Elle a craqué. Trop de stress, trop de fatigue accumulée par les cauchemars qui la réveillent en sursaut. Ce soir, elle a décidé d’oublier les responsabilités liées à ce cinquième cercle qu’on a rajouté à son tatouage invisible, oublier les incertitudes qui la rongent vis-à-vis de Tommy, oublier que son monde ne veut pas d’elle, en tout cas pas libre ni en pleine possession de sa baguette. Après quelques échanges de lettres avec l’ancienne directrice de sa maison à Hogwarts, Mira a fini par trouver un sort d’illusion suffisamment efficace pour dissimuler pour quelques temps ses branchies et la bulle d’eau autour de son cou. Bon, ça lui demande une sacré dose de magie donc elle sait qu’elle ne va pas en abuser tous les jours, mais elle a juste besoin de laisser tout ça de côté pour quelques heures, et d’aller s’amuser. Et vu que Tommy n’est pas disponible ce soir -non, ça ne lui a pas pincé le cœur de recevoir le message désolé de son meilleur ami, pas du tout, elle ne voit pas de quoi vous voulez parler- elle envoie un autre message qui reçoit cette fois-ci une réponse positive.

Point de transplanage, mais un permis moto dans la poche -passé du temps de ses études à Hogwarts, même si ça n’avait rien à voir avec le bonheur de pouvoir voler dans les airs sur un balai- elle fait vrombir le moteur en arrivant dans le secteur de la planque où crèche Alvaro en ce moment. Pas moyen de le siffler pour qu’il rapplique, pas possible non plus d’appeler, vu qu’elle est incapable de produire ou un souffle normal, ou un son par ses cordes vocales : le moteur vrombit de nouveau tandis qu’elle résiste à l’envie de klaxonner comme une malpropre. Enfin, Flores montre le bout de son nez, et Mira doit descendre de sa bécane pour se rapprocher et signer de façon visible un : « Salut ! Bon, t’es prêt ? » Le but est quand même d’arriver pas trop tard dans ce bar dansant côté moldu où les groupes se succèdent pendant toute la première partie de soirée et reprennent les derniers hits qui passent à la Radio. S’ils y arrivent un peu tard, ils auront une chance de se fondre dans la masse. De toute façon, il s’agit aussi de ne pas être là-bas trop longtemps, des fois que la trace les surprenne. Ils rentreront d’ici une heure, histoire d’être raisonnables quand même.
Une fois qu’il la rejoint, elle lui tend l’autre casque, enjambe la moto et attend qu’il soit installé pour repartir à toute allure.


Ils rentrent par des chemins détournés, feux éteints, tandis que la bulle translucide autour du cou de Mira est réapparue et luit sous les rayons de la lune. Ses cheveux, dénoués, sont humides tant de la sueur d’avoir autant dansé, que de l’eau autour de sa gorge, et le casque lui tient sacrément chaud. Une fois qu’elle coupe les gaz, elle peut enfin enlever l’étuve et secouer ses cheveux en arrière comme pour s’aérer le crâne et se rafraîchir la nuque, en lui faisant face, histoire de ne pas lui mettre sous le nez cette foutue cicatrice suffisamment traumatique pour une personne. Elle sourit enfin et, le casque sous le bras droit, elle signe enfin quelques mots, en étant un peu moins certaine dans le mouvement de ses doigts, un peu engourdie d’avoir tant serré le guidon de sa moto. Néanmoins, le contenu reste à peu près clair, sous la lumière des rayons de lune -premier décan pour le moment. « Merci pour la soirée, j’en avais besoin. T’as toujours des sacrés moves. Faudra m'apprendre, un jour. » Une heure à ne plus penser à l’horreur du monde qui les rejetait et les réduisait en esclavage. « Ça a l’air de— Tu en avais besoin, non ?» Elle regarde l’heure à sa montre, les aiguilles qui reflètent la lumière céleste, et reconnaît : « Je peux rester encore un peu, si tu veux papoter… » Parce qu’ils n’avaient pas du tout parlé, ni du trajet -difficile de signer en conduisant- ni une fois dans le bar -le bruit était trop fort et les corps trop rapprochés pour avoir la place de se voir facilement. Ils avaient dansé. Ça avait fait du bien à Mira, de se trémousser sur le son des chansons populaires du moment. Bien sûr, à chaque fois, elle avait la frustration de ne pouvoir hurler à pleins poumons les refrains qu’elle connaissait par cœur, mais elle s’y faisait, lentement et sûrement.
De toute façon, elle n’avait pas vraiment grand chose à faire d’autre, à moins de tuer Marlon Travers, mais pour le moment, elle était loin d’arriver à un plan viable pour parvenir à pareil but. Et elle n’était pas sûre d’avoir les réflexes nécessaires pour affronter un type pareil : elle se souvenait encore, comme gravé dans sa mémoire, de la première fois où elle l’avait vu, et où il avait tué froidement un des traqueurs qui l’avait livrée sur le perron de son manoir. Brr, glaçant. Bref, même si elle avait la rage, elle doutait d’avoir les capacités pour se jeter dans une action pareille avec un petit espoir de réussite. Mais elle ne lâchait pas l’idée : un jour viendrait où elle remplirait toutes les conditions. D’ici là, il fallait être patiente -ce qu’elle n’était nullement en général- et elle préférait profiter des occasions pour parler la langue des signes avec un membre de l’Ordre qui était familier : ça lui permettait de mieux se familiariser avec ce langage, parce qu’avec les trois années passées à l’apprendre de façon complètement intermittente, elle avait encore une diction (ou plutôt les mouvements de ses doigts, une digitalisation dirons-nous) d’enfant de cinq ans. Autant dire que c’était pas grandiose, mais qu’Alvaro était un bon professeur, du type patient et sympa.  Ça va, en ce moment, ici ? »

Elle aime bien Alvaro. Il est passionné, pas par les mêmes choses qu’elle certes, mais elle aime bien l’écouter parler, d’autant plus qu’elle ne peut pas vraiment en placer une ou l’interrompre vocalement. Il a de bons réflexes aussi et malgré son jeune âge, elle lui fait quand même confiance pour être efficace en mission. Elle ne sait pas trop ce qui a expliqué qu’elle s’en rapproche, mais ils ont trouvé des terrains d’entente, des moments privilégiés et elle fait en sorte de prendre du temps quand elle en a besoin pour le retrouver, quand Tommy n’est pas disponible.
Si elle y réfléchit bien, elle est sûre que les deux gars s’entendraient bien, s’ils étaient amenés à se croiser. Mais pour le moment, il n’y a qu’elle avec le né-moldu et, parfois, elle a l’impression qu’ils se comprennent sans avoir à en parler, de cette situation étrange, hybride, où nombreux sont les nés-moldus qui viennent à se demander ce qu’aurait été leur vie sans avoir eu de la magie en eux, s’ils avaient continué à tout ignorer de ce monde.

Elle l’observe s’allumer une cigarette, sans ressentir l’envie de s’en griller une. Une bonne chose, parce qu’elle ne pourrait pas de toute façon, vu son incapacité à aspirer quelque filet d’air depuis le déclenchement de cette fichue malédiction. Mais les gestes l’hypnotisent toujours, les mouvements des mains familiers, le briquet qui craque et la flamme qui surgit et embrase le bas de la clope. Ça lui rappelle son père. Sa bulle d’eau vibre autour de sa gorge, tandis qu’elle chasse ce souvenir aussi vite qu’il est venu : ça ne sert à rien de penser à ses parents, et même c’est toujours douloureux, parce que ça lui fait penser à Leonor, et surtout à Ines. Et elle n’aime pas se sentir alourdie par le poids de la culpabilité qui ne s’est jamais envolé, quand elle pense à Ines.
Suivant docilement Alvaro, elle l’accompagne jusqu’au bord du lac qu’il a désigné. Ça doit être bizarre d’être dans une planque itinérante, franchement. Elle-même y était habituée du temps où elle n’était encore que cercle 3, spécialisée dans les opérations de diversion, mais elle doit reconnaître qu’il y a un certain confort -quoiqu’assorti d’un risque renforcé- à avoir une planque fixe, ne serait-ce que si quelqu’un -par hasard, Boom ou Toni- la cherche. Sous les rayons de la lune, elle peut aisément distinguer les signes d’Alvaro et hoche simplement la tête, attendant qu’ils aient trouvé un coin pour s’asseoir pour pouvoir répondre tranquillement.

Elle comprend bien ce que dit son compagnon : les lectures qu’il fait sont très probablement trop sombres pour l’âme lumineuse qu’il abrite, mais elle comprend son besoin d’engranger des connaissances contre le mal qu’ils combattent jour après jour. Mais lorsqu’il parle de lectures plus légères, elle ne peut s’empêcher de sourire, amusée, avant de signer : « Légères du style Oui-Oui ? » Il comprendra qu’elle se doute que c’est quand même plus intellectuel, mais les deux sont conscients de ne pas avoir la même définition de ce qui est une lecture légère (remarque, elle lisait pas mal quand elle était petite, mais les romans moldus lui semblaient trop fades par rapport à ce qu’il s’était vraiment passé dans le monde sorcier aux siècles précédents).

Conversant en silence, ils arrivent ainsi au bord du lac et Mira attend qu’ils s’asseyent pour répondre à Alvaro sans avoir besoin de faire deux choses en même temps -elle surveillait le sol tandis qu’il avançait à reculons, c’est dire, pour lui éviter une chute douloureuse. « Oui, je comprends. C’est difficile pour tout le monde en ce moment. », elle ne mentionne pas les évènements survenus à Sweet River, n’ayant pas spécialement envie de remuer le couteau dans la plaie, et daigne en venir à ce qui l’a tracassée au point d’avoir besoin de tout mettre de côté. « Moi… Je me suis dit que j’avais besoin de sortir. D’oublier, tu sais. De redevenir une moldue sans histoire. » Elle hausse les épaules, avant de reprendre son explication, après s’être passée une main dans les cheveux, au niveau du haut de son crâne : « Je crois que je me mets la pression toute seule. Ils me font confiance, mais je dois pas suffisamment croire en moi, là. » Un sourire gêné, caché à moitié par l’ombre, vu qu’elle tourne le dos à la lune, qui éclaire néanmoins ses mains. « J’ai encore remis une décision à un pile-ou-face, c’est te dire… » Elle se sent ridicule, de douter d’elle comme ça maintenant.
Ce qu’elle refuse de reconnaître, c’est qu’elle a peur. Peur de rater. Peur de ne pas être à la hauteur. « Bon, c’était pour savoir si je m’essayais à la légilimencie… J’avoue, je suis contente que la pièce soit retombée du côté “langue des signes“, ça m’a donné une bonne excuse pour retourner te voir sans trop culpabiliser… »

Entendre Alvaro rire étire un sourire complice sur les lèvres de Mira, qui rit ainsi par procuration sans pouvoir réussir à expulser de l’air de ses poumons probablement flétris avec le temps. Les choses sont simples avec lui, limpides, claires. Elle l’observe, suit avec attention les mouvements de ses doigts, de ses mains, s’interroge parfois sur le sens du mot avant qu’il s’impose à elle, comme une évidence. Un hochement de tête tout simple qu’elle lui adresse pour confirmer ses mots, pour abonder dans son sens, parce qu’elle aussi est plutôt satisfaite du résultat de cette remise au hasard. C’est pour éviter de stresser davantage qu’elle a fini par prendre certains choix non calamiteux aux probabilités les plus simples. Bien sûr, quand il s’agit de décider d’une opération et de sa réalisation, c’est beaucoup plus de la stratégie qu’un banal tirage de dés qui détermine le chemin à suivre. Elle s’engouffre un instant dans des pensées et des doutes vis-à-vis de la magie de l’esprit, ayant elle-même subi certaines intrusions non-consenties dans les méandres de sa psyché, marquée à vif par ces inquisitions, traumatisée et ne voulant plus jamais ressentir ce genre de grincement (totalement imaginé, mais pourtant expérimenté comme si les rouages de son cerveau avaient ripé pendant qu’on triturait dedans).

« T’arrives pas mal à suivre ce soir d’ailleurs, c’est fou les progrès que tu as faits. », signe-t-il et un rosissement pointe sur les joues de la résistante, tandis qu’un joli sourire soulève les commissures de ses lèvres. « Faut croire que j’ai un coach pas trop nul. », raille-t-elle en retour, rapidement et sans vraiment être très appliquée. Elle reporte ses billes vers le ciel étoilé, songeant qu’effectivement, elle a quand même bien rôdé sa pratique du langage des signes, et se demande s’il ne serait pas temps de rendre visite à Tony, à Dagobah, histoire de frimer un peu auprès de son vieil ami. Elle se demande un instant si elle va devoir s’exprimer toute sa vie comme ça, parce que ça limite quand même sacrément les discussions pendant une bataille ou n’importe quelle action impliquant d’utiliser ses mains. Et ça lui manque, de hurler.
L’odeur du tabac vient chatouiller ses narines tandis que la fumée s’envole au dessus de leurs têtes, et elle revient vers Alvaro qui vient de s’allumer une cigarette. Ça, par contre, elle est assez contente que ça ne lui manque pas. Peut-être est-ce d’avoir trop vu Travers fumer qui l’a écœurée à vie de la clope, mais toujours est-il qu’elle ne peut plus, de toute façon, ni crapoter, ni aspirer la fumée pour la souffler en volutes animés. Le sevrage, et surtout l’incapacité à en consommer de nouveau depuis l’apparition de ses branchies, ont fait ce qu’une flemme immense l’avait empêché de parvenir à faire : arrêter.

Pour autant, elle n’est pas en manque, et regarde Alvaro normalement, sans avoir au fond des yeux une lueur qui montrerait qu’elle voudrait bien pouvoir prendre une taffe, juste une. Non, rien de tout ça. Juste le bleu nuit de ses yeux de biche, qui suit une nouvelle fois les mouvements agiles des doigts et qui s’encombre d’une pointe d’humidité et de brillance lorsqu’il termine de signer qu’il croit en elle. Mira, émue, répond instinctivement, non par les mains, mais en se lovant contre lui tout en l’enlaçant. Une légère pression de l’embrassade, puis elle se redresse et essuie brièvement, d’un revers rapide de la main, l’excès d’eau dans ses yeux. Elle déglutit, et puis commente, après avoir haussé les épaules de façon presque désinvolte : « Hm, ma mère dirait que je manque de sommeil, pour être à deux doigts de pleurer comme ça. » Un sourire en coin pour accompagner ces paroles, alors que parler de sa mère, ou de son père, ou de Toni, ou de Leonor, la ramène invariablement à celle de la famille qui n’est plus. « Merci… pour ce que tu as dit. Ça me touche. », ajoute-t-elle avant de s’intéresser à lui, et à ses progrès : « Parlant de progrès, comment ça avance les Runes ? T’as fini tous les livres utiles ? Si besoin je peux voir s’ils en ont dans d’autres planques, hein… »

Elle avait vu les yeux d’Alvaro briller comme les siens et consciente de l’émotion communicative qu’elle avait pu provoquer, Mira se reprit en se redressant, histoire de retrouver une légère contenance. Ils allaient quand même pas chialer tous les deux alors que tout allait bien pour le moment, hein ? Il faudrait qu’elle dorme cette nuit, pour sûr. C’était même indispensable si elle voulait ne pas craquer plus tard, à un moment crucial.

Elle avait donc dévié la discussion, vers la question des runes et de l’apprentissage d’Alvaro. Elle était consciente qu’il allait s’emballer, certainement, mais c’était ce dont elle avait besoin, de voir sa passion, de partager un moment d’échange avec son ami, de s’évader un peu des prises de tête de l’Ordre. Elle n’avait jamais été vraiment passionnée par les Runes elle-même, préférant s’éclater dans les cours de Soins aux Créatures Magiques, en ouvrant des grands yeux émerveillés à chaque fois qu’on leur faisait découvrir une nouvelle créature dont elle croyait qu’elle n’existait que dans les contes et légendes médiévaux. Les Runes, c’était tout un autre monde, il fallait être patient, rigoureux, précis, ce qu’elle n’était absolument. Et, malgré tout, elle était heureuse de voir son ami s’épanouir dans ce domaine si obscur pour elle. Un sourire étira ses lèvres tandis qu’il lui racontait que s’il avait pu, il n’aurait fait que ça. Ça lui ressemblait bien, cette affaire, et elle était heureuse qu’il continue à être aussi volontaire et heureux de ces études. Hochant la tête lorsqu’il mentionna Hermione par son prénom, la née-moldue signa un « Je suis sûre qu’elle sera ravie de t’aider si elle peut. », alors qu’il s’arrêtait un instant. « J’essaierai de me débrouiller pour te l’apporter, si on en a. », promit-elle ensuite, avec un petit sourire.

Ça lui donnerait une raison de revoir Alvaro et ça n’était jamais une mauvaise chose de se dégager un instant de respiration dans ses longues journées de tension. Elle suivait avec attention le mouvement de ses doigts, enregistrait ce qu’il lui racontait avec facilité, fluidité même et vraiment, oui, elle sentait que ces longs moments d’apprentissage pénibles finissaient par porter leurs fruits. Parfois elle fronçait encore les sourcils, pas sûre de ce que voulait dire un signe, mais puisqu’elle comprenait la globalité de la phrase, elle interprétait comme elle pouvait. Tandis qu’il s’enthousiasmait sur l’historicité des runes, un sourire similaire orna sa bouche : elle secoua la tête de gauche à droite, pour signaler qu’elle ne savait pas, non. « Un peu comme le latin ? », hasarda-t-elle, avec un vague souvenir des récits d’étude que lui avait fait ses parents, et des matières que suivaient ses sœurs au collège moldu avant que tout ne s’effondre. « C’est assez fou, de se dire qu’il y a encore des tas de trucs qu’on ne comprend pas… » Songeuse, elle laissa ses mains retomber un instant, tandis que ses yeux montaient vers le ciel où les étoiles scintillaient, parfaitement visibles puisqu’ils étaient éloignés de la pollution lumineuse des lumières de la ville. Et d’enchaîner, alors qu’une interrogation lui venait soudainement : « Tu penses qu’il y a des choses que les Moldus ont découvertes et qu’ils ne pourraient expliquer qu’en connaissant l’existence de notre… du monde magique ? » Une légère hésitation dans la formulation de la fin de sa phrase avait flotté dans les airs, avant qu’elle se reprenne. Pas qu’elle considérait que le monde magique n’était plus le sien, mais plutôt qu’elle considérait qu’ayant grandi dans le monde moldu, elle ne pouvait pas totalement l’omettre dans sa vie. Et puis, après tout, il y avait toujours cette fichue cicatrice qui avait blanchi depuis mais rappelait encore à quiconque la voyait quelle était la nature de sang de Kashmira, même si elle s’en fichait et considérait que ça ne voulait pas dire qu’elle était moins bonne sorcière que d’autres.

Elle l’écoute parler, lui expliquer sa théorie et, régulièrement, elle hoche la tête, acquiesçant à certains points précis. C’est vrai que le monde avait commencé à faire vraiment sens lorsqu’elle avait compris qu’elle avait des pouvoirs magiques et que d’autres personnes en avaient aussi. Bon, elle n’était pas une super-héroïne, il avait fallu se faire également à cette idée un peu plus décevante, mais en étant sorcière, elle avait vu son éducation religieuse un peu être remise en question. Dans un sens, ses parents n’étaient pas particulièrement croyants ni particulièrement pratiquants, et Toni ayant des pouvoirs avait déjà pas mal secoué leurs certitudes, si bien qu’elle n’avait eu qu’à enfoncer la porte un peu plus. Pour autant, leurs sœurs avaient grandi en sachant qu’il existait un monde dont elles ne feraient jamais vraiment partie : c’était plus simple que de leur mentir toute leur jeunesse, sur l’école où ils allaient et ainsi de suite. Elle acquiesce un peu plus fortement lorsqu’il rit qu’il avait été soulagé d’apprendre qu’il était sorcier et pas complètement fou, parce qu’elle partage pleinement cette expérience et ce ressenti. « Je pense qu'on aurait aussi des trucs à apprendre, avec toute cette technologie… », dit-il et elle semble plus songeuse : il y a quand même pas mal de choses un peu inutiles dans la technologie moldue, des choses qu’ils peuvent faire plus rapidement avec la magie (réparer un habit, faire à manger…). Elle se surprend à repenser à sa mère et essaie néanmoins de rester dans le présent. « Ça n’a pas de sens, ils ne comprendraient pas. » Une fois que ses doigts ont signé cette sentence, Mira le dévisage quelques instants. Elle voudrait lui dire que si, bien sûr, que des Moldus, dans le tas, comprendraient… Elle a eu la chance de grandir dans une famille où le secret a été partagé avec les petites -notamment parce qu’il fallait bien expliquer les écarts magiques du temps où Mira ne contrôlait pas encore grand chose. Mais en dehors des Martillo, personne n’a jamais rien su du caractère magique de Toni & Mira, et c’était très bien comme ça.

Parfois, le secret magique pèse à Mira.
Ou plutôt la façon dont les Mangemorts veulent le faire appliquer. Elle a lu récemment que le projet de séparation du monde moldu avance à grands pas, et ça ne la rassure absolument pas. Elle y voit, dans cette démarche de grande envergure, la volonté de forcer les nés-moldus à choisir, et donc immanquablement de les exclure du monde sorcier, où ils seront autrement maltraités.

Ses sombres pensées la plongent dans un immobilisme un peu tendu, tandis que le silence s’installe entre eux, jusqu’à ce qu’Alvaro ne perce cette chappe de plomb, les mouvements qui attirent immédiatement les yeux de Mira. « Tiens, je vais te montrer quelque chose si tu veux bien. » Pas besoin de répondre des grandes phrases : Mira se lève d’un seul mouvement, sans mettre les mains par terre, et lui prend le bras, comme pour lui dire de les guider sur ce terrain potentiellement traître malgré la lumière des astres célestes. Elle a les yeux qui brillent, de cette lueur curieuse qu’il vient d’y allumer.
Elle n’a qu’une hâte : de découvrir ce qu’Alvaro a en tête.