Elle se signe, les trois doigts joints, avant de se redresser, les lèvres qui se pressent dans la fin d'une prière silencieuse dédiée à Marie, les mots si bas qu'ils n'atteindraient que le Seigneur quand bien même ils voudraient être partagés.
Le banc quitté, ses génuflexions effectuées, vers le Tabernacle, puis vers la sculpture de Marie et enfin, vers la croix, elle se dirige vers le tombeau.
Les trois candélabres l'entourent encore et les cierges brûlent sans vaciller, constamment remplacés, non pas grâce à la magie mais à une assiduité pieuse régulière. L'une des longues bougies changées, elle s'attèle aux gerbes de fleurs imposantes qui ceignent le cercueil et dont le sol se tapisse des pétales flétris qui embaument la pièce d'un parfum d'adieu.
Les roses échouées récoltées d'une geste lent de baguette, l'autre main s'affaire à ôter les feuilles fanées qui menacent de tomber.
Tout a été parfait.

Tout se doit d'être parfait.

La Pannychide est loin d'être terminée mais elle préfère rester prudente, l'idée que l'âme de leur mère ne reste coincée, sans jamais trouver la lumière et le Paradis, une angoisse sincère, quoi qu'égoïste.

Elle prélève une branche de buglosse de son propre bouquet, l'agrémente d'une rose crème comme il en fleurit tant autour avant de se tourner vers une tulipe noire, assurée, la sobriété élégante avec la roche sombre du caveau.
Le bleu et le blanc détonnent sur la pierre noire lustrée alors qu'elle y dépose les brins juste sous la plaque commémorative, l'angle exact pour ne rien en obstruer à la vue.

Le mouvement s'arrête et l'image se fige, se superpose, parfaite, à celle qui existe déjà dans sa mémoire.
Yes. Just like that.

Le même anneau de rubis au pouce, la même composition florale sous les chiffres gravés dans l'or.
2007.

Peut-être qu'elle ne fait que regarder le destin passer, peut-être qu'elle le créé ou le favorise en déchiffrant les messages rendus flous par la distance, en agençant les pièces à sa demande. Peut-être encore que le sommeil lui échapperait toujours peu importe la réponse.

Elle s'écarte d'un pas précautionneux, soucieuse de ne pas déranger le moindre pétale et rompre l'instant, et se signe, le froid de sa croix portée contre ses lèvres, un pardon étouffé.

May the Lord forgive us, mother.


Ecourter l'office qu'elle avait prévu lui laisse un goût amer en bouche – un malaise, léger, qu'elle voudrait n'attribuer qu'à ça, mais elle doit se résoudre à partir, elle ne peut être en retard.

Le mausolée quitté, éblouie une seconde par la lumière qui inonde les étendues verdoyantes du jardin, le début de printemps britannique fortement aidé par des sortilèges météorologiques, elle ôte son voile avant de transplaner, laisse la palette de verts se brouiller pour être remplacée par le luxe feutré de l'intérieur du palais.


Les lourds battants de la porte, sculptée des armoiries familiales, lui font face, clos. Aigle et corbeau, attrapés en plein vol, déploient leurs ailes au milieu d'un décor sylvestre, le marbre si finement ciselé que même sans magie elle croirait pouvoir déceler le mouvement imperceptible du vent entre les branches des arbres qui la dominent.
Adossé contre le mur, son serment suivant le sien, Kolya attend, étrangement en avance pour ce rituel qu'elle le sait mépriser.

Ils y sont presque tous déjà passés. Des maillons les plus fragiles aux pures formalités, Mikhail n'a eu que peu de temps pour son deuil, occupé à recevoir les membres des Golden Wands comme ceux des Golden Rings, le temps un paramètre crucial dans les passations de pouvoir inattendues.
Elle s'est occupée des formalités religieuses et familiales, fardeau et banalités en moins pour son frère, mais c'est aujourd'hui son tour de jurer allégeance.

S'il n'est pas question de serment inviolable, ni pour elle ni pour Nikolaï, l'idée même un affront sans nom – et il aime d'ailleurs lui rappeler qu'il ne doit rien à son frère -  la tradition persiste.

Elle passe sa baguette dans les rainures prévues à cet effet, le sortilège un whisperings qu'ils connaissent tous depuis l'enfance, et animaux comme nature s'animent et prennent vie, les couleurs vives et intenses, l'impression, un bref instant, de l'ombrage fragrant des sapins sur son visage, et la porte s'évanouit.
La salle de réception s'ouvre à elle.

La traversée de l'immense salle est ridiculement longue et Mikhail lui parait bien solitaire, isolé à son bout. Ilya est absent, sa présence inutile en l'absence de serment officiel, probablement en train de traîner dans des endroits peu recommandables - and did he break his mirror again ? -
Le cheminement de ses pensées peu charitables envers l'ombre s'arrête en même temps que ses pas et elle s'immobilise, s'accorde un œil scrutateur sur les traits de son frère, inquiète d'y trouver les traces d'une trop grande fatigue.
Satisfaite de son examen – il survivra, elle incline enfin la tête, le mouvement léger mais présent.

She bows to the name, to its history, its past and glory
Its his now, his authority
But its hers too

Baguette sortie, elle récite le serment usuel, un peu pompeux, un peu vieillot, la commissures de ses lèvres impassibles malgré l'envie d'y voir fleurir une moue mi amusée mi désabusée. Dès les premiers mots, un halo doré apparaît, réaction magique prétendument synonyme d'une allégeance sincère bien qu'un simple tour de passe passe du XXe siècle pour impressionner les masses.

«...and here I stand and I offer, my wand, my life and my honor. »

Le laius terminé, la lumière disparaît et elle abaisse sa baguette, certaine que la cérémonie sera complétée malgré les quelques doutes qui subsistent, murmures qui n'appartiennent qu'à elle et qu'elle peine à faire taire.

La liste de ces voix est longue, entre celle, inquiète, qui s'interroge sur le judicieux de son choix silencieux, l'autre troublée, qui ne sait toujours vers qui se tourner pour traiter des secrets de leur mère enterrée, ou bien encore, celles, pragmatiques, qui pensent sans cesse aux chiffres et aux vies qui fourmillent et s'agitent sous leur nom, aux choix à faire alors que le temps passe et presse -

«As rushed as it all had to be», et elle appuie son propos, balaye du regard la pièce désertée, celle qui devrait être bondée de monde et des honneurs qui lui sont dus, non pas pour leur plaisir mais pour le jeu des alliances et des apparences « The Supreme is dead, long live the Supreme»

Si l'assurance n'a pas quitté ses propos, le ton presque trop proche de celui du serment répété, avec la subtile différence de la sincérité cette fois, une question qu'elle n'est pas sûre de vouloir taire, rôde, vision floue sous la surface.

@Mikhail Strugatsky

Where you go
I'm going
So jump and I'm jumping
Since there is no me without you

Les serment s'enchaînent les uns après les autres dans un ballet incessant de promesses et de phrases apprises par coeur à tel point qu'elles se vident peu à peu de leur substance pour l'oreille du maître de cérémonie. Le protocole est respecté jusque dans sa tenue, un long manteau de fourrure qui tombe à ses pieds en une cascade presque étouffante. Parfaite tenue pour les saisons moins clémentes de sa douce Russie, mais cruelle pour cette terre britannique où sa famille a élu résidence prolongée. Le protocole est respecté jusque dans cette lente et longue traversée demandée à ceux qui viennent lui prêter serment, dans son port droit et digne alors qu'il se tient en souverain sur le grand fauteuil. Alors qu'il se tient plus seul que jamais en haut des marches qu'on ne permet pas aux autres de monter. tous passent sous son regard inflexible, tous y passeront, car là est la tradition et la tradition n'est jamais à prendre à la légère. Même lorsque les affres du manque de sommeil reposent sur ses épaules, même lorsque la Mère est disparue trop tôt, trop vite, selon les dires de certains et que l'on murmure la potentielle participation des uns ou des autres dans la funeste tragédie qui a brisé la stabilité relative de leur Empire.

Il n'a presque pas eu le temps de parler à ses soeurs depuis que l'ectoplasme maternel a remplacé la chair. Quelques mots échangés contre un des murs imposants de leur palais, des regards partagés au détour d'un couloir mais aucun repas partagés, trop occupé à droite et à gauche quand s'enchaînent les serments, les questionnements et les changements. Mais quand la porte en bois s'ouvre en un grincement majestueux, c'est Brygida qui fait son entrée, pour promettre à son tour ce qui lui est dû, ce qui lui est déjà acquis. Silencieux, il l'observe, un instant leurs regards se croisent. tourmaline contre jade. Ephemere échange silencieux. On dit bien plus dans un glissement du regard que dans une parole préparée.

then, the bishop talks, her voices is music to his ears in this almost empty room. It reverbates on the walls.

"And here I stand, and I accept your wand, your life and your honor." Les mots répétés pour la énième fois sont ici chargés d'une inflexion intime que Mikhail ne partage qu'avec eux. Il se lève, accueille le serment dans le respect des traditions, même avec son propre sang, sa propre chair. Lève à son tour sa baguette, le filet de magie glisse dans le vide jusqu'à s'entrelacer autour du halo avant de s'évanouir et disparaître, ne laissant sur son passage que le sillage d'une magie ancienne, la leur. « The Supreme is dead, long live the Supreme» The vow is complete. The bound unbroken. Inutile tour de passe-passe nécessaire alors même qu'ils sont les deux seuls présents en ce jour de voeux et d'aveux. By his request, some dire subjects need to be adressed today, yesterday even if that was possible.  Léger hochement de tête et sans jamais rompre le regard, le sorcier descend les marches, brise la distance protocolaire, le long manteau glissant sur le sol impeccable, lourd sur ses épaules, rappel de ce poids immense qui repose maintenant sur lui et dont certains doutes subsistent malgré l'assurance de celui né pour régner.

Un sourire, quand il arrive à quelques pas de sa soeur, non plus séparés par la hauteur et la distance, mais rassemblés - comme ils le devraient être toujours. "Brygida. May I have a word with you?" L'inflexion de la question est purement une formalité. Comme le temps qu'il lui laisse pour donner sa réponse affirmative. "How are you? It seems like ages since the last time we really talked. Too long." Before mother, before the not so subtle assassination. Et Mikhail autant que Misha s'inquiète - dans ce froncement de sourcils presque imperceptible sous le regard attendri et calculateur - de supposer tout ce qui se passe dans l'esprit vif de sa cadette. Ce qu'elle n'a pu prévoir, ou pire ce qu'elle aurait planifié. Ce qu'elle sait sans lui dire, ce qu'elle sent mais ne prononce pas.

For the first time, the strugatsky's children are at a crossroad, and the paths they could take appear to be endless.

Son serment est accepté, réponse en miroir renvoyée avec la prestance qui caractérise son frère, le contact visuel ininterrompu, pesant sans pour autant être dérangeant.

Elle se demande si elle se sentirait coupable dans d'autres circonstances. L'esprit, bien que rarement tranquille, visions et murmures trop récurrents, doutes et questions, machinations, incessants, est pourtant en paix avec la situation.
Peut-être que cela ne devrait pas en être le cas mais elle ne parvient pas à s'en formaliser.

And maybe, this is where her treason lies.

Mikhail la rejoint, altier sous la tenue d'apparat, un sourire pourtant aux lèvres. Ni Misha ni Supreme, entre deux encore un peu flou qu'elle hésite à appréhender.

Leur père est le premier à avoir disparu.
Les pièces se sont tues de son rire et de sa voix bourrue, ses étagères, remplies de babioles de ses voyages, ont cessé de grandir et ont pris le même voile de poussière gris que tous leurs souvenirs partagés.
Le Supreme lui était inconnu, une vague image, tout au plus, des personnes qui s'inclinaient à sa vue, et de la chaise à la tête de toutes les tables toujours tirée pour lui.
La chaise n'est pas restée vide longtemps et leur mère a pris sa suite, le menton haut et le regard fier. De réunions jusque tard dans la nuit avec des fournisseurs qui ne leur avaient jamais posé de souci, en voyages escortés pour rasseoir une domination qui n'aurait pas dû être questionnée, elle a commencé à s'effacer.
Les mains douces dans sa chevelure, affairées à l'apprêter pour l'aristocratie qu'elle allait rencontrer, ont glissé le long des mèches pour se refermer sur ses épaules, la poigne pressante, plus insistante que les questions qu'elle enchaînait, bien trop pressée pour les pierres qu'elle peinait encore à faire parler.
Elle ne sait pas à quel moment la mère a définitivement cédé la place au Supreme, ses souvenirs de ces années parfois flous, plus une impression de sensations et de couleurs mouvantes que d'images fixes.

She wonders where she put all those memories she took from her.

C'est au tour de Mikhail maintenant de porter le lourd manteau des responsabilités qui leur incombent. Elle espère ne pas perdre un frère pour un Supreme, la certitude, pourtant, que les deux ne peuvent être conciliés éternellement.

Elle hoche la tête en silence, réponse de décorum à la question qui n'en est pas une.

Est-ce son frère qui s'enquiert ? De son deuil ou de sa santé, une partie non négligeable de son temps récent dévoué aux obligations administratives échouées sur son bureau, elle qui, ironiquement, connait davantage certains des futurs employés et collègues de son frère que lui-même ?

Ou est-ce le Supreme ? Mais de quoi ?
La liste des questions qu'il serait en droit légitime de lui poser est longue, certaines dont elle n'est pas sûre qu'il ait connaissance.

« I'm doing fine, Mikhail. The mourning is going well too. », un juste milieu, entre frère et Supreme, entre sincérité et platitude. « Don't worry, we've all been busy. » La voix se fait plus douce et un sourire accompagne ses propos. Elle est tout aussi responsable que lui de cette absence, l'étrange silence de leur mère quelques temps avant son décès une période de répit dont elle a profité pour s'occuper de ses propres affaires pendantes.

And what a mistake.

« What about you ? You seem tired. », le constat n'a rien d'anormal avec le contexte troublé qu'ils traversent mais elle aimerait s'assurer qu'il fasse attention à sa propre condition physique. Le palais a vu assez de deuils pour cette décennie. « If you have too much going on, remember that we're here to alleviate your burden. You know you can ask us anything. »

Vasya aussi a été efficace, la traque d'éventuels récalcitrants au changement de propriétaire une activité toute naturelle pour elle, et si elle a dû l'assister par moment, leur alchimie professionnelle toujours une insulte à ses yeux, elle ne dénigre pas ses efforts.
Zoya... Zoya est probablement en sécurité, à la chapelle possiblement vue l'heure, et c'est tout ce qu'elle lui demande.

La proposition résonne dans la salle vide, l'écho de ses répercussions encore présent, maintenu dans l'air comme les notes d'orchestre qui y flottent usuellement.

Mikhail a toutes les pièces en main et un vaste plateau sur lequel jouer.  Ne lui reste qu'à attendre où il compte la placer.

@Mikhail Strugatsky

Where you go
I'm going
So jump and I'm jumping
Since there is no me without you

Leurs respirations douces résonnent dans l’immensité du vide qui les entoure. Ils sont face à face et à quelques centimètres l’un de l’autre maintenant que l’officiel est terminé, l’on se dirige vers naturellement vers l’officieux. La voix de Mikhail retrouve les inflexions plus chaleureuses (pour un Strugatsky) du grand-frère qu’il est et souhaite rester pour Bry, Vasya et Zoya. Il jongle entre les responsabilités de Suprême nouvellement acquises et la lourde tâche d’être frère au milieu de soeurs, l’acrobate manie cet art avec soin et méthode, comme toute entreprise menée à bien par ses soins. Tout sera plus compliqué maintenant qu’il est également habillé de la couronne du dirigeant, doivent rentrer dans ses calculs plus que jamais les affaires internes, l’avenir doré, l’élévation de leur famille.

Et la tache carmine qui noircit de rouille le plateau d’échec et dont il doit s’occuper au plus vite n’est nulle autre que celle qui l’a porté au rang de patriarche ; elle rode fantomatique dans les couloirs de leurs palais, s’insinue à ses côté alors même qu’il n’aspire qu’au repos, tout comme elle le devrait. N’est-ce pas ce que la mort est sensée apporter ? Mais point de paix pour la Mère quand vit encore le coupable, matricide ? c’est une possibilité à ne pas évincer. Régicide est en tout cas la réalité, et si Mikhail n’est pas le dernier à se plaindre de ce trépas fortuné, il se doit d’agir pour calmer les foules qui se questionnent. Et pour agir, il doit savoir. Sa soeur, visionnaire est la première qu’il souhaite questionner, mais redoute de transformer la discussion en interrogatoire. Il sait qu’il doit manier ses pions avec prudence pour ne pas l’affoler et sans éveiller les soupçons. Ni chez elle, et encore moins chez les autres, ceux dont les bouches se délient aisément de commentaires vulgaires et douteux.

La réponse de Bry allège ses soucis, elle se porte bien. C’est presque tout ce qui compterait pour lui si ne reposait pas sur ses épaules ce manteau - rappel constant de son rôle nouvellement récupéré par le sang éparpillé. Il sourit et dans ses pupilles glacée, les iris fondent, la neige laisse place au printemps quand il est en présence des siens, et d’elle tout particulièrement. S’il n’a pas de préférées, chacune d’entre ses soeurs lui apportent une part de réconfort qui lui est propre. Brygida est telle les oiseaux qui chantent la venue des nouveaux bourgeons, zoya la chaleur réconfortante des couleurs orangées de l’automne, et Vasya la vivacité du soleil en plein été. “I am tired.” Pas de mensonges entre eux, pas cela tout du moins. “Endless vows are all I hear these days. It is my duty so I am not complaining. Nevertheless, sleep is eluding me.” Mikhail laisse une de ses mains glisser sur la fourrure douce de son habit de cérémonie, ses yeux encore et encore figés dans ceux de sa soeur. You can ask us everything, la promesse aux allures de proposition éclate dans l’air et jusqu’à ses oreilles. Il la prend aux mots, avance doucement sur un terrain qui se pourrait être miné. Il doit se rappeler son devoir et les enjeux qui s’étalent à leurs pieds avant de prononcer les paroles qui suivent. “I do have something in mind.” Il prend une inspiration presque théâtrale, pour souligner la gravité de l’instant et de la requête à venir. “It’s about our mother.” Il observe ses réactions, le moindre petit détail qui pourrait lui indiquer une quelconque réponse avant même que sa parole ne se libère des lippes rosées de Bry.  

Ses yeux parlent davantage que ses mots, dans la chaleur qui y règne ; et n'est-elle pas toujours abasourdie des aveugles qui les prétendent de marbre et de glace ? - et dans la lassitude qu'elle y devine, le bleu un peu terne sous la frange des cils.

Elle hoche légèrement la tête, prends note de lui faire parvenir un thé approprié cette nuit et de s'enquérir des remèdes plus puissants si le problème persiste.
Elle sait que leur mère le tourmente, spectre étonnament élusif avec elle, et elle espère que les cérémonies religieuses menées en bonne et due forme suffiront à l'apaiser un minimum. L'idée de devoir finir par exorciser le fantôme de sa propre mère ne l'enchante que peu mais si c'est le seul moyen d'assurer du repos à Mikhail, la question ne se posera pas.
Celle qui se pose, en revanche, à demi mots, à voix basse dans les angles les plus exigus de la demeure,  mais aussi dans la presse, dans les restaurants et dans les bars, chez n'importe quel sorcier de pacotille, avide des derniers potins, comme dans les cercles fermés de ceux qui dirigent dans l'ombre crasse des ruelles, reste celle de sa mort bien entendu.

Aussi n'est-elle pas étonnée de le voir aborder ce même sujet, si ce n'est surprise du manque de détails. Elle lui accorde, néanmoins, que le sujet est vaste et propice à la  réflexion.
Their mother.

Une fois passées les quelques secondes de politesse laissées trainées dans le silence, elle accepte le fait que rien ne viendra l'aiguiller davantage et ses traits abandonnent le vide que beaucoup qualifient de resting bitch face pour arborer l'expression de la contemplation.

But what about their mother ?

Peu encline à perdre du temps, même avec sa propre famille et surtout à parler de leur mère décédée, elle se décide à ouvrir la boite de Pandore que son frère a élégamment poussé vers elle. Le ton reste égal, le sujet attendu.

« Is it about her ghost ? Her death ? Both ? Or something else ? »

Indubitablement, Ekaterina vit mal, et ce même dans la mort, son décès. Elle sait pertinemment que toutes les offices religieuses du monde ne la feront pas disparaître – pas plus qu'une intervention du patriarche de Moscou lui-même, non pas avant d'avoir élucidé le mystère de ce qu'elle l'entend persifler comme étant la « plus honteuse des trahisons de leur Histoire ». Si elle laisse le soin à de nombreux et nombreuses grandes tantes ou cousins de débattre sur ce point, elle admet la question du matricide pressante.

C'est pourquoi, plus encore que la délicatesse de Mikhail sur le sujet, c'est son silence qui l'intrigue. Lui, qu'on accuse naturellement plus que tout autre, bien que les prétendants au titre d'assassin ne manquent pas, est pourtant resté discret ces derniers jours, là où tout pousserait à l'empressement.
Elle veut bien croire, avec chagrin et sans vraiment pouvoir s'imaginer pourquoi, qu'il ait pu demander à une autre personne de s'enquérir de l'élucidation de la question– de Vasilisa et sa légilimencie abusive à Fryderyk et ses machines incessantes, mais, somme toute, pourquoi attendre si longtemps pour lui en parler ?

Quid d'une menace pressante potentielle ? D'un traître au sein de leurs rangs resserrés comme elle a déjà dû en éliminer ?
A moins que l'inquiétude ne soit pas. Qu'il ne les sache en sûreté.

L'amusement perce dans le timbre clair, derrière la curiosité, sans qu'elle n'essaye de le cacher.

« Are you asking or questionning, Misha ? »


Si elle a beaucoup à cacher, peut-être y a-t-il bien plus encore à révéler.

@Mikhail Strugatsky

Where you go
I'm going
So jump and I'm jumping
Since there is no me without you

Le temps est une denrée rare qu'il faut savoir cultiver. C'est une donnée à corectement chronométrer. Savoir quand se taire et quand parler. Quand ordonner et quand s'enquérir. Quand disparaître et quand éblouir. C'est une danse subtile qui s'apprend au fur et à mesure, pas de cours pour gouverner, pas de livres à potasser pour déjouer les complots de sa Cour, pour apaiser les remous qui jaillissent au sein de son Empire. Il a plongé tête la première dans les grand bain, et s'il se prélasse dans cette auréole nouvellement acquisse, il existe le poids des responsabilités. Un cadeau à double tranchant offert par un sourire d'un côté et un meutre de l'autre.

He's not alone, he has his sisters, he has Ilya. How could he forget them when they all he can think about. His kingdom is theirs. His future also.

Mikhail aimerait ne pas avoir à soupçonner ses soeurs et leurs ombres, porter sa condamnation sur d'autres visages remplaçables. Il ne peut toutefois écarter toutes les possibilités. Les tensions régnaient depuis fort longtemps déjà entre Vasilisa et Ekaterina pour ne pas s'interroger ; sans compter sur les violences honteuses subies par Brygida. Et les ombres qui auraient pu se faire bourreau plutôt que garde du corps. Il n'y a bien que Zoya qui passe sous ses radars paranoïaques, à tort peut-être. Lui-même ferait un excellent suspect, propulsé au devant de la scène alors que l'actuelle dirigeante était envoyée dans les Tréfonds des limbes. Lui, sait ce qu'il a fait ou pas, mais il sait également le rôle qu'il doit jouer dans cette nébuleuse et sombre affaire. Chercher le coupable pour le punir (ou l'absoudre).

Il avance précautionneusement sur ce terrain remplis de ronces, un peu trop peut-être car sa soeur le questionne sur les intentions qui se cachent derrière les mots. Aussi aiguisée qu'une lame, aussi fûtée qu'il l'a toujours connu. Un sourire de connivence agite ses traits l'espace de deux secondes qui s'étirent à l'infini. "Your mind is as acute as ever." L'avare de compliments les extirpe pourtant sans grande difficulté. "I have more questions than I can tell" She may have more secrets than she can share.  "Has her ghost said anything to you, sister? Do you remember anything?" La question n'est pas anodine, sa soeur a des dons qu'il n'aurait pu soupçonner enfant alors qu'elle était la fragile princesse à protéger des serres monstrueuses de ceux qui auraient souhaité l'utiliser. "We could use your gift in this particular and sensible matter. Don't you think? I need your help. I need you Bry." Ose-t-il même avouer ; pas un aveu de faiblesse car il paraît qu'il faut savoir se reposer sur les autres, délester un peu du poids qui devient lourd à porter seul. Mikhail plus que quiconque sait quels mots utiliser avec chacune de ses soeurs, quelle corde tirer.

Sa tête se penche sur le côté, et ses yeux deviennent des fentes qui ne laisseront passer aucun détail. Il viendra le moment opportun de questionner ouvertement, pour l'instant il prêche le vrai derrière le faux. Il est loin le temps de l'innocence où les discussions avec sa famille n'étaient pas teintées par les suspicions et les suppositions. Où ils pouvaient être eux-même sans risquer de se perdre en chemin. Il est loin le temps où tout était plus simple, s'il n'a jamais existé un jour.

Elle accepte gracieusement le compliment, une infime inclinaison de la tête et l'ébauche d'un sourire amusé qui se dessine, sans pour autant pouvoir réellement s'en vanter.
Le sujet est de toutes les conversations et elle n'est pas naïve au point de s'imaginer au-dessus de tout soupçon, particulièrement venant de Mikhail.
Il est, après tout, le seul qui puisse se permettre de lui demander de rendre des comptes. Plus que ça, même, il lui incombe de le faire, innocent ou non.

Elle ne s'inquiète que peu des questions possibles, les secrets les plus sombres les mieux gardés, mais aussi ceux qu'elle aimerait égoïstement voir être révélés, et encore moins des réponses.
Sa conscience est étonnamment tranquille en dépit de leur vie et de ce qu'elle pourrait se reprocher, la sérénité du devoir accompli le plus imperméable des remparts face à la culpabilité.

La mention du fantôme de leur mère lui fait remonter le goût amer du travail bâclé et inachevé, les espoirs de voir son spectre disparaître avec les bons offices religieux bien minces, et elle ne cache pas sa grimace de déplaisir.

« I tried to ward off her ghost from my rooms, her accusations of betrayal were getting a bit redundant but minus what you would expect from her in this situation, she didn't tell me much. She doesn't know who did this or we would have heard about it. »

Elle comprend les reproches de leur mère. En l'absence d'un coupable identifiable, la faute est sienne, troisième aveugle à sa tâche la plus primordiale, celle d'assurer la sécurité des siens, mais surtout, de leur tête.
Elle a vu, pourtant, et, plus qu'être aveugle, elle a choisi de rester muette. Les yeux volontairement fermés sur la vision explicite de sa plaque funéraire, les lettres dorées une épée de Damoclès évidente alors qu'elle a observé sa mère vaquer à ses occupations sans jamais s'en douter.

Quel jour serait le dernier ? Comment le destin s'y prendrait pour la leur arracher ?
Elle a vu, avec un détachement fasciné, les sables du temps s'égrener sans le moindre indice, sans le moindre trémor pour leur annoncer les changements qui se profilaient, une immobilité si parfaite qu'elle même en a été surprise lorsque l'heure a sonné.

Elle suppose, qu'en un sens, elle a pu la tuer. La conclusion est hâtive, et erronée, la voyance bien plus subtile qu'une simple binarité et personne au palais ne sait mieux la chose que leur mère. Elle n'est pas là pour en juger, pas que Brygida n'ait envie de discuter de cet exemple précis avec elle, le fantôme probablement un peu rancunier, et il ne s'agit pas de la question posée.

Elle laisse le temps passer alors qu'elle scrute les traits de son frère, sonde à la recherche de la sincérité ou la supercherie. Elle aimerait avoir la certitude qu'il ne lui mentirait pas mais elle sait que ces absolus n'existent jamais, en a eu la preuve encore il y a peu. Malgré ses doutes, la douceur s'installe sur ses traits, un peu bleue sur les bords désormais mais toujours présente lorsqu'il s'agit de son frère aîné.
Ne sait-il pas qu'elle lui est acquise ? Que la comédie n'a pas à s'inviter chez eux, entre eux ?
A moins que sa curiosité soit sincère, et sa suspicion aussi.

He isn't wrong. Rarely is, as it should be.

L'idée lui serre le cœur, brièvement, et, aussi vite que ses yeux quittent les siens, la tristesse un voile léger, balayé d'un battement de cils, ils y reviennent, sereins.

This is what they were born into.

« I will solely dedicate myself to the question if this is what you wish for, Mikhail. Do you fear for yourself ? »

L'inquiétude est sans urgence mais sincère, la sécurité plus que renforcée depuis son ascension, aucun plat laissé sans être goûté, aucune porte ouverte de sa main, son Ombre même surveillée, l'héritier protégé du plus délicat et meurtrier des écrins qu'ils peuvent offrir.

Si ce n'est pas lui, comme elle l'a cru, craint puis espéré, alors qui ?
Si lui même ne sait pas...

Ask and you shall receive, dear brother
She did it once, she can make it twice.

Be a King for many years

Where you go
I'm going
So jump and I'm jumping
Since there is no me without you

"For once where we would have liked her opinion and knowledge and she's as enigmatic as always. It's not surprising unfortunatly."Commente-t-il alors qu'un revers de main vient balayer le commentaire. L'amertume est présente sur les bords de son myocarde. Tant de rancoeur qui subsiste malgré tous ses efforts et l'indélicatesse à parler en mauvais terme d'une personne qui n'est plus de ce monde. Pas tout à fait du moins. "You do well as to protect yourself from her spite sister. If I can be of any assitance in the matter, a whisper to better ward your room, I'll oblige." Son regard passe de la dureté à la douceur, un enchaînement aussi ineluctable que les nuages qui coulent sur les ciels bleutés, obscurcissent le soleil avant d'en laisser échapper les doux rayons lumineux. A la fois frère et Suprême, protecteur et enquêteur. Pas de côté après pas de côté pour tirer son parti de la situation délicate dans laquelle cet assassinat les a tous plongés. Propulsés sur le devant de la scène trop rapidement alors qu'il avait été si longtemps laissé dans l'ombre de sa mère et de la soeur à laquelle il s'adresse. Tant d'employés et de sujets qu'il doit apprendre à connaître et dont la loyauté ne lui est pas acquise. Tant de personnes qui doutent et soupçonnent. Et cette pelote de laine qu'il est de son devoir de démêler pour ne pas qu'elle s'enroule autour de son cou en une étreinte léthale.

« I will solely dedicate myself to the question if this is what you wish for, Mikhail. Do you fear for yourself ? » La question de Brygida est sage, pleine de bon sens et parsemée d'une inquiétude qui attendrit le nouvellement patriarche. Cette discussion qui a tant tardé à cause des devoirs et dont il avait pourtant grandement besoin. Il n'est pas seul. Il ne l'a jamais été. Et parce qu'il la croit honnête et d'autant plus parce qu'il ne souhaite répéter les confections mensongères qui les séparent au lieu de les lier, Mikhail répond honnêtement. "It depends who the perpetrator of this act is. If it's one of us, I may not be in danger. Otherwise, who can say. Nevertheless, our people do whisper, our people suspect something is itchy and I have no choice as to find the culprit and act accordingly." Passant une main sur son menton d'une façon faussement désinvolte, il laisse s'échapper un soupir, un seul, simple et languide. La fatigue et la pression d'omniprésentes compagnes dans les heures solitaires de son règne. Il doit être celui qui trouve le coupable, garder des coups d'avance sur l'échiquier de la surpercherie et des manigances. Il ne serait bon pour aucun d'eux - enfin il l'espère - si quelqu'un d'autre venait à résoudre la sordide affaire. "I can leave nothing to fate or chance in the matter at hand. But I must ask of you discretion and precaution, and most of all not to push yourself over... Sa main quitte son visage pour se déposer doucement sur l'épaule de Brygida, premier contact qu'il s'autorise alors que s'affaiblit au fil de la conversation le serment prononcé et le rôle de Chef qu'il revêt au profit de celui de frère qu'il a toujours désiré porter. I need you alive and well more than I need answers."

He won't be a replica of his mother. He won't tolerate to harass and stress out his sisters. He won't accept to fall as low as she has just for power. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il est prêt à tout laisser passer, tout pardonner, ni même à se priver des cartes qu'il a en main, he doesn't have the luxury to be lenient nor does he wants to become a tyrant.. oh so fragile is the balance he must keep.

Un souffle amusé répond à son commentaire sans qu'elle n'ajoute rien pourtant. Ont-ils jamais connu la même mère ? Elle devine leur relation complexe dans le filigrane de ses propres souvenirs superposés mais comment comparer la tutrice stricte et attentive qui l'a élevé, comme un fils et comme un prince, et la mère acculée et désespérée qui l'a utilisée ?
Ekaterina avait l'habileté sans pareille d'une multitude d'existences dont elle se paraît à souhait.
Elle avait si bien peaufiné son art qu'elle n'était plus composée de facettes d'une même personne mais d'un ensemble d'individus au spectre changeant. Loin d'elle la bassesse d'une manipulation sentimentale, elle ne devenait pas le visage que l'on désirait lui prêter mais bien la personne qu'elle avait besoin d'être pour façonner les autres à son image. Aussi était-ce peut-être ce pourquoi, même enfants, ils ne s'étaient jalousés son attention disparate. Impossible d'envier un Mikhail penché sur son pupitre, la douceur d'un compliment et de doigts passés dans ses boucles devant un travail bien fait, quand elle ne reconnaît que les traits de sa mère dans la professeure à ses côtés.

Alors elle se tait. Comme l'inconnue qu'elle est dans leur histoire et dans son deuil.

Parce qu'ainsi, en observant son frère, sa silhouette droite et fière qui se découpe en contre jour des hautes fenêtres qui laisse la lumière pénétrer, elle ne sait dire si elle lui a jamais manquée.
Si ses adieux étaient déjà fait.
Leur père a disparu et il a emmené leur mère avec eux. Qui d'autre que lui pour réaliser la subtilité dans les changements drastiques qui s'annonçaient ? Pour prédire la perte et le délaissement de celle qui l'avait accompagné ?

Auréolé du jour extérieur, son frère resplendit. Dans ses yeux, le déplaisir laisse place à la douceur, et, l'espace d'un instant, elle n'y voit pas un changement d'humeur mais de masque, le fantôme de leur mère invoqué par ses pensées.
L'illusion est chassée mais les doutes subsistent. Elle poursuit néanmoins, murmure son assentiment et les remerciements qui vont de pairs à l'offre de son frère. Le malaise à l'idée qu'il s'approche ainsi de ses quartiers privés, qu'il y laisse sa magie ou des effets indésirés lui noue l'estomac, trop consciente de ce que leur mère lui prenait, d'une liberté à peine retrouvée.
Elle n'a aucune raison de refuser.

"It depends who the perpetrator of this act is. If it's one of us, I may not be in danger. Otherwise, who can say. Nevertheless, our people do whisper, our people suspect something is itchy and I have no choice as to find the culprit and act accordingly."

Malgré ses hésitations, son inquiétude pour le Suprême n'est pas feinte, et sa réponse ne la satisfait pas. Sourcils froncés, elle fait machinalement tourner du pouce les bagues présentes sur ses autres doigts, s'attarde sur son annulaire gauche, là où repose un anneau bien plus important, gravé à même la chair.
Les possibilités et les variables de la réponses sont trop nombreuses pour la sécurité de Mikhail et pour sa tranquillité d'esprit.
Si elle accepte volontiers d'écarter son frère des suspects, mêlé à la confiance qu'elle lui accorde, c'est le ridicule de la commissionner pour élucider son propre crime qui finit de la convaincre. Elle ne l'imagine pas tenter un tel bluff ni capable d'une insulte si grossière envers son art. La rétribution pour la disparition de leur père a mis bien longtemps à venir, il est vrai, mais la situation n'a rien de comparable.

Plus important encore que de démasquer le véritable traître, ou du moins, plus urgent, est la tâche subtile d'assurer la cohésion au sein de leur rang en offrant un front unifié et serein.
Elle acquiesce silencieusement à ses paroles tout en les considérant, les zones grises nombreuses et les ramifications de leurs choix futurs conséquentes.
Maintenir le silence qu'ils ont gardé jusqu'à présent signifie que la situation est maîtrisée, le meurtre prémédité ou le coupable absous, mort ou vif. Seulement... si le responsable est des leurs, qui sait combien de temps la farce pourra durer ? Si sa volonté dépasse le simple retrait d'Ekaterina et qu'un chaos plus prononcé est visé, la révélation de leur ignorance réelle serait la parfaite étincelle dans un climat déjà tendu.
Opter pour une approche plus frontale et ouvertement traquer le meurtrier révèle en revanche la confusion dans laquelle ils se trouvent. Cette admission de faiblesse pourrait être tout aussi dangereuse, quoi que plus stable vis à vis des membres des Golden Rings dans l'honnêteté de la démarche...

"I can leave nothing to fate or chance in the matter at hand. But I must ask of you discretion and precaution, and most of all not to push yourself over...

Mikhail continue sur sa lancée et le Suprême a choisi. Peu perturbée, elle adapte son cheminement de pensée à cette nouvelle information et balaye toute considération d'action plus publique. La participation d'autres seers à un rituel reste le moyen le plus efficient si tant est qu'elle parvienne à garantir l'innocence de ces derniers-

I need you alive and well more than I need answers."

La main de Misha se pose sur son épaule et les siennes se figent, les doigts immobilisés autour d'une bague, la pierre ciselée douloureusement enfoncée dans la pulpe sous sa crispation soudaine. Elle relève vers lui un regard qu'elle avait perdu dans le vague, incertaine de la vision troublée qu'elle lui offre.

She wants, more than anything, to believe him. She would give up her work, her love, her life even if he asked. She trusts him, his judgement, in most matters.
And yet she can't.

It's Nikolaï's pestering words, but its her voice, and, even before that, it's her own private thoughts.

His choice was made then. What makes you think it would be any different now ?

« Misha... »

Sa voix se serre d'un trop plein d'émotions, d'années d'affect réprimé sur lesquelles se sont entassés blessures et secrets. Elle prend une inspiration profonde et, à l'expiration, les muscles se détendent, accueillent la chaleur du contact humain familier, un des rares qu'elle ait toujours recherché.

«Thank you. Your concern is appreciated. »

Elle n'en dit pas davantage. Ni de reproche ni d'aveu qui pourraient tout changer et ébranler de plus belle les fondations de relations familiales déjà trop fragilisées. Pas ici. Pas maintenant.  
Elle a un travail à faire et peu de temps. La curiosité pointe tout de même dans sa question autrement de nouveau calme et posée.

« I hear you and I will see to it. May I inquire what would become of the perpetrator if it's a family's quarrel ? »

Elle n'exclut ni Strugatsky ni Ombre, les motifs de meurtre à eux tous si nombreux que la situation en devient risible.
Ekaterina n'a jamais eu la prétention de pouvoir exercer les fonctions de mère et de Suprême dans une harmonie parfaite. Elle a vu l'oeuvre pour la douce utopie qu'elle était et a porté la couronne sans le poids de la culpabilité. Peu importe le responsable, s'il vient à émerger du cercle restreint qu'ils forment, personne ne pourra se montrer sincèrement surpris, les dissensions multiples et connues de tous, ou presque.

Quelle serait la sentence ?
Est-ce qu'il pardonnerait ? Amputerait-il un membre de leur famille de sa moitié, maintenant qu'ils connaissent tous l'agonie de cette séparation grâce aux imbécilités arrogantes de leur aînée ?

Sans certitude sur les choix de Mikhail le moment venu, elle n'a que le passé pour juger de ses actions futures et la réponse que l'histoire dessine la conforte dans son mutisme.
Mikhail ne regarde ailleurs que lorsque la situation lui est profitable.

He certainly will be a great Supreme.

Be a King for many years

Where you go
I'm going
So jump and I'm jumping
Since there is no me without you

Ils partagent un nom composé de destinées différentes. Ils partagent un deuil éclaté en une centaine de souvenirs divergents. Lui-même avait connu plusieurs mères, celle d’avant le couronnement qui le couvait de regards affectueux et de gestes tendres. Elle s’estompa pour la Suprême presque indifférente à son égard. Mikhail ressenti comme un abandon, éloigné de ses attentions, il ne comprenait pas au départ qu’elle pu lui préférer Brygida alors qu’il serait l’héritier incontesté. La réalisation fut choquante lors de la crise de sa cadette. Toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent alors, et un certain remord envahi le frère.

Ils partagent un sang, mais des petites brisures s’amoncèlent entre eux, les fils rouges de leur lien sacré qui s’étirent à l’infini et manqueraient de se couper. Ils sont si nombreux et pourtant irrémédiablement esseulés. Plus que jamais, Mikhail voudrait atteindre ses soeurs, rassembler cette famille qui se délite. On ne peut pourtant revenir en arrière, même avec un retourneur de temps, le Suprême ne saurait par où commencer. Où demeure la première fêlure ? Dans la crise de sa soeur, dans le sombre secret des origines de Vasilisa, dans la mort de leur père. Tant de possibilités, tant de choix qui les ont conduits à cet instant précis.

Il éloigne ses pensées vaines, rien ne sert de partir en conjectures et en what if quand on n’a pas le pouvoir de les altérer. God granted them the courage to change the things they can, the serenity to accept the ones they cannot, and the wisdom to know the difference, s’il y avait un précepte qu’il avait retenu des longues heures passées sous les sermons de leur prêtre, c’était bien celui-ci.  

Brygida est silencieuse comme à son accoutumée. Mikhail entendrait presque les rouages de son esprit tourner dans sa tête brune, alors qu’elle lui fait face dans cette immense pièce vidée de presque tout mobilier. Il en apercevrait chaque pensée de sa soeur s’envoler dans l’air et atteindre le plafond décoré de moulures si elle ne lui était pas aussi inaccessible. Jamais le Suprême ne s’abaisserait à l'ignominie d’envahir les secrets d’une de ses soeurs, quand bien même l’envie se fait pressante devant le danger qui résonne à ses oreilles comme le plus implacable des glas. Elle demeure un mystère, il ne peut qu’apporter suppositions en observant avec attention le moindre de ses gestes.

Les doigts fins qui font tourner la bague tatouée à même la chair. La tension dans ses épaules - presque imperceptible pour qui ne saurait percevoir - lorsque sa main se pose dessus. Seul son regard lui est impénétrable. Il est pareil à ces pièces fermées camouflées par des portes hermétiques qu’il ne peut traverser dans ses songes.

Son prénom est d’abord prononcé, imagine-t-il le tremblement dans l’inflexion autrement maîtrisée ? Le discret décalage entre les deux syllabes, l’air aspiré entre ses lippes, et la tension qui s’échappe de son corps du même temps qu’elle expire, ses muscles qui se détendent alors sous les doigts de Misha. «Thank you. Your concern is appreciated. » Il voudrait répondre, mais ne saurait que dire dans toutes les potentialités de conversation à portée d’eux.

Le lieu n’est pas celui des confessions et des rapprochements.
Chaque chose en son temps, chaque chose à sa place.

« I hear you and I will see to it. May I inquire what would become of the perpetrator if it's a family's quarrel ? » Elle dépose à ses pieds cette interrogation légitime. Mikhail laisse échapper un sourire satisfait. Sa main s'éloigne de l'épaule de sa soeur, se dépose doucement contre son manteau imposant. Les reflets du soleil épousent leurs vêtements d'apparats, créent des reflets iridescents et ajoutent à la solennité du moment partagé. "You may. And I'll answer. son regard est incisif et le ton posé ne révèle rien de l'inconfort que déclenche l'idée d'un secret aussi dangereux qui subsisteraient au sein des Strugatsky. We will deal with it between us. As long as no-one else learns the truth I can protect us, everyone of us même les ombres, cette partie est implicite, irrévocable, il n'est pas question ici de ses préférences personnelles. If it's a family's quarrel we need to learn from it but it can stay inside the family. What do the english say? Don't wash your dirty laundry in public." Mikhail n'est pas certain que ce soit la réponse que sa soeur attend ; c'est en tout cas celle qu'elle obtiendra.