La passion de Harry pour le Quidditch n’a fait que s’affiner avec les années, surtout après le somptueux cadeau de Narcissa - un balai dernier cri, qu’il use dès qu’il se rend au manoir Malfoy. Il aime voler, la liberté (illusoire) d’être libre et léger, à des dizaines de mètres du sol, seul face aux oiseaux, la tête dans les nuages. L’intense adrénaline qu’il ressent à chaque fois qu’il vole a véritablement des goûts de libération, et Harry peut se perdre dans ce sentiment sans culpabilité, se laissant porter par le balai, un sourire béat aux lèvres, déçu à chaque fois qu’il s’agit de mettre pied à terre.

Mais il faut, malheureusement, toujours atterrir - c’est la fin naturelle de chaque vol, et de chaque chute. C’est pour ça, peut-être, que c’est si spécial et parfait, parce que c'est une éphèmère - ou une connerie du genre. Harry n'a pas vraiment la trempe d'un cérébral ou d'un poète, il sait juste que ça le fait chier de retourner les pieds sur terre quand il a envie de voler.

Autant dire que quand on lui a dit qu'il allait voler avec les Kensington Kings, il était extatique et il n'a pas fermé les yeux de la nuit, au grand agacement de Draco qui a dû passer de longues heures à répondre à son monologue excité à propos des qualités de chaque joueur. C'est bien l'une des seules choses qui le rendent heureux, le Quidditch, les statistiques de ses joueurs et équipes préférées. Il y a quelque chose de rassurant à cette normalité qui n'a presque pas place dans sa vie.

En pénétrant dans le Purity Stadium, suivi par Pettigrew - comme d'habitude -, deux journalistes - comme d'habitude - et deux membres de la Police Magique - comme d'habitude -, les traits de Harry s'ouvrent en grand et brillent en découvrant le stade souterrain. Il siffle même d'admiration quand ses yeux retombent sur Njoku, le coach de l'équipe, à qui il sert la main. "Thank you for having me, the honor's all mine!" dit-il d'une voix, pour une fois, sincèrement excitée. Officiellement, il est là pour une opération photo dans le cadre d'un article sur les KK - officieusement, ils aimeraient l'ajouter à leur roaster, en tant que remplaçant, certes, mais tout de même.

L'idée de rejoindre une équipe pro est presque trop pour son coeur: Harry est heureux (même si il sait qu'il n'a pas le niveau, vraiment pas, et que c'est purement une machination journalistique destinée à faire parler de lui, des KK, et du bien-fondé du gouvernement). Il serre la main d'un manager, d'un autre responsable, puis de la capitaine qui a l'air plutôt agacée par sa présence. La personne suivante est d'autant plus agréable aux yeux, parce que Harry sait qui il est et qu'ils ont été, fût un temps, dans le même pétrin: Viktor Krum n'a quasiment pas changé, toujours aussi taciturne et épais, et un grand sourire éclaire le visage de Harry sans atteindre ses yeux alors qu'il lui prend la main avec entrain, se penchant même pour lui asséner une tape amicale sur l'épaule. "Viktor Krum. It's been a few years." Quand il relâche sa main, il ne s'éloigne pas pour autant pour passer à Kluviert à sa droite. "I'm very happy to see you here: I've always dreamed of flying alongside you. Dreams do come true under the Lord's reign," rajoute-t-il d'un air gai, avec un petit rire (la réplique écrite à la hâte par la plume à papotte qui le suit). "Do you have any last minute tips for me? I hear I'm supposed to impress you with my Seeker skills today."

juin 2007, purity stadium. Viktor a l'impression d'avancer avec une bombe à retardement dans l'estomac ce matin quand il arrive au stade. Quand l'annonce avait été faite - en fin d'entraînement, en début de semaine - il n'avait pas trop su comment réagir. Pire que ça, il s'était senti forcé d'avoir une réaction, tous les regards s'étant immédiatement posé sur lui, parce qu'après tout, c'était lui qui le connaissait le mieux, pas vrai ? Quelque part, Viktor ne pouvait s'empêcher de penser qu'il s'agissait d'un test, même si les raisons ou buts de ce dit test restaient très floues. La venue de Harry, sa participation à l'entraînement, sa collaboration avec Viktor - avec l'équipe, certes, mais surtout avec Viktor - était un pavé dans la mare, un éléphant dans un magasin de porcelaine, et tout plein d'autres métaphores. Viktor n'a jamais été quelqu'un de très instinctif en dehors du Quidditch mais même lui ne pouvait ignorer les allures de piège qu'avait cette brillante idée.

Parce que mettre Harry et Viktor ensemble sur le même terrain va forcément ramener à la surface de vieux souvenirs, de vieux souvenirs étroitement liés à un passé que le nouveau régime cherche à réécrire. Peu importe ce qu'ils font, ce qu'ils disent, quand Viktor et Harry seront dans la même pièce, le fantôme de Cédric sera avec eux, et avec ça, tout un tas de galères qu'aussi bien Harry, Viktor, ou le gouvernement ne devraient pas vouloir déterrer.

C'est pour cela qu'il n'a encore rien dit à l'Ordre. S'il leur avait dit, il aurait dû assister à tout pleins de réunions, recevoir tout un tas d'ordres, et aurait été encore plus mal à l'aise face à Harry qu'il ne l'est à présent. Pour l'instant, il a donc décidé de garder l'information pour lui, espérant pouvoir en savoir plus sur la situation et dans quoi il met les pieds avant de faire un rapport complet à l'Ordre.

Ce matin là, Viktor et le reste de l'équipe sont convoqués un peu plus tôt que d'habitude afin que les photographes puissent bien saisir l'instant où, en rang d'oignons, les joueurs verront Harry Potter arriver sur le terrain. Alexandria est la dernière à arriver, juste une minute en retard, et elle rejète sa longue chevelure dans le visage de Viktor, l'air agacé - les objectifs ne sont pas encore pointées sur eux. "I still don't get it," elle souffle en faisant la moue, regardant Perséphone et Matteo pour s'assurer qu'ils sont d'accord avec elle. "Maybe he was okay when he was a student but come on, that was ages ago... Can he even still fly?" Viktor comprend l'agacement d'Alexandria. Quelqu'un comme elle aime rarement partager l'affiche, encore moins lorsqu'il s'agit du concours du meilleur sang-mêlé. Viktor a toujours beaucoup apprécié Harry mais son affection pour lui risque de doubler s'il la met autant en rogne.

Ils n'ont pas très longtemps à attendre avant que le moment fatidique arrive enfin. Harry arrive avec toute une délégation - une escorte presque - et Viktor prend note de chaque visage, chaque nom qu'il connaît, afin de pouvoir les transmettre à l'Ordre. Il regarde attentivement Harry saluer les gens avant lui, puis sourit légèrement quand il arrive à lui, content malgré tout de le voir après toute ces années. "Viktor Krum. It's been a few years." et Viktor ne peut qu'acquiescer en lui serrant la main, ne sachant pas trop quoi répondre à part, "It has."

"I'm very happy to see you here: I've always dreamed of flying alongside you. Dreams do come true under the Lord's reign," Harry continue et encore une fois, Viktor, toujours très loquace, acquiesce à nouveau, essayant de contenir son air crispé. des mots pareils dans la bouche d'Harry, il ne s'y fera jamais. Et il ne peut empêcher ses yeux de se poser brièvement sur la cicatrice de Harry. "Can't really disagree, here. I'm looking forward to it," il se force à répondre, sachant très bien que les journalistes attendent des citations croustillantes à recracher dans leur papier. En tout - joueurs, staffs, journalistes, délégation de Harry - ils sont une bonne vingtaine sur le terrain à ce moment, mais Viktor sait pertinemment que tous les yeux sont posés sur eux. Alexandria doit en être rouge de rage. "Do you have any last minute tips for me?" Harry lui demande et, brièvement, Viktor les revoit, lui et Harry, des années en arrière, quand il n'avait vraiment que le Quidditch dans sa vie. "I hear I'm supposed to impress you with my Seeker skills today," Harry poursuit et Viktor hausse les épaules. "Not sure you'll need any. I'm sure you'll do well," Viktor répond, ne sachant pas trop quoi dire d'autre. "You're a natural," il ajoute tapotant amicalement une main sur son épaule.

Viktor a toujours été du genre taciturne et pas tellement bavard, Harry s'en souvient, ainsi il n'est pas surpris qu'il s'exprime avec peu de mots en lui répondant: "Not sure you'll need any. I'm sure you'll do well. You're a natural." Harry rit légèrement, un peu malgré lui, touché par le bon sentiment de son vis-à-vis mais aussi son compliment: ce n'est pas tous les jours qu'on se fait féliciter par Viktor Krum pour ses talents de joueur de Quidditch.

Le bulgare lève la main et tapote légèrement son épaule; le corps de Harry se crispe en réponse. Son sourire trébuche et manque de s'écrouler, s'enfonçant sur ses lèvres dans une grimace désagréable et prise de court, alors qu'un frisson douloureux lui descend le long de l'échine, se fiche dans le bas de son dos.

Viktor retire sa main, et le sourire de Harry n'atteint plus ses yeux. "So I've heard," réplique-t-il lentement. "We shall see."

Il salue le reste de l'équipe, sans se départir ni de son sourire ni de ses bonnes manières, avant de les laisser pour aller se changer dans les vestiaires, seul.

---

Jusqu'à maintenant, il ne ressentait ni réelle nervosité ni stress à l'idée de voler devant tous ces gens et de se faire évaluer par leurs yeux de professionnels, mais maintenant Harry se retrouve à légèrement trembler, maladroit et souffreteux, sa respiration courte. Assis sur l'un des bancs longeant les vestiaires, en tenue, il se passe des doigts tremblants et crispés dans ses cheveux épais, s'y accrochant parfois comme pour s'ancrer dans la réalité.

Il aime voler. Et comme Viktor l'a dit, et comme on le lui a dit à de nombreuses reprises, il est un naturel: il se souvient comme si c'était hier de la première fois qu'il a décollé à dos de balai, et il se souvient aussi de la sensation grisante et nouvelle, et bizarrement naturelle, de sentir le vent lui ébouriffer les cheveux et faire voler ses vêtements autour de lui, le faisant se sentir aussi léger qu'une plume à des dizaines de mètres du sol.

Pettigrew l'a laissé sans un mot, et Harry apprécie cette solitude à sa juste valeur: elle n'arrive que trop peu au sein de sa vie jalonnée d'évènements comme celui-ci, artificiels et hypocrites, le laissant épuisé tant physiquement qu'émotionnellement. Il lève la tête quand il entend la porte menant au stade s'ouvrir, et est surpris de trouver Krum dans l'encadrement, là où il s'attendait à voir Pettigrew. Il se force à lui sourire en se relevant, s'approchant de lui. "So this is it. How much do you intend to keep your position as Seeker with the Kings?" lui demande-t-il d'un ton joueur mais forcé en attrapant une bouteille d'eau d'une main et son balai de l'autre. Il ignore quand il est devenu si bon au small talk, mais c'est une parade et une défense comme les autres. "I shall try not to overshadow you too much." Comme toujours, son sourire n'atteint ni ses yeux ni le fond de sa voix - mais qu'importe, on ne s'attend pas tout à fait à ça de lui.

C'est difficile pour Viktor de vraiment voir Harry quand il pose ses yeux sur lui. Comme ça, au premier regard, il semble fidèle à lui même, pas forcément à l'aise en société mais courtois, humble, discret - enfin aussi discret que Harry Potter puisse l'être. Sur ce plan là, Viktor n'a aucun soucis à relier le Harry qui se tient devant lui avec le Harry qu'il a connu il y a des années. Cela n'empêche qu'il reste difficile à croire pour lui qu'il s'agit bien de la même personne. Après tout, il était mort. C'était ce que le monde entier s'était dit. Ils en étaient tous persuadés. Merlin sait que Viktor n'est pas du genre rêveur ou optimiste. Les miracles, ce n'est pas son truc, encore moins les miracles tordus comme celui-ci, qui ne ressemblent plus à un cauchemar qu'à autre chose. Harry, comme beaucoup d'autre avant lui, comme Cédric il y a des années de ça, était mort. Point. Tombé au combat pour une guerre plus grande que lui. Cette histoire, Viktor pouvait y croire. C'était un conte familier, qu'en tant que descendant du grand Dimitar Krum, il ne connait que trop bien. L'autre histoire... Celle du héros disparu qui revient des années après dans le camps de l'ennemi... Ça, c'est plus difficile.

Au début, Viktor essaye de canaliser son regard un peu trop appuyé sur Harry, ne voulant pas le mettre mal à l'aise - si quelqu'un d'autre sait bien à quel point c'est agissant, c'est bien lui. Seulement, il se rend compte très vite qu'il n'est pas le seul à le fixer du regard. Au moins, il est raccord avec le reste de son équipe.

Il n'y a plus personne à par Harry dans les vestiaires quand Viktor s'y rend pour aller le chercher. Bizarrement, Viktor est encore plus tendu maintenant que sous l'oeil de tout ces journalistes, officiels, et autres membres du staff.

"So this is it. How much do you intend to keep your position as Seeker with the Kings?" Viktor sourit légèrement, content de voir que Harry s'en tient au sujet de la journée. Parler Quidditch est toujours ce qu'il y a de plus facile. "Very much so," il répond, ses yeux se baladant un peu partout, ayant du mal à regarder Harry droit dans les yeux dans de telles circonstances. "It'd be hard to find a better team." Ces mots là lui viennent facilement. Jamais un grand orateur, ses années à Londres ont quand même permis à Viktor de développer un persona un peu plus "dynamique et engageant" - selon les mots de Matteo. Son soit-disant amour pour l'équipe, le gouvernement, et le pays est un laïus qu'il ne connait que trop bien, perfectionné au fil des mois auprès d'hommes politiques bien meilleur que lui à cet exercice.

"I shall try not to overshadow you too much." Viktor a un commentaire amusé sur le bout de la langue mais le garde pour lui. Rappeler à Harry qu'il est quasi impossible pour lui de ne pas voler la vedette n'est peut être pas la meilleure chose à faire à l'instant présent. A la place, il fait un geste de la tête vers le terrain en disant "Come on. Let's see what you've got left.", puis fais demi-tour, invitant Harry à le suivre. Dès qu'ils sont à nouveau sur le terrain, ils sont accueillis par une nouvelle série de flash et des murmures d'excitations à l'idée de voir les grands Krum et Potter voler ensemble pour la toute première fois. L'article s'écrit tout seul.

Coach Keita est au sol avec les poursuiveurs et les batteurs, se tenant devant un énorme tableau noir sur lequel sont tracés à la craie blanche les différentes formations. Nayara, elle, est avec son remplaçant et leur préparateur, déjà dans les airs, autour des anneaux. Comme elle, Viktor s'entraîne, en général, de son côté, avec l'attrapeur remplaçant et leur propre préparateur. Aujourd'hui, cependant, c'est une journée spéciale, et Viktor est donc seul avec Harry, là plus pour la une des journaux que pour réellement s'entrainer pour le prochain match.

"So. How about we just start by a few laps of the stadium? See how high and fast this broom can go?" C'est une formule plus qu'autre chose. Viktor a reconnu le balais que tient Harry dès qu'il est arrivé. Ils ont exactement le même.

La politesse de Krum n'a rien des accents obséquieux qu'on lui adresse d'habitude: les gens ont tendance à prendre des pincettes inutiles avec lui, et à multiplier les courbettes et les sourires pincés comme si ça allait magiquement les faire rentrer dans les petits papiers du Lord. La politesse de Krum est un peu distante, mais professionnelle et donc légèrement réconfortante pour Harry, dont les batteries sociales ont une certaine tendance à s'épuiser rapidement quand il n'y fait pas attention. "Come on. Let's see what you've got left." Harry renifle, vérifie que son uniforme est bien accroché une dernière fois avec un relent de nervosité, et attrape son balai pour suivre Krum vers le stade souterrain.

Les flashs des appareils photos sont ignorés avec habitude, et le sourire revient sur ses lèvres, large et flamboyant, sans jamais atteindre son regard vert. Il fait un signe de main pour donner le change, échange quelques mots avec un autre membre de l'équipe, habite avec brio la peau de la personne qui a envie d'être là et est parfaitement à l'aise. Il écoute posément le Coach et ses recommandations, ainsi que son explications du déroulé de l'entraînement d'aujourd'hui. Il sent monter en lui une excitation difficile à expliquer, qu'il associe particulièrement avec le Quidditch. Harry adore voler, et la perspective de le faire avec des pros, avec les Kensington Kings, avec Viktor Krum tout particulièrement, est très séduisante.

Le briefing fini, Harry se tourne vers Krum qu'il va accompagner pendant l'entraînement. "So. How about we just start by a few laps of the stadium? See how high and fast this broom can go?" Ils ont le même, Harry l'a remarqué lui aussi. Il lui offre un petit sourire. Bien entendu, le pilote d'un balai fait sa force, même si il est impossible de pousser l'artefact magique à aller plus vite que ses capacités maximales. Harry sent son esprit bravache et compétitif digne de Godric Gryffindor rugir dans sa poitrine face au défi - et cette fois, le sourire sur ses lèvres semble sincère, faisant briller ses yeux vert sombre d'un éclat joueur. "Let's."

En décollant, Harry oublie tout à fait les regards vrillés sur eux et les crépitements des appareils photos magiques: dès que ses pieds quittent la surface du sol, il ferme les yeux et retient le gloussement euphorique qui menace d'éclore dans sa gorge. Même si ils sont sous terre, la propulsion du balai lui donne l'impression qu'un vent synthétique lui bat le visage et le rafraîchit, faisant voler ses cheveux coupés courts autour de son visage. Pendant un instant, en volant sur son balai flambant neuf, Harry se sent libre.

Il se force à se reconcentrer et repère rapidement la silhouette de Viktor, de laquelle il s'approche. "Sorry, got lost in the moment for a second," s'excuse-t-il de ses quelques instants d'absence, passées à profiter de son envol et du pouvoir du balai vrombrissant entre ses jambes. "Following you."

Très vite, pourtant, Harry s'invente impatient et effectivement, s'allonge presque de tout son long sur le balai pour le faire accélérer. Ils font quelques tours autour du stade, Harry se rappeler des vieux conseils d'Oliver à l'époque de Hogwarts - ils ne convoquent pas les souvenirs mais ses recommandations lui reviennent comme une seconde, tant ils ont été imprimés en lui profondément. Il relâche les muscles de ses épaules, serre les cuisses, se force à ne pas trop s'aggriper au manche de son balai, et regarde droit devant lui. "Can't you go faster than that, Krum?" lance-t-il à l'adresse de l'attrapeur, avant de lui adresser un clin d'oeil derrière ses lunettes. Il les remonte le long de son nez et se met à accélérer d'autant plus en se penchant en avant, traçant devant eux avec un rire étouffé.

Ils sont épaule contre épaule pendant le dernier tour mais qu'importe. Harry aime voler, et il aime voler vite et bien. Même si il n'a pas pu s'entraîner de manière récurrente pendant quelques années, il retrouve rapidement ses repères - les matchs improvisés avec Draco sur le terrain des Malfoy aident, évidemment. Il se sent comme un poisson dans l'eau - or, well, un oiseau dans les airs - et adresse un sourire ravi à Krum quand ils ralentissent un peu et se rapprochent du sol. "What now?" Et puis un sourire aux accents arrogants s'empare de son visage, un reflet du Harry qu'il a un jour été, le plus jeune attrapeur depuis un siècle à Hogwarts.

Aussitôt qu’ils décollent, Viktor se sent déjà beaucoup mieux, bien plus dans son élément. Le stade a beau être en intérieur, l’atmosphère a été modifiée par la magie pour donner l’impression qu’on est en extérieur, un ciel artificiel similaire à celui de Poudlard trônant au-dessus des gradins et du terrain. Un vent qui semble bien réel mais pourtant artificiel souffle sur son visage et il prend le temps de respirer, les yeux fermés. La situation de Viktor n’est pas simple mais il sait qu’il fait encore partie des chanceux. Il a le Quidditch et c’est souvent tout ce qui compte.

Il se tourne pour s’assurer que Harry l’a bien suivi et sourit quand il le voit, lui aussi, savourer ce moment. Il suppose que ça fait longtemps pour Harry. Lui-même avait mal supporté les semaines après sa blessure, en 2001, quand on lui avait recommandé de ne pas revoler tout de suite.

"Sorry, got lost in the moment for a second," Harry s’excuse et Viktor lève la main pour lui assurer qu’il n’y a pas de mal. Il pensait qu’il devrait forcer sa sympathie envers Harry, comme il force sa sympathie avec presque tout le monde ces temps-ci, mais ce n’est pas le cas. Il suppose que c’est dû au fait qu’avec Harry, il y a toujours eu cette entente facile et commune. Leurs histoires sont différentes, mais ils ont tous les deux connu la solitude de la célébrité, l’admiration des autres sans vraiment la comprendre, l’amour du sport et la liberté qu’on ressent quand on vole. Le reste… Viktor préfère ne pas y penser. Il a le sentiment que Harry non plus. "Following you."

Viktor acquiesce et prend les devants. Il commence doucement, la partie de lui compétitive - qui n’a fait que grandir depuis qu’il est arrivé au Royaume-Uni - contente de voir qu’il devance Harry mais se rappelant très vite de ce qu’on attend de lui. Il va pour ralentir, pour que Harry ait l’air bon à côté de lui quand soudain, sans qu’il ait le temps de faire quoi que ce soit, Harry le dépasse. "Can't you go faster than that, Krum?"

Viktor entend Harry s'esclaffer et le regarde un peu surpris. Il pourrait continuer comme ça, laisser Harry se pavaner pour les photographes - après tout, c’est pour ça qu’ils sont là - mais quelque part, ça serait trahir Harry. Ce sont des sportifs. Tricher n’est pas une option. Alors au lieu de sourire, il fronce les sourcils, la langue entre les dents. Game on.

Au coude à coude avec Harry, Viktor oublie les apparences. Il accélère et oublie les jeux de pouvoirs, les manipulations, la communication très calculée et maîtrisée des Kings et se laisse aller. Il réapprend ce que c’est de voler juste pour le plaisir, par pour gagner des points, pas pour entretenir une image, pas pour faire plaisir à un gouvernement ou récupérer des infos pour un autre. Il vole parce qu’il en a envie et parce qu’il aime ça et parce qu’il est doué.

Ils ralentissent dès qu’ils ont conclu leur dernier tour et Viktor ne peut s’empêcher de sourire, le souffle un peu court, quand il dit à Harry. "See? I told you you were a natural."

“What now?” Harry demande alors et Viktor jette un rapide coup d’oeil en bas. Normalement, il devrait continuer l’entraînement normal avec des vifs d’or trafiqués pour faire différents exercices de vol, travailler sur différentes figures, mais Viktor peut voir la lumière malicieuse dans l'œil d’Harry et il a envie de la cultiver.

“How about we race for something real this time? When’s the last time you caught the snitch, Potter?” Et à ses propres mots, Viktor ressent une pointe d’excitation. Il se sent comme un gamin, plus précisement comme le gamin qu’il était il y a des années de ça, avant qu’on l’embarque dans une carrière de sportif de haut niveau. La première fois qu’il a vu Harry, il a eu envie de se mesurer à lui. Et aujourd’hui, il va enfin pouvoir le faire.

Il descend en piqué vers l’une des armoires qui longe le bord du terrain et fouille dans l’espoir d’y trouver un vif d’or. Ils n’en utilisent jamais de vrais lors d’entraînement vu qu’une fois qu’on l’attrape, on ne peut plus le réutiliser mais il sait qu’ils en rangent quand même ici, au cas où il y ait un problème le soir d’un match à domicile.

En effet, dans un écrin au couleur de club, Viktor trouve un vif d’or qu’il attrape avec le mouchoir en tissu qui l’accompagne. Fier, il se tourne pour le montrer à Harry. “What do you think?” il demande et il se sent alors comme un collectionneur qui montre sa dernière trouvaille à un compère. Sur la boule brillante est gravé le logo du club ainsi que son slogan, “Proud and United.”

Dans les airs, il est tellement plus simple de se laisser porter et d'oublier, pendant quelques minutes au moins, la tempête qui agite l'au-dehors et qui le rend si pesant - personne n'a besoin de se soucier des politiques et des messages de propagande quand il y a un balai entre ses jambes. Harry chérit ce moment de liberté tout simplement parce qu'il sait qu'ils ne sont que trop rares, et qu'il n'en bénéficie pas aussi souvent qu'il aimerait. De plus en plus, les parenthèses au parfum de liberté se font plus rares, plus intenses aussi, moins satisfaisantes quelque part aussi. Mais Harry a toujours vécu dans le moment présent et en cet instant précis, il ne sent presque plus le regard de Pettigrew, l'influence du Lord, ou la désapprobation de Narcissa - il ressent juste cette liberté vertigineuse et parfaite qui lui donnerait presque envie de rire légèrement si il en était encore capable.

“How about we race for something real this time? When’s the last time you caught the snitch, Potter?” Quelque chose explose dans la poitrine de Harry en entendant les mots de Krum, et il hoche vivement la tête pour lui donner son approbation. "You'd be surprised!" crie-t-il après lui alors que le bulgare s'en va chercher un vif d'entraînement, Harry faisant quelques tours paresseux au-dessus de lui en l'attendant, s'approchant curieusement en le voyant se tourner vers lui. “What do you think?” Volant à quelques centimètres du sol, Harry se penche vers le vif pour l'observer. Proud and United. Il ne peut qu'approuver le message derrière l'équipe des Kensington Kings. Comme le Lord le lui a montré et comme lui-même l'a compris, les [sorcier.es](http://sorcier.es/) se doivent d'être [fier.es](http://fier.es/) de qui iels sont, et unis face à la menace prodiguée par le monde moldu.

Un sourire sincère et lumineux vient éclairer le visage du Survivant, alors qu'il hoche la tête. "I think that I'm going to catch that before you do," fanfaronne-t-il avec l'aisance d'un esprit de compétition bien aiguisé et naturel. "Let's go." Son impatience est palpable, alors qu'il s'éloigne du sol, bientôt rejoint par Krum.

Quand le vif d'or est libéré, ils s'accordent quelques secondes pour le laisser s'éloigner avant de se mettre en chasse. Du coin de l'oeil, Harry perçoit les flashs des appareils photos et des rumeurs qui enflent du côté du reste de l'équipe et des gens qui sont venus avec lui - mais il les ignore, tout focalisé qu'il est sur sa tâche. C'est quand un Cognard d'entraînement manque de rentrer dans le manche de son balai qu'il réalise qu'on a semé leur chemin d'embûches, et il fait une manoeuvre pour éviter le suivant au dernier moment, manquant de perdre ses lunettes en chemin. Un sourire carnassier vient s'étirer sur ses lèvres, et il ne peut pas s'empêcher de crier en direction de Krum: "I hope you don't think such parlour tricks from your little friends will slow me down!"

La course est serrée, pourtant, et c'est Krum qui voit le vif en premier: en le voyant se précipiter en ligne droite dans une direction précise d'un mouvement brusquement, Harry s'engouffre derrière lui à toute vitesse pour qu'ils soient bientôt de nouveau épaule contre épaule. Le vif volette juste sous leurs nez, bifurque, fait un looping, les perd... la frustration de Harry monte dans sa poitrine en même temps que ce doux sentiment de joie qui lui vient à chaque fois qu'il joue au Quidditch et qu'il est juché sur un balai. C'est incomparable à tout ce qui existe sur la terre ferme, à ce monde prosaïque et lointain si compliqué qui disparaît dès qu'il n'a plus les pieds sur terre. Si seulement il était possible de vivre toute sa vie sur un balai...

Quand il aperçoit le vif d'or non loin d'eux, à quelques mètres, Harry n'hésite pas: d'un mouvement presque félin, il se jette de son balai pour l'attraper dans les airs, après une courte chute, et rattrape de l'autre main le manche du balai qui a continué sa course en ligne droite au dernier moment. Il sent ses doigts sur le point de céder, et réalise ensuite qu'il va avoir du mal à remonter dessus avec une seule main serrée autour du manche du balai, et c'est sans grâce ni délicatesse qu'il parvient à faire descendre l'objet magique jusqu'au sol. Il le lâche peu avant l'atterissage, et finit par tomber sur les fesses dans un bruit sourd, bientôt entouré de quelques visages inquiets et désapprobateurs - mais Harry s'en fiche d'eux touss, préférant sauter sur ses pieds et vriller Krum d'un regard triomphal en lui montrant le vif aux ailes désormais tordues coincé entre ses doigts: "I'll accept your resignation now," se moque-t-il gentiment, les yeux pétillants comme ils ne l'ont pas fait depuis des années semblerait-il.

Pendant un bref moment, Viktor se demande si c'est un test qu'il fait passer à Harry, comme si sa réaction à la devise des Kings lui indiquera quoi que ce soit d'intéressant qu'il pourra rapporter à Hermione.

S'il lui rapporte cet échange.

Il n'a pas encore décidé ce qu'il allait faire, le poids de cette décision peut être un peu trop lourd à porter pour lui. Aujourd'hui, Hermione est sans aucun doute plus proche de lui que d'Harry mais quand même. Ce qui les unissait avant tout ça était si fort que Viktor ne se sentirait pas bien de se mettre en travers. Elle mérite de savoir tout ce qu'il peut voir, noter, observer, entendre. Et ce, peut être même avant le reste de l'Ordre. Harry est bien plus qu'un pion qu'on se dispute et qu'on s'échange. Les membres du cercle 7 ne le voit peut être pas comme ça, mais Hermione si.

D'un autre côté... Viktor n'est pas sûr que ce qu'il pourrait avoir à lui dire plaise à Hermione. Il pourrait lui donner de faux espoirs et ça... ça non plus il ne peut pas se le permettre.

"I think that I'm going to catch that before you do," Harry répond fièrement et Viktor ne sourit que très légèrement, de façon un peu crispé parce que c'est surréaliste de plaisanter avec lui comme ça, de manière aussi facile et décontractée. Quelque part, il aurait préféré voir un Harry amorphe, presque zombifié. Au moins, cela aurait justifié son changement de camp. Là... Là il ne trouve rien à redire. "Let's go."

Un peu secoué, Viktor enfourche à nouveau son balais et suit Harry, sentant toujours les yeux des journalistes sur eux et c'est là que ça le frappe. Il va bien être obligé de faire son rapport juste après ça parce que leurs deux visages souriants feront la une de tous les journaux demain.

Viktor relâche le vif d'or, puis retire le gant de soie servant à le protéger. Il le regarde virevolter quelques instants, laisse Harry partir devant, puis se mets en chasse. C'est un exercice compliqué, plaire au régime. Il doit être normalement être le meilleur mais là, c'est Harry, tout un symbole. Et il est presque sûr que le battre à plate couture n'est pas une bonne idée.

Le vent lui souffle dans les oreilles alors qu'il prend de la vitesse, évite de justesse un cognard alors qu'il prend la direction opposé de celle de Harry. "I hope you don't think such parlour tricks from your little friends will slow me down!" celui-ci lui cri et Viktor sourit avant de rétorquer, "You didn't think we'd go easy on you, did you? This isn't the House Cup!" Ce serait mentir que de dire que Viktor n'est pas un peu piqué par le talent de Harry sur un balais. Lui aussi a toujours eu des facilités en vol mais il aurait espérer que ces années d'entraînements professionnels lui donne un plus clair avantage. Quand même, c'est peut être l'entraînement le plus amusant qu'il ait eu depuis des années et cette compétition là est beaucoup plus rafraîchissante que n'importe laquelle avec les attrapeurs des autres équipes.

Viktor aperçoit le vif d'or un quart de seconde après Harry et il le laisse faire, ne tente pas de l'avoir alors que Harry se jette pour l'attraper. (jet) Viktor entrouvre la bouche avant de rire pour les photos, la déception d'être rendu à ce genre de choix lui laissant un goût amer dans la bouche.

"I'll accept your resignation now," Harry lui dit en lui montrant la petite balle dorée et Viktor est une nouvelle fois frappé par la joie qui irradie de lui. Il a toujours su qu'ils étaient similaire mais là, le sentiment est d'autant plus frappant que Viktor a justement perdu cette part de lui même. Voler provoque toujours en lui un sentiment de joie incomparable mais qui est maintenant, en général, de courte durée, parasitée par tous les à côtés, l'Ordre et le nouveau régime et la presse et la compétition et Corvus... (il ne veut vraiment pas penser à Corvus maintenant.)

Alors c'est avec un simple demi-sourire qu'il lui répond, "That was good! But don't get too cocky, Potter," il ajoute avec un clin d'oeil. "That was just training. You think you could do as well in a real game?" Le challenge est là et Viktor sait que Harry acceptera. L'opportunité pour le coup de pub bien trop alléchante. Un match opposant Harry et Viktor ? Le public serait prêt à payer des centaines de gallions pour ça.