Cette fois, il lui a donné rendez-vous dans le meilleur restaurant de fish and chips d’Ecosse - du moins, c’est ce que clâment la devanture du Val D’oro et son propriétaire à l’accent glaswegian aussi attachant qu’intelligible, et Kingsley n’est pas prêt à traiter ni l’un ni l’autre de menteur alors qu’il se régale depuis dix minutes, enfournant les frites dans sa bouche à la vitesse de la lumière, jetant parfois un regard alerte en direction de la rue encore animée au-dehors malgré l’heure avancée de la nuit. C’est qu’on ne file pas au lit très tôt, à Glasgow, et encore moins un vendredi soir: Kingsley regarde avec un amusement certain des brochettes de moldues perchées sur leurs talons se déplacer en se serrant les unes contre les autres, en direction du centre-ville pour sortir faire la fête, sans se priver de rire et de hurler à la moindre blague ou trait d’esprit de leurs congénères. Il a grandi dans un monde purement magique, et s’est confronté à contre-coeur au monde moldu quand il l’a découvert, curieux et effrayé à la fois par toutes leurs inventions aussi dangereuses qu’ingénieuses à ses yeux.

Il ressent une certaine distance envers eux, ceci dit, un léger sentiment de supériorité nourri par le fait qu’il peut manier la magie qui les entoure alors qu’eux sont incapables de seulement la percevoir. Si il a appris, avec les années, que les né-moldus avaient la même valeur que les sang-purs en terme de sorcellerie, les préjugés ont la vie dure et Kingsley a du mal à voir autre chose que des petits insectes en regardant un groupe de moldus traverser la rue d’un pas rapide, riant aux éclats, insouciants et, pire, ignorants. De la magie, de la guerre, de la dure réalité de la vie. Ignorants, même, de la propre insignifiance de leur existence.

Kingsley tourne la tête en entendant la clochette au-dessus de la porte sonner, et sourit en reconnaissant son invitée du soir, se tournant tout à fait vers elle avant de tirer la chaise à côté de lui, au comptoir faisant face aux grandes fenêtres du restaurant sentant la friture et, de manière suspicieuse, l’eau de javel. “Well well well, good evening.” Il la regarde s’asseoir, puis jette un regard à la serveuse qui se hâte dans leur direction avec son calepin. “Nothing for her, I’m afraid. See, my friend here, she’s a bit too posh for a meager fish and chips… but I, on the other hand, will have a deep fried Mars bar as dessert. - Arright. Anythin’ else? - That’ll be all, love, thank you. It was delicious.” Kingsley se lèche les doigts pour les débarrasser du vinaigre en laissant la serveuse débarrasser son assiette, avant de plonger de nouveau son regard dans celui de Myrthild.

Comme à chaque fois, il pensait qu’elle ne viendrait pas. Comme à chaque fois, il en est agréablement surpris, et son sourire sur ses lèvres est sincère, malgré les circonstances récentes qui n’ont pourtant rien de réjouissantes. “I heard about your brother.” Son visage redevient sérieux, et il penche la tête sur le côté. Il faudra d’ailleurs qu’il entre en contact avec Freya… il ressent une profonde lassitude à cette idée. “I guess congratulations are in order. Ish.” Le débâcle du mariage de Marlon a fait la Une des journaux pendant des semaines, et est encore sur toutes les lèvres même au sein de l’Ordre. “Any leads on that NSFW group? We are looking for them too.” Sa voix qui descend légèrement laisse entendre la pauvre opinion qu’il a de ce groupe d’hybrides dissidents et dangereux; ses yeux, quant à eux, témoignent d’une certaine affection pour la personne qu’il regarde avec un intérêt non dissimulé.

Elle a hésité. Encore une fois. Moins parce qu’elle redoutait de tomber dans un piège, que parce qu’elle n’était pas vraiment sûre d’oser affronter l’extérieur une nouvelle fois. Oh, elle était retournée travailler depuis le désastreux mariage de Marlon et Freya. Il avait bien fallu. Des gens à juger de façon expéditive. Des gens qu’elle aurait bien voulu voir crever sur place d’ailleurs, vu qu’elle-même n’était pas sortie indemne de la cérémonie, à la différence certains chanceux. La convalescence s’était terminée, et elle avait fini par se motiver à aller voir ce qui se tramait aux Battues. Peut-être espérait-elle, cruellement, horriblement, y retrouver les visages de ceux qui avaient attaqué les convives de ce milieu du mois de mai qui aurait dû être clément.

Elle s’était rendue malade, bien sûr, en se rendant compte de ce qu’elle en venait à espérer. Après tout, connaissant Gracefield et les horreurs qui y étaient perpétrées, elle avait toujours considéré que même son pire ennemi ne méritait pas de finir ses jours là-bas.
Mais les Not Safe For Wizards n’étaient pas l’Ordre du Phénix, en cela qu’ils ne semblaient guidés par aucune forme de raison quelconque.
Et, si la guerre méritait d’être livrée, si les combats entre le Phénix et les Mangemorts étaient justifiés, il y avait quelque chose dans les attentats de cette horde d’hybrides détraqués qui lui levait le cœur.
Alors on pouvait bien souhaiter leur mort sans vraiment s’en vouloir, hein ?
D’autant plus que c’était si difficile de rester calme et impartiale lorsque sa fille avait failli finir mordue par un lycan de merde, lorsque ce qui était censé être un jour de bonheur et de calme s’était révélé être une horreur absolue…

Elle était donc retournée aux Battues, avait constaté qu’il y avait désormais des wyvernes qui se baladaient plus ou moins en liberté sur cette putain d’île. Javier Alvarez était toujours en vie, de ce qu’elle avait vu en zappant sur la boule de cristal. Mais surtout, il y avait un visage qui l’avait glacée d’effroi, tout en la rassurant de façon presque impossible, improbable, folle. Edmund Grant courait avec les autres prisonniers de Gracefield, sa sale face de rat qui n’avait pas l’air d’en mener large.
Myrthild avait, l’espace d’un instant, pesé le pour et le contre dans une idée saugrenue qui était apparue soudainement : racheter « Grant » à Zabini, en faisant miroiter le côté froideur glaciale et cruauté des Travers, comme pour dire que ça la détendrait de s’en prendre à ce merdeux qu’elle avait déjà bien pourri au Ministère. Il avait fallu se rendre à l’évidence : Blaise Zabini n’était pas con au point de ne pas comprendre qu’il y avait anguille sous roche, soit dans la tentative d’acheter un prisonnier de Gracefield, soit dans le fait qu’elle ait des finances aussi solides pour se le permettre. Et raconter que c’était un cadeau pour Marlon ne marcherait pas mieux, elle en était sûre et certaine.
L’idée avait été abandonnée aussi vite qu’elle était venue, le goût amer dans le fond de sa bouche ne s’atténuant pas vraiment malgré le soulagement de savoir que cette petite idiote de Seonag Maxwell était toujours en vie, malgré la peur qu’elle leur avait fait, à Farrow et elle.

Le message de Kingsley avait été motif d’espoir, de nouveau. Si elle ne trouvait pas de solution pour faire sortir Maxwell de Gracefield, peut-être qu’il saurait. Peut-être qu’il avait un plan, non ? Elle lui avait transmis des informations peu sensibles, mais pour lui raconter des trucs comme le fait que Flint avait l’air de moins en moins en forme, ou des informations sur ce qu’il se passait dernièrement à Gracefield, elle préférait le voir en chair et en os, et qu’importe les risques. De toute façon, ces connards d’hybrides devaient se terrer dans des trous sales et puants pour se faire oublier, jusqu’à leur prochain coup d’éclat immonde, alors elle risquait plus d’être emmerdée par des mangemorts un peu trop regardants…
Parlant de mangemort, Bertram avait l’air particulièrement occupé ces derniers temps -ou bien l’évitait-il ?

Un problème à la fois.
D’abord : voir ce que Kingsley pouvait lui vouloir.
Après être passée dans la chambre d’Imogen, pour la trouver en pleine lecture, elle s’assura qu’elle n’avait besoin de rien, prétexta un rendez-vous avec une amie (sans préciser qui) et transplana ensuite jusque dans le quartier sorcier de Glasgow. Sa tenue sorcière fut vaguement modifiée pour qu’elle attire moins les regards une fois dans le monde moldu, et puis elle se rendit jusqu’au restaurant où il l’attendait. Repérant son profil par la fenêtre, elle regarda à gauche, à droite, puis entra dans l’échoppe tandis qu’il terminait tout juste son plat. Les odeurs de graillon, de vinaigre, et de friture lui firent légèrement froncer les narines, mais elle n’eût pas à décliner l’offre de la serveuse puisque l’ancien auror s’en chargea pour elle. S’asseyant à ses côtés, elle le laissa passer commande en levant les yeux au ciel lorsqu’il demanda un dessert qui semblait particulièrement moldu dans le principe, mais n’émit aucun commentaire, attendant que l’employée s’éloigne.

Elle le dévisage sans mot dire encore, appréciant sincèrement de le voir sous ses vrais traits, qui sont quand même plus agréables à regarder que la sale gueule de Edward Thaddeus Graham. Elle connaît les risques si elle vient à être trouvée en sa présence mais quel sorcier viendrait chercher Shacklebolt dans un quartier moldu ? Autant dire que les précautions sont de rigueur et qu’elle n’est pas forcément sûre que son compagnon a une bonne idée en se mettant au comptoir face aux fenêtres, mais qu’importe… “I heard about your brother. I guess congratulations are in order. Ish.” Une moue critique plisse ses lèvres et ses sourcils, tandis qu’elle n’est pas totalement convaincue de l’authenticité des félicitations de son interlocuteur. Elle hausse les épaules, ne s’attarde pas sur son état post-mariage, ne préférant pas forcément épiloguer. Pourtant, il l’interroge alors qu’elle voulait lui poser la même question : “Any leads on that NSFW group? We are looking for them too.” Une ombre passe dans les yeux de la sorcière, qui s’enfonce contre le dossier de sa chaise, les mains liées sur le comptoir. Elle observe un instant ses ongles, avant d’annoncer calmement : “ Some of these assholes have found their way to Gracefield. Sent there by the Ministry, of course. ” Elle ne sourit pas en annonçant ça, la mine grave, tandis qu’elle regarde toujours ses mains, avant de lever le visage vers son voisin avec un soupir : “ The other ones… roam free still. ” Dans le creux de ses yeux, une lueur que Kingsley n’avait sans doute pas encore vu poindre : une haine farouche et sombre. Comme si elle l’encourageait à les retrouver et à les mettre hors d’état de nuire. Elle a quelques cicatrices dissimulées par ses vêtements qu’elle leur doit, et elle ne serait pas contre leur faire payer la monnaie de leur pièce. Elle inspire un instant, détourne son regard des billes sombres de son ami et croise les bras avant de passer une main dans ses cheveux noirs, en regardant dehors, comme pour s’assurer que personne de connu n’était dans le coin à les épier. Et puis, parce qu’elle a commencé à aborder le sujet Battues, elle reprend, comme si c’était normal d’annoncer un truc pareil que ce qui allait suivre : “ They have wyverns at Gracefield, now. Probably one of the many brilliant ideas of your nephew. ” Et d’ajouter, comme pour le rassurer : “ Your friend is still alive. I think there’s some kind of alliance going through the ranks of the prisoners, if that matters… They’re helping each other. I hadn’t paid attention to that before… ”

Kingsley étudie posément le visage de Myrthild s'ombrager légèrement, ce qui lui fait arquer un sourcil et se tourner vers elle tout à fait. Ses yeux sombres glissent sur elle, sur son cou et sur son corps, comme pour y fouiller la moindre faiblesse, blessure ou marque que le groupe terroriste aurait pu laisser derrière. Il ne voit rien de flagrant, mais la détermination qui se met à briller dans les yeux de la sorcière parle pour elle, allant à l'encontre du teint calme qu'elle utilise pour s'exprimer: “ Some of these assholes have found their way to Gracefield. Sent there by the Ministry, of course. ” À l'évocation de l'île mortifère qu'elle a déjà évoqué, par la pensée du moins, Kingsley se redresse imperceptiblement. L'idée que son cher neveu ait pu mettre la main sur ces satanés hybrides l'énerve sensiblement et il serre les poings malgré lui, attendant la suite de ce que Myrthild a à lui dire.

“ The other ones… roam free still. ” Kingsley observe silenceusement le regard plein de hargne et de haine que Myrthild pose sur lui. Il comprend bien ce sentiment. Il ne ressent pas de haine pour la NSFW... ce n'est pas vraiment de la haine, mais un mépris exacerbé par leurs manières violentes et inutiles. Il a été l'un des premiers à apprendre pour l'attaque de Lee, puis celle du camp sous la responsabilité de Susan, et Kingsley se souvient avoir senti son sang bouillonner dans ses veines. De base, il n'a jamais aimé la NSFW, pas après leur coup d'éclat et le fait qu'ils leur aient volé tant de vivres que de baguettes à l'époque de leur départ en fanfare de Sweet River. Si seulement Kingsley pouvait mettre la main sur ce putain de Numa... "I see." Il se demande si son cher frère a la moindre piste, si il l'en a informée, si elle pourrait la partager avec lui. Vu l'ampleur de la haine qu'il peut lire dans ses yeux verts, il pense que Myrthild partagerait telle information avec lui si elle l'avait.

Elle se détourne, balaye la rue des yeux, et Kingsley ne s'arrête pas de la regarder et de l'étudier, la dévorant des yeux. “ They have wyverns at Gracefield, now. Probably one of the many brilliant ideas of your nephew. ” Froncement de sourcil. Des... wyvernes? Elle veut dire l'espèce de dragons? Mais pourquoi... Kingsley essaye de convoquer l'image de son neveu dans son esprit, le petit gamin qu'Helen couvant de tant de sourires et d'attention, de tant d'amour, et il essaye vainement de comprendre ce qui aurait pu l'amener à faire quelque chose comme ça. Des wyvernes... le coeur de Kingsley se serre dans sa poitrine, soudainement, mais Myrthild semble comme avoir lu dans ses pensées: “ Your friend is still alive. I think there’s some kind of alliance going through the ranks of the prisoners, if that matters… They’re helping each other. I hadn’t paid attention to that before… ” Il cligne des yeux. Javier est en vie. Peut-être pourra-t-il le sauver, finalement...

Kingsley pince des lèvres, plus secoué par ces nouvelles qu'il ne veut bien le montrer. "This sounds like hell on Earth," marmonne-t-il, une expression récoltée auprès de né-moldus et mêlés de l'Ordre et, avant, du bureau des Aurors. Mais Kingsley ne connait pas vraiment d'autre idiome qui pourrait tout aussi bien représenter l'horreur de cette situation. "I would strongly advise that you refrain from participating in the next few months," ajoute-t-il, l'air de rien. Ils ne savent pas encore quand, ni comment, mais bientôt, l'Ordre fera un mouvement pour s'emparer de Gracefield et en libérer les prisonniers. Et il n'a pas envie que Myrthild se perde entre sorts croisés. "As for our hybrid friends, well." Mine circonspecte, quand bien même son regard brûle d'une chaleur incandescente et dangereuse, une rage que beaucoup craignent finira par sortir de lui et tout réduire en cendres sur son passage. "We're after them too."

Il l'étudie de nouveau, de haut en bas, observe ses petits yeux ourlés de cernes, son teint pâle, tendu. Il n'ose pas seulement penser quel enfer elle-même a dû vivre ces dernières semaines, mais ne s'appesantit pas dessus pour autant. Ils n'ont pas beaucoup de temps, et Kingsley compte bien à ce que chaque minute de leur courte entrevue compte. "How's your Occlumency?" demande-t-il alors, en se demandant si elle a gardé la boussole runique qu'il lui a offert la dernière fois qu'ils se sont vus. "Cracked it yet?" Elle est intelligente, Myrthild, Kingsley ne doute pas une seule seconde qu'elle finira par appréhender cette pratique tortueuse de la magie, avec ou sans lui - il sait qu'elle est encore animée de la détermination dont elle faisait preuve, à l'époque de l'école, où elle pouvait passer des heures à étudier pour remanier ses dissertations les plus ardues.

Elle reporte ses yeux sur lui, lorsqu’elle a fini d’annoncer ces quelques nouveautés. Comme pour prendre la mesure de l’impact que ses paroles peuvent avoir. Elle ne le voit guère sourire et ne se renfrogne pas pour autant : jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas (encore) réussi à libérer les prisonniers retenus à Gracefield, il est normal que la situation et cette histoire de wyvernes ne le réjouisse pas plus que ça. Elle hoche la tête lorsqu’il parle d’enfer sur terre, ne connaissant pas vraiment l’expression mais supposant qu’elle est assez proche du chaos ambiant et des pires catastrophes. Elle regarde un instant dehors encore une fois, tandis qu’il la met néanmoins en garde : “I would strongly advise that you refrain from participating in the next few months” Les billes vertes de la sorcière remontent brutalement vers lui, tandis qu’elle arque légèrement un de ses sourcils, comme pour tenter de voir ce qu’il veut dire par là. Mais point de précision, point de réponse plus claire ni de date. Pour autant, elle retient et ce n’est pas sans soulagement qu’elle se fait à l’idée de ne pas retourner dans cette île de merde d’ici un certain temps. Son regard le brûle mais il change de sujet, revient sur celui de ces fumiers de la NSFW. “As for our hybrid friends, well… We're after them too. - If you happen to catch Fenrir Greyback… don’t let him off the hook, will you?” Cette espèce de connard méritait mille morts et elle était bien assez chanceuse de n’avoir été mordue par ce fumier : juste salement assommée et surtout balancée dans le vide sans autre forme de procès. Elle n’en dit pas plus, pour autant, ne cherche pas à rentrer dans les détails, ayant encore en horreur la façon avec laquelle il s’est débarrassé d’elle comme d’une vulgaire poupée de chiffon, et encore à l’esprit ce sentiment si béant d’impuissance qui l’avait traversée au moment où elle savait qu’il n’y avait plus rien pour la retenir. Elle se redresse sur son siège, passe brièvement une main dans ses cheveux noirs, alors qu’il l’interroge et semble s’intéresser à ses progrès. “How's your Occlumency?” Comme par réflexe, la voilà qui tapote son flanc droit, là où la boussole est toujours. “"Cracked it yet? - Eh, not done yet.” concède-t-elle, rassurée que la boussole n’ait pas totalement été détruite dans sa chute brutale, puisqu’elle la conservait toujours avec elle.“I’m trying to train any time I can though I’m not sure it’s really efficient, for now.” Oh, en vérité, elle se concentre dès qu’elle peut, tente de verrouiller les méandres tortueux de ses pensées pour ne pas partir dans tous les sens, mais ça n’est rien de très concluant. Enfin, elle ne va pas aller demander à Bertram d’évaluer ses barrières mentales, surtout qu’elle n’a pas vraiment envie de subir ses attaques psychiques en cas de raté d’occlumencie.
C’est qu’il y a des choses qu’elle préfère qu’il ignore toujours.
(Et des choses qu’il sait déjà, sans qu’elle ne s’en doute)

“It’s… It’s a bit like when I’m working on runes, or trying to change my looks… It requires quite a lot of focusing and…, un sourire étire ses lèvres, accompagné d’un léger rire, Well I’m afraid I get tired faster than before…” Et de hausser les épaules, avant de se pencher un peu vers lui, le coude sur le comptoir face à eux : “But it helps. Your compass.” Elle ne considère toujours pas ce présent comme un cadeau définitif. Quelque part, elle veut croire qu’elle pourra la lui rendre, une fois que toute cette guerre de merde sera terminée. “So I guess a thank you is in order…” Elle est néanmoins interrompue par la serveuse qui revient avec le dessert typiquement moldu que Kingsley avait commandé, et une fois que l’employée a repris du champ, Myrthild ne cache pas son étonnement en demandant à Kingsley : “Are you really going to eat that? It’s… It sure looks… special? What is it, doesn’t the Order feed you enough?” Un sourire amusé tire ses lèvres tandis qu’elle essaie de comprendre. “I mean, a fish&chips is something even I can appreciate, but this?”

Avec un léger sourire, Kingsley observe Myrthild tapoter son flanc comme à la recherche d'un objet qu'il imagine être sa boussole - il espère qu'elle en prend grand soin, elle est très précieuse pour lui et ce n'est qu'un prêt, du moins il espère. "Eh, not done yet.” Il hoche la tête. Qu'elle essaye est déjà énorme, aux yeux de Kingsley, parce qu'il sait que la situation n'est pas facile pour elle - il aimerait bien pouvoir la former, tout comme il a formé d'autres agents doubles, mais vu l'insécurité de leurs rencontres et leur irrégularité, ce serait trop dangereux tant pour elle que pour lui. “I’m trying to train any time I can though I’m not sure it’s really efficient, for now. - Very good," approuve-t-il, sincèrement satisfait de l'entendre. “It’s… It’s a bit like when I’m working on runes, or trying to change my looks… It requires quite a lot of focusing and… Well I’m afraid I get tired faster than before…” Kingsley renifle, légèrement moqueur, en l'entendant. "We're not getting younger," la taquine-t-elle doucement. "But I'm glad that you're trying, and I know you'll crack it eventually. It'll all just make sense one day, you'll see." Le premier blocage est le plus difficile à surpasser, elle verra bien.

Elle se penche un peu vers lui et le léger sourire sur les lèvres de Kingsley s'agrandit, alors qu'il ne bouge pas - ni pour se reculer, ni pour s'avancer lui-même, gardant sur elle un regard sombre et impénétrable. “But it helps. Your compass.” Il l'étudie lentement, passant d'un oeil vert à un autre, la sondant silencieusement comme il le fait souvent avec ses vis-à-vis. “So I guess a thank you is in order…” Leur échange intense de regard est réduit à néant quand ils sont interrompus par la serveuse, arrachant un regard pétillant à Kingsley et un "yum" excité en voyant sa barre de Mars enrobée de friture et chuintant encore d'avoir été mise dans de l'huile bouillonnante. “Are you really going to eat that? - For sure. - It’s… It sure looks… special? What is it, doesn’t the Order feed you enough?” Il renifle et rit malgré lui. “I mean, a fish&chips is something even I can appreciate, but this? - Not everyone is meant to remain a snobbish bastard forever, Myrthild, and I'll have you know it's delicious."

Avec le couteau et la fourchette en bois donnés par la serveuse, Kingsley découpe un tiers de la barre de Mars et la tend en direction de madame Travers, un sourire carnassier aux lèvres. "Time to be brave, now," l'incite-t-il en déposant la confiserie frite dans sa bouche quand elle l'ouvre avant de récupérer la cuillère. "Ain't that much better than our little unsweetened wizarding delicacies?" Il plante sa fourchette dans le reste du dessert et le lancerait presque dans sa bouche, refermant ses lèvres sur la fourchette en bois là où celles de Myrthild l'ont quittée, sans la lâcher des yeux.

Il sourit, fier de lui, en laissant le goût beaucoup trop gras et sucré exploser dans sa bouche - c'en est presque trop, et c'est ça qu'il apprécie justement dans cette spécialité écossaise controversée. Après un bon fish and chips, rien de tel pour presque se mettre malade - il noie le tout dans la dernière gorgée de son Irn Bru, autre spécialité écossaise beaucoup trop sucrée pour ce qu'il a. Peu importe, on n'est jeune qu'une fois, et il n'a jamais entendu parler de sorcier ayant des problèmes de cholestérol.

"See? It's delicious," dit-il face à la grimace peu convaincue de Myrthild, étouffant un rire. "Come on, now, it's not so bad." Le ton badin ne lui ressemble pas, lui qui se pare de son sérieux et de sa rigidité comme d'un long manteau - il y a peu de personnes qui y ont droit, Kingsley était bien trop soucieux de son image et du respect et de la crainte qu'il veut faire ressentir aux gens autour de lui pour se laisser aller devant n'importe qui. Myrthild n'est pas n'importe qui. Il ignore quand est-ce que c'est devenu le cas. "Anything you found out I should know about?" demande-t-il avec un sérieux un peu malmené, et toujours ce sourire amusé aux lèvres. "I'm sure you secretly love it, being a little bird for me and all."

“Not everyone is meant to remain a snobbish bastard forever, Myrthild, and I'll have you know it's delicious.” répond-il sur le même ton, ce qui n’aide pas Myrthild à se départir de son sourire amusé alors qu’elle le regarde par en-dessous, comme pour lui dire d’arrêter d’essayer de la lui faire à l’envers. Le problème dans tout ça, c’est qu’il décide de la convaincre par les gestes, et alors qu’elle pensait qu’il se découpait une bouchée de cette horreur, le voilà qui présente ce bout à sa voisine, incrédule au départ, et finalement se prêtant au jeu, ouvrant docilement la bouche pour qu’il lui fasse goûter cette chose typiquement moldue.
La consistance, un rien collante et grasse, est une chose. C’est surtout le goût, purement chimique et particulièrement sucré qui agresse ses papilles tandis qu’elle ne cherche nullement à dissimuler la déformation momentanée de ses traits face à cette expérience inédite, qui est de tester un dessert moldu. Elle mastique sans mot dire, pas du tout convaincue par Kingsley qui tente quand même d’en vendre les vertus face à leurs mets fins sorciers. Lorsqu’elle déglutit, et qu’elle peut enfin en placer une, elle constate qu’il est tout occupé à l’observer elle, probablement pour bien se foutre de sa gueule à un moment ou à un autre. “What now?” l’interroge-t-elle pour mieux comprendre l’attention plus pressante qu’elle a cru percevoir dans ses prunelles d’un coup. “Come on, now, it’s not so bad. - Tell that to my tastebuds, they’re all sore now!” Elle plaisante encore, en disant ça, même si le goût sucré qui persiste alors qu’elle a déjà avalé cette bouchée et se rince à l’instant la bouche d’une gorgée d’eau. Un sourire sur les lèvres, elle est néanmoins plutôt contente d’être venue et se dit qu’elle s’amuse quand même plus ici que dans le manoir qui parait si vide en ce moment.

L’ancien Auror ne perd néanmoins pas de vue la raison de leur rencontre d’aujourd’hui, puisqu’il enchaîne, à moitié sérieux : “Anything you found out I should know about?” Hm. Elle hésite un instant, n’étant pas sure qu’il est idéal de lui dire au sujet de Maxwell. Mais elle n’a pas vraiment le temps de lui répondre, puisqu’il resquille : “I'm sure you secretly love it, being a little bird for me and all.” ben voyons ! Elle scrute ses traits pour voir à quel point il provoque, et puisque ça ne met pas longtemps pour le démasquer, Myrthild décide de rentrer dans son jeu, sans aucune subtilité. Toujours tournée vers lui, elle tend une de ses jambes pour poser un pied sur le barreau de la chaise de Kingsley, se pencher vers lui et, pour maintenir son équilibre bien sûr et rien que ça voyons, la brune pose la main sur la cuisse de Shacklebolt. Penchant un peu la tête sur le côté, ses cheveux noirs bouclés qui tressaillent à chaque mouvement de son crâne, elle joue ce rôle qu’il prétend lui donner et daigne avouer, sans qu’on sache vraiment s’il n’y a pas une once de vérité cachée au beau milieu des bobards. “It’s terribly exciting, I have to admit, you know., les prunelles vert émeraude ancrées dans celles sombres du partisan de l’ordre du phénix, la membre du Magenmagot laisse s’étirer un sourire avant de laisser échapper un léger soupir, In fact, having some secret life is definitely my top priority, right now.” No, it’s not. Son principal souci actuellement, c’est de retrouver ces fumiers et de leur faire payer les souffrances qu’ils lui ont infligées, mais elle n’est pas stupide au point de se dire qu’elle est capable d’affronter leur horde -quoiqu’amputée d’un certain nombre de créatures. Son regard est peut-être un peu plus intense quand elle dit cela. Puis elle ajoute encore, en listant des choses qui en vérité sont plutôt des sources d’inquiétude et de méfiance : “the thrill of meeting you here... in some muggle part of glaswegian land... without knowing whether it’s a trap or not...” Elle semble soudainement se rendre compte du contact prolongé et retire sa main qui était ancrée sur la cuisse de Kingsley pour la reposer sur le comptoir et s’appuyer dessus pour se redresser sur son siège, rompant le contact et ramenant également son pied sur la barre de sa propre chaise. Un coup d’œil dehors, et puis elle revient vers lui, un sourire un peu plus ténu, moins complice, sur la bouche : “for real, now: I never wanted to become some sort of a spy, so I don’t really enjoy the risks linked to this charade of ours but... well I guess it’s obvious I enjoy seeing you.” et Myrthild poursuit presque immédiatement, histoire de ne pas s’attarder sur cet aveu qu’elle-même ne sait pas vraiment expliquer, en riant doucement : “Even if it means acknowledging that you’ve given in to unsavory food and renounced some principles...” Elle l’observe quelques brèves secondes, puis s’éclaircit la voix avant de revenir à un sujet plus sérieux : “As for your question: I have it on good authority that Flint won’t make it. Consider him out of the picture, even if it’s just a matter of weeks or months. But the one you’ll have to thank for that has been locked up on that bloody island, with a sad rat-face as a disguise...” Elle ne sait pas vraiment s’il a connu Edmund Grant, déjà parce qu’elle ne se souvient même pas depuis quand ce type travaillait au Ministère, et elle ne sait pas non plus si Maxwell était une membre de l’Ordre... néanmoins, si c’était le cas, alors Kingsley saurait que la Métamorphomage était toujours en vie. Et en attendant, elle scrute ses traits, en espérant pouvoir répondre à quelques unes de ses interrogations silencieuses.

Kingsley regarde Myrthild se tourner vers lui tout à fait et sourit un peu quand elle pose le bout de son pied sur le barreau de sa chaise. Un spasme inattendu l'agite quand, pour garder son équilibre, elle pose une main sur sa cuisse - ses yeux s'agrandissent, surpris, examinant le petit show qu'elle lui offre soudainement.  “It’s terribly exciting, I have to admit, you know. In fact, having some secret life is definitely my top priority, right now.” Exciting, rien que ça. Kingsley renifle un peu, amusé par la tournure de cette conversation. "I don't doubt that," rétorque-t-il d'une voix basse, presque rauque. “The thrill of meeting you here... in some muggle part of glaswegian land... without knowing whether it’s a trap or not...” Un piège, rien que ça. Il se demande si elle s'accorde trop d'importance, ou si c'est lui qui la sous-estime, et plisse des yeux quand elle retire sa main de sa jambe et se redresse sur son séant. Il se demande à quel jeu elle joue, et si lui-même est en train d'y participer sans savoir...

Il est indéniable qu'il aime bien Myrthild et que, franchement, il est attiré par elle. Il l'a toujours été, d'une certaine manière, depuis leur amourette estudantine - mais elle s'est mariée trop vite et lorsqu'ils se croisaient au Ministère, à l'époque, ils ne s'adressaient que des bonjour de circonstances et avaient des conversations aussi superficielles que vides, au final. Kingsley a toujours trouvé quelque chose d'intéressant chez elle, une saveur cachée et subtile, habilement cachée sous une couche de faux-semblants. Il aime ses femmes incisives et intelligentes, du genre à le pousser dans ses retranchements.

Sauf que Myrthild est mariée et, toute informatrice qu'elle est, elle est bien intégrée à la société - son frère n'est nul autre que le chef de la BPM for Merlin's sakes. Malgré tout, Kingsley ne peut pas s'empêcher d'étudier particulièrement son profil lorsqu'elle jette un coup d'oeil à la rue, laissant ses yeux sombres dévaler la ligne de son cou et le reste de la silhouette qu'il trouve très à son goût. Quand elle lui accorde de nouveau son attention, parée d'un sourire affable, ses yeux reviennent aux siens.

You're a fool for this, King, se dit-il silencieusement. “For real, now: I never wanted to become some sort of a spy, so I don’t really enjoy the risks linked to this charade of ours but... well I guess it’s obvious I enjoy seeing you.” Et elle rit, et lui aussi, même si ça sonne un peu faux. “Even if it means acknowledging that you’ve given in to unsavory food and renounced some principles...” Il lève les yeux au ciel. "Snob," assène-t-il simplement comme si c'était la pire insulte du monde.

“As for your question: I have it on good authority that Flint won’t make it. Consider him out of the picture, even if it’s just a matter of weeks or months. But the one you’ll have to thank for that has been locked up on that bloody island, with a sad rat-face as a disguise...” Business again... tant mieux, quelque part. Kingsley n'a pas le temps pour ce genre de distractions qui prennent pourtant un malin plaisir à envahir un coin de sa tête de temps en temps. "Grant, innit?" Et puis, soudainement, l'information monte au second étage et l'expression détendue de Kingsley se crispe, ses sourcils se froncent et son regard devient d'autant plus noir. "A disguise you said...?" Il a lu l'article dans le Daily Prophet avec un certain plaisir (il n'a jamais apprécié Flint, sans doute comme la plupart des gens ayant rencontré), mais rien à propos d'un déguisement ou d'un Métamorphomage. "That was not us." Il est vaguement inquiet à l'idée que ce soit les Avengers ou pire, la NSFW, mais ça ne leur ressemble pas non plus. "What else do you know about this?" Il met définitivement le nom d'Edmund Grant à la surface de ses pensées - si il est à Gracefield, il va absolument falloir qu'il mette la main dessus pour en savoir plus. "That bloody island... you know I can't tell you much," s'excuse-t-il légèrement, "but we're going to be making a move at some point. And I beg of you, in the next few weeks, don't go." Il la regarde, sérieusement, dans les yeux. "If you do, I won't be able to protect you." Des feux de sa propre colère rien de moins que ça.

“Snob.”, commente-t-il simplement et elle rit, doucement, légèrement, brièvement, avant de daigner lui divulguer certaines informations qui ne le laisseront pas de marbre. Elle observe sa réaction tandis qu’elle déroule le fil de cette affaire, scrutant toujours les traits de son interlocuteur, concentrée pur le moment sur d’éventuels signes qui indiqueraient qu’il savait déjà tout ça.  Et la brune de hocher la tête de façon affirmative lorsqu’il hasarde le nom de l’agresseur de Flint : “Grant, innit?” Difficle de savoir s’il la mène en bateau ou s’il s’agit d’une tout autre faction opposée au régime, jusqu’à ce qu’il creuse et semble se rendre compte de ce qu’elle avait dit en passant.  “A disguise you said...? - Yes”, siffle-t-elle sans railler. A-t-il compris qu’elle fait référence à de la Métamorphomagie, ou va-t-il falloir qu’elle lui crache tout ? A voir. Toujours est-il qu’il a l’air bien plus intéressé par les éléments improbables et inconnus de la presse qu’il ne l’était quelques secondes plus tôt, et elle l’observe, le coude sur le comptoir et la main dans les cheveux encore, comme si elle attendait qu’il l’interroge. À la place, lil confirme un doute qui devenait, avec les secondes, une certitude : “That was not us.” résultat, dans un sens, si ça la conforte dans son sentiment, ça ne lui dit pas si Maxwell est en bons termes avec l’Ordre (et connaissant la jeune femme, Myrthild était parfaitement consciente qu’elle aurait parfaitement pu se mettre à dos l’Ordre du Phénix en un rien de temps). “What else do you know about this?"” elle regarde les ongles de sa main libre, un instant, en soufflant :  “oh dear, you’re gonna love this...” mais avant qu’elle ait le temps de revenir à proximité de l’oreille (l’oreille on a dit, rien d’autre, et sans doute pas sa bouche et- Merlin, qu’est qui lui prend ?) de Kingsley, ce dernier revient sur le sujet de Gracefield  pour réitérer et expliciter autant qu’il peut la mise en garde qu’il a déjà faite plus tôt. “That bloody island... you know I can't tell you much,but we're going to be making a move at some point. And I beg of you, in the next few weeks, don't go” Elle le fixe, sentant bien que l’heure n’est pas à la plaisanterie et qu’il ne devrait pas lui dire ça. Que sans lui donner de date précise, il est quand même passé d’une question de mois à une question de semaines. Et tandis qu’elle se tait encore, les billes ancrées dans celles de l’ancien Auror, il continue : “If you do, I won't be able to protect you.”

Dans une autre vie, dans un autre climat, dans d’autres circonstances, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle aurait fait.
Mais alors que cela doit faire deux ou trois semaines qu’elle a compris que son époux l’évitait sciemment, guère plus de temps qu’elle s’est rendue compte qu’elle n’avait rien d’une femme invincible, qu’elle se sent cruellement seule ces derniers temps, délaissée, abandonnée, elle se perd dans les yeux du Shacklebolt. Elle essaiera plus tard de comprendre, se dira qu’elle avait été submergée même par un jeu de l’esprit, où ressurgissent des bribes de souvenirs du temps où ils étaient adolescents, et sur lesquels se superposent d’autres pensées, qui tournent parfois dans son crâne. Ce dangereux et pourtant fameux et si dont Witch Weekly fait une fois tous les mois son sujet de prédilection (elle sait de quoi elle parle, elle a lu facilement trente ou quarante vieux numéros pendant son séjour à St Mungo’s).
Dans d’autres circonstances, elle aurait sans doute réagi différemment. C’est du moins ce qu’elle se répètera plus tard, seule.

Mais, avec les cartes que le hasard lui a distribuées, à peine quelques courtes secondes après qu’il se soit tu, elle retire la main qui jouait avec ses boucles lâches  brunes, la tend cette fois-ci vers Kingsley tout en basculant son buste vers l’avant, se penche vers lui et pose enfin ses lèvres sur celle du fugitif, dans un baiser qu’elle ne saura pas expliquer immédiatement, et qui lui brûle finalement les lèvres (façon de parler, quoique) alors qu’elle s’écarte en jurant : “Fuck! Fuck, sorry, I-” Reprendre le fil. Il faut qu’elle reprenne le fil sinon elle ne saura plus à quoi se raccrocher. Mais à la place, elle est troublée par ce geste qui lui a échappé (qui risquait d’être considéré comme anticipé, à force, alors qu’elle s’était faite prendre à son propre piège -qui n’était qu’un jeu de flirt innocent entre ex, au départ) et peine d’une façon évidente à revenir au sujet de discussion original et bien moins glissant que ce qu’elle venait de faire. “Merlin! I didn’t- I-” et d’inspirer profondément pour calmer l’émotion qui la gagnait et l’exaspérait alors qu’elle se faisait l’effet d’une adolescence à ses premiers émois.

Kingsley se perd volontiers dans les yeux clairs de Myrthild, laissant un temps inifini s'étirer jusqu'à percuter le point de non-retour. Il sent comme si elle était palpable et physique la tension qui s'immisce au milieu de leurs regards et entre leurs corps, comme un fil inévitable les tirant l'un vers l'autre. La partie rationnelle de Kingsley (celle qu'il favorise le plus en temps normal, quitte à prendre des décisions jugées trop dures par ses pairs) sait qu'elle pourrait le rappeler à l'ordre sans le moindre mal. Elle est mariée mais, pire encore, elle fait partie de la haute-société sorcière, gorgée d'un sang plus pur que pur, profitant de tout ce que Lord Voldemort a offert à ses plus fidèles Mangemorts et leurs familles. Bloody hell, son époux est un haut-fonctionnaire du Ministère, son frère est le chef de la police magique, et l'autre à la tête de la plus grosse entreprise d'aide domestique d'elfes et d'hybride du pays.

Mais elle n'est pas seulement la soeur de ses frères, ou la femme de son mari. Elle est Myrthild, tout simplement Myrthild. Il se souvient le goût des baisers volés à Hogwarts, la simplicité charmante de leurs conversations, les rires qu'elle parvenait à voler de ses lèvres trop sévères. Kingsley aussi se laisse consumer par une pointe de nostalgie, par un what if entêtant et sur lequel il s'attarde de plus en plus ces derniers temps. Penser aux multiples possibilités alternatives est presque douloureux, parfois, surtout quand il fait l'inventaire de ce qu'il a perdu. Oh, il sait que ce qu'il fait est bien, qu'il est dans le droit chemin, yadda, yadda. Mais sa carrière, sa vie... C'est comme une plaie qu'on ne peut pas s'empêcher de griffer, de triturer, d'embêter, trouvant un certain réconfort dans la douleur à chaque fois qu'elle est effleurée.

Dans les yeux verts de Myrthild, difficile d'y couper. Kingsley aurait aimé vivre une autre vie, ou du moins prolonger le bonheur intense qu'il avait connu lors de ces quelques semaines d'idylle à l'école.

Les lèvres de Myrthild qui viennent embrasser les siennes ont un goût d'inévitable, et Kingsley ferme les yeux en répondant allègrement au baiser, tendant le cou pour chasser sa bouche lorsqu'elle se recule. “Fuck! Fuck, sorry, I-” Il rouvre paresseusement les yeux avec un léger sourire, amusé et faussement composé, comme si son coeur ne venait pas de faire un bond dans sa poitrine. “Merlin! I didn’t- I- - Didn't want to? Come on now, Myrthild." Le sourire qui s'étire sur la bouche de Kingsley est légèrement narquois, suintant d'un triomphe sourd. Ses lèvres disparaissent dans sa bouche, sa langue courant dessus pour récupérer la texture du rouge à lèvres qu'elle a laissé derrière elle. Peut-être que dans d'autres circonstances, dans une autre vie, il laisserait parler son coeur: I'm not sorry. Let's try that again. Come on. There's no one else around. Il n'a jamais été un Casanova particulièrement accompli, mais il se sent enhardi par ce rapide baiser, par le regard de Myrthild, la coloration de ses joues.

C'est pourtant une certaine douceur qui vient envahir son visage face à l'embarras de la sorcière, et il penche légèrement la tête sur le côté en l'observant. "I don't kiss and tell, darling, don't fret." Il aimerait la presser de questions, trouver une réponse aux sentiments contradictoires qui lui agitent la poitrine, mais n'en fait rien - préfère lui laisser les cartes en main, parce que c'est elle après tout qui risque son mariage, sa carrière et le reste de sa vie entière en étant ici, avec lui. "Anyone would be hot and bothered to meet up with Britain's hottest fugitive." Le sourire s'étire, et Kingsley se redresse sur son séant, s'éloignant un peu de Myrthild se faisant, lui laissant de l'espace. Il jette un regard à la serveuse, lui indique qu'il est prêt à payer. "Will that be all for tonight?" demande-t-il à la sorcière après avoir étalé sa monnaie sur la table. Ses yeux plongent dans les siens de nouveau, le fantôme d'un sourire toujours présent sur ses lèvres.

Le cœur cogne dans la cage thoracique de Myrthild, alors qu’elle perd pied en se surprenant dans une position qu’elle n’avait pas vu venir. Confuse, gênée, choquée même d’avoir cédé à… à elle-ne-sait quoi, justement ! Elle s’est arrachée au contact, arrachée à ces lèvres qu’elle était venue cueillir et elle ne sait pas où regarder à l’instant présent, incertaine de cette pulsion qui l’a saisie, terrifiée par cette absence de contrôle qui a failli la faire basculer la tête la première dans un précipice improbable. Elle bredouille, les mots titubent, elle ne parvient pas à se raccrocher à une rhétorique stable. À la place, elle se tend et se fige sur son siège, dans lequel elle s’est renfoncée avec la force du désespoir. Mais la clémence dont elle aurait besoin ne se matérialise pas, puisqu’à la place de faire mine de rien, le cruel tentateur rebondit sur les piètres excuses qui trébuchent d’entre les lèvres de la brune : “Didn't want to? Come on now, Myrthild.”

Elle le scrute, hagarde presque.
Interdite.
Piégée, aussi.

Parce que si elle s’est penchée vers lui, si elle a posé ses lèvres sur les siennes sans vraiment se retenir, sans vraiment se rendre compte de la trahison (aggravée dès lors, puisqu'aux mots elle avait rajouté les gestes), si elle a cédé à cette idée qui tournait cruellement dans son esprit, c’est sans doute qu’elle en avait envie. Et, à prendre un peu de recul, l’idée n’avait pas non plus rebuté Kingsley, si elle y repensait un peu. Mais cela suffisait-il à déterminer que l’idée, que l’envie, était bonne ?
Disons que ça n’était pas la question qu’elle choisissait de se poser à l’instant précis où ses prunelles vertes s’ancrèrent de nouveau dans celles sombres de l’ancien Auror, et où son cœur s’emballait, bêtement, de façon absurde, alors qu’elle était mariée, mariée à un autre et que… “I don't kiss and tell, darling, don't fret.” Et un sourire gêné étire le coin de sa bouche au terme affectueux, boutade si on suivait une certaine logique, mais qu’elle pourrait prendre -qu’elle prend presque- au premier degré. “Oh please, who would you tell?”, raille-t-elle d’une voix qui force l’intention insouciante. Elle essaie de se stabiliser, de recentrer ses pensées sur ce dont ils parlaient avant, avant cette erreur, ce faux pas, ce geste échappé. Sauf que Kingsley a l’air de prendre ça à la rigolade puisqu’il renchérit, sans que Myrthild ne sache vraiment si c’était pour la rassurer ou pour l’encourager sur cette pente glissante :  “Anyone would be hot and bothered to meet up with Britain's hottest fugitive. - Merlin’s pants…”

Malgré elle, un sourire amusé étire ses lèvres, alors qu’elle dévisage le Shacklebolt en secouant la tête et en ponctuant, tandis qu’il fait signe à la serveuse : “You’re impossible, you know that?” Et pourtant, elle ne prend pas congé. L’arrogance de l’ancien Slytherin l’accroche contre toute attente car il faut avouer que si pareille récompense de fugitive bachelor était attribuée, Kingsley pourrait bien rafler la mise. Mais ça ne devrait pas l’amuser : ça devrait plutôt être le signe qu’il faut qu’elle parte, que sa présence ici, en sa compagnie, n’a rien de malin, ni de prudent -et ce point n’étant pas seulement relatif à une certaine nostalgie qui rejaillit alors qu’elle se sent délaissée, évitée, abandonnée. La vieille rengaine du What if persiste en arrière-plan de cet entre-deux à peine bousculé par le cliquetis des pièces qu’il pose sur le comptoir. Ses yeux, émeraudes qui devraient se dérober, s’appesantissent au contraire quelques secondes sur le rictus du fugitif, avant de remonter vers les billes sombres, profondes, pleines de promesses silencieuses, lorsqu’il l’interroge et ouvre une porte de sortie : “Will that be all for tonight?”

Yes, goodbye., devrait-elle répondre, avant de sortir du pub, transplaner, mettre le plus de distance possible entre Shacklebolt et elle. Yes, I must go home, devrait-elle prononcer, parce qu’elle est mariée, mère, et qu’elle s’est jurée d’être fidèle après l’écart d’il y a vingt-cinq ans. Yes, you and I both know why, pourrait-elle encore affirmer, parce que c’est la dernière chose à faire que de se perdre quelques heures dans les bras du résistant.

“It doesn’t have to be.”, répond-elle à la place, faisant fi de tout ce que sa raison tente d’opposer comme justifications à un départ qui aurait dû être imminent. Elle ne s’arrache pas à cette contemplation mutuelle qu’ils ont à l’instant. Elle ne cherche pas à fuir paradoxalement, alors que cela fait longtemps qu’elle n’a pas pu vraiment se perdre dans ce regard. “I mean, we should probably call it a night, but…”, commence-t-elle tout en descendant de sa chaise et en vérifiant d’un geste rapide de la main qu’elle avait bien toujours tout sur elle (sa baguette, la boussole, son porte-monnaie). L’étoffe bruisse alors qu’elle en lisse machinalement un pli, avant de revenir au visage de Kingsley et d’avouer, un peu gênée, une moue au coin des lèvres, le regard qui redevient fuyant, comme honteuse d’avoir à reconnaître ce genre de sentiments : “I don’t want to be alone right now.”
Comme un euphémisme, elle le souffle du bout des lèvres.
Un moyen d’en révéler moins sur la faiblesse qu’elle espère passagère mais qu’elle ne saurait évaluer avec précision. Une façon d’en dire le moins possible alors qu’il devient évident à cet instant que tout n’est définitivement pas rose dans sa vie et qu’il est certaines choses qu’elle aimerait bien changer d’un coup de baguette.
Mais on est loin d’être dans un conte de fées, même si la magie existe bel et bien.

Et, alors qu’ils s’engagent vers la sortie du restaurant de fish&chips, elle tâche de trouver une raison à décaler la séparation inévitable, indispensable, mais inopportune pour le moment : “Besides, I still haven’t told everything you about the Grant case…” Who are you kidding, girl? s’invective-t-elle en silence, tout en se raccrochant à cette présence si paradoxalement familière à ses côtés tandis que l’air frais de la nuit les happe et que la porte du restaurant se referme en faisant tinter la clochette.