Mi-mai 2007, peu après l’arrestation d’Edmund Grant. // @Lance Farrow

La rumeur a enflé dans les couloirs de la Justice Magique. Suffisamment du moins pour que Myrthild l’entende en tendant simplement l’oreille et obtienne confirmation des racontars. Un peu glacée par la confirmation, inquiète et cherchant à ne surtout pas le montrer, serrant fort la boussole dans la poche secrète de la robe sombre qu’elle portait aujourd’hui, la Métamorphomage réussit à ne rien laisser paraître sur son visage fermé, et se contenta de traverser l’étage pour arriver dans le secteur du Bureau de Recensement des nés-moldus. Faisant peu de cas des quelconques employés, elle frappa à la porte du bureau du responsable du sous-Département et, sans attendre qu’il l’autorise, entra avant de refermer la porte derrière elle. Le tout s’était fait de façon fort fluide et jamais personne n’irait soupçonner quoi que ce soit d’étrange ou de louche dans pareille démarche. Après tout, une sang-pure pouvait faire ce que bon lui semblait, à la différence des sangs-mêlés qui avaient bien moins de latitude.

Sans s’encombrer d’une quelconque salutation, la brune articula simplement : « Fancy a smoke? I know I do. Or better, it’s half past 3, let’s call it a day and get some fresh air. » Elle ne parle pas très fort, elle ne force pas beaucoup, mais Lance saura qu’il y a un problème. Et comme elle l’avait prévu, parié, jamais douté, le temps qu’elle ressorte pour aller récupérer ses affaires dans son bureau, elle se retrouve côté moldu, à fumer des Lucky Centaurs, bientôt rejointe par son vieil ami. D’un mouvement vague de la main, elle lui indique une allée passante à l’écart de la sortie classique du Ministère.

Ce n’est qu’une fois qu’ils sont un peu éloignés d’une éventuelle trajectoire sorcière, mêlés aux Moldus ignorants, qu’elle peut parler plus librement. « Did you heard about Grant, getting arrested? Dark-haired, sad-looking guy, doing administrative chores for Flint? He got arrested this morning apparently. » elle inspire une taffe de sa cigarette et souffle lentement un long filet de fumée qui reste statique et normal pour le commun des mortels : « I believe it wasn’t really Grant that got arrested, but our little Maxwell who stole his looks... » sourire gêné, presque conspirateur, tandis qu’elle guette les réactions de Lance, histoire de voir s’il l’avait également croisée, par un hasard assez rieur.

Kelécenomdeship:

Le sorcier n’a même pas eu le temps de grogner un « Come in » ennuyé que la personne qui frappait à la porte de son bureau y était déjà entrée, et que celle-ci s’avérait être Myrthild. Avec une proposition très intéressante - il est toujours partant pour moins travailler - et très louche. Le brun a tout simplement plissé les yeux de doute, comme pour tenter de lire dans la tête de sa meilleure amie, et lâché un « Alright » comme toute acceptation. Le temps de ranger ses dossiers d’un coup de baguette et d’attraper sa cape et c’est parti. « The office’s yours », lance le Farrow à Hestia, qui lui fait un simple signe de la main pour lui indiquer qu’elle a compris. Qu’elle sait aussi sans doute très bien que son supérieur n’est pas appelé hors du bureau sous un quelconque prétexte professionnel, alors qu’elle sait bien que Myrthild et lui sont bien plus amis que tout ce qu’ils laissent paraître. Elle a connu leur inénarrable duo, après tout, pendant toutes leurs années communes aux Accidents et catastrophes magiques. Il n’a pas encore les pieds hors du Ministère de la Magie qu’il s’est déjà allumé une cigarette, et il est rendu à la moitié de ladite clope lorsqu’il retrouve la Travers au point de rendez-vous habituel.

C’est intrigué qu’il la suit plus profondément du côté moldu, aussi loin que possibles des oreilles indiscrètes, devine-t-il - même s’ils doivent toujours rester prudents. « Did you heard about Grant, getting arrested? Dark-haired, sad-looking guy, doing administrative chores for Flint? He got arrested this morning apparently. Small bloke with a rat face ? Yeah, I think I know him. Une bouffée de sa propre cigarette, ses sourcils qui se froncent dans son front au souvenir vague qu’il a de… Edward ? Eddie ? Grant, collègue peu notable de son département. Looked more like a bore than a troublemaker to me, tho. » Même si être arrêté ne veut absolument rien dire, à propos de tout le trouble effectué. Grant peut aider s’être révélé un peu trop amateur de sauteries homosexuelles que Kingsley Shacklebolt lui-même, ou tout simplement avoir entendu la mauvaise conversation, au mauvais moment. Tout est possible et Lance le sait, autant que son amie. Puis, lui, il n’a rien entendu, à son bureau, à propos d’une quelconque arrestation… ce n’est pas exactement son département.

« I believe it wasn’t really Grant that got arrested, but our little Maxwell who stole his looks... » Une vague glacée semble s’abattre sur lui. Le visage figé dans une expression incrédule, sous les pupilles attentives de Myrthild. Il ne lui a rien dit de sa rencontre avec la Métamorphomage. Elle ne peut pas le mentionner comme ça, au hasard. Pas alors qu’il l’a revue il y a bien peu. Est-ce un piège ? Putain, est-ce que c’est Max, tient, sous les traits de Myrtle, juste là ? Ou quelqu’un qui tente de lui soutirer des informations quelconques ? « Max ?, répète-t-il sans y croire, sans non plus croire à ses propres théories du complot. Did you, did you see her ? Did you talk to her ? » Il veut qu’elle se trompe. Se dire que Max n’a pas été aussi conne, pas au point d’entrer, de revenir, au Ministère de la Magie, et que si elle a été arrêtée… il ne veut même pas savoir. Tout en voulant terriblement savoir.

Si elle commence doucement, tranquillement, et prépare le terrain aussi bien qu’elle le peut, c’est qu’elle est sure de ce qu’elle avance. Et les questions de Lance attirent sur lui le regard pénétrant de son amie, la brune le scrutant comme elle ferait face à un amas inextricable de runes qu’elle chercherait à tirer au clair. Elle hoche la tête, affirmative aux deux questions tombées en cascade, et précise : « I made her, on a casual afternoon break, a couple of weeks ago. She was already using his face as a disguise... » Coup d’œil alentour pour l’inviter à traverser la rue au passage piéton, comme deux mordus normaux cherchant à rejoindre un endroit en particulier. Elle avait appris à rester en mouvement lorsqu’il s’agissait de discuter de choses critiques, de sorte à ne pouvoir être écouté avec constance. « You see -sorry- even while wearing his face, she was still biting those fucking fingernails of hers, so I guess it triggered some thing in me. » Un instinct, pas loin du maternel, pas loin de la reconnaissance qu’on peut avoir, immédiate et viscérale, lorsqu’on reconnaît un des siens.

Arrivés désormais dans une artère passante et fourmillant de Moldus, de véhicules motorisés et de cyclistes, ils se fondent dans la masse pressée, se dirigent sans but, avancent toujours, mais ça n’empêche pas la maître runiste de regarder parfois dans les vitrines qu’ils longeaient, juste pour être sure. S’arrêtant pour laisser passer les voitures, elle jette son mégot dans le caniveau comme tant d’autres avant elle avaient fait, et darde ses prunelles sur le visage de Lance, pour profiter de la pause sans avoir besoin de faire attention à où elle se trouve : « Short story is: she had some thing she wanted to do, in the Ministry. She didn’t tell me what, but it was clear it was terribly risky -how surprising of her, right? » Un sourire, qui pourrait être fier si la situation n’avait pas soudainement capoté, étire brièvement les lèvres de Myrthild, dont les billes voguent de la bouille familière de Farrow vers les feux de signalisation, et tandis que le feu passe au vert et qu’ils s’engagent sur le passage clouté, elle achève son récit : « Anyway, I felt I had to do something to help her not her caught... so I tattoed a rune for luck on her... but it surely backfired so I’m wondering whether I somehow fucked up... » Elle pousse un soupir las, accompagné d’un sourire dépité qui ne fait bouger que le bas de son visage, puis elle l’interroge en retour : « you don’t seem as surprised as I thought you’d be... Did you see her afterwards? »

« Helga’s pants she’s dumb », qu’il grogne, presque suppliant, se massant les tempes d’une main, tandis que de l’autre, il est déjà occupé à se sortir une autre cigarette. Prêt à l’allumer sur le mégot de celle qu’il fume à la vitesse de l’éclair, accablé par la nervosité et les confessions de sa meilleure amie à propos de Max.
Cette petite conne de Max.
Elle s’est bien gardée de lui dire que son excursion sous la tête de Smith Smith (quel nom à la con) n’était pas sa première frasque. Que probablement que toutes les autres fois où il a croisé Grant à la cafétéria du Ministère, ou dans les couloirs de la Justice magique, c’était elle, sous son regard larmoyant et nerveux. Depuis les dernières semaines. Les derniers mois ? « Short story is: she had some thing she wanted to do, in the Ministry. She didn’t tell me what, but it was clear it was terribly risky -how surprising of her, right? » Et non seulement elle y est revenue, mais c’était pour y faire… peu importe ce qu’elle voulait y faire.

Lance se cale sa seconde clope entre les lèvres avant même de jeter l’ancienne, incapable de garder plus longtemps un air faussement détaché. Définitivement troublé, même, alors qu’il tente de se concentrer sur les feux de signalisation, les trottoirs et les moldus, pour ne pas penser à Maxwell. Max et son plan dangereux. Max et sa rune de chance. Max qui en a manqué, de chance. « You don’t seem as surprised as I thought you’d be... Did you see her afterwards? C’est à lui d’afficher un ersatz de sourire gêné, le regard fuyant. Fixé sur les bâtiments de Londres. Funny thing… I did see her. » Il n’est pas prêt à lui dire tout de suite pourquoi il a vu la sorcière. Myrthild est une Forefinger, n’est pas dans les petits papiers de tous ce que les Black Hands peuvent bien faire, et il n’est pas là pour trop en révéler. Lui dire que Max voulait s’acheter un flingue et que non content de lui en fournir un, la Travers y a participé, bien malgré elle. Les runes engravées sur le métal froid et meurtrier, un cocktail de sa création, après qu’il ait laissé des instructions claires sur ce qu’il désirait atteindre avec cette arme en particulier. Ça, et ensuite d’autres malices dont elle ne sait rien.

« Why was “Grant” arrested ? Il ne veut pas savoir. Il doit savoir. Did someone else recognize her ? » Peut-être pas, comme Myrthild, parce qu’elle s’est rongée les ongles en plein Ministère de la Magie, mais pour… mille autres raisons. La magie qui déconne, un Legilimens trop curieux, un Grant qui soudainement parle avec la voix de Seonag Maxwell, a les cheveux de Seonag Maxwell, a le visage de Seonag Maxwell. « She’s so dumb. » Un peu de désespoir, dans sa voix, alors qu’il se répète.

A l’image de Lance, Myrthild reprend une cigarette, pour s’occuper les mains, se donner une contenance, lutter contre l’insupportable impression de n’avoir rien pu faire pour Maxwell et d’être, en partie, responsable de son échec, et surtout de sa capture, quand bien même elle n’y est pour rien. Néanmoins, lorsque Farrow feint de s’intéresser au décor autour d’eux, Myrthild sent qu’il y a davantage qu’elle ignore encore. Surtout lorsqu’il reconnaît l’avoir effectivement vue entre-temps et qu’elle manque de piler net alors qu’ils sont pris dans le flot de Londoniens pressant le pas pour passer d’un arrêt de bus à une bouche de métro. Pour autant, elle maintient l’allure et ils contournent l’entonnoir vivant pour continuer dans un secteur un peu moins fourni.

Il revient à Grant, et elle suppose qu’elle n’en saura pas plus de cette fameuse entrevue entre le Middle Finger et la Métamorphomage : prête à parier que ce n’est pas en qualité de directeur du bureau de recensement des nés-moldus que Maxwell était venue rendre visite à Lance, cela dit. « I don’t know why. I overheard two women talk about it, saying Grant was dragged out of Flint’s office by members of the Magical Police and Hit Wizards. » Elle soupire,tandis que Farrow peste contre la stupidité de celle qui les inquiète tous les deux. « I think she managed not to lose his looks. That’s one good thing, at least. » Elle hausse les épaules et tire sur sa clope tandis qu’ils arrivent en vue d’un parc encore ouvert puisqu’il est plutôt tôt pour une journée de travail. Prenant le bras libre de Lance, elle l’entraîne dans Hyde Park, et ils finissent bientôt par se poser sur un banc, dans un coin un peu plus isolé de l’espace vert, loin du tumulte des passants et des touristes, ponctuellement dérangés par un joggeur faisant son tour quotidien en petites foulées. Se passant une main dans les cheveux un bref instant, Myrthild reprend ensuite sa cigarette et en fait tomber les cendres, avant de regarder un pigeon qui se rapproche d’eux en roucoulant, suspicieuse soudainement : « Tell me, do we know someone at the ministry who could change themselves into a filthy bird? It sure looks at you as if it knew you, I mean... » Mais avant qu’elle puisse faire un geste, l’oiseau prend son envol et rejoint un autre groupe de volailles qui picorent le pain dur semé par une vieille femme, Moldue de toute évidence, assise à plusieurs dizaines mètres de là. « Mh, nevermind... Anyway, nobody said anything about catching a wanted felon, so I guess Grant’s mischief is seen as a... well maybe a breakdown or anything ? I still don’t know what they did with her. Do you think you could perhaps find out? » C’est que tu n’es pas prête à envisager l’autre possibilité, si elle n’est plus au Ministère et tes yeux sont voilés un instant par la fumée que tu exhales.

De Flint.
Du bureau de Flint.
Ils ont sorti “Grant” du bureau de Roy Flint, de tous les bureaux qui existent au Ministère de la Magie.

« I think she managed not to lose his looks. That’s one good thing, at least. Is it ? », qu’il raille sombrement, alors qu’en ce moment, il ne voit absolument pas en quoi ça peut être un avantage. Peut-être seulement celui que le Ministère de la Magie ne mettra pas en place des mesures encore plus intrusives pour contrôler ses employé.e.s… quoique, Max est allée tirer du putain de flingue dans le bureau de Roy Flint, et bien que l’arme à feu se soit ensuite réduite en poussière, elle n’en a pas moins existé sous les yeux du Mangemort. L’immense merde dans laquelle elle s’est mise passant à peine au-dessus de celle dans laquelle elle aurait pu mettre les Black Hands, si le Middle Finger n’avait pas pris ses précautions avec le joujou qu’il lui a refilé.
Il a vendu une arme à feu à Maxwell et elle en a tiré dans le bureau de Roy Flint.

Lance se laisse docilement entraîner par Myrthild jusqu’à Hyde Park, grande silhouette à l’expression un peu hébétée. Sur le banc, il pense à Max (à leur propre discussion sur un banc de parc), à son sourire (et comme elle était ravie de lui dire qu’elle mangeait ses légumes), à son sérieux lorsqu’il lui a montré à tirer. Il ne voit même pas le pigeon repéré par sa meilleure amie, ses yeux bleus vissés sur le sol, comme vides. L’attention soudainement retournée à Myrthild lorsqu’elle reprend la parole : « Mh, nevermind... Anyway, nobody said anything about catching a wanted felon, so I guess Grant’s mischief is seen as a... well maybe a breakdown or anything ? I still don’t know what they did with her. Do you think you could perhaps find out? Il se gratte la moustache, sa barbe qu’il devrait raser, pensif. I could… I could see if someone knows anything. » C’est de plus en plus difficile de savoir ce qui arrive aux prisonniers et aux criminels (et aux honnêtes gens) qui se font capturer. Certains disparaissent, tout simplement, d’autres rejoignent Azkaban avec plus ou moins de procès, et bien trop s’évaporent dans l’air, comme s’ils n’avaient jamais existé. La possibilité que Seonag Maxwell disparaisse, emportée par sa propre mascarade, est effrayante. Et encore : il ne sait (plus) rien à propos des Battues. Il ne soupçonne même pas que la vérité est bien plus grave.

Le silence est inhabituellement lourd, alors que l’homme ne sait pas exactement comment faire son propre aveu. Parce qu’il le fera. Il a besoin de le faire. Pour expliquer sa demande, ensuite, ce qu’il a absolument besoin de savoir, maintenant qu’il sait que c’est Flint, que Seonag avait dans le viseur. Et maintenant qu’il y pense, c’est si logique. Si évident. « She wanted a gun. Un murmure rauque. The one you worked on recently. Elle fera le lien. Se rappelera des chemins complexes de runes qu’il a exigé, pour ce bijou particulier. Et elle ne sait pas tout. She’s so dumb. »

Il a eu si peur, pour elle.

La voix de Lance est affreusement sérieuse, dans la demande qu’il fait à la Travers : « I need you to find out if Flint was hurt. Il tourne la tête pour accrocher son regard vert. Even a little. A scratch on the arm. Anything. » Par tous les grands sorciers, faites que celui-ci ait été blessé, qu'une balle, une seule, ait déchiré sa peau, que le sang est coulé, perlé. Il ne demande presque rien. Qu'une blessure, aussi infime soit-elle.

Elle regarde au loin un instant, pour essayer de se sortir de la tête l’éventualité pernicieuse qui est en train de ramper jusqu’à son cerveau. Que si Maxwell n’est pas passée devant le Magenmagot, c’est qu’on a peut-être décidé de transférer immédiatement Grant à Azkaban, ou à Gracefield. Ou qu’on l’a descendue dans le niveau du Département des Mystères, ce qui n’augure rien de bon non plus. Elle reprend une taffe et hoche la tête alors que Lance confirme qu’il pourrait se renseigner.

Ils se taisent.
Le silence les enveloppe dans une chape de plomb.
Chacun face à ses regrets et ses inquiétudes.

Myrthild essaie de se dire que si elle s’inquiète pour Seonag Maxwell, c’est parce que cette petite conne pourrait révéler un peu trop de choses à son sujet, même si elle n’a rien confirmé directement. Elle sait d’avance qu’elle risque d’avoir une convocation de la BPM puisque l’entrevue qu’elle a pu provoquer avec « Grant » n’a pas été d’une discrétion absolue, même s’il y a bien deux semaines qu’elle ne l’avait pas croisé de façon durable. Heureusement que ce genre de mouvement d’humeur -s’en prendre à un gratte-papier de l’administration du N2- n’est pas quelque chose d’inhabituel pour elle, tandis qu’elle continue de cultiver ponctuellement cette image de reine des glaces peu affable.
En vérité, au fil des années à la guider sur le droit chemin (qu’elle a quitté dès qu’ils ont eu le dos tourné, il faut croire), Myrthild s’est attachée à Seonag. Et puis, la voir là, à faire des choses particulièrement risquées, tout en sachant qu’elle allait au casse-pipe, disons que ça l’a rendue fière, paradoxalement.

La voix de Lance la ramène à l’instant présent, tandis qu’il lui transmet une information qu’elle n’avait pas. « She wanted a gun. » Elle tourne brusquement la tête vers son voisin de banc, interdite, commençant à se demander si— « The one you worked on recently. - Well, fuck. » sont les seuls mots qu’elle laisse échapper alors qu’elle se souvient de comment il l’a tannée pour qu’elle améliore ce pistolet, en urgence, avec toutes les précautions du monde. Il avait fallu le rendre silencieux, sans bout de ferraille supplémentaire ; bien encrer (graver même) les sorts de non-détection et d’invisibilité ; et surtout, la partie la plus complexe à entériner par le biais d’un enchevêtrement de runes imbriquées, le fait qu’il devait se réduire en poussière une fois vidé de ses balles (explosives d’ailleurs). « She’s so dumb. » répète-t-il et Myrthild l’observe avec des yeux ronds, avant de soupirer un « We’re so fucking dumb. »

Est-ce que ça aurait changé quelque chose, que de savoir que c’était pour Maxwell qu’elle enchantait ce putain de pistolet ? Elle avait fait tout ce qu’elle pouvait pour que l’objet devienne un artefact qui réponde au cahier des charges que lui avait donné Lance. Elle n’aurait rien changé si elle avait su, et c’était ce qui la rassurait, au plus profond d’elle-même. Un soupir, léger, de soulagement, accompagne la fumée de cigarette qu’elle exhale de nouveau. Et puis les billes de Farrow s’accrochent aux siennes et elle sait que ce qu’il va lui demander est capital, avant même d’entendre sa voix d’un sérieux à faire pleurer les pierres. « I need you to find out if Flint was hurt. Even a little. A scratch on the arm. Anything. » Putain, mais qu’est-ce qu’il a fait encore ?, songe-t-elle en fronçant légèrement les sourcils, constatant qu’il y a une chose qu’elle ignorait sur le flingue, qu’il avait peut-être modifié après qu’elle l’a amélioré. « What the… No, don’t tell me. », s’interrompt-elle d’un coup, alors qu’elle allait demander ce qu’il voulait vérifier plus allant. « I’ll find out., lui promet-elle, en hochant la tête brièvement. I’ll also try finding her… Tomorrow. Et de souffler : No, fuck, this is fucked up. Et de se relever, incapable de rester davantage en place maintenant qu’il y a cette question en suspens. I need to know now so, I’ll go back to the Ministry. Somebody must know something. I’ll come by in your office tomorrow morning with a goddamn answer, or so help me Merlin. » Elle le regarde, l’œil vif et agité : « D’you need anything before I go? A hug or something? » Elle aurait bien besoin d'un câlin là, peut-être, parce qu'elle a peur, soudainement. Peur de ce que ça peut vouloir dire, si Flint est blessé. Peur qu'ils soient allés jusqu'à embarquer Grant pour le buter.
Va falloir qu'elle se renseigne aussi sur les prochaines Battues.

Bien sûr que Myrthild a raison. Ils sont deux idiots, deux imbéciles qui n’ont rien fait pour retenir Max, qui l’ont même soutenues dans ses efforts, en se doutant très bien de la dangerosité de son entreprise. Ils ont tous les deux vu une traître et au lieu de la dénoncer, d’être les deux bon citoyens qu’ils prétendent être à chaque putain de jour, ils ont fermé leur gueule. Et maintenant, Merlin les garde, ils s’inquiètent pour elle. Pas pour leur propre cul, comme ils le devraient, pas pour ce qu’elle pourrait révéler si les Mangemorts brisent les barrières de son esprit, pour elle.

Il sait toutefois la surprendre avec sa demande. L’inquiéter, peut-être aussi, alors qu’elle ne sait pas à quoi s’attendre, ne sait pas pourquoi cette demande pressante et sérieuse, comme si sa vie en dépendait littéralement. Elle lit dans les yeux clairs de Lance toute l’anxiété qui monte, peu à peu, qui envahira bientôt la large silhouette dans son entièreté, l’esprit qu’il a construit pour être imperméable à toutes ces choses et qui, il se rend bien compte, ne l’est pas du tout. Elle lit, et elle devine, et elle évite de demander ce qu’il en est vraiment. De toute façon, le Farrow n’a pas envie de lui mentir, tout comme il n’a pas envie de lui avouer.
Il a passé un marché, qui jouera un jour contre lui, et il est incapable de le regretter.
La Travers soulage un peu de cette anxiété croissante, de son « I’ll find out » décidé, où le demain se transforme en maintenant, en un battement de coeur, alors qu’elle est aussi tourmentée que lui par le besoin de savoir. Et encore, lui ne sait pas que Maxwell a pu souffrir d’un sort bien pire qu’Azkaban, ou la simple exécution. Lance sait seulement qu’en attendant le lendemain matin et la visite de sa meilleure amie à son bureau, sous prétexte d’un café et d’une autre pause inutilement longue, il ne dormira pas de la nuit.

« D’you need anything before I go? A hug or something? A hug would be nice. » La voix grave est cassée, cache mal un trémolo involontaire. Il attrape la brune entre ses bras sans attendre, la serre aussi fort qu’il le peut, quitte à l’étouffer dans l’étreinte (et ça aussi ça le fait penser à Max, sur un banc de parc, et à son rire, et ses yeux se remplissent de larmes idiotes alors que son idiot de souffle se coupe idiotement). « Thank you for telling me. » Il renifle, se recule un peu, avant de tout à fait pleurer. Ça ne réglera rien. Rien de ce qu'il a fait, rien de ce qu'il craint, de ce qu'il tente de chasser dans des blagues nulles, parce que Lance Farrow ne sait toujours pas parler de ses sentiments. « You’re right. We’re the dumb ones. Il rit un peu, tout aussi mal, et ça ressemble à un sanglot, à peine sans les larmes écrasées dans les rides de rire aux coins de ses yeux. Where did we go wrong with this one, huh ? » Ou peut-être, plutôt : how did we do so right ? Parce que merde.

Lui aussi, il en est fier.

« A hug would be nice » lui répond-il, avant de la serrer fort contre lui, tandis qu’elle répond de la même manière à l’embrassade. Ça la rassure, dans un certain sens, de ne pas être seule à faire face au désarroi le plus total qui l’étreint à l’instant présent. Inquiète pour leur protégée, cette gamine Métamorphomage qu’ils avaient vu grandir, qu’ils avaient dû gérer à plusieurs reprises, la plupart du temps pour des conneries, elle constatait que Lance, derrière ses airs bourrus et ses rires forcés, était tout aussi impacté qu’elle, signe qu’il s’était également attaché à cette fouteuse de merde qu’était Seonag Maxwell. Loin pourtant d’elle l’idée de se moquer de son vieil ami, qui reprenait : « Where did we go wrong with this one, huh ?, à quoi elle répondit par un haussement d’épaules, un sourire en coin un peu forcé et un reniflement, avant d’articuler : This clearly didn’t come from my side of the family, ah! » comme s’il n’avait pas pu assister de ses propres yeux au chaos qu’était la réunion de plusieurs sangs-purs chez les Travers...
Une pression sur l’épaule de Lance, quelques mots encore, un « Take care of yourself, will you? » puis elle s’éloigne à grands pas, sa longue cape sombre flottant dans son dos comme certaines gravures de mode moldues de l’époque.


Le lendemain, tôt le matin, elle intercepte Lance dans le hall du Ministère. Elle n’a pas dormi de la nuit, mais a préféré lui foutre la paix en supposant qu’il avait sans doute trouvé comment occuper sa soirée. Arrêtés au pied de la statue de la puissance magique, elle tient dans les mains un exemplaire du Daily Prophet, comme pour en commenter un article en particulier, mais parle de tout autre chose, prudente quant aux oreilles qui pourraient traîner : « He’s taken a hit., annonce-t-elle comme si elle parlait d’un match de Quidditch. Didn’t kill him  though. Elle soupire, parce qu’elle n’a pas encore réussi à repérer si Maxwell/Grant avait été descendu au niveau 9 et que ça l’angoisse. Did you manage to get so sleep ? I’ve started reading again the Chronicles of the Sunken Valley, which means this was definitely a shitty night, let me tell you... » Elle s’interrompt un instant, arrêtant là un éventuel commentaire sur le premier tome de la saga débutée vingt ans plus tôt par une romancière sorcière à succès ne cherchant pas vraiment à faire des efforts dans le développement d’idées progressistes, tandis que des bruits de pas un peu plus forts que d’autres signalent le passage d’un attroupement (une délégation diplomatique qui semble se diriger avec entrain vers les ascenseurs, aux saris chatoyants, accompagnée par une interprète qui semble adresser un regard en biais à Lance, sans pour autant s’arrêter).

Dès le moment où il a aperçu Myrthild dans le hall du Ministère de la Magie, ses yeux clairs ne l’ont pas quittée, et la nervosité est revenue. Elle n’est jamais partie, soyons honnêtes, mais la simple vue de sa meilleure amie a fait s’agiter son coeur dans tous les sens et son estomac remonter jusque dan sa gorge. Sa haute silhouette se courbe pour regarder l’article qu’elle lui pointe dans le Daily Prophet, le regard fixé sur les pages du journal sorcier, mais les oreilles, elles, attendent le verdict. Parce que si elle est là, si elle l’arrête, si elle lui parle, c’est qu’elle sait quelque chose, non ? « He’s taken a hit. Les sourcils haussés bien haut dans son front, presque jusqu’à rejoindre la ligne de son scalp qui recule lentement, mais sûrement, à chaque année. Elle l’a touché. Max a réussi à toucher Flint. Si elle vient à le savoir… elle pourrait prétendre que c’est grâce à la Super Nes. Ce qu’il ne donnerait pas pour l’entendre le dire, d’ailleurs. Didn’t kill him though. Doesn’t matter. » Il grogne, pour cacher le soulagement qui dénoue un peu ses épaules, à l’idée que Flint ait été blessé. Le sentiment si fort que si on venait à lire dans son esprit, à plonger son regard dans les couches collantes de ses émotions, il ne pourrait rien en cacher, comme si c’était lui-même qui avait vidé son chargeur sur lui.

Tout ça n’a pas servi à rien.
Il n’a pas fait tout cela pour rien.
Maintenant, il suffit simplement de faire ce qu’il sait faire de mieux : être patient. Très patient. Très attentif. Rentrer la tête dans les épaules, filer droit, se taire et observer, très patiemment, très longuement.
Il doit bien ça à Seonag.

De derrière son oreille, il récupère sa cigarette, et en quelques secondes, inonde l’intérieur du Ministère de la Magie de l’odeur âcre et sucrée des Black Jealousy. À la question de la Travers, un hochement de tête négatif ; et ses yeux, eux, n’avisent même pas la silhouette de Selket un peu plus loin. « I didn’t sleep », qu’il commente vaguement, alors qu’il a encore les mêmes vêtements (heureusement suffisamment propres) que la veille, ceux passés lorsqu’il est allé au Quidditch avec Rhys (lorsqu’il a kidnappé Rhys pour aller au Quidditch, plutôt). Pas envie de parler de sa tristesse, de son angoisse, de son (ancien, actuel, il n’en sait rien) meilleur ami auquel il a véritablement parlé pour la première fois en presque un an et demi. Pas ici, pas maintenant. Tout comme ce n’est pas ici, pas maintenant, qu’il lui dira ce qu’il a fait, et quel sort attend Roy Flint.

Il passe sa main dans ses cheveux, sur le col fripé de sa chemise, puis prend le journal des mains de la sorcière pour le replier et l’amener avec lui. « Thank you for the info, qu’il commente. I’m sure she takes it from my side », déclare finalement le Black Hand, dans un signe de salutation bref, pour ne pas attirer davantage l’attention (ce qui est toujours un défi, à sa taille et avec ses goûts vestimentaires). Dans un sourire, aussi, qui s’éternise sur ses lèvres alors que l’ascenseur le mène jusqu’à son niveau, les couloirs à son bureau, et qu’une fois assis dans son siège, il se permet d’expirer depuis le fond de son âme.

Il espère bien que cette sheer boldness typique de Seonag Maxwell, il en a un peu. Juste un peu.