Ses yeux s’ouvrent et se posent sur le plafond, il ne lui faut pas longtemps pour reprendre contact avec la réalité, prendre connaissance des lieux et de la chaleur qui se dégage du corps de Luca à ses côtés, elle semble toujours assoupie. Lorsqu’ils ont commencé à coucher ensemble, Malachi éprouvait des difficultés à s’endormir dans ce lit et s’éclipsait donc after an appropriate amount of time spent cuddling, et un au revoir qui sonnait comme à bientôt. Maintenant, il s’endort comme une masse, la tête étourdie et le souffle encore court sans prendre la peine de s’habiller ou de prétendre vouloir partir. en quelques semaines, une routine s’est installée et le jeune sorcier serait bien incapable d’en expliquer les raisons ou d’en comprendre les ramifications. Il se frotte le visage avant de se lever le plus silencieusement possible ; il ne voudrait pas la réveiller se dit-il en tournant la tête vers la femme dont le visage paraît si apaisé. Bien plus doux que lorsqu’elle est éveillée - bien sûr il ne lui dit pas, elle le prendrait à l’envers et s’énerverait contre lui. Malachi ne veut pas se disputer avec elle et malgré la vitesse à laquelle ils ont repris d’anciennes habitudes, sans les inutiles étiquettes qui collent à la peau, il a souvent l’impression qu’il pourrait réveiller le Dragon qui dort à la moindre parole maladroite.

Sans un bruit, il récupère ses vêtements éparpillés sur le sol, s’étire jusqu’à sentir chacun des muscles de sa colonne vertébrale ; petit exercice que lui a appris son kinémage pour éloigner les douleurs associées à sa scoliose. Ce n’est pas un miracle et ça ne vaut pas les baumes de Dragon, mais c’est toujours ça de pris. Puis, Malachi s’habille en tentant d’éviter de faire grincer les lattes du parquet avant de passer la porte d’entrée et descendre les marches. Il lève son visage vers le ciel ensoleillé de ce mois de juin qui n’est plus qu’à quelques jours d’arriver, récolte les caresses lumineuses qui se glissent sur ses joues et finissent de le réveiller puis entre dans la petite boulangerie à l’angle de la rue.

Lorsqu’il remonte, quelque minutes plus tard, c’est avec un sac débordant de croissants et de chouquettes à la main. Il passe le pas de la porte un petit sourire sur ses traits ; ironiquement c’est le genre d’attentions qu’il ne faisait que peu lorsqu’ils sortaient ensemble, et dont il a pris l’habitude depuis qu’ils se sont retrouvés. Kay ne se penche pas trop sur le pourquoi du comment il apprécie autant ces moments, et passe de plus en plus de temps en compagnie de Luca. Sa présence lui change les idées, des battues qu’il tient éloignées de sa psyché et du silence de Romilda qui commence à lui taper sur les nerfs (car la colère est tout de même plus acceptable que la tristesse). Il entre dans la chambre après avoir déposé les victuailles sur la table puis s’approche du lit pour constater qu’entre temps, la jeune femme s’est réveillée. “you’re awake. Did you sleep well? I bought us some breakfast, croissants et chouquettes.” Il termine en français avec un accent presque impeccable. "Do you want some coffee too?" Il fait comme chez lui, un peu trop peut-être et cela sans même s’en rendre compte.

Luca ouvrit les yeux dans la semi-pénombre de sa chambre. Les rayons de soleil printaniers et si rares dans ce pays passant à travers les rideaux pour illuminer la pièce de parts et d’autres. Malachi n’était plus là, elle n’avait pas besoin de le voir pour le savoir, le jeune homme prenait une place conséquente à ses côtés, due à ce corps trop grand qu’il ne savait jamais vraiment où mettre. Elle resta un moment immobile, passant sa main sur les draps encore chauds. Des années auparavant, elle se serait levée paniquée à l’idée qu’il ne soit parti, elle l’aurait cherché jusqu’à le trouver et lui remettre les idées en place. Mais Malachi ne partait plus ces temps-ci. Et Luca se refusait de penser aux raisons qui le poussaient à rester, elle ne savait pas ce qu’il voulait, ce qu’il attendait, et ça ne lui importait que peu. Ils avaient un arrangement, après tout et Luca ne voulait certainement pas redevenir celle qu’elle avait pu être lors de leur dernière année d’études.

Elle soupira lourdement avant de finalement se lever pour se rhabiller avant de se rassoir sur le lit. Elle n’eut à attendre que quelques minutes avant que son amant ne réapparaisse. “You’re awake. Did you sleep well? I bought us some breakfast, croissants et chouquettes,” Luca étouffa un bâillement, acquiesça silencieusement en réponse à sa question. C’était difficile de ne pas bien dormir après les soirées qu’ils passaient ensemble. “Thanks,” elle murmura en lui lançant un léger sourire. “Do you want some coffee too?” Elle se passa une main sur le visage, plissant les yeux pour essayer de se réveiller de cette nuit qu’elle aurait aimé voir ne jamais se terminer. “Yes, please,” elle lui répondit d’une voix plus forte, cette fois.

Elle le rejoignit quelques secondes secondes plus tard dans sa petite cuisine, glissa une main le long de son avant-bras avant de s’installer à table. “So,” elle dit après un instant, “anything planned for today?” Non pas qu’elle ait eu envie de le jeter dehors, mais Malachi avait pris l’habitude de rester plusieurs jours lorsqu’il venait la voir et Luca s’était un peu trop bien acclimatée à sa présence. Ils avaient commencé à se fréquenter à nouveau quelque temps auparavant, et le temps qu’ils s’accordaient l’un à l’autre devenait de plus en plus conséquent. Elle n’osait pas imaginé ce que la Luca d’avant aurait pensé de tout ça, surement qu’elle était stupide d’être retombée dans ses bras si facilement.

Il n'aurait pas pensé la retrouver, avait été surpris d'apprendre qu'elle faisait un interview sur les dragonologues (pas qu'elle soit devenue journaliste, c'était ce qu'elle avait toujours rêvé de faire, et si Malachi prétendait ne rien retenir et ne faisait que peu d'efforts, il avait toujours fait très attention à ce que lui disait Luca. Il n'avait juste pas le mauvais goût de faire étalage de tout ce dont il se souvenait). S'était trouvé un peu mal à l'aise devant elle lors de l'entretien durant les premières minutes, qu'est-ce qu'on dit à une ex que l'on n'a pas quitté, comment rompre des années passées à s'oublier, le fallait-il d'ailleurs ? Il avait donc joué le rôle de la nonchalance alors qu'intérieurement Kay débordait de questions. Et puis, en un claquement de langue, toute retenue s'était évaporée. Il y a des gens que l'on voit tous les jours et qu'on n'a l'impression de ne pas connaître et d'autres que l'on n'a pas cotoyé depuis des années et quand on les revoit c'est comme si c'était hier. Cela avait été ainsi avec Luca. Et il lui avait proposé un verre, et elle avait accepté, et puis ils ne s'étaient pas quittés une fois la nuit tombée et maintenant ils en étaient là tous les deux. À passer du temps ensemble, sans se prendre la tête, sans se poser des mille et des cent de questions, sans chercher à tout planifier, acceptant les moments qu'ils partageaient ensemble et ceux qu'ils passaient séparés. 

It's simple and easy and it feels so good. they never talk about them. 

Pourtant, Malachi ne réalise même pas qu'il passe de plus en plus de temps à ses côtés, qu'à mesure qu'ils se cotoient il y a des habitudes qui reviennent au galot, qu'il pense à elle quand il ne la voit pas, que parfois il la regarde dormir un peu plus longtemps parce qu'elle a cette douceur dans ses traits et qu'il laisse une de ses mains tracer les contours de son visage qu'il a eu tant de mal à oublier et qui est en réalité toujours autant gravé dans sa rétine, dans sa memoire. Il pourrait fermer les yeux et il continuerait de la voir, de l'imaginer, de sentir son odeur, d'entendre sa voix, de sentir les frissons sur sa peau quand elle passe sa main sur lui comme à l'instant alors qu'ils sont tout deux dans la cuisine. 

Heureusement, il n'est pas question d'amour ici, simplement de deux amis, deux amants qui passent du bon temps. Malachi leur sert les cafés avant de croquer dans une des viennoiseries, puis de réfléchir à la question de Lucas. Il hausse une épaule "Don't know. We could go out or stay here, anything you want." Il lui passe une chouquette avant d'en reprendre une. Ce sont des petites attentions qui lui viennent naturellement et qu'il n'a pas conscience d'avoir. Son comportement porte à confusion sans doute dans cette attitude détendue et parfois presque lointaine et détachée du monde alors qu'en même temps il écoute comme si vous étiez la personne la plus importante dans la pièce, dans la ville, dans tout l'univers. "Unless you already have something planned for today?" cette possibilité ne lui apparaît que maintenant, après tout ils n'ont rien décidé à l'avance, ne se sont rien promis ; pourtant au fond, tout au fond, Malachi espère que ce n'est pas le cas.

tw: slight reference to eating disorders


"Thanks" lui répondit-elle lorsqu’il posa la tasse devant elle. “Don't know. We could go out or stay here, anything you want.” C’était étrange, cette attitude qu’il avait, si différente de ce qu’il avait été à l’époque. Luca lui avait toujours reproché son manque d’attention, le fait qu’il ne prenne jamais d’initiatives, qu’il passe le plus clair de son temps avec ses amies alors qu’elle était là, prête à tout ou presque pour grappiller quelques minutes de son attention. Et là il n’avait pas quitté son appartement depuis plusieurs jours, et ne semblait pas prêt à partir. C’était tout ce qu’elle aurait voulu des années en arrière, mais les choses semblaient plus étranges à présent.
“Unless you already have something planned for today?” il ajouta après un moment et Luca réalisa qu’elle avait passé ce laps de temps à le regarder sans rien dire. “No it’s just …” elle ne savait pas quoi lui dire, pas vraiment, ni comment lui dire sans prendre le risque de le blesser. Luca aurait voulu lui demander si tout allait bien avec Rafaela et Romilda. Elles étaient toujours là, avec lui, lorsqu’ils étaient à l’école et Luca savait que Rafaela était toujours présente dans sa vie, ils travaillaient ensemble, après tout. Elle aurait voulu lui demander pourquoi il passait autant de temps avec elle maintenant, ce qui avait changé par rapport à leur histoire passée, et ce qu’il attendait de ces retrouvailles. Elle n’attendait rien, évidemment, et elle espérait que Malachi était sur la même longueur d’ondes. “I thought maybe you’d want some time to see your friends, or something,” elle finit par lui dire. “I know you still see Rafaela, I suppose Romilda’s never far either, is she?” elle demanda avec un léger sourire. Romilda et elle ne s’étaient jamais appréciées et elles avaient passé des mois à se regarder de loin, en chien de faïence, comme si elles devaient se battre pour son attention, pour sa présence, pour prendre le plus de place possible dans sa vie à lui. Toute cette période avait été ridicule, lorsqu’elle y repensait. Elle avait détesté ce qu’elle était devenue, la colère et la sensation de fin du monde à chaque dispute, à chaque contrariété. “We could go out, yes. It’s a beautiful day, for once,” elle jeta un regard en biais vers la fenêtre, là où le soleil luisait derrière les fins rideaux, avant de prendre une des viennoiseries qu’il avait apporté, essayant de repousser l’inconfort qu’elle ressentait encore à l’idée de manger devant lui.

“I thought maybe you’d want some time to see your friends, or something,” Malachi hausse une épaule en secouant la tête, ce n'est pas qu'il n'a pas envie de passer du temps avec ses amies mais plus qu'il n'y avait même pas pensé depuis qu'il avait rejoint l'appartement de Luca. Il se sent bien ici, tout lui paraît plus simple quand il est avec elle - il peut oublier les reproches de Romi, et la pression de ses parents, il peut effacer les battues, ne penser à rien qu'à l'instant présent. A Luca, beaucoup aussi. “I know you still see Rafaela, I suppose Romilda’s never far either, is she?” "Not really. We had a fight with Romi, we're not talking much these days." Il ne s'exprime pas avec aisance, ce n'est pas tant une timidité extrême qu'une difficulté à laisser les mots sortir. Malachi ne s'épanche que rarement, c'est que dans sa famille on ne parle pas de ce qui fâche, on reste en surface, on parle du temps qui passe et du temps qu'il fait mais pas des émois intérieurs, ni même des soucis du quotidien. Les dîners de famille sont d'un ennui protocolaire qui ont laissé leur marque dans son comportement malgré des années à essayer de s'ouvrir aux autres. “We could go out, yes. It’s a beautiful day, for once,” Il sourit et hoche la tête en terminant de prendre le petit-déjeuner, "I'll take a shower and then we can go. Do you want to join me?" Son sourire ne laisse aucunement place au doute quant à la nature de sa proposition.


Une fois habillés, ils quittent l'appartement et Malachi cale ses pas sur ceux de Luca. Elle est plutôt grande comparée à d'autres personnes qu'il côtoie, mais il est si grand qu'il a toujours cette impression d'avancer trop vite pour les autres s'il ne fait pas attention. Sans y penser, il prend sa main et l'entrelace avec la sienne, ses yeux se plissent sous les rayons du soleil puis il se dirige sans réel but ni objectif, là où leurs pas voudront bien les mener. C'est ainsi qu'il mène sa vie après tout, sans se prendre la tête, sans tout planifier, se laissant porter vers la direction la plus proche ou qui lui semblera la moins ennuyante. "Would you like to go somewhere? there's a bookshop I'd like to visit but I can do that another day. We could also go to a park." Malachi réalise soudain que la destination n'a pas d'importance, tant qu'il fait ce bout de chemin avec elle.

Ils finirent de manger dans un court silence, avant que Malachi ne lui reprenne la parole, “I'll take a shower and then we can go. Do you want to join me?” Luca ne put s’empêcher de souffler un rire appuyé en sa direction. Elle se demandait parfois comment il pouvait être si différent selon les situations, entre les sourires complices, les propositions indécentes et les longs silences qu’il lui réservait parfois, tout devenait assez confus. Elle acquiesça néanmoins sans plus d’effort de sa part, parce que malgré tout ça n’était pas le genre de chose qu’elle était prête à refuser.

Ils sortirent un moment plus tard et Luca accueilla les rayons de soleil avec plaisir. Ca n’était pas quelque chose qu’elle faisait souvent, sortir pour sortir, sans but précis, sans devoir se presser pour aller quelque part. C’était une de ces choses mondaines que la société sorcière avait presque oublié, et qu’elle enviait parfois aux moldus qui n’avaient d’autres choix que de parcourir les rues pour se déplacer.

Son cœur rata un battement alors que la main de Malachi se glissait dans la sienne comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Elle ne dit rien pourtant, au contraire, pressa la paume de sa main un peu plus contre la sienne. C’était stupide, si stupide mais une partie d’elle se réjouissait étrangement qu’ils en soient arrivés là. Leur relation avait été un secret bien gardé à l’époque, et ce genre de contact n’avait été réservé que pour les moments les plus discrets.
“Would you like to go somewhere? there's a bookshop I'd like to visit but I can do that another day. We could also go to a park?” Il demanda alors qu’ils marchaient toujours. “Oh, you read books that don’t have pictures of dragons on them now?” elle lui demanda avec un air faussement surpris. Luca avait toujours exprimé son affection avec une touche de moquerie qui n’était pas toujours bien perçue. Malachi l’avait connue bien plus venimeuse qu’elle ne l’était actuellement, cependant, et elle espérait qu’il n’ait pas oublié qu’elle fonctionnait souvent ainsi. “Tell you what, why don’t we go get your book and then go to a park?” Leur petite sortie commençait à ressembler étrangement à a date  mais Luca essayait de rationaliser, après tout, elle n’avait pas énormément d’amis, encore moins d’amis avec lesquels elle avait ce genre de relation, cet historique qui faisait que, forcément, leurs interactions ne pouvaient pas être semblables à celles qu’ils avaient avec leurs autres amis, "so, where's the bookshop?"

A Poudlard tout paraissait plus compliqué. Ils n'avaient pas la même expérience qu'aujourd'hui, techniquement c'était ensemble qu'ils avaient appris l'amour et tout ce qui l'accompagne. Les premiers frissons quand elle plongeait son regard dans le sien, les longues discussions dans le parc immense entourant le chateau. Puis le premier baiser, maladroit et timide. La première dispute bien vite suivie d'une réconciliation et ainsi de suite. La première fois dont on ne parle pas. Et ce secret qu'il voulait garder pour lui, loin du regard agaçant de son frère, loin des commentaires désobligeants de ses meilleures amies. Ce secret qu'il n'aurait souhaité partager pour rien au monde. Malachi avait dû abdiquer au bout d'un moment, car c'était perdre son confort ou la perdre elle. Et à l'époque ça lui paraissait impossible. Puis, la fin de Poudlard et avec la dernière fois qui remplaça toutes ces premières fois. La dernière fois qu'ils se sont parlé, la dernière fois qu'il a planté son regard dans le sien, qu'il a entendu sa voix, qu'il l'a embrassée, qu'il l'a touchée. La fois de trop. Ou de pas assez.

Quand elle l'avait quitté - par sa faute à lui beaucoup, bien qu'il n'avait pas été prêt à l'époque pour le reconnaître - Malachi s'était persuadé n'en avoir pas grand chose à faire. Il n'avait pas pleuré, il l'avait rapidement oubliée, ou du moins l'avait cru, s'en était persuadé avec une facilité déconcertante. La vie ne s'était pas arrêtée pour autant et il y avait trop à faire, trop à étudier, trop à préparer pour se laisser aller. Malachi n'était de toute évidence pas prêt à l'époque pour une grande histoire, pour se caser, pour se marier. Il l'avait donc fait fuir, trop lâche pour avouer ses faiblesses à voix haute.

Il ne se sent pas plus préparé aujourd'hui.

Mais il n'y a pas d'étiquette liée à leur histoire, plus maintenant. Ils profitent sans se poser des mille et des cents de questions, ils sont jeunes et ont tout le temps devant eux. Il rigole doucement quand Luca lui répond, Malachi la connait assez pour ne pas s'offusquer d'une telle acidité dans ses propos. "I never said it wasn't about dragons." renchérit-il un peu taquin. Ca lui paraît tellement plus facile de parler avec elle maintenant, de prendre la main dans la sienne sans s'inquiéter de ce que les autres penseront alors que certains regards se posent sur eux dans la rue peu animée de ce début de journée. "Sounds good to me. It's not far away. You can see it from here, the third street on your right." Malachi lui montre la rue en question avec sa main libre tout en continuant à avancer.

Ils arrivent enfin devant la devanture, les fenêtres déborquent de vieux livres reliés, il sent l'odeur rassurante des pages en ouvrant la porte et ses yeux prennent un éclat qu'on ne lui connaît qu'en présence de telles raretés ou de wyvernes. Il est bien loin le regard placide qui habille d'ordinaire son visage. Un libraire vient à leur rencontre, leur sourit et Malachi lâche alors la main de Luca pour s'entretenir avec le commerçant. "Goodmorning. I'm looking for a specific book, it's the last version of Intensive care for magical creature volume Three." Le sourire du libraire s'élargit alors qu'il lui demande s'il travaille avec des dragons et des wyvernes, et Malachi hoche lentement la tête. "That must be exciting. I'll be back in a sec with the book." Malachi le regarde un instant s'éloigner avant de se tourner vers Luca. "See. Everything is fine, it has dragons in it. do you need anything?"

“Sounds good to me. It's not far away. You can see it from here, the third street on your right.” Luca connaissait l’endroit, elle y était déjà venue quelques fois. Elle regarda aux alentours alors que Malachi parlait au libraire. C’était si mondain, et si surprenant à la fois, d’être là et d'interagir avec le monde extérieur comme si leur relation était quelque chose qu’elle n’était pas. Luca ne se faisait pas d’illusions, elle ne cherchait pas à faire de ce qu’ils avaient plus que ce que c’était réellement, mais la tentation de se laisser berner était parfois forte. Pourtant, elle savait pertinemment qu’elle devait s’y refuser, qu’elle avait déjà donné et que recommencer n’apporterait rien de bon, ni pour lui, ni pour elle.

Ils n’en avaient pas parlé, pourtant, et Luca n’aimait pas ces situations où les choses n’étaient pas claires. A l’époque, ils avaient passé des mois à marcher sur des œufs pour ne pas heurter l’autre et mener leur histoire à une fin prématurée, jusqu’à la fin où tout avait tout de même explosé et les rancœurs passées avaient refait surface. “See. Everything is fine, it has dragons in it. do you need anything?" - “No, I’m good,” elle lui répondit avec un léger sourire. Elle laissa Malachi payer avant qu’ils ne ressortent pour se diriger vers leur prochaine destination.

Ils s’installèrent dans un parc non loin et Luca prit le temps d’apprécier les rayons de soleil sur sa peau. Il y avait beaucoup de choses qui lui rappelaient leur passé, beaucoup de choses qu’ils faisaient qui étaient similaires et d’autres qui, au contraire, avaient été impossibles à l’époque. “Remember when we used to hide on the edge of the forest at school?” Elle lui demanda soudain, elle s’en souvenait, elle, de leurs mains gelées, du froid qui ne semblait les quitter que plusieurs heures après qu’ils soient rentrés, tout ça pour pouvoir grappiller quelques moments de quiétude. “I would have killed for a day like this back then,” elle lui dit avec un petit rire. “It’s kind of embarrassing, looking back on it.” Et c’était un rappel de plus qu’elle ne devait pas, qu’elle ne pouvait pas retomber dans ce cercle là, que rien de bon n’en était sorti. Ils avaient été jeunes, certes, mais Luca avait cette peur peut-être pas si rationnelle de redevenir comme elle avait été à l’époque, de voir le monstre ressortir et tout détruire sur son passage.

Il se sent bien avec elle. Cette idée germe dans son esprit et s'y inscrit sans qu'il ne s'en rende compte. Il a l'impression que tout ira bien quand il est avec Luca. C'est une sensation bien éloignée de ce qu'il pouvait ressentir adolescent quand ils sortaient ensemble. Et il se dit que c'est justement parce qu'ils ne sont pas enfermés dans une étiquette, qu'ils n'attendent rien l'un de l'autre. qu'ils sont libres, libres de se voir ou de voir d'autres gens, libres dans leurs mouvements. Si, pour une raison qu'il ignore, Kay n'aime pas penser à ce qu'elle pourrait faire (et avec qui) lorsqu'ils ne sont pas ensemble, le sorcier est devenu expert dans l'art de fermer les yeux, de détourner le regard, de ne surtout pas se poser trop de questions. Comme avec Gracefield, comme avec cette société dans laquelle il évolue et qui fait souvent peu de sens à ses yeux. Comme avec ses parents. Comme avec ses choix.

Ils sont assis depuis quelques minutes l'un à côté de l'autre sur un banc, lorsque Luca le sort de sa rêverie en évoquant le passé. Malachi tourne son visage vers elle, un expression mi-douce, mi-contrie sur le visage ; il sait lui en avoir fait baver à Poudlard avec ce secret, n'aime pas y repenser et juge beaucoup l'adolescent maladroit qu'il était. "I remember. It was fun. Remember the time they almost caught us because we stayed too long?" Ils avaient passé la soirée à s'embrasser et à discuter, sans faire attention au temps qui passait et les deux adolescents avaient couru pour ne pas se faire attraper par un préfet. Il l'avait raccompagné à sa chambre, avait déposé un baiser dans la comissure de ses lippes, ragaillardi par le secret, le danger, l'excitation de se faire choper. Malachi s'en souvient comme si c'était hier. Les années n'ont pas effacé de ses souvenirs les moments qu'ils ont partagé, les bons comme les mauvais. Sa main retourne chercher celle de son amante, y dépose quelques caresses alors qu'il se fait songeur. "You didn't like it too much though, the hiding I mean." Il pousse un soupir qui s'évapore dans l'air. "I'm sorry about that. I should have understand sooner. But you know, you were never a dirty secret for me. It wasn't like that. But I'm the one who should be embarrassed, not you." Ses yeux se plongent sur les doigts qu'il caresse de sa main, il ne sait pas pourquoi lui vient soudainement le besoin de s'excuser pour des faits qui datent d'un autre temps, qui au final n'ont plus d'importance. Ils se sont séparés, ils ne forment plus un couple, ne sont pas vraiment des amis. Pourquoi alors ce besoin de passer tout ce temps avec elle, pourquoi cette envie de la voir régulièrement et de lui parler comme jamais auparavant. Un peu de nostalgie peut-être, oui cela doit être ce qui lui arrive. Se plonger dans le passé parce que Malachi n'est pas serein quant à l'avenir.

“I remember. It was fun. Remember the time they almost caught us because we stayed too long?” Luca ne lui répondit qu’avec un petit rire. Ils avaient souvent border la limite de l’acceptable, avait souvent failli franchir les règles plus ou moins implicites de l’école, restant debout passé leur couvre feu officieux, profitant des moments durant lesquelles leur salle commune était vide pour se murmurer des histoires dans la lueur étrangement verte qui les avait entourés. A l’époque, Luca avait cherché à prolonger leurs moments passés ensemble le plus possible, elle aurait été prête à presque tout pour profiter de Malachi plus longtemps, pour oublier le fait que le reste du temps n’était pas comme ça, qu’ils n’étaient qu’un secret et que personne n'apprécierait leur relation, de toute façon. “You didn't like it too much though, the hiding I mean,” Malachi ajouta en reprenant sa main dans la sienne, “No, no I didn’t,” elle répondit en secouant la tête. Luca ne s’était jamais gêné pour lui faire savoir, et ça plus l’accumulation de toutes les petites choses sur lesquelles ils ne s’entendaient pas avait voué leur relation à l’échec presque dès le début. “I'm sorry about that. I should have understand sooner. But you know, you were never a dirty secret for me. It wasn't like that. But I'm the one who should be embarrassed, not you.” - “It’s fine, it’s in the past,” ils avaient énormément changé depuis, Luca le savait juste en le regardant. “We were kids, and we were very dramatic, or at least I was,” elle lui lança avec un sourire, Malachi avait toujours été dans la retenue, après tout. “We’re different people now, aren’t we?” elle ajouta. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il s’était passé dans la vie de Malachi toutes ses années. Elle connaissait les grandes lignes, évidemment, mais elle n’avait pas encore pu apercevoir toutes les choses qui avaient pu changer en lui, et elle savait qu’il devait y en avoir plein. Il y en avait beaucoup pour elle, après tout. “It’s weird, actually, it’s almost like we just met, isn’t it?” Le passé pesait lourdement dans leur relation, elle le savait et Malachi aussi, malgré tout ce qu’ils pouvaient dire. “I mean, can we even say we still know each other, after all this time?” Les choses semblaient plus simples sans ce bagages qu’ils portaient avec eux à chaque instant, sans les souvenirs embarrassants et souvent doux et amers, sans les secrets et toutes les questions qu’ils avaient pu se poser, sans la curiosité de savoir ce qui aurait pu se passer s’ils étaient restés ensemble toutes ces années.