PIANCA ⊹ THE BELL JAR.

salamanca meideiros

Hounds and hearthstones, girl, haven't you ever heard a story about Koschei? He's only got the one. Act one, Scene one: pretty girl. Act one, Scene two: pretty girl gone!

Il lui a donné rendez-vous le soir-même, en espérant qu'elle n'aurait pas la mauvaise idée d'aller contre ses indications et de dire à Ivan que son parrain l'avait invitée à dîner. L'invitation a pris la forme d'un joli bouquet de fleurs au prix outrageux, et d'une note signée de sa main, envoyée à la galeria de son oncle. Piotr ne fait rien à moitié: il a réservé une bonne table dans un grand restaurant français (pour quelqu'un de simple comme Piotr, le bon goût ne peut être que français) dans le Londres moldu, où il a été accueilli par un maître d'hôtel aux rouflaquettes si abondantes qu'elles l'ont fait rire bruyamment. Il ne doute pas une seule seconde que le fait que le chef soit sorti de cuisine pour venir lui aussi lui souhaiter la bienvenue ne soit pas étranger au fait qu'à sa réservation, Piotr a aussi commandé leur meilleure bouteille de vin pour un prix exorbitant. Piotr aime beaucoup quand on fait semblant de l'aimer.
Il est arrivé en avance et mâche une cigarette d'un air consterné en lisant les nouvelles d'un journal financier moldu, prenant parfois des notes avec un crayon et un carnet étalé sur la table.

Il pensait qu'elle ne viendrait pas et quand Salamanca est amenée à sa table, il saute sur ses pieds en ouvrant les bras et souriant d'un air ravi. "Ah, la voilà!" Il consulte son énorme Rolex dans un geste exaggéré. "Et à l'heure, en plus!" Piotr écrase sa cigarette à moitié consumée dans le cendrier avant de contourner la table pour accueillir Salamanca comme il se doit: il lui prend la main et y dépose un baiser sonore et humide avant de s'éloigner un peu, sans lâcher sa main, pour l'observer de la tête aux pieds d'un regard scrutateur. "Tu es très belle," ronronne-t-il en la relâchant, pour mieux attraper sa chaise et la tirer, afin de l'inviter à s'asseoir. "Tu as bien fait de venir, je crois qu'il était temps qu'on se parle enfin, tous les deux, seul à seule." Il retourne à sa chaise une fois Salamanca installée et la regarde un instant, ses grands yeux clairs l'admirant sans gêne. Il se détend ensuite, se laisse aller contre le dossier de sa chaise. "Ivan a bon goût, mais il est trop possessif. Et puis tu es une sage fille et il a raison de te faire confiance, n'est-ce pas?"

Le ton de Fausto, lorsqu’il lui a annoncé qu’elle avait reçu quelque chose (en plein milieu de sa journée de travail) n’était pas franchement enthousiaste, bien qu’un peu admiratif. Le bouquet avait un petit quelque chose de grandiose, il faut bien l’avouer, et Salamanca l’a admiré de longues secondes avant de se décider à ouvrir la carte qui l’accompagnait. Le sourire s’est figé, imperceptiblement, alors qu’elle s’excusait platement à son gérant pour faire disparaître les fleurs dans l’arrière-boutique – jusqu’à ce qu’il détermine sur un ton agacé que ça pouvait bien décorer la galerie jusqu’à ce qu’elle quitte, le soir même. Impossible de prétendre qu’elle n’avait pas vu venir cette invitation. Peut-être pas de façon consciente – mais si la manière et le moment étaient inattendus, Salamanca ne peut pas dire qu’elle est surprise.
L’invitation, bien que courtoise, peut difficilement être refusée. Elle commence à avoir une idée du personnage, après plusieurs mois à le côtoyer bien malgré elle, et un refus serait particulièrement mal perçu.

À l'appartement, elle répond aux questions d’Ivan avec une insouciance feinte; elle sort dîner avec une connaissance, dans un restaurant français (elle pense ?) dont elle a oublié le nom. Qu’il ne l’attende pas, surtout. Elle se pare d’une jolie robe de velours indigo, choisit un collier imposant, offert par son meilleur ami quelques années plus tôt, l’embrasse sur la joue avant de quitter pour la soirée.

Dire qu’elle a menti serait faux; Piotr n’est réellement qu’une connaissance, et le restaurant lui est inconnu : elle s’y fait emmener après avoir retrouvé le nom sur l’invitation. Tout juste à l’heure, pour ne pas contrarier le parrain d’Ivan (elle n’est pas prête à parier qu’il ne lui ferait pas subir le même sort qu’à son filleul). « Piotr ! L’exclamation chaleureuse, comme si ce rendez-vous ne sortait pas de nulle part, comme si elle ne se méfiait pas de cette invitation. C’est si agréable de te voir. » Parfaitement courtoise, pour son hôte qui l’accueille comme si elle était la plus précieuse des invitées. Elle le remercie de son compliment d’un sourire gracieux, prenant place sur la chaise qu’il tient pour elle.
Est-ce que ce serait paranoïaque de sa part, de songer que tout cela est très louche ?

« Tu as bien fait de venir, je crois qu'il était temps qu'on se parle enfin, tous les deux, seul à seule. » Elle aurait dû boire avant de partir. « Ivan a bon goût, mais il est trop possessif. Salamanca ne comprend pas vraiment où il veut en venir. Et puis tu es une sage fille et il a raison de te faire confiance, n'est-ce pas? » Piotr Shklyarov ne s’embarrasse pas de conversation inutile, c’est déjà ça. Ce sera peut-être moins douloureux que prévu. « Bien sûr, comme surprise par la question, ses grands yeux étonnés dans ceux inquisiteurs du russe. Ivan est un ami très précieux. » Le plus précieux, par ailleurs. « Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? » Jouer les innocentes n’est peut-être pas un mauvais plan, en attendant de mieux cerner ce que le parrain d’Ivan attend d’elle.

tw: sexisme

Piotr ne se dérange aucunement pour dévorer Salamanca du regard, faisant même exprès d’être particulièrement intense et lourd dans l’espoir de la mettre mal à l’aise - c’est ainsi que la véritable nature des gens, surtout des femmes, se révèle. Rien n’est inconscient, chez Piotr, et encore moins ses comportements douteux et problématiques: il les manie comme des armes, pour mieux dépecer les gens autour de lui et en tirer ce qu’il désire.
Il ne sait pas encore exactement ce qu’il veut de la petite amie du petit tsar. Il sait simplement qu’il aime bien la regarder, et qu’il est aussi important de garder un oeil (et une main) sur elle puisqu’Ivan semble tant l’aimer.

« Bien sûr. » Le grand sourire de Piotr le répond tout d’abord, s’étirant sur son visage comme une grimace comique digne de la plus grande troupe théâtrale du pays. « Ivan est un ami très précieux. » Ah, les émois adolescents et leur manque de définition précise. Piotr n’est pas tellement dupe à cette histoire d’amitié améliorée, parce qu’il sait très bien qu’hommes et femmes peuvent difficilement simplement rester amis sans que les sentiments s’y mêlent; c’est, après tout, le propre des femmes de faire des montagnes à partir de rien… sauf quand elles sont sa femme, mais ce genre de bijou est aussi rare que terriblement gênant. « Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? » Le sourire de Piotr devient légèrement conciliant; il se demande si son manque de vivacité d’esprit est la raison pour laquelle Ivan préfère la cantonner à un rôle d’arrière-plan pour le moment. “Est-ce que quelque chose doit s’être passé pour que je désire mieux apprendre à connaître l’amie précieuse de mon cher filleul?” minaude-t-il en arquant les sourcils. “Je veux simplement mieux apprendre à te connaître Salamanca, loin du regard d’Ivan. Il est trop possessif,” répète-t-il d’un ton désapprobateur. “Il ne comprendrait pas. Mais, crois-moi, je n’ai que les meilleures intentions pour lui et toi.”

Le mensonge est, comme toujours, signé d’un sourire étincelant alors que Piotr se tourne tout entier vers le serveur qui s’approche d’eux. “Nous prendrons deux menus du jour, avec la bouteille que j’ai commandé plus tôt,” dit-il simplement, sans demander à Salamanca et sans attraper le menu tendu par les mains gantées sur serveur qui, surpris, cligne des yeux avant de les laisser. Les yeux acier de Piotr reviennent sur elle, la dévisagent. “C’est ainsi que tu le considères, alors? Comme un… ami? C’est étonnant, à vous voir, je vous aurai cru en passe de vous marier.” Il rit un peu, comme si cette idée était parfaitement saugrenue. “Sans doute que c’est pour le mieux. Vos vies sont très différentes et ce ne serait pas facile pour toi. Nous vivons dans un monde violent et sans pitié où les petites filles comme toi n’ont pas leur place.” Son ton est plutôt factuel, toujours amusé à l’idée d’imaginer Salamanca en robe de mariée et Ivan en costard trois-pièces. Il se redresse sur sa chaise, jetant un coup d’oeil à leur commande qui tarde - ah, ce n’est pas la même sauce que les restaurants sorciers friands des accio et autres sortilèges de réchauffe efficaces… “Parle-moi de toi.” Ses yeux reviennent sur elle, la sondent en attendant sa réponse.

Le regard de Piotr pourrait être dérangeant, si Salamanca n’était pas habituée à ce qu’on la dévisage de la sorte – et si elle ne se méfiait pas déjà du parrain d’Ivan, qu’elle n’a jamais eu l’occasion de voir sous un très bon jour. Pas qu’elle n’ait pas un certain respect pour l’homme qui tente tant bien que mal de mettre Ivan sur le « droit » chemin, mais le simple fait que ce soit Ivan suffit à le mettre sur la liste des gens à surveiller. Et puis ses méthodes laissent franchement à désirer, bien qu’il n’y ait pas forcément de bonne méthode quand on a affaire au plus jeune des Lebedev. « Est-ce que quelque chose doit s’être passé pour que je désire mieux apprendre à connaître l’amie précieuse de mon cher filleul? Elle opine du chef négativement, un sourire gêné sur les lèvres. Je veux simplement mieux apprendre à te connaître Salamanca, loin du regard d’Ivan. Il est trop possessif. C’est donc ça qu’il voulait dire. Quelle idiote, elle aurait dû comprendre. Il ne comprendrait pas. Mais, crois-moi, je n’ai que les meilleures intentions pour lui et toi. – Bien sûr. » Le ton est presque trop sincère, et le sourire lui fait presque mal aux joues, tandis qu’elle réprime une envie incroyable de rouler des yeux. Évidemment, elle ne sait rien des intentions de Piotr envers Ivan ni envers elle-même; elles pourraient être tout à fait louables. Mais ça reste à prouver.

Elle reste poliment silencieuse lorsque le parrain de son meilleur ami commande pour elle (elle espère au moins que ce sera bon), et baisse les yeux sur la nappe un bref moment à sa remarque sur leur relation. Ça lui laisse franchement un goût amer dans la bouche, et Sal regrette de ne pas avoir déjà un verre de vin pour s’y noyer. Peu importe ce qu’il lit sur son visage dans cet instant fugace (déception ou jalousie), c’est honnête, et elle s’en fustige presque. « J’ai du mal à imaginer Ivan marié, glisse-t-elle d’un ton enjoué, maudissant mentalement ce foutu serveur qui prend son temps à revenir avec la bouteille, sans se départir de son sourire. Mais tu as raison, évidemment. Ce serait beaucoup trop pour moi. » Elle balaie l’idée d’un geste de la main, comme de la trouver trop accablante pour ne serait-ce qui s’y attarder (ce qui est accablant, c’est bien de devoir réprimer l’envie de répliquer). « De moi… ? » L’air pensif, véritable, de ne pas vraiment savoir quelle information donner. À la recherche de ce qui est le plus ennuyeux chez elle, le plus insignifiant. « Désolée, je ne sais pas vraiment quoi dire, s’excuse-t-elle dans un rire embarrassé (elle n’est pas désolée). Je travaille dans une galerie d’art – mais tu savais déjà, bien sûr. Les portraits magiques sont fascinants, tu ne trouves pas ? » Elle hésite, laisse planer un « eumm » gêné alors qu’elle cherche vraisemblablement une autre platitude à lui déballer pour lui faire perdre son temps. Le silence s’étire, et s’étire jusqu’à ce qu’elle sente poindre l’impatience. « C’est que tout est tellement inintéressant. Je suis sûre que tu sais déjà tout ce qu'il y a à savoir. » Qui elle est, d'où elle vient, quelle relation unit leurs deux familles. Les informations sont faciles à trouver, pour qui veut vraiment les obtenir. Le business de Nicodemo n'est pas un secret, pas plus que la relation d'affaires avec les Lebedev. Mais il se trompe s'il pense qu'elle va avouer quoi que ce soit. « J'aime beaucoup la gastronomie française ! L'exclamation comme d'y avoir tout juste pensé, à la fois une réponse à sa question et un remerciement pour l'invitation. Ça me rappelle Beauxbâtons. » Allez, une petite information inutile de plus. C'est cadeau.

« De moi… ? » Les coudes de Piotr se posent sur les accoudoirs de la chaise, ses mains se joignent devant son visage, dont le menton se repose sur ses doigts entremêlés, et il hoche la tête, un sourire aux lèvres. « Désolée, je ne sais pas vraiment quoi dire. » Le sourire se crispe en même temps que les sourcils se froncent, pris de court et très légèrement agacés. « Je travaille dans une galerie d’art – mais tu savais déjà, bien sûr. Les portraits magiques sont fascinants, tu ne trouves pas ? - J'imagine." Il n'a pas l'air d'imaginer grand chose, fronçant d'autant plus les sourcils en se redressant sur sa chaise, faisant retomber ses mains - déçu, du manque d'intérêt de la pathétique jeune fille qu'il a face à lui, déçu aussi qu'elle le prenne pour le dernier des idiots.

Un silence s'étire, hésitant, et Piotr sent monter en lui une impatience peu commune et qui ne lui ressemble pas, mais il ne dit rien, laissant les secondes filer avec une lenteur agonisante. « C’est que tout est tellement inintéressant. Je suis sûre que tu sais déjà tout ce qu'il y a à savoir. » Oui, il en sait beaucoup d'elle, et elle vient de lui apprendre encore plus avec ses petites hésitations et ses informations inutiles. « J'aime beaucoup la gastronomie française ! » s'exclame-t-elle avant qu'il n'ait le temps de répondre. « Ça me rappelle Beauxbâtons. - Tant mieux, j'ai bien choisi le restaurant alors." Piotr lui sourit largement, et accueille le serveur qui revient avec leur nourriture avec un autre sourire - plus il sourit, plus ses yeux deviennent froids, deux gemmes sans vie où se reflètent un agacement grandissant.

"Je m'attendais à quelque chose de plus intéressant, je suis déçu," admet-il en commençant à tapisser généreusement un morceau de pain de foie gras. "Tu as eu une vie palpitante, pourtant. Je me demande juste pourquoi tout s'est arrêté, à vrai dire, et ce que tu fais ici. Ivan t'adore, non, il t'aime, le bougre." Piotr croque avec appétit dans la tranche de pain et hume de plaisir en laissant le goût exquis du foie gras exploser dans sa bouche, satisfait. C'est vrai qu'on fait rarement meilleur que la gastronomie française... "Mais toi, tu avais ta carrière, sur le ring. Pourquoi l'abandonner?" se demande-t-il à haute voix. "Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu as une idée derrière la tête, et j'ignore encore si elle me plait. Tu comprendras, bien sûr, que je suis protecteur avec mon filleul et son père, qui est comme un frère pour moi." Il lui adresse un sourire encourageant, espérant l'inciter à arrêter de le prendre pour un gros con.

Pour quelqu’un qu’on a envoyé fouiner dans les affaires du Syndicat, job dangereux s’il en est un, Salamanca n’a pas un sens de la survie particulièrement développé. Elle est jeune, il faut dire – et les jeunes ont tendance à se penser invincibles. Intouchables. Et si elle sait pertinemment que de provoquer la colère de Piotr est une mauvaise idée, elle ne peut pas s’en empêcher. Une vengeance, en quelque sorte, pour Ivan, parce que Sal, peu importe ce que le jeune homme peut bien faire, prendra toujours son parti. Elle n’est jamais vraiment certaine que l’homme n’ait que de bonnes intentions pour celui qu’il prétend protéger. Et puis, elle n’a pas besoin de plus qu’un vague dédain de l’homme d’affaires pour lui rendre les choses difficiles. La jeune femme sait certainement se montrer capricieuse, et puérile, et vengeresse.

« Je m'attendais à quelque chose de plus intéressant, je suis déçu. » Être jolie, bête et inintéressante doit être le truc le plus vieux du monde – et le pire, c’est que ça ne faillit jamais. Il s’en faut de peu pour qu’elle n’affiche un sourire suffisant, et décide plutôt de baisser le regard vers son assiette, dans un silence qui se veut penaud. Piotr a raison, bien évidemment – sur tous les fronts. Ivan l’aime, elle le sait. Elle l’aime aussi, plus que tout, ce dont le parrain de son meilleur ami semble douter. Aurait-elle accepté d’arrêter complètement la boxe si Ivan le lui avait demandé ? S’il le lui a suggéré par le passé, de questions légères qui suffisaient plutôt à lui signifier qu’elle lui manquait, ce n’était rien de vraiment sérieux. Mais la question tombe sous le sens. Il est vrai que pour qui n’est pas dans le secret, et pour quelqu’un comme Piotr, l’abandon de sa carrière paraît injustifié, et surtout particulièrement suspicieux. Elle pourrait clarifier la situation, bien entendu, mais l’aveu ne lui semble pas mérité.

La jeune femme opte pour un hochement d’épaules nonchalant : « Je me suis lassée, explique-t-elle brièvement, une moue ennuyée sur ses lèvres rouges, derrière laquelle elle dissimule l’irritation que les accusations de Piotr font planer au-dessus de sa tête, sans même qu’il s’en cache. Je voulais passer à autre chose et Ivan m’avait déjà offert plusieurs fois de le rejoindre. C’était l’occasion parfaite. » L’occasion rêvée d’enfin être à ses côtés, tous les jours – le boulot offert par Nicodemo n’est en réalité qu’une excuse de plus, pour elle. Que quelque chose pour l’occuper, pour rendre service à son oncle. Salamanca n’est pas là pour récupérer la couronne de qui que ce soit; son unique fonction est de voir qui serait susceptible de la laisser tomber, avec un peu d’encouragement. Mais surtout, elle est là pour Ivan. Sans lui, tout ça n’a aucun intérêt. « Nastasya et ma mère sont très proches – nos familles le sont aussi. Elle porte la coupe de vin à ses lèvres, le geste délicat et élégant. Mesuré. Je les considère comme ma famille. » En plus de la relation d’amitié qui lie les deux familles, il y a une relation d’affaires très profitable, et jamais Salamanca ne ferait quoi que ce soit pour la mettre en danger. « Je ne ferais jamais quoi que ce soit qui puisse nuire à Ivan, ajoute-t-elle en soutenant le regard de Piotr. » Les soupçons et les doutes tus, alors qu’elle daigne enfin lui offrir un peu d’honnêteté.

tw: sexisme

« Je me suis lassée. » Ah, rien que ça. La fortitude n'est donc pas son fort - et pourtant, n'en aurait-elle pas besoin en compagnie d'Ivan? Les lèvres de Piotr se pincent en une fine ligne désapprobatrice, mais il la laisse continuer. « Je voulais passer à autre chose et Ivan m’avait déjà offert plusieurs fois de le rejoindre. C’était l’occasion parfaite. » Les yeux clairs de Piotr l'étudient silencieusement, essayant de voir à travers l'image de jeune fille parfaite et malléable que Salamanca lui présente. Une part de lui aimerait croire qu'elle n'est que ça et rien d'autre, une énième potiche ayant trouvé le bras d'Ivan pour ne plus le lâcher, telle une sangsue bien décidée à récupérer la moindre goutte de sang - mais c'est justement parce qu'Ivan ne l'a pas repoussée après toutes ces années qu'il a du mal à y croire. Même son cher filleul a une patience limitée et se lasse vite - alors pourquoi serait-il revenu, encore et encore, pour une énième amante sans consistance?

Ses explications manquent de saveur et de consistance. « Nastasya et ma mère sont très proches – nos familles le sont aussi. Je les considère comme ma famille. » Elle est encore jeune - elle apprendra bien vite que la famille n'a aucune valeur dans ce bas-monde. Piotr apporte son verre de vin blanc à ses lèvres, hoche la tête avec un air compréhensif. Pour une fois, il aimerait s'inventer Legilimens et pouvoir récupérer les pensées profondes de Salamanca depuis son crâne. Mais il est un homme patient, il a vite appris que c'était la meilleure manière d'apprendre et conserver les informations les plus utiles de la part de ses ennemis, et de ses alliés aussi. « Je ne ferais jamais quoi que ce soit qui puisse nuire à Ivan. - C'est le plus important," déclare-t-il d'un air vaguement satisfait. Il continue de nettoyer son assiette, faisant attention à la finir correctement: Piotr connait intimement la faim, et il n'aime pas le gâchis.

Il hèle le serveur quand il a fini et que Salamanca a l'air prête à être débarassée, et essuie bruyamment sa bouche sur sa serviette en coton. "Ton oncle, aussi, il m'intéresse. J'espérais que tu puisses nous introduire." Il connait l'homme de loin, par la force des choses, mais aimerait en apprendre plus sur lui aussi - du moins plus que ce qu'il a pu récolter en engageant l'équipe de détectives qui lui a aussi apporté les informations qu'il sait de Salamanca. "Vous avez de très belles pièces à la galeria. Aimes-tu y travailler?" Il a du mal à imaginer une ancienne boxeuse trouver un quelconque intérêt à une galerie d'art, mais qu'importe. Salamanca garde ses surprises profondément enfoncées au fond d'elle, mais Piotr sait qu'il finira par le déterrer - même si il ne doit creuser qu'un millimètre par ici, un millimètre par là.

Nicodemo l’a envoyée à Londres parce qu’elle est intelligente, parce qu’elle est perspicace et qu’elle arrive normalement très bien à lire les autres (même sans Légilimencie). Mais devant Piotr, elle ne se sent ni intelligente, ni perspicace. Oh, elle n’a pas forcément peur de l’homme qui se tient devant elle, même si elle le devrait. Elle est plutôt frustrée. L’impression de faire face à un mur. Le visage de Piotr Shklyarov est un livre ouvert dans une langue inconnue, qu’elle est incapable de déchiffrer. Aucun marqueur pour lui signifier quelles remarques font mouches, quelles remarques tombent à plat (si seulement l’une d’elle a réussi à lui attirer un peu de faveur, ce dont elle doute). Elle a l’impression de piétiner sur place, elle qui ne souhaite pas céder un seul pouce de terrain. Son interlocuteur n’aura droit qu’à des mensonges, décide-t-elle. Des demi-vérités, sans substance et sans conséquence.

« Ton oncle, aussi, il m'intéresse. J'espérais que tu puisses nous introduire. – Oh, je pensais que le père d’Ivan l’aurait déjà fait, s’étonne-t-elle, avant de lui offrir un sourire aimable. Je suis certaine que ça peut s’arranger. Je lui en glisserai un mot. » Salamanca regrette d’avoir accepté l’invitation aux conditions du parrain d’Ivan. Elle aurait dû le prévenir, c’est une évidence, mais elle croyait bêtement pouvoir lui faire face, pouvoir avoir le dessus. Elle n’en est plus si sûre.

Si seulement il y avait un moyen de gagner l’avantage…

« Bien sûr ! J’aime les jolies choses. » Une évidence, à la regarder. La perfection affectée, de la robe sombre au collier scintillant. Elle ne parle pas de l’intersection entre l’art religieux moldu et magique, de la fascination éprouvée à l’égard des portraits magiques – c’est normal, chez les sorciers. « Même si l’art religieux est parfois... fade, convient-elle d’une moue faussement ennuyée. »

Le geste est presque naturel, pour qui ne la connaît pas. Les doigts entortillent une mèche de cheveux, alors que son esprit forme les mots – s’ouvre, se tend vers celui de Piotr Shklyarov… et frappe un mur.

Elle ne s’attendait pas à ça.
Pourquoi ne s’attendait-elle pas à ça ?

La surprise est bien trop visible sur ses traits, l’espace de quelques secondes. C’est déjà trop. Elle tente de la cacher derrière un calme qu’elle est loin de ressentir, feint une toux légère, prend une gorgée de vin rouge comme si ça vie en dépendait. Piotr est Occlumens. Et elle, trop jeune, trop insouciante, trop impatiente, elle qui s’appliquait tant à se faire paraître bête vient de prouver à quel point elle l’est réellement.

Quelle idiote.

tw: objectification

« Oh, je pensais que le père d’Ivan l’aurait déjà fait. Je suis certaine que ça peut s’arranger. Je lui en glisserai un mot. » Piotr sourit. Il a pour l'art de manière générale un attrait complètement factice: ce qui l'intéresse, dans une pièce, c'est sa valeur actuelle et sa valeur future. Si ses conseillers lui disent d'acheter ceci ou cela, il le fait sans réfléchir et revend sans hésiter quand l'occasion se présente. Les jolies choses ne durent jamais, seul le fric a de la valeur dans son monde, et le bling évidemment. Si Ivan (senior) lui a présenté l'oncle de Sal, il a tout bonnement oublié par désintérêt profond. Il a une mémoire très sélective...

Quand il lui demande si elle se plaît dans la galerie, la réponse de Salamanca est inéquivoque: « Bien sûr ! J’aime les jolies choses. » Piotr sourit - lui aussi, et ce qu'il a sous les yeux en fait partie. « Même si l’art religieux est parfois... fade. » Arquement de sourcils. Piotr a depuis longtemps abandonné toute foi en Dieu mais qu'importe, on ne manquera jamais de voir une croix autour de son cou et vingt portraits du Christ dans ses multiples résidences: il faut, après tout, donner le change lorsque l'on a des liens aussi serrés avec la Bratva. Il ouvre la bouche pour répondre quelque chose, mais s'arrête quand il sent l'intrusion.

Les murs sont toujours, toujours érigés - quitte à être épuisé le soir, quitte à manquer de chavirer pendant la journée, quitte à ne plus s'autoriser à ressentir quoique ce soit. Mais, par trop de fois, Piotr a été pris par surprise par une attaque inattendue et il a vite appris que cette fatigue était plus désirable que la moindre faiblesse.

L'attaque, timide et maladroite, est repoussée sans mal. Pendant un instant, Piotr se demande si elle vient d'ailleurs et ses yeux acier balayent la pièce tandis que sa mâchoire se referme dans un claquement sourd. Mais personne ne fait attention à eux, et l'expression quasi-honteuse sur le visage de Salamanca la trahit.

Les yeux clairs de Piotr se plissent et ses traits retombent, composant sur son visage une expression impassible semblant taillée dans le marbre. "Ce n'est pas très poli." Et même carrément agaçant - c'est son calme, plus que tout, qui trahit son léger énervement. Comment a-t-il pu être con au point de penser qu'il avait une simple potiche?

Le serveur vient lui servir du vin et Piotr se remet en marche lentement, comme un automate qu'on vient de brancher de nouveau. Les coins de ses lèvres se rehaussant, ses épaules se détendent et il change son appui sur le dossier de sa chaise - l'image même de l'aise et de la décontraction. Mais ses yeux, eux, restent fixés sur Salamanca comme deux éclats de glace. "Que pensais-tu trouver dans mon esprit, chérie?" demande-t-il posément, d'un ton léger qui ne dupe personne. "Et croyais-tu vraiment que je te laisserais faire?"

C’était une grossière erreur, que de sous-estimer Piotr Shklyarov. Elle n’a pourtant pas pour habitude d’être si sotte, de se croire si au-dessus de tout. Elle n’a pas un bête moldu devant les yeux, après tout, et elle ferait mieux de ne plus l’oublier. Évidemment, il en a vu d’autres – son petit manège ne la protège de rien du tout, et lorsque le regard glacial se pose sur elle, Salamanca sait qu’il ne lui sert à rien de nier. « Ce n’est pas très poli. » Elle hausse légèrement les épaules, l’air négligent. Il n’a certainement aucune leçon à lui donner en terme de politesse. Ce que Sal regrette, ce n’est pas de l’avoir tenté, mais plutôt d’avoir été prise la main dans le sac.

Ses yeux verts ne quittent plus son interlocuteur, désormais. Elle examine le masque se replacer, l’expression redevenir lisse, puis aimable. Elle n’est pas étrangère à ce petit jeu, mais doit s’avouer impressionnée par l’aisance avec laquelle Piotr se dissimule. Elle avait raison de se méfier de lui, et ne refera pas l’erreur de le prendre pour un simple personnage, brut et grossier (quoi qu’il le soit, également).
Salamanca croise les jambes, sous la robe de velours ample, et se cale un peu plus profondément dans son siège. Elle n’a pas l’impression d’être en danger, mais après tout, s’il décidait de lui faire du mal, le verrait-elle venir ? Rien n’est moins sûr. « Que pensais-tu trouver dans mon esprit, chérie? C’est une bonne question, ça. Y avait-elle véritablement songé ? Et croyais-tu vraiment que je te laisserais faire? » La tête s’incline légèrement vers la droite, alors qu’elle considère la marche à suivre. Dire la vérité, ou mentir ? Ni l’un ni l’autre ne plaira à Piotr, de toute évidence.

Sa main se referme autour du pied délicat de sa coupe, d’un mouvement léger fait tournoyer le vin à la robe sombre au fond de son verre. De l’attitude du parrain d’Ivan jusqu’à ses actions, rien ne lui inspire confiance. Il n’y a pas de bienveillance chez Piotr et ses intentions par rapport à son filleul – et elle, comme il l’a si gentiment mentionné – sont loin d’être claires. « Quelque chose de vrai. » Il prétend vouloir protéger Ivan; elle doute franchement de son honnêteté. Tout est faux, lui semble-t-il. Le sourire, l’intérêt qu’il lui porte, la raison de leur rencontre. « Tu n’as pas été très honnête avec moi… ni avec Ivan, souligne-t-elle d’un ton faussement déçu. Et que dire de sa courtoisie ! Vraiment, un tel manque de manières… Je me demandais pourquoi. » C’est que c’est donnant-donnant, ce genre de petites histoires. Pourquoi lui dévoilerait-elle quoi que ce soit, sans savoir de quelle façon il choisira de s’en servir ?

Et puis elle n’aime pas son attitude, et c’est bien suffisant pour se montrer difficile.

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