Le studio de Millicent à Londres est bien loin de ce qu'était Bulstrode Cashtal au summum de sa grandeur mais, bizarrement, elle ne s'est jamais plus sentie chez elle qu'ici. Bien sûr, elle adorait le manoir dans lequel elle avait grandit, sa splendeur, sa richesse, son imposante influence qui faisait que les Bulstrode était vu comme des rois à Mann. Mais il y avait une certaine fierté lié à ce studio, venant du fait qu'elle l'avait acheté toute seule, sans l'aide de personne, avec ses économies. Il y avait quelque chose de réconfortant de savoir que quand elle avait sombré et que la grande majorité de ses proches l'avait abandonné ou lui avait tourné le dos, Millicent s'en était quand même sortie - et plutôt bien d'ailleurs - seule. Situé à Bloomsbury, ce studio est devenu le refuge de Millicent loin du nouveau régime, de la guerre, et de son nouveau statut. Ici, Millicent est chez elle et personne n'est là pour la prendre de haut, lui jeté des regards noirs ou dégoutés, ou pour l'insulter. Ici, il n'y a qu'elle, son chat, et son hibou.

En fait, elle a beaucoup de mal à accepter que d'autres personnes viennent chez elle. Seule Ocean est réellement invitée quand elle le souhaite. Perdita passait régulièrement, aussi, mais vu que c'était toujours à l'improviste, elle était plus tolérée que vraiment voulu.

Millicent détestait quand Perdita débarquait chez elle sans prévenir. Elle ne savait même pas comment elle avait eu son adresse et au début, elle avait eu du mal à s'habituer au fait qu'environ une fois par semaine (au début) puis plusieurs fois par semaine (après), quelqu'un venait tambouriner à sa porte alors qu'elle n'attendait personne. Après quelques fois, cependant, elle avait finit par s'y faire, et la peur qui serrait son ventre était simplement remplacer par de l'agacement, lui même très vite teinté d'affection que Millicent avait du mal à enfouir.

Aujourd'hui, pourtant, ces visites à l'improviste - avec toujours de l'alcool et des snacks moldus sous le bras - lui manque. Elle en rêve parfois même, s'endort en imaginant qu'un jour, Perdita viendra à nouveau tambouriner à sa porte pour perturber son calme et Millicent sera trop heureuse pour dire quoi que ce soit. A chaque qu'elle se réveille, cependant, son appartement et désespérément vide et Millicent est rapidement tiré à la réalité. Perdita a été arrêtée et ne reviendra jamais.

C'est pour cela que quand quelqu'un vient soudain frapper à la porte de Millicent, elle croit d'abord rêver. Elle tourne dans son lit et grogne, encore exténuée de sa journée à Damocles. Cependant, les tambourinements ne cesse pas et forcent Millicent à ouvrir les yeux, et se rendre compte qu'elle est bel et bien réveillée.

Agacée et baillant fortement, elle se dirige à contre coeur vers la porte d'entrée et ouvre brusquement la porte, les sourcils froncés. "Quoi ?" elle demande presque agressivement, avant même que ses yeux ne se posent sur la personne venant l'importuner. Quand elle voit enfin qui se tient devant elle, elle le fixe des yeux longuement avant de refermer la porte toute aussi brusquement. Fucking Boris Bagshot.

"Heee, Milli ? J’suis, j’suis pas rentré là… T’as refermé mais j’ai pas eu le temps de rentrer, en fait. Tu sais ce qu’on dit, hein, les vampires ont besoin d’être invités quelque part pour pouvoir entrer…" Pendant un instant, pas si bref que ça, Millicent se demande si elle ne va pas laisser Boris continuer de vociférer pendant des heures devant sa porte pendant qu'elle fait autre chose. Elle pourrait mettre un de ses casques moldus qui sert à écouter de la musique qu'elle s'est acheté récemment, afin de noyer ses beuglements, ou elle pourrait sortir de l'appartement; sa baguette devrait être assez puissante pour lui permettre de transplaner devant son immeuble. Dans les deux cas, elle ne pense pas que ses voisins apprécieront - si elle connait bien Boris, il serait capable de continuer de crier et peut être même défoncer la porte si ce qu'il est venu lui dire est si important. Déjà qu'ils ne semblent pas vraiment l'apprécier - ils la trouvent bizarre - ça ne risque pas d'aider son cas.

Elle n'a aucune idée de ce qu'il fait là, n'attendait franchement pas sa visite après leurs dernières interactions - qui elles même ne sont pas des plus marquantes. Elle a cru l'apercevoir à la Damocles une fois, mais à fait comme si de rien était. A l'époque, elle était encore beaucoup trop honteuse et se cachait des personnes qui la connaissait d'avant. Ensuite, il y a bien spur eu cet après-midi épique de nettoyage que Millicent essayait tant bien que mal d'oublier. Là encore, elle avait fait comme si elle ne le connaissait pas, ou du moins à peine, lui faisant bien comprendre qu'il n'était rien pour elle si ce n'est qu'un agacement constant.

Une part d'elle avait sourit quand elle avait vu le tatouage d'hybride sur sa joue. Un vampire en plus. Le karma était donc venu le chercher. Tant mieux. Dans ses rêves les plus fous, Millicent imaginait que c'était elle qui l'avait maudit.

Quand même... Elle était bien curieuse de savoir ce qui le poussait à se montrer ici... A contre coeur donc, elle se relève de son fauteuil et avance vers la porte, l'ouvrant à nouveau brusquement - Millicent et la délicatesse, ça fait deux - le visage fortement marqué par l'ennui et l'agacement. "Vas-y, entre," elle dit lascivement, en faisant un geste de la main, comme pour le guider à l'intérieur. Une fois qu'il est entré, elle relâche la porte pour la laisse claquer et s'affale sur son fauteuil, sans proposer pas à Boris de faire de même, les mains croisés sur son ventre.

"Qu'est ce que tu veux, Bagshot ?" Elle prend soin de presque cracher son nom - et son nom uniquement - pour lui signifier qu'ils ne sont pas amis. "Tu devrais pas être en train de courir après ton handler comme un bon petit hound à l'heure qu'il est ? Si c'est du sang que t'es venu chercher, tu peux toujours courir. J'en vend que très rarement, très cher, et pas à toi."

Cette fois-ci, c'est sûr, Millicent va devoir déménager. Elle prend note de quand même essayer de sauver les apparences en expliquant, la prochaine fois qu'elle croisera ses voisins, qu'elle a un cousin un peu dérangé, qui a besoin de compagnie pour éviter qu'il ne sombre complètement dans la démence.

En tout cas, Millicent regrette déjà son choix de l'avoir laisser rentrer chez elle. Il y a toujours eu une tension entre Boris et Millicent, à la limite de l'animosité mais toujours accompagné d'une pointe, plus ou moins conséquente, d'affection. Aujourd'hui, cependant, Millicent a du mal à retourner à ça, cette relation qu'ils avaient à Poudlard, quand ils pensaient être les plus malins. Elle l'écoute parler, bien sûr - alors qu'il prend place sur une chaise - mais elle n'a qu'une envie, c'est le frapper. "Alors… déjà, le sang de harpie, c’est un peu dégueu, pour les vampires… rien de personnel, bien sûr," il lui informe et Millicent fronce les sourcils, le regard noir. Rien de ce qu'il n'a à dire, pour l'instant, ne l'intéresse, et elle feint l'ennui, espérant qu'il comprenne qu'il faut qu'il accélère. "Et en plus, si genre, j’en prenais maintenant, là tout de suite, j’peux te dire que j’pèterai les pédales, genre… genre un Greyback sous acide. Mais j’note que t’as dit que ça t’arrivait de vendre… Naaaaan, j’déconne, si tu savais le trafic qui se déroule à la Brigade..."

Si les regards pouvaient tuer, Boris serait déjà mort depuis longtemps (enfin façon de parler, techniquement il l'est déjà, non ?) "Boris..." Millicent souffle, impatiemment. Elle tient sa baguette entre ses doigts et joue avec la bague de restriction qu'on y a placé le jour où sa vie à basculer.

"Figure-toi que j’veux rien en particulier… Enfin si, genre, j’veux savoir eeh- comment ça va ? Genre ton boulot, comment ça se passe ? … Vous avez encore des élèves à la Damo’ ? Nan parce qu’avec tous ceux qui se sont enfuis l’autre fois…"

Millicent a toujours su que Boris est bas de plafond mais là, ça bat vraiment tous les records. Elle lui jette un regard incrédule, presque insultée par sa tentative de conversation. "Tu plaisantes là. T'as cru quoi ? Que parce que maintenant toi aussi t'es un rebus de la société je vais t'accueillir chez moi les bras grands ouverts et qu'on va parler de nos petites vies en se faisant des tresses comme si de rien était ?" Millicent niera toujours tout en bloque mais se sentir abandonné par tout ces amis, Boris y compris, l'avait profondément blessé à l'époque. Ce rejet, de la part des gens qu'elle avait toujours pensé mieux que les autres, avait laissé une plaie qui n'avait jamais vraiment cicatrisé. A Poudlard, Millicent savait pertinemment comment les gens la voyais. Ironiquement, plus d'une personne l'avait déjà traitée de harpie avant qu'on se rende compte de la véracité de ces propos. Mais ses amis... Et bien, elle pensait que c'était différent... "Non mais tu m'as prise pour qui ? Une poufsouffle ? Toi et moi, on va pas faire ça, jouer les copains-copains juste parce que plus personnes ne veut de nous..."

Millicent ne lâche pas une seule fois des yeux Boris pendant qu'il parle. Elle le fixe de son regard noir, pas forcément en cherchant à le maudire mais dans l'état d'esprit que si, par mégarde, cela arrivait, ça ne serait pas trop grave. Au moins, elle en serait un peu plus sur cet aspect de sa condition. Elle l'entend trébucher sur ses mots mais ne dit rien, le laisse parler, préférant ne pas se précipiter. Elle a la ferme impression d'être dans une position dominante et il est hors de question de perdre pied. Pas face à Boris. Pas alors qu'elle retrouve un peu de son pouvoir d'antan pour la première fois depuis des années. Ses doigts continue de jouer avec sa baguette. Elle espère que ça lui donne un air terrifiant.

En soit, Boris n'a pas tord, et Millicent déteste ça, a toujours détesté sa capacité de frapper là où ça fait mal. Il la connait très bien, a toujours lu en elle comme dans un livre ouvert. A une époque, cela ne dérangeait pas Millicent. C'était presque rassurant d'avoir un ami comme lui, qui la connaissait par coeur, qui connaissait tout ces défauts, toutes ses - nombreuses - imperfections, et qui l'appréciait quand même, qui l'appréciait pour elles. Ce serait mentir de dire qu'elle ne se sent pas seul. Mentir aussi de dire que Boris ne lui manque pas. Boris est peut être l'un des seuls amis dont elle n'a jamais douté l'affection, peut être parce qu'il a toujours été cent pour cent sincère avec elle, honnête dans son malhonnêteté, sa désinvolture, et son irrévérence. Après tout, qui se ressemble s'assemble, pas vrai ?

Boris occupe l'espace du petit studio de Millicent comme si c'était une scène et cela n'a rien de bizarre. Il a l'air d'être comme chez lui et petit à petit, malgré elle, Millicent sent sa posture se détendre, son regard s'adoucir, et sa vulnérabilité refaire surface. Elle souffle, soupire, et puis décroise les jambes, adoptant une posture plus soumise que dominante, en posant ses coudes sur ses genoux et en abaissant sa tête, le buste légèrement penché en avant, les yeux rivés au sol. "Tu saoules, tu sais ça ?" elle dit d'abord, plus au sol qu'à Boris, avant de lever les yeux pour le regarder. "Je supposes que je peux difficilement te reprocher quelque chose que j'aurais sans doute fait aussi, si nos rôles avaient été inversés... Je compte bien te le faire payer par contre," elle se précipite d'ajouter, mais son ton est plus joueur que venimeux. "Je sais pas encore comment mais je trouverais. Crois pas que tes nouvelles dents ou ton nouveau régime alimentaire me suffise. Malheureusement, ce n'est pas mon oeuvre. Je saurais même pas comment procéder..." Elle fait une pause puis se détend, son dos contre le dossier du fauteuil, invitant Boris à prendre ses aises. "Tu veux me raconter comme tu t'es retrouvé dans cette galère ? T'avais pas la chance comme moi d'être né avec cette galère alors t'es allé t'en chercher une tout seul comme un grand ?"

Plus ça va, plus Millicent se rend compte que pardonner et refaire un peu de place aux gens de son ancienne vie fait aussi partie de sa reconstruction. Angelina en est le premier exemple et Boris visiblement le second. C’est difficile, ça fait mal, et ça a un peu le goût de la défaite, mais c’est aussi l’équivalent d’un poids qui se lève de sa poitrine, une page qui se tourne enfin. Toute sa vie, Millicent a accordé beaucoup trop d’importance, de temps, et d’énergie à la haine, la colère, et la rancune et maintenant que Perdita n’est plus dans sa vie, elle se sent obligée de faire les efforts elle-même, comme pour compenser. Elle n’est pas sûre que Boris soit la meilleure personne pour bénéficier de cet élan de bonté mais, d’un autre côté, il est là lui. C’est déjà un excellent début.

"Et beh, c’est bien la première fois qu’on m’sort que mes dents et ma bouffe sont « pas suffisants » ; d’habitude c’est genre… ouais c’est grave suffisant pour me tej, quoi..." La mâchoire de Millicent se serre à ces propos et elle regarde ailleurs, essayant de canaliser la colère qu’elle ressent. Elle en a voulu à ses amis - à Boris et tous les autres - leurs a souhaité les pires trucs, mais maintenant qu’il est face à elle et qu’elle a la confirmation qu’une partie de son vœu à été exaucé, elle ressent le goût amer de la déception. Cela ne ressemble en rien à une victoire. Bien au contraire.
 
"Je veux bien te croire," elle répond, abandonnant définitivement son faux air amusé et taquin. Depuis qu’ils se connaissent, Boris et Millicent se sont toujours mieux compris que les autres. Deux des élèves les plus piquants, les plus cinglants de leurs maisons respectives, ils savent aujourd’hui mieux que personne ce que l’autre traverse. Le revers de la médaille. Le karma qui ne fait pas de cadeau. l'arroseur arrosé. "Je crois qu’on appelle ça la justice poétique ?" elle ironise à son tour, un sourire sans joie se dessinant brièvement sur ses lèvres.

"Nan là j’t’avoue, j’suis rien allé chercher, c’est venu à moi tout seul comme un grand… Nan, si j’avais dû à choisir, je sais pas, j’aurais pris un truc sexy, genre, me faire mordre par de la poiscaille, tu vois… Mais nan, nan, il a fallu que ce soit une sangsue qui m’tombe dessus… Genre, un soir, comme ça que j’rentrais… Bah il devait faire soif pour monsieur et bim. Rien de bien glamour, quoi." Millicent écoute attentivement le récit - si on peut appeler ça un récit - de Boris, soudain piquée par une réalisation décevante. Même si elle essaye de se réconforter en se disant que son compère de toujours la rejoint finalement - enfin - en bas de la chaîne, au final, elle comprend que ce n’est en rien la même chose. Pour Boris, ce n’est au final qu’un coup de malchance, l’histoire typique du gars au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle, par contre, c’est dans son sang, dans ses gènes. C’était sa destinée depuis le départ. Boris est devenu un vampire. Elle, elle est née harpie. Et si pour beaucoup ça ne fait aucune différence, pour elle, ça n’a rien à voir.

"Bon, du coup, c’est quoi les bons plans à connaître ? Y’a des soirées spéciales pour hybrides ? Des colloques harpies ? Des clubs échangistes hémovores ? Fais-moi saliver, un peu…"

Millicent se lève et se dirige vers l’espace cuisine du studio, ayant soudain besoin d’un grand remontant. Sans vérifier que Boris peut toujours boire de l’alcool - elle, sa spécialité, c’est les créatures magiques, pas les hybrides (ça aussi il y a une différence) - elle sort de son frigo deux bouteilles de bières moldues et en pose une devant Boris avant de boire une longue gorgée de l’autre. "Si c’est le cas, j’ai peur de pas être invitée," elle répond honnêtement, sans prendre la peine de lister toutes les raisons pourquoi. Ils savent tous les deux pourquoi. "Il parait que y a des bars clandestins, des trucs dans le genre, mais je t’avoue que j’ai pas trop eu la tête à ça depuis..." elle répond sans finir sa phrase, le triangle vert marquant sa joue le faisant pour elle. "On raconte aussi que certaines personnes ont décidé de se faire du fric sur nous en organisant des combats d’hybrides," elle ajoute en crachant presque le mot, le concept la faisant bouillir de rage. "Histoire qu’on oublie jamais qu’il y a des sous-races et qu’on en fait partie."