Quelques semaines déjà, que nous étions présents. Le temps de s’installer, de reconnaître le terrain. De faire en sorte que les choses puissent se dérouler dans un environnement aussi sain que possible, pour notre ambassadeur et son équipe diplomatique. On avait finalement trouvé un logement, quelques contacts… Avant de s’enfoncer dans une forme de marasme apparent lié à notre mission même ; le gardiennage de sorcier. Ce n’était pas quelque chose que je pouvais contrôler, ce sentiment d’impatience qui me taraudait, et même savoir que ce que je faisais était important ça n’y changeait rien… Je commençais déjà à me sentir inutile. Ca n’avait rien d’agréable, bien sûr. Pour personne. Et sans doute encore moins pour moi.


Ce que nous faisions était important. C’était comme un mantra pour m’éviter de tourner en rond de façon inepte, inféconde. Nous étions là pour assurer la sécurité du corps diplomatique français, et faire en sorte qu’ils puissent eux-mêmes mener à bien leur mission. Cela n’allait pas autant de soi qu’on pourrait l’imaginer. D’autant plus que la situation ici nous paraissait toujours autant suspecte, à Selena et moi. Alors on avait commencé, sous couvert de nos nombreuses heures de surveillance, de toutes les prises de contact… A prendre un peu mieux la température de notre environnement. De cette Grande Bretagne conquise par un pouvoir nouveau, inédit, qui avait balayé les anciennes institutions pour les remplacer.


Je restais méfiant. Tout ça puait la magie noire, depuis le premier jour et la rencontre avec ce Travers… Alors, on avait commencé à creuser. Tout en discrétion. En utilisant de vieux contacts. En usant de notre expérience des réseaux clandestins. En France, on les recherchait pour les démanteler, quand ils menaçaient les gens, ou bien l’Etat. Ici, on cherchait déjà à les contacter. A vérifier la version des autorités. A prendre la mesure des différentes factions en présence. Il y avait des contacts à réactiver, aussi. De vieilles connaissances. Aujourd’hui, on allait en retrouver une. C’était un drôle de jeu de dupes, de mensonge et de camouflage. Le genre à nous pousser à masquer chaque mot, chaque tentative, pour ne pas se faire prendre. Juste au cas où, même si en théorie le droit international nous prévalait d’une certaine immunité, quitte à se faire reconduire à la frontière en cas d’impair…


Je n’ai pas indiqué à mon contact que je viendrais accompagné. A dessein. Selena sait déjà ce qu’elle a à faire, dans la purée de pois de notre lieu de rendez-vous ; elle doit déjà être en train de prendre position… Elle est mon back-up, ma garde rapprochée. Je suis l’appât si ça tourne mal, l’interlocuteur si tout va bien. Je l’ai quittée avec un sourire, quand qu’elle ne rejoigne sa position et moi la mienne. Nos bruits de pas sont étouffés par le brouillard londonien qui aspire tout, comme toujours. Difficile de savoir si on ne fonce pas tout droit dans un piège, mais les précautions prises lors de la prise de contact doivent pouvoir suffire, en théorie.


Un bruit dans le lointain, alors que Selena est hors de vue à son tour. Des bruits de pas. J’en suis sûr. Je ne dégaine pas ma baguette. Je fais confiance. De toute façon si c’est un piège, résister ne fera qu’envenimer les relations entre le pouvoir local et notre délégation… Alors je m’en remets au destin, et à Selena. Une ombre se détache dans le brouillard et j’entame, essayant de percevoir qui est la silhouette en face de moi.


| Pile à l’heure, n’est ce pas ? |


Je me rapproche, pas assez pour distinguer son visage, mais assez pour voir une silhouette de femme.


| Quel temps, n’est-ce pas ? Je n’en suis pas encore si familier, chez moi le brouillard se lève au matin, et annonce le plus souvent une journée de merde. Nous sommes sous le sol pleureur. Je pense donc que vous êtes la personne que je suis venu rencontrer. Comment êtes-vous venue ? Etes-vous sûre de ne pas avoir été suivie ? |


@ella runcorn-de sambre je te propose de reposer une fois, avant que Selena n’intervienne ?