissé vers son être. Son, son, son. Il n’a jamais été le fils de son père, le rôle déjà pris par Jiayi, sa chair réelle. Lui avait moins de valeur du vase de jade posé tout au fond du vestibule.
Son. Et pour la première fois, son cœur bourdonne. Un feu d’artifices de tendresse s’empare de lui quand Robert Wilson, le père de son amie Lisa, lui souffle ce mot, la main posée sur sa tête. Une affection qu’il ne pensait ni connaitre ni mériter. Les Wilson sont devenus sont sweet home. Il ne comptait plus les escapades jusqu’à leur maison. Ils n’avaient aucune cheminé, pourtant, leur chez soi irradiait d’une chaleur déconcertante. Un cœur léger.

don’t ask for forgiveness. don’t make any excuses. — La porte a volé en éclats derrière lui. Ils l’ont renié et il ne veut plus d’eux, ignorant les firmaments épineux dans le battant. Il a mal, Rulan. Parce qu’au final, il les aime. Son père, sa mère, son frère, il les aime à s’en arracher le cœur mais il sait que c’est une douleur à laquelle il devra s’habituer. Il ne suppliera pas pour qu’ils le reprennent, il ne justifiera pas ses actes. Rulan ne veut pas suivre leur chemin et il ne désire pas de compromis. Inspiré par Robet, c’est sa voie à lui qu’il veut poursuivre ; et rejoindre la bride de la police magique.
Il jette un dernier regard vers l’austère demeure. Des poussières de gris tout autour, il réalise qu’il n’a nulle part où aller. Ça se saurait, s’il savait réfléchir avant d’agir. C’est les yeux humides et sa valise à sa droite qu’il toque à la porte des Wilson, incertain du monde et de sa personne. Il promet de ne pas être une gêne, de rester quelques jours seulement, le temps de trouver ses repères. Et le son a résonné de nouveau, dans cette tendresse aussi infinie que l’univers. Il enchaine les boulots et les cours, jusqu’à rejoindre la brigade.
Le quotidien à la brigade n’a rien d’édulcoré. Ses rêves de justice sont de l’ordre d’utopie. Le monde est sale et Rulan tient bon pendant toutes ses années, fixé sur ses propres principes. Dès qu’il en a la possibilité, Rulan passe le concours pour devenir inspecteur, ne cessant de suivre les traces de Robert avec dévotion. Quand les résultats apparaissent, c’est vers l’homme qu’il accourt. Il veut qu’il soit le premier à apprendre la nouvelle mais il est confronté à une vision d’horreur. Il se souvient encore du visage amer de son collègue qui lui annonce la nouvelle, les traits baignés de larmes de Lisa et la douleur lancinante dans les yeux de sa mère. Il se souvient de ses jambes dépourvues de forces qui l’abandonnent, le bruit de son corps qui embrasse le sol alors qu’on évacue le cadavre de Robert. Il refuse d’y croire.
Aujourd’hui encore, il lui arrive de se sentir le besoin de lui parler, de demander de conseil. Il donnerait tout pour sentir sa paume sur ses cheveux, sa voix rassurante.


people who will tear pieces of your heart, hand it back to you and tell you it was no good to them torn apart. — Le crush et puis le crash. Des fragments restants de son cœur, il ne pensait que des poussières pouvaient encore se créer. Rulan s’était entièrement fixé sur l’enquête de la mort de Robert, trouvant de plus en plus d’indices assurant que l’acte n’avait rien d’un suicide. Tant de fois, il s’est endormi la joue posée contre les documents qu’il trouvait. Son enquête est menée en solitaire, il sait ce que les autres penseront, qu’il est fou, que c’est sa manière de faire son deuil. Mais il sait que Robert ne les aurait jamais abandonnés.
Les réveils sont parfois difficiles, le dos laminé par la position inconfortable mais il y’a toujours ce plaid réconfortant sur son corps, puis les fredonnements mélodieux qui s’invitent à son oreille. Il lève les yeux sur son portrait éternel. Ella qui pose une tasse face à lui, Ella dont les lèvres s’affaissent dans une sublime moue boudeuse parce que cette nuit encore elle était seule, Ella qui pose ses mains chaudes sur ses épaules figées et l’enivre de son parfum. Ella pour qui il avait eu un coup de foudre si fulgurant qu’il lui semble n’avoir jamais rien connu avant elle.
Puis Ella s’est transformée à son tour en une âme étiolée, il a posé les doigts contre ses lèvres bleutées. On l’a lui a enlevé, elle-aussi. Et autour de son cou pend la bague qu’il comptait lui offrir pour leurs deux ans. C’est une douleur de plus qui s’est rajouté à une longue liste. Il s’est mordu la lippe jusqu’à ce que la saveur rouillée se propage contre son palais. Victime d’un hit and run, aussi simple que ça. On ne le retrouvera jamais.

the lightning, the thunder and the rain. — Il titube plus qu’il n’avance. Le temps finissant par tout atténuer. Quelques rires ont retrouvé leur confort dans leur gosier, Rulan s’est enlisé dans ses habitudes, les maladresses nombreuses, les vannes peu drôles et les taquineries à chaque heure. Il refuse de se perdre et tomber dans la folie. Il tiendra bon, au moins jusqu’à les venger. Et après.
Après, peut-être, il laissera la pluie courir sur son derme violacé.